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Xuan
A propos du « Produire français »


La dégradation continue de l’économie française, accélérée depuis la crise de 2008, relance la question des causes de la désindustrialisation.
Je reprends ici le texte de G. Marchais préconisant le « produire français » et les nationalisations. Ce slogan apparemment frappé au coin du bon sens et repris récemment par Montebourg sous une forme davantage édulcorée, avait déjà échoué sous Mitterrand. Il faut rechercher les causes de cet échec dans la nature de la société française et dans ses contradictions de classe.

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« C’est une illusion de croire qu’on peut parvenir à une grande industrie française en la spécialisant à outrance sur un nombre limité de « créneaux ». Comment, par exemple, prétendre à la maîtrise de la fabrication de certains articles textiles ou mécaniques si nous devons importer d’Allemagne fédérale les machines qui permettent de les fabriquer ?
Comment envisager de prendre une place importante dans les échanges internationaux de matériels électroniques si nous sommes asservis à la technologie américaine ? »
[L’espoir au présent – G. Marchais 1980, éditions sociales, page 151 et suivantes]

G. Marchais met sur le même plan l’asservissement à la technologie US imposée par sa situation dominante - due notamment à l’hégémonie financière du dollar - et l’importation de machines allemandes.
Comparativement à la France, la RFA apparaît dans les années 78 – 80 plus forte, mais sans qu'il existe un écart fondamental. Résumé en terme de produit intérieur brut, l'Allemagne «pèse» le 1/3 de la CEE et la France 1/4.
Rapportée à la situation de 1970 (indice 100), la production de l'impérialisme allemand (indice 120) s'est moins développée que pour l'impérialisme français (indice 130).

Pour prendre un exemple sur les machines textiles dont parle G. Marchais, l’industrie du textile synthétique en France utilisait en 1980 simultanément des Rieter allemandes, des textureuses anglaises Scragg (montées cette année-là justement), des ICBT, des onduleurs anglais Emerson, mais aussi du matériel japonais Toray, des appareillages électriques Télémécanique, ou Delle - Alstom, etc.
Aucun secret de fabrication ne protégeait alors ces matériels, que leur documentation détaillée permettait aisément de modifier, d’améliorer, d’y introduire la variation électronique de vitesse naissante, de développer des prototypes pilotés par automates ou bien de les laisser prendre la poussière.

On observe en 2003 que la supériorité de l’Allemagne dans les textiles techniques est essentiellement due à la concentration des entreprises.



Ce que confirme en 2012 le tableau suivant dans le textile et l’habillement :



Prétendre qu’à travers l’utilisation de machines allemandes le textile dépendait de l’Allemagne ou qu’elle aurait entravé la maîtrise du process est une contre-vérité.

La crise de 1980 dans le textile résulta notamment du dumping réalisé par les USA grâce à la diminution de la valeur du dollar, conduisant les industries textiles européennes à des réductions d’effectifs drastiques :
Rhône Poulenc Textile passe de 8000 à moins de 4000
Le groupe britannique I.c.i. licencie 4000 sur 9500
Montefibre en Italie perd un milliard par an
Le hollandais Akzo et l’allemand Hoescht plongent

Mais résumer les difficultés de l’économie française à la domination US ce serait dissimuler le rôle du capitalisme et de l’impérialisme dans notre pays.
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Délocalisations et impérialisme


G. Marchais écrivait : « Ce que je propose ne veut pas dire que la France doive produire sur son territoire national tout ce dont les Français et notre économie ont besoin. Mais aujourd’hui, du fait de nos assujettissements à l’étranger, toute relance du marché intérieur tend à provoquer un afflux d’importation de biens de consommation et surtout de biens d’équipement. C’est inacceptable. Il faut donc renforcer les capacités de production dans les secteurs où nous sommes le plus vulnérables pour pouvoir diminuer les importations. Mais, au-delà de ces préoccupations tenant à la dépendance de la France à l’égard de l’étranger, le développement des capacités de production française répond avant tout à la nécessité de satisfaire les besoins de notre population et de notre pays.» [id.]

