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Xuan
K. Marx- F. Engels, la nécessité d’un parti de la classe ouvrière autonome


DANIELLE BLEITRACH 26 AVRIL 2020
http://histoireetsociete.com/2020/04/26/k-marx-f-engels-la-necessite-dun-parti-de-la-classe-ouvriere-autonome/

Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes


Ce texte de 1850, dans le prolongement de l’étude des événements parisiens de 1848 et des révoltes avortées dans toute l’Europe, est un de ceux où est clairement posée la nécessité d’un parti propre à la classe ouvrière que Lénine reprendra et qui deviendra le Que faire? Comme la nécessité de la dictature du prolétariat sera tirée de l’expérience de la Commune. Karl Marx et Engels n’ont pas été que des théoriciens, ils ont été des dirigeants ouvriers, et il est nécessaire de bien mesurer l’articulation théorie pratique, sans dogmatisme, qui leur permet une conception scientifique de la politique, même s’il ne s’agit pas de lectures faciles et de ne pas laisser dire que Lénine n’était pas “marxiste” (note de Danielle Bleitrach).

LE COMITÉ CENTRAL A LA LIGUE

Frères [1],

Au cours des deux années révolutionnaires 1848-49, la Ligue [2] s’est doublement affirmée ; une fois par le fait que ses membres ont en tous lieux énergiquement pris part au mouvement ; que dans la presse, sur les barricades et les champs de bataille ils ont été au premier rang du prolétariat, la seule classe vraiment révolutionnaire. La Ligue s’est encore affirmée en ce sens que sa conception du mouvement, telle qu’elle était exposée dans les circulaires des congrès et du Comité central de 1847, ainsi que dans le Manifeste communiste, est apparue comme la seule vraie ; que les espoirs formulés dans ces documents se sont entièrement vérifiés, et le point de vue sur la situation actuelle que la Ligue ne propageait auparavant qu’en secret, est maintenant dans la bouche de tous les hommes et est prêché sur la place publique.
En même temps, l’ancienne et solide organisation de la Ligue s’est sensiblement affaiblie. Un grand nombre de membres, directement engagés dans le mouvement révolutionnaire, ont cru que le temps des sociétés secrètes était passé et que l’action publique pouvait seule suffire. Certains cercles et communes ont laissé leurs relations avec le Comité central se relâcher et s’assoupir peu à peu.
Tandis que le parti démocratique, le parti de la petite bourgeoisie, s’organisait de plus en plus en Allemagne, le parti ouvrier perdait son seul appui solide ; c’est tout au plus s’il conservait, dans quelques localités, son organisation pour des buts locaux ; et c’est ainsi que, dans le mouvement général, il est tombé complètement sous la domination et la direction des démocrates petits-bourgeois.

Il faut mettre fin à un tel état de choses ; l’indépendance des ouvriers doit être rétablie. Le Comité central a compris cette nécessité et c’est pourquoi, dès l’hiver 1848-49, il a envoyé en Allemagne un émissaire, Joseph Moll, afin d’y réorganiser la Ligue. La mission de Moll resta cependant sans effet durable, soit que les ouvriers allemands n’eussent pas encore acquis à l’époque assez d’expérience, soit que l’activité de Moll fût interrompue par l’insurrection de mai dernier [3], Moll prit lui-même le fusil, entra dans l’armée de Bade-Palatinat et tomba le 29 juillet au combat de la Murg.
En lui, la Ligue perdait un de ses membres les plus anciens, les plus actifs et les plus sûrs, qui avait pris une part active à tous les congrès et Comités centraux et avait antérieurement déjà accompli avec grand succès une série de voyages-missions. Après la défaite des partis révolutionnaires d’Allemagne et de France en juillet 1849, presque tous les membres du Comité central se sont retrouvés à Londres, ont complété leurs rangs par de nouvelles forces révolutionnaires et poursuivi avec une nouvelle ardeur la réorganisation de la Ligue.

La réorganisation ne peut s’opérer que par un émissaire, et le Comité central estime éminemment important que l’émissaire parte précisément à cette heure où une nouvelle révolution est imminente, où le parti ouvrier doit se présenter avec le plus d’organisation, le plus d’unité et le plus d’indépendance possible, s’il ne veut pas à nouveau, comme en 1848, être pris à la remorque et exploité par la bourgeoisie.