L’accord de l’OMC sur les textiles et vêtements du 1er janvier 1995 à 2004 supprimant les contingents commerciaux allait précipiter la course aux délocalisations en Asie.
Entre 2003 et 2005, 17 % des entreprises de l’habillement et du cuir de plus de dix salariés et près de 15 % des entreprises du secteur textile ont délocalisé en partie leur activité vers des pays à coûts salariaux plus faibles (Pliquet, Riedinger, 2008). [CAIRN info]
La délocalisation de la production dans des pays du tiers monde eut pour corollaire la nécessité de réduire la production domestique à des produits spécifiques, « en la spécialisant à outrance sur un nombre limité de « créneaux » » , pour reprendre les termes de G. Marchais.
Par exemple la fabrication de « spécialités » textiles en brins fins de 50dtex, en abandonnant la « grosse cavalerie » dite moins rentable.
Ceci n’était pas un choix délibéré des capitalistes mais une nécessité découlant de l’élargissement de la concurrence aux pays du Tiers Monde, afin d’augmenter les profits.
Par la même occasion les capitalistes étendent la concurrence salariale entre les ouvriers à l’échelle de la planète, et adaptent l’armée de réserve des chômeurs à cette même échelle.

Certains économistes bourgeois jouant sur la corde du chauvinisme ont présenté cette situation comme une guerre économique des pays émergents notamment la Chine, dirigée contre notre industrie nationale . En fait c’est l’inverse : les bas salaires de ces pays ne traduisent pas une politique commerciale agressive, mais l’écart des richesses et la persistance de la domination impérialiste.

Dans « le marxisme et le Parti communiste chinois au 21e siècle » , Peng Guohua écrit :
« Dans le même temps, en raison du manque de consommation intérieure, de la diminution des marges bénéficiaires etc., les pays capitalistes développés sont amenés à contrôler et exploiter les pays en développement.
Historiquement, les pays capitalistes développés par le biais de l'exploitation et l'extraction des ressources humaines et des matières premières dans les pays en développement, les placent dans une position de subordination ; les gouvernements et les entreprises multinationales des pays capitalistes développés y parviennent grâce à la mise en œuvre des politiques économiques néolibérales, ainsi que par l’utilisation de la corruption, du capital, etc. »


Le système capitaliste parvenu au stade monopoliste se développe nécessairement par l’exploitation et l’oppression des nations et des peuples. Ceci depuis la colonisation, puis dans le cadre de la Françafrique, sous De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande aujourd’hui.
Comment parler du commerce extérieur de la France, de l’asservissement aux USA et du « produire français » en faisant le silence sur les conditions d’importation du pétrole, du gaz, du cuivre, de l’uranium, assorties d’une présence militaire persistance en Afrique, des ingérences meurtrières et des collusions de l’impérialisme français dans les gouvernements africains ?
Sur ce sujet G. Marchais est muet, tout en proposant des conseils de gestion à l’Etat bourgeois, de même qu’il n’aborde pas les chocs pétroliers de 1973 et 1979, qui ont marqué à la fois la fin des « trente glorieuses » et la guerre économique du Tiers Monde contre les pays riches.

Il apparaît que la contradiction entre l’ouverture et l’autarcie est un sujet mineur au regard des rapports internationaux de production et d’échange, qui sont dominés par l’impérialisme, qu’il s’agisse de l’hégémonie US ou de l’impérialisme de notre propre pays.
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Contradictions inter impérialistes et domination en Europe


L’échec récent de Siryza face à ses usuriers européens pose une nouvelle fois la question des relations européennes, fondées sur l’exploitation et l’oppression.
Les institutions européennes ne sont qu’un paravent pour habiller la domination franco allemande, qui s’affiche dans toutes les négociations à la place des instances officielles, et pour cause ici puisque l’Allemagne pèse 60 milliards, et la France 40 milliards, dans la dette grecque.
Là encore, et contrairement aux déclarations mielleuses d’un Moscovici et de tous les godillots médiatiques français, l’affaire ne se résume pas à l’intransigeance allemande .

Un autre exemple dans le démantèlement de la sidérurgie éclaire les intérêts et les manœuvres des capitalistes français dans le nid de vipères européen.
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Le plan Davignon et les « multinationales européennes »


[extrait de « le PCF et l’Europe » Front Rouge n°6 - mai 1979]

Du nom du commissaire belge Davignon, ce plan qui visait la réduction concertée de la production d'acier dans chaque pays d'Europe avait été présenté par le PCF comme une arme de guerre étrangère notamment allemande contre l’industrie française :

«Davignon, ce vicomte et technocrate, servant bien les intérêts des grandes sociétés multinationales européennes et surtout allemandes, a mis dans son plan la destruction d'une partie importante de la sidérurgie et des mines de fer françaises» [Tract du PCF à Usinor].

En fait la première version de ce plan, visant donc à fixer des quotas de production pour chaque pays, par produit et par usine, a été adoptée sous la pression des maîtres de forge français. Il ne concernait alors que les «ronds à béton» et les capitalistes de la sidérurgie française craignaient la concurrence des «bresciani», les producteurs italiens spécialisés dans les ronds à béton.
En 1974, la sidérurgie des pays de la CEE est dans son ensemble, plus vétuste, que celle de ses grands concurrents, notamment le Japon. Le nombre d'heures de travail nécessaire à l'élaboration d'une tonne d'acier (voir tableau) laisse apparaître de très grandes différences principalement avec le concurrent japonais.
Or la crise, entraînant une perte de débouchés intérieurs et extérieurs, amène les neuf, qui se livrent à une concurrence acharnée, à se concerter pour limiter les effets les plus sauvages de cette concurrence.
Le plan Davignon, résultait comme chaque plan européen du rapport de force entre les différents impérialismes en présence. Appelé également «plan anti-crise» il fut adopté par le conseil des ministres des neuf en décembre 1977 donc par l'ensemble des Etats, dont l'impérialisme français.
Ce plan prévoyait deux volets, l'un interne, l'autre externe.
A l'intérieur, des prix minima ont été fixés pour les produits longs les plus touchés par la crise, des prix ont été recommandés pour les autres produits. Des quotas de production ont été négociés entre la Commission de Bruxelles et un groupement constitué de tous les maitres de forges européens, à l'exception des «bresciani».
A l'extérieur, des accords d'autolimitation ont été négociés avec les fournisseurs extérieurs de la Communauté pour stabiliser leurs ventes, des actions anti-dumping ont été organisées contre les importations faites par les pays tiers vendant à des prix trop bas.
La restructuration de l'industrie sidérurgique n'est pas chose nouvelle. Depuis 1975, d'après les chiffres officiels de la CEE, elle a signifié 100 000 licenciements dont 60 000 depuis 1977.

Les licenciements dans la sidérurgie.

RFA : 26 000
GB : 25 000
France : 22 000
Belgique : 15 000
Luxembourg : 6 000

Cela n'est pas suffisant, déclaraient les experts de la CEE, considérant que les capacités de production devaient être réduites d'environ 20 à 25 millions de tonnes, entraînant par conséquent la fermeture des installations les moins compétitives. Pour certains produits comme le fil machine, les tôles, les profilés lourds l'excédent de capacité atteint, disaient-ils, 20%, et il est de l'ordre de 13 % pour l'acier brut.
D'autres phases étaient prévues dans le plan Davignon, ainsi «l'interdiction des aides nationales qui conduiraient à un accroissement des capacités de production ou qui fausseraient les conditions de concurrence» et des «prêts accordés pour faciliter la modernisation des entreprises et encourager les mesures de nationalisations»... «Le sens le plus profond du Plan Davignon : partager équitablement le coût de l'indispensable mutation sidérurgique et maintenir l'unité européenne» pouvait-on lire dans une revue de la CEE.
«Ce partage des sacrifices» , c'est bien la bourgeoisie européenne des neuf qui l'a décidé, acceptant de sacrifier des milliers d'emplois pour tenter de reconquérir une compétitivité à la dimension du marché mondial.
Il en est ainsi de la bourgeoisie française qui a accepté ce plan de restructuration et de licenciements au conseil des ministres européens ayant elle-même fait la proposition d'un tel plan dans la perspective de lutter contre la concurrence des bresciani, les capitalistes italiens.
S'il en avait été autrement, le gouvernement français aurait pu user de son droit de veto, la règle de l'unanimité s'appliquant au sein du conseil des ministres, ou bien même déclarer la décision inapplicable à son égard comme la Grande Bretagne l'a fait à propos du Système monétaire européen ou de décisions agricoles qui ne lui convenaient pas.
Peut-on, comme le PCF alors, considérer que l'impérialisme français s'est vu imposer ces licenciements par un diktat allemand ? Comment expliquer alors que l'impérialisme allemand a lui-même procédé au licenciement de 42000 sidérurgistes depuis 1974, que la production d'acier de la RFA a baissé de -23% depuis 1975 alors que cette baisse atteignait -15% en France?