Frères ! Nous vous avons déjà dit, en 1848, que les bourgeois libéraux allemands allaient accéder au pouvoir et tourneraient aussitôt leur puissance nouvellement acquise contre les ouvriers. Vous avez vu comment la chose s’est faite. Ce furent, en effet, les bourgeois qui, après le mouvement de mars 1848, s’emparèrent immédiatement du pouvoir d’État et s’en servirent aussitôt pour refouler tout de suite les ouvriers, leurs alliés de la veille au combat, dans leur ancienne situation d’opprimés.
Si la bourgeoisie n’a pu atteindre ce but sans faire alliance avec le parti féodal écarté en mars et sans même, en fin de compte, abandonner à nouveau le pouvoir à ce parti féodal absolutiste, elle s’est du moins assurée des conditions qui, par suite des embarras financiers du gouvernement, mettraient enfin tout le pouvoir entre ses mains et lui garantiraient tous ses intérêts, si le mouvement révolutionnaire se trouvait à même, dès à présent, de s’engager dans une évolution dite pacifique.
La bourgeoisie n’aurait même pas besoin, pour asseoir sa domination, de se rendre odieuse par des mesures de violence dirigées contre le peuple, toutes ces mesures de violence ayant déjà été exécutées par la contre-révolution féodale. Mais l’évolution ne suivra pas cette voie pacifique. La révolution qui doit la précipiter est, au contraire, imminente, qu’elle soit provoquée par le soulèvement autonome du prolétariat français, ou par l’invasion de la Babel moderne révolutionnaire [4] par la Sainte-Alliance [5].

Et le rôle que les bourgeois libéraux allemands ont, en 1848, joué vis-à-vis du peuple ce rôle si perfide, sera, dans la révolution prochaine, assumé par les petits bourgeois démocrates, qui occupent actuellement dans l’opposition la même place que les bourgeois libéraux avant 1848. Ce parti, le parti démocratique, bien plus dangereux pour les ouvriers que l’ancien parti libéral, se compose de trois éléments :

I. Les fractions les plus avancées de la grande bourgeoisie qui se proposent comme but la subversion immédiate et totale du féodalisme et de l’absolutisme. Cette tendance a pour représentants les conciliateurs de Berlin qui préconisaient autrefois le refus de l’impôt.

II. Les petits bourgeois démocrates-constitutionnels qui ont surtout poursuivi, pendant le dernier mouvement, l’établissement d’un Etat fédéral plus ou moins démocratique, tel que le voulaient leurs représentants, la gauche de l’Assemblée de Francfort et, plus tard, le Parlement de Stuttgart, et aussi eux-mêmes dans leur campagne en faveur d’une constitution d’empire [6].

III. Les petits bourgeois républicains dont l’idéal est une république fédérative allemande dans le genre de la Suisse, et qui se donnent aujourd’hui le nom de rouges et de sociaux-démocrates, parce qu’ils se bercent de la douce illusion de supprimer l’oppression du petit capital par le gros capital, du petit bourgeois par le gros bourgeois. Les représentants de cette fraction furent membres des congrès et comités démocratiques, dirigeants des associations démocratiques, rédacteurs des journaux démocratiques.

Maintenant, après leur défaite, toutes ces fractions s’intitulent républicaines ou rouges, tout comme en France les petits bourgeois républicains se donnent aujourd’hui le nom de socialistes. Là où, comme au Wurtemberg, en Bavière, etc., la possibilité s’offre encore à eux de poursuivre leurs buts dans la voie constitutionnelle, ils profitent de l’occasion pour s’en tenir leur ancienne phraséologie et démontrer dans les faits qu’ils n’ont pas le moins du monde changé. Il va de soi d’ailleurs que le changement de nom de ce parti ne modifie nullement son attitude à l’égard des ouvriers, mais prouve simplement qu’il est actuellement obligé de faire front contre la bourgeoisie alliée à l’absolutisme et de prendre appui sur le prolétariat.

Le parti petit-bourgeois démocratique est très puissant en Allemagne, il n’embrasse pas seulement la grande majorité des habitants bourgeois des villes, les petits commerçants industriels et les maîtres-artisans ; il compte parmi ses adhérents les paysans et le prolétariat rural, tant que ce dernier n’a pas encore trouvé d’appui dans le prolétariat autonome des villes.