Le plan Davignon était un plan de restructuration approuvé par l'ensemble des bourgeoisies de la CEE, et les responsables de la crise dans notre pays restent bien les trusts et l'Etat bourgeois français, et non les « grandes sociétés multinationales européennes et surtout allemandes» , comme l’affirmait alors le PCF. Mais désigner les responsables hors de nos frontières n’aboutit à rien d’autre qu’à détourner le prolétariat de son combat de classe.

Dix ans plus tard un certain groupuscule d’extrême droite, inaudible depuis 1968, pouvait s’emparer de ce thème équivoque, en l’assortissant d’un petit coup de pouce xénophobe, « produisons français avec des français » , afin de siphonner l’électorat même du PCF…
[voir « le label France » par Bruno Gollnisch]

Une société débarrassée du capitalisme s’affranchirait de la domination US mais elle devrait avant tout dénoncer les alliances agressives comme l’OTAN et les accords impérialistes, et établir des relations équitables tant à l’encontre des pays en développement qu’au sein du continent européen et des autre pays industrialisés.

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L’échec des nationalisations sous dictature capitaliste


G. Marchais écrit que « Ce développement national cohérent ne peut être réalisé à l’initiative des capitalistes. Une politique industrielle ne peut être mise en œuvre sans ces réformes de structures dont j’ai parlé dans un précédent chapitre : les nationalisations et la planification démocratique. J’ai parlé, par exemple, de nationaliser la sidérurgie» .
[…]
« Mais c’est une illusion de penser que la Nation pourra en tirer partie sans rompre avec la domination américaine, sans se donner les moyens d’imposer l’intérêt national contre les intérêts particuliers. Le rôle du secteur public est donc appelé à croître »
. [id.]

Mais comment peut-on parler d’un développement national dans un pays capitaliste, qui ne soit pas réalisé à l’initiative des capitalistes ?
Comment peut-on nationaliser les moyens de production au-dessus de leur tête quand l’appareil d’Etat appartient à leur classe ?
Comment réaliser ce mariage de la carpe et du lapin et pourquoi G. Marchais évite-t-il de parler de socialisme ou de dictature du prolétariat ?
Pourquoi oppose-t-il l’intérêt national aux intérêts particuliers et non les intérêts du peuple et ceux de la classe capitaliste ?

La raison est que pour mettre en œuvre ces nationalisations il comptait pousser au pouvoir par la voie électorale un parti bourgeois « de gauche », qui aurait lui-même appliqué – par la force de ses sentiments « de gauche » et la pression du PCF – la collectivisation des principaux moyens de production et la planification de la production.
G. Marchais fit ainsi lui-même la promotion d’un candidat notoirement anti communiste qui s’était juré la perte du PCF, mais présenté par lui comme le garant du changement.
Il alla jusqu’à passer l’éponge sur l’atlantisme avéré (et financé historiquement par la CIA), le passé criminel de ce parti durant les guerres d’Indochine et d’Algérie, et gommer la biographie peu reluisante de Mitterrand.
Dans ces conditions il était écrit que la classe bourgeoise n’aurait jamais perdu le contrôle de telles nationalisations et ce projet était voué à l’échec.