L’attitude du parti ouvrier révolutionnaire vis-à-vis de la démocratie petite-bourgeoise est la suivante : il marche avec elle contre la fraction dont il poursuit la chute ; il la combat sur tous les points dont elle veut se servir pour s’établir elle-même solidement.

Les petits bourgeois démocratiques, bien loin de vouloir bouleverser toute la société au profit des prolétaires révolutionnaires, tendent à modifier l’ordre social de façon à leur rendre la société existante aussi supportable et aussi commode que possible. Ils réclament donc avant tout que l’on réduise les dépenses publiques en limitant la bureaucratie et en reportant les principales impositions sur les grands propriétaires fonciers et les bourgeois.
Ils réclament ensuite que la pression exercée par le grand capital sur le petit soit abolie par la création d’établissements de crédit publics et des lois contre l’usure, ce qui leur permettrait, à eux et aux paysans, d’obtenir, à des conditions favorables des avances de l’Etat, au lieu de les obtenir des capitalistes.
Ils réclament enfin que, par la suppression complète du système féodal, le régime de propriété bourgeois soit partout introduit à la campagne.
Pour réaliser tout cela, il leur faut un mode de gouvernement démocratique, soit constitutionnel ou républicain, qui leur assure la majorité, à eux-mêmes et à leurs alliés, les paysans, et une autonomie administrative, qui mettrait entre leurs mains le contrôle direct de la propriété communale et une série de fonctions actuellement exercées par les bureaucrates.

Quant à la domination et à l’accroissement rapide du capital, on aura soin de faire obstacle, soit en limitant le droit de succession, soit en remettant à l’Etat autant de travaux que possible.
Pour ce qui est des ouvriers, il est avant tout bien établi qu’ils resteront, comme avant, des salariés ; mais ce que les petits bourgeois démocratiques souhaitent aux ouvriers, c’est un meilleur salaire et une existence plus assurée ; ils espèrent y arriver soit au moyen de l’occupation des ouvriers par l’Etat, soit par des actes de bienfaisance ; bref, ils espèrent corrompre les ouvriers par des aumônes plus ou moins déguisées et briser leur force révolutionnaire en leur rendant leur situation momentanément supportable. Les revendications résumées ici ne sont pas défendues en même temps par toutes les fractions de la démocratie petite-bourgeoise, et rares sont ceux pour qui elles apparaissent, dans leur ensemble, comme des buts bien définis.

Plus des individus ou des fractions vont loin, et plus ils feront leur une grande partie de ces revendications ; et les rares personnes qui voient, dans ce qui précède, leur propre programme, se figureraient avoir ainsi établi le maximum de ce qu’on peut réclamer de la révolution.
Ces revendications toutefois ne sauraient en aucune manière suffire au parti du prolétariat. Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent terminer la révolution au plus vite et après avoir tout au plus réalisé les revendications ci-dessus, il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu’à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays régnants du monde l’association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains au moins les forces productives décisives.
Il ne peut s’agir pour nous de transformer la propriété privée, mais Seulement de l’anéantir ; ni de masquer les antagonismes de classes, mais d’abolir les classes ; ni d’améliorer la société existante, mais d’en fonder une nouvelle. Que la démocratie petite-bourgeoise, au fur et à mesure du développement incessant de la révolution, exerce pour un temps une influence prépondérante en Allemagne, ceci ne laisse subsister aucun doute.
Il s’agit donc de savoir quelle sera, à son égard, la position du prolétariat et spécialement de la Ligue :

1. pendant que durera la situation actuelle où les démocrates petits-bourgeois sont également opprimés ;
2. dans la prochaine lutte révolutionnaire qui leur donnera la prépondérance ;
3. après cette lutte, aussi longtemps que durera cette prépondérance des démocrates petits-bourgeois sur les classes déchues et sur le prolétariat.

1. En ce moment où les petits bourgeois démocratiques sont partout opprimés, ils prêchent en général au prolétariat l’union et la réconciliation ; ils lui tendent la main et s’efforcent de mettre sur pied un grand parti d’opposition, qui embrasserait toutes les nuances du parti démocratique ; en d’autres termes, ils s’efforcent de prendre les ouvriers au piège d’une organisation de parti où prédomine la phraséologie social-démocrate générale, qui sert de paravent à leurs intérêts particuliers et où, pour ne pas troubler la bonne entente, les revendications particulières du prolétariat ne doivent pas être formulées.
Une telle union tournerait au seul avantage des petits bourgeois démocratiques et absolument tout au désavantage du prolétariat. Le prolétariat perdrait toute sa position indépendante, conquise au prix de tant de peines, et retomberait au rang de simple appendice de la démocratie bourgeoise officielle. Cette union doit donc être repoussée de la façon la plus catégorique. Au lieu de se ravaler une fois encore à servir de claque aux démocrates bourgeois, les ouvriers, et surtout la Ligue, doivent travailler à constituer, à côté des démocrates officiels, une organisation distincte, secrète et publique du parti ouvrier, et faire de chaque communauté le centre et le noyau de groupements ouvriers où la position et les intérêts du prolétariat seraient discutés indépendamment des influences bourgeoises.
Combien peu les démocrates bourgeois prennent au sérieux une alliance où les prolétaires auraient la même puissance et les mêmes droits qu’eux-mêmes, c’est ce que montrent par exemple les démocrates de Breslau qui, dans leur organe, la Neue Oder-Zeitung [7], attaquent furieusement les ouvriers qu’ils appellent socialistes, groupés en organisations distinctes.
S’il s’agit de livrer combat à un adversaire commun, point n’est besoin d’union particulière. Dès qu’il faut combattre directement un tel adversaire, les intérêts des deux partis coïncident momentanément ; et dans l’avenir, comme jusqu’à ce jour, cette alliance prévue simplement pour l’heure s’établira d’elle-même.
Il va de soi que, dans les conflits sanglants imminents, ce sont surtout les ouvriers qui devront remporter, comme autrefois, la victoire par leur courage, leur résolution et leur esprit de sacrifice. Comme par le passé, dans cette lutte, les petits bourgeois se montreront en masse, et aussi longtemps que possible, hésitants, indécis et inactifs. Mais, dès que la victoire sera remportée, ils l’accapareront, inviteront les ouvriers à garder le calme, à rentrer chez eux et à se remettre à leur travail ; ils éviteront les prétendus excès et frustreront le prolétariat des fruits de la victoire.
Il n’est pas au pouvoir des ouvriers d’empêcher les démocrates petits-bourgeois d’agir ainsi ; mais il est en leur pouvoir de rendre difficile cette montée des démocrates en face du prolétariat en armes, et de leur dicter des conditions telles que la domination des démocrates bourgeois renferme, dès son origine, le germe de sa déchéance et que son éviction ultérieure par la domination du prolétariat s’en trouve singulièrement facilitée.
Il importe surtout que les ouvriers, pendant le conflit et immédiatement après le combat, réagissent autant que faire se peut contre l’apaisement préconisé par les bourgeois et forcent les démocrates à mettre à exécution leurs présentes phrases terroristes. Leurs efforts doivent tendre à ce que l’effervescence révolutionnaire directe ne soit pas une nouvelle fois réprimée aussitôt après la victoire. Il faut, au contraire, qu’ils la maintiennent le plus longtemps possible.
Bien loin de s’opposer aux prétendus excès, aux exemples de vengeance populaire contre des individus haïs ou des édifices publics auxquels ne se rattachent que des souvenirs odieux, il faut non seulement tolérer ces exemples, mais encore en assumer soi-même la direction. Pendant et après la lutte, les ouvriers doivent en toute occasion formuler leurs propres revendications à côté de celles des démocrates bourgeois. Ils doivent exiger des garanties pour les ouvriers, dès que les bourgeois démocratiques se disposent à prendre le gouvernement en main.
Il faut au besoin qu’ils obtiennent ces garanties de haute lutte et s’arrangent en somme pour obliger les nouveaux gouvernants à toutes les concessions et promesses possibles ; c’est le plus sûr moyen de les compromettre.
Il faut qu’ils s’efforcent, par tous les moyens et autant que faire se peut, de contenir la jubilation suscitée par le nouvel état de choses et l’état d’ivresse, conséquence de toute victoire remportée dans une bataille de rue, en jugeant avec calme et sang-froid la situation et en affectant à l’égard du nouveau gouvernement une méfiance non déguisée.
Il faut qu’à côté des nouveaux gouvernements officiels ils établissent aussitôt leurs propres gouvernements ouvriers révolutionnaires, soit sous forme d’autonomies administratives locales ou de conseils municipaux, soit sous forme de clubs ou comités ouvriers, de façon que les gouvernements démocratiques bourgeois non seulement s’aliènent aussitôt l’appui des ouvriers, mais se voient, dès le début, surveillés et menacés par des autorités qui ont derrière elles toute la masse des ouvriers.
En un mot, sitôt la victoire acquise, la méfiance du prolétariat ne doit plus se tourner contre le parti réactionnaire vaincu, mais contre ses anciens alliés, contre le parti qui veut exploiter seul la victoire commune.