L’expérience a montré que la nationalisation sous dictature capitaliste n’est absolument pas une solution et n’aboutit qu’à anesthésier la classe ouvrière, tandis que les profits progressent au détriment des salaires, et que la productivité s’accroît au rythme des licenciements.

Revenons sur l’expérience de ces nationalisations, à travers l’exemple d’une entreprise de textiles industriels du Groupe Rhône Poulenc (qui collabora d’ailleurs avec le capital allemand sous l’occupation).
Ce groupe en grande difficulté avant l’élection de Mitterrand s’était déjà distingué par la vente au poids de la ferraille des machines de Péage-de-Roussillon encore dans leurs caisses, l’usine construite pour la filiale Sodetal à Besançon et financée en partie par la CEE, qui n’ouvrit jamais ses portes, les investissements inexploités à la Voulte qui ferma début 81, etc.

[
g] Nationalisations et démantèlement dans le textile [/g]


Dans l’usine de Valence de ce groupe les nationalisations socialistes en 1982 avaient drainé des millions en investissement public dans la division Fils Semi Etirés, l’équipant de séchoirs d’un nouveau type et l’automatisant pour une bonne part.
Inaugurée par la visite de Mauroy dans les ateliers, l’opération ne changea absolument rien à l’exploitation des salariés, sauf que la présence des socialistes au gouvernement mit le couvercle pour un temps sur les revendications.

Dopé par les deniers de l’Etat, le groupe se lança alors dans une course effrénée aux acquisitions sous la direction de Loïc Le Floch-Prigent, puis de Jean-René Fourtou et Jacques Tirouflet, directeur financier dès 1983:

1983 : acquisition de Pharmuka ;
1986 : acquisition de Natterman (Allemagne) ;
1988 : acquisition de Bottu ;
1989 : acquisition de Connaught (Canada) ;
1990-1991 : acquisition de Rorer (États-Unis) ;
Après la privatisation en 1993 et le « recentrage » de 160 à 35 produits. Je passe sur la fermeture d’une série de sites sous le gouvernement Rocard comme celui de Grenoble, ou de Givet où les salariés ulcérés menacèrent d’utiliser le sulfure de carbone.
1993 : absorption de Pasteur-Mérieux, et acquisition de Applied Immune Science ;
1994 : acquisition de Cooper ;
1995 : création de RPR Gencell et acquisition de Fisons (Grande-Bretagne) ;
1996 : apport de Armour et création avec Behring de Centeon ;

Mais les retombées de l’affaire Union Carbide après la catastrophe de Bhopal amenèrent nos pieds nickelés français à recalculer le coût du risque « écologique » dans la rentabilité de la chimie, et reconsidérer un peu tard certains achats imprudents.

1998 : création de la société chimique Rhodia en vue de sa cessation, ne conservant de Rhône Poulenc que la branche pharmaceutique d’Aventis le 20 décembre 99, en fusionnant avec le groupe Hoechst Marion Roussel.

Ainsi les millions publics furent rapidement dilapidés et privatisés par le groupe Rhône Poulenc, à travers une série de montages financiers complexes désignés sous le sobriquet élégant de « tiroufletteries » par les milieux boursiers de l’époque, engloutis dans un appétit féroce de rachat d’entreprises (y compris aux USA), et aboutirent après des choix désastreux à l’affaire Rhodia , tentative infructueuse de revendre la branche chimie à travers de nombreuses irrégularités dont furent blanchis son administrateur Thierry Breton et son président Tirouflet.

Une nouvelle fois, la course au profit et le caractère rentier du capitalisme français – déjà relevé par K. Marx – fut à l’origine du gaspillage des investissements industriels, étouffant le développement des forces productives et condamnant les salariés au chômage.

Aléas de la sous-traitance


Revenons à notre entreprise textile. Toujours afin de générer le profit maximum à moindres frais fut mise en pratique la théorie du « cœur de métier ». Généralisée d’ailleurs à toutes les branches de l’industrie, cette méthode permet aux grandes sociétés de supprimer le « coût du travail » et les effectifs correspondants, en récupérant une partie de la plus value créée par le sous traitant.
Les textureuses furent démontées et remontées dans différentes entreprises de la région.
La sous-traitance de toute la texturation à des entreprises de taille réduite, évidemment sous équipées en fluides industriels, aboutit à la ruine de ces boites, où avait été déménagé l’ensemble du parc machines. Elles firent le bonheur de quelques ferrailleurs.