2. Mais, pour pouvoir affronter de façon énergique et menaçante ce parti dont la trahison envers les ouvriers commencera dès la première heure de la victoire, il faut que les ouvriers soient armés et bien organisés. Il importe de faire immédiatement le nécessaire pour que tout le prolétariat soit pourvu de fusils, de carabines, de canons et de munitions et il faut s’opposer au rétablissement de l’ancienne garde nationale dirigée contre les ouvriers.
Là où ce rétablissement ne peut être empêché, les ouvriers doivent essayer de s’organiser eux-mêmes en garde prolétarienne, avec des chefs de leur choix, leur propre état-major et sous les ordres non pas des autorités publiques, mais des conseils municipaux révolutionnaires formés par les ouvriers. Là où les ouvriers sont occupés au compte de l’Etat, il faut qu’ils soient armés et organisés en uni corps spécial avec des chefs élus ou en un détachement de la garde prolétarienne. Il ne faut, sous aucun prétexte, se dessaisir des armes et munitions, et toute tentative de désarmement doit être repoussée, au besoin, par la force.
Annihiler l’influence des démocrates bourgeois sur les ouvriers, procéder immédiatement à l’organisation propre des ouvriers et à leur armement et opposer à la domination, pour le moment inéluctable, de la démocratie bourgeoise les conditions les plus dures et les plus compromettantes : tels sont les points principaux que le prolétariat et par suite la Ligue ne doivent pas perdre de vue pendant et après l’insurrection imminente.

3. Dès que les nouveaux gouvernements se seront quelque peu consolidés, ils engageront immédiatement leur lutte contre les ouvriers. Pour pouvoir alors affronter avec force les petits bourgeois démocratiques, il faut avant tout que les ouvriers soient organisés et centralisés dans leurs propres clubs.
Après la chute des gouvernements existants, le Comité central se rendra, dès que possible, en Allemagne, convoquera sans retard un congrès auquel il soumettra les propositions indispensables concernant la centralisation des clubs ouvriers sous une direction établie au siège du mouvement. La rapide organisation, au moins d’une fédération provinciale de clubs ouvriers, est un des points les plus importants pour renforcer et développer le parti ouvrier. La subversion des gouvernements existants aura pour conséquence immédiate l’élection d’une représentation nationale. Ici le prolétariat doit veiller:

I. A ce qu’un nombre important d’ouvriers ne soient sous aucun prétexte écartés du vote par suite d’intriguer des autorités locales ou des commissaires du gouvernement.

II. A ce que partout, à côté des candidats démocratiques bourgeois, soient proposés des candidats ouvriers, choisis autant que possible parmi les membres de la Ligue, et dont il faudra, pour assurer leur élection, utiliser tous les moyens possibles, Même là où il n’y a pas la moindre chance de succès, les ouvriers doivent présenter leurs propres candidats, afin de sauvegarder leur indépendance, de dénombrer leurs forces et de faire connaître publiquement leur position révolutionnaire et les points de vue de leur parti.
Ils ne doivent pas en l’occurrence se laisser séduire par la phraséologie des démocrates prétendant, par exemple, que l’on risque de la sorte de diviser le parti démocratique et d’offrir à la réaction la possibilité de la victoire.
Toutes ces phrases ne poursuivent finalement qu’un but : mystifier le prolétariat. Les progrès que le parti prolétarien doit réaliser par une telle attitude indépendante sont infiniment plus importants que le préjudice qu’apporterait la présence de quelques réactionnaires dans la représentation populaire. Si, dès le début, la démocratie prend une attitude décidée et terroriste à l’égard de la réaction, l’influence de celle-ci aux élections sera d’avance réduite à néant.