Et mort annoncée


Pour clore un démantèlement prévisible, la séparation des activités complémentaires fibres et textile, s’épaulant mutuellement en fonction des commandes inégales, priva l’entreprise d’un profit moyen assuré. Elle finit par couler l’activité fil textile synthétique en 2009 au terme d’une agonie de plus de dix ans, dans celle qui fut appelée dans les années 80 « l’usine la plus moderne d’Europe », aujourd’hui devenue ainsi une friche industrielle, et avec elle nombre de façonniers textiles, entreprises de moulinage, filature, tissage et teinture, etc. qui lui était associés.
Là encore la recherche du profit maximum était à la source, tirant avantage à la fois des nationalisations et des privatisations.

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On voit à travers ce petit exemple que la seule voracité des capitalistes français suffit à détruire des pans entiers de l’économie auparavant florissants sans le concours de leurs collègues allemands voire américains.
Ces désordres qui se traduisent par les charrettes de licenciements sont uniquement imputables à la recherche du profit maximum, au développement inégal et à l’anarchie de la production capitaliste, c’est-à-dire à la propriété privée des moyens de production.

L’expérience confirme une nouvelle fois la théorie de Marx et de Lénine, selon laquelle les nationalisations sous dictature capitaliste ne constituent nullement un pas en direction du socialisme, mais que la classe ouvrière doit d’abord évincer la classe bourgeoise, briser l’Etat qui assure son pouvoir, et instaurer pour son propre compte et pour l’immense majorité du peuple un état démocratique et une dictature contre les anciens exploiteurs.


Edité le 04-03-2015 à 23:27:10 par Xuan


Xuan
Ci-dessous "produire français" de G. Marchais, extrait de "l'espoir au présent".
Suivi de sa critique - à lire également le PCF et l'Europe



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Extraits de « L’espoir au présent », Georges Marchais, 1980, éditions sociales, page 151 et suivantes

Produire français


C’est une illusion de croire qu’on peut parvenir à une grande industrie française en la spécialisant à outrance sur un nombre limité de « créneaux ». Comment, par exemple, prétendre à la maîtrise de la fabrication de certains articles textiles ou mécaniques si nous devons importer d’Allemagne fédérale les machines qui permettent de les fabriquer ?

Comment envisager de prendre une place importante dans les échanges internationaux de matériels électroniques si nous sommes asservis à la technologie américaine ?
Il faut donc reconstituer l’industrie française sur des bases nationales en accordant son développement à l’expansion du marché intérieur des biens de consommations, des biens intermédiaires et des biens d’équipement. Cette politique est indispensable pour lever la contrainte extérieure réelle qui pèse sur l’économie française. Je veux parler de l’état de dépendance dans lequel nous place une politique giscardienne qui tient en quelques mots : le « tout à l’exportation », les investissements étrangers en France, l’américanisation de notre technologie, l’intégration européenne et atlantique.

Ce que je propose ne veut pas dire que la France doive produire sur son territoire national tout ce dont les Français et notre économie ont besoin. Mais aujourd’hui, du fait de nos assujettissements à l’étranger, toute relance du marché intérieur tend à provoquer un afflux d’importation de biens de consommation et surtout de biens d’équipement. C’est inacceptable. Il faut donc renforcer les capacités de production dans les secteurs où nous sommes le plus vulnérables pour pouvoir diminuer les importations.
Mais, au-delà de ces préoccupations tenant à la dépendance de la France à l’égard de l’étranger, le développement des capacités de production française répond avant tout à la nécessité de satisfaire les besoins de notre population et de notre pays.