Le premier point sur lequel les démocrates bourgeois entreront en conflit avec les ouvriers portera sur l’abolition du régime féodal. Comme dans la première Révolution française, les petits bourgeois remettront aux paysans les terres féodales à titre de libre propriété ; en d’autres termes, ils voudront laisser subsister le prolétariat rural et former une classe paysanne petite-bourgeoise, qui devra parcourir le même cycle d’appauvrissement et d’endettement croissant, où le paysan français se trouve encore à l’heure actuelle.

Dans l’intérêt du prolétariat rural et dans leur propre intérêt, les ouvriers doivent contrecarrer ce plan. Ils doivent exiger que la propriété féodale confisquée reste propriété de l’Etat et soit transformée en colonies ouvrières que le prolétariat rural groupé en associations exploite avec tous les avantages de la grande culture.
Par là, dans le cadre des rapports déséquilibrés de la propriété bourgeoise, le principe de la propriété commune va acquérir aussitôt une base solide. De même que les démocrates font alliance avec les cultivateurs, de même les ouvriers doivent faire alliance avec le prolétariat rural.
Ensuite, les démocrates chercheront directement soit à instaurer la république fédérative, soit, s’ils ne peuvent éviter la république une et indivisible, à paralyser au moins le gouvernement central en donnant aux communes [8] et aux provinces le maximum d’indépendance et d’autonomie.
A l’opposé de ce plan, les ouvriers doivent non seulement poursuivre l’établissement de la république allemande une et indivisible, mais encore essayer de réaliser, dans cette république, la centralisation la plus absolue de la puissance entre les mains de l’Etat. Ils ne doivent pas se laisser induire en erreur par tout ce que les démocrates leur racontent de la liberté des communes, de l’autonomie administrative, etc.
Dans un pays comme l’Allemagne, où il reste encore à faire disparaître de si nombreux vestiges du moyen âge et à briser tant de particularisme local et provincial, on ne saurait en aucune circonstance tolérer que chaque village, chaque ville, chaque province oppose un nouvel obstacle à l’activité révolutionnaire, dont toute la puissance ne peut émaner que du centre.
On ne saurait tolérer que se renouvelle l’état de choses actuel qui fait que les Allemands sont obligés, pour un seul et même progrès, de livrer une bataille particulière dans chaque ville, dans chaque province.
On ne saurait tolérer surtout qu’une forme de propriété, qui se situe encore derrière la propriété privée moderne avec laquelle, de toute nécessité, elle finit par se confondre, c’est-à-dire la propriété communale avec ses querelles inévitables entre communes riches et communes pauvres, ainsi que le droit du citoyen de l’Etat coexistant avec le droit du citoyen de la commune avec ses chicanes, se perpétue au préjudice des ouvriers, par une réglementation communale soi-disant libre. Comme en France en 1793, la réalisation de la centralisation la plus rigoureuse est aujourd’hui, en Allemagne, la tâche du parti vraiment révolutionnaire [9] .

Nous avons vu comment les démocrates accéderont au pouvoir lors du prochain mouvement et comment ils seront contraints de proposer des mesures plus ou moins socialistes. La question est de savoir quelles mesures y seront opposées par les ouvriers. Il va de soi qu’au début du mouvement les ouvriers ne peuvent encore proposer des mesures directement communistes. Mais ils peuvent :

1. Forcer les démocrates à intervenir, sur autant de points que possible, dans l’organisation sociale existante, à en troubler la marche régulière, à se compromettre eux-mêmes, à concentrer entre les mains de l’Etat le plus possible de forces productives, de moyens de transport, d’usines, de chemins de fer, etc.