Si on fait des comparaisons internationales de consommation par tête, on s’aperçoit que les Français ne sont pas de gros consommateurs pour la plupart des biens. De même, notre appareil productif national n’est pas – et de loin – l’un des plus gros consommateurs de ciment, d’engrais, de plastique d’acier, etc.
Rien ne justifie donc le freinage actuel des investissements privés et à plus forte raison la casse à laquelle se livrent les capitalistes français.
Quant aux besoins dans le bâtiment et les travaux publics, la pénurie de logements sociaux, d’équipements collectifs et d’infrastructures de toute nature dit assez que la production française est bien loin du compte.
Il faut donc prendre en compte l’ensemble des demandes qui résultent du redressement de productions trop dépendantes de l’étranger et de productions inférieures au niveau des besoins du pays : c’est la base principale d’une politique industrielle dynamique et authentiquement nationale.

Cela signifie-t-il l’autarcie ? Absolument pas. Nous ne fixons à l’avance aucune limite à nos échanges extérieurs, dès lors que les conditions d’un développement des bases productives situées sur le territoire français constituent un ensemble cohérent, solide et efficace. Je pense même que c’est la meilleure façon de se donner les moyens d’une coopération extérieure diversifiée.

Pour jouer un rôle, il faut « faire le poids ». Cela n’est pas contradictoire avec la nécessité de défendre les productions nationales, en recourant, s’il le faut, à des mesures de sauvegarde.

Produire, français, c’est cela ! Renforcer nos capacités de production

Toutes les grandes branches doivent être développées en France et leur essor doit être coordonné en accordant une attention particulière aux filières majeures de l’agro-alimentaire et de l’exploitation des ressources naturelles (bois, mer, minéraux), de l’énergie, de la métallurgie et des biens d’équipement, de l’électromécanique et de l’électronique, de l’aérospatiale, de la chimie, des véhicules et des transports, du bâtiment et des travaux publics. Ce développement national cohérent ne peut être réalisé à l’initiative des capitalistes.

Une politique industrielle ne peut être mise en œuvre sans ces réformes de structures dont j’ai parlé dans un précédent chapitre : les nationalisations et la planification démocratique. J’ai parlé, par exemple, de nationaliser la sidérurgie.

La France a besoin d’une puissante industrie sidérurgique diversifiée sur une large gamme de produits, exploitant en priorité le minerai de fer et le charbon à coke nationaux et débouchant sur des activités métallurgiques de transformation. Pour parvenir à la maîtrise nationale d’ensemble de ces travaux associés, à l’évidence, il faut réaliser une véritable nationalisation du secteur. De même, l’indépendance nationale implique la maîtrise des principales industries de pointe. La France a déjà de bonnes positions dans le nucléaire, l’aérospatiale et certains secteurs de l’électronique.

Ainsi est-elle bien placée en matière de télécommunications et dans de multiples activités de l’informatique, ce qui représente des points forts dans un monde où vont se poser de plus en plus des problèmes de communication, de liaison, d’automation.

Mais c’est une illusion de penser que la Nation pourra en tirer partie sans rompre avec la domination américaine, sans se donner les moyens d’imposer l’intérêt national contre les intérêts particuliers. Le rôle du secteur public est donc appelé à croître. Dès aujourd’hui, ce sont les entreprises publiques qui empêchent la conjoncture économique de s’effondrer et l’appareil productif de trop vieillir en assurant l’essentiel de la croissance des investissements. Elles assument également des fonctions déterminantes aussi bien dans les échanges extérieurs que dans l’effort de recherche et de développement.

Le secteur public est l’outil décisif des transformations structurelles nécessaires. Son élargissement par de nouvelles nationalisations et sa démocratisation sont donc à l’ordre du jour. D’autres moyens doivent être mis en œuvre pour renforcer les capacités de production en France. Il s’agit en particulier, des marchés publics dont les modalités sont, aujourd’hui, soumises à un petit nombre de fournisseurs capitalistes. L’ensemble du système d’aides doit être redéployé pour mieux servir les objectifs nationaux d’emploi, de modernisation, d’innovation, de coopération internationale, de développement régional.

Produire français, c’est aussi cela

de la recherche agronomique (INRA), auteur de l’ouvrage Le Communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années1970, Agone, Marseille, 2 014.


Edité le 04-03-2015 à 23:06:19 par Xuan


 
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