2. Ils doivent pousser à l’extrême les propositions des démocrates qui, en tout cas, ne se montreront pas révolutionnaires, mais simplement réformistes, et transformer ces propositions en attaques directes contre la propriété privée. Si, par exemple, les petits bourgeois proposent de racheter les chemins de fer et les usines, les ouvriers doivent exiger que ces chemins de fer et ces usines soient simplement et sans indemnité confisqués par l’Etat en tant que propriété de réactionnaires. Si les démocrates proposent l’impôt proportionnel, les ouvriers réclament l’impôt progressif. Si les démocrates proposent eux-mêmes un impôt progressif modéré, les ouvriers exigent un impôt dont les échelons montent assez vite pour que le gros capital s’en trouve compromis. Si les démocrates réclament la régularisation de la dette publique, les ouvriers réclament la faillite de l’Etat. Les revendications des ouvriers devront donc se régler partout sur les concessions et les mesures des démocrates.

Si les ouvriers allemands ne peuvent s’emparer du pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans accomplir en entier une évolution révolutionnaire assez longue, ils ont cette fois du moins la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire imminent coïncide avec la victoire directe de leur propre classe en France et s’en trouve accéléré.

Mais ils contribueront eux-mêmes à leur victoire définitive bien plus par le fait qu’ils prendront conscience de leurs intérêts de classe, se poseront dès que possible en parti indépendant et ne se laisseront pas un instant détourner–par les phrases hypocrites des petits bourgeois démocratiques–de l’organisation autonome du parti du prolétariat. Leur cri de guerre doit être : La révolution en permanence !

Londres, mars 1850.

Diffusé sous forme de tract en 1850.

Notes

[1] L’Adresse du Comité central à la Ligue des communistes fut rédigée par Marx et Engels fin mars 1850 lorsqu’ils espéraient encore voir remonter la révolution et travaillaient à l’élaboration de la théorie et de la tactique du prolétariat. Ils y soulignèrent la nécessité pour le prolétariat de créer un parti indépendant, de s’isoler des démocrates petits-bourgeois. L’idée fondamentale de l’Adresse est celle de la révolution ininterrompue amenant la suppression de la propriété privée et des classes, la création d’une société nouvelle.
L’Adresse fut répandue secrètement parmi les membres de la Ligue des communistes. En 1851, la police se vit en possession d’un document trouvé sur des membres de la Ligue des communistes arrêtés ; il fut publié dans des journaux bourgeois allemands et dans le livre écrit par deux fonctionnaires de police Wermuth et Stieber. (Note de l’éditeur)

[2] Ligue des communistes, première organisation communiste internationale créée par Marx et Engels. Elle exista de 1847 à 1852. (Note de l’éditeur)

[3] Il s’agit des insurrections populaires qui éclatèrent en Allemagne en mai-juillet 1849 pour défendre la Constitution impériale (adoptée par l’Assemblée nationale de Francfort le 28 mars 1849, mais rejetée par plusieurs États allemands). Ces insurrections, isolées et spontanées, furent écrasées en juillet 1849. (Note de l’éditeur)

[4] Il s’agit de Paris considéré depuis la révolution française de 1789 comme foyer de la révolution. (Note de l’éditeur)

[5] La Sainte-Alliance, pacte réactionnaire des monarques de Russie, d’Autriche et de Prusse formé en 1815 pour réprimer les mouvements révolutionnaires et maintenir des régimes féodaux et monarchiques. (Note de l’éditeur)

[6] La gauche de l’Assemblée de Francfort, l’aile petite-bourgeoise de l’Assemblée nationale réunie en première séance, après la révolution de mars en Allemagne, le 18 mai 1848 à Francfort-sur-le-Main. Elle se posa pour but principal la liquidation du morcellement du pays et l’élaboration d’une constitution pour toute l’Allemagne. Cependant, l’Assemblée hésita à assumer le pouvoir suprême et ne sut prendre une position résolue dans les principales questions de la révolution allemande de 1848-49, par suite des hésitations et de la lâcheté de sa majorité libérale, et de l’indécision de son aile gauche. Le 30 mai 1849, l’Assemblée dut se transporter à Stuttgart ; le 18 juin 1849, elle fut démantelée. (Note de l’éditeur)

[7] Neue Oder-Zeitung (Nouvelle Gazette de l’Oder), quotidien de la bourgeoisie démocratique allemande paraissant sous ce titre de 1849 à 1855 à Breslau (Wroclaw). En 1855, Marx en fut le correspondant à Londres. (Note de l’éditeur)

[8] Le terme s’emploie ici dans un sens large ; il désigne également les municipalités des villes. (N.R)

[9] Il faut rappeler aujourd’hui que ce passage repose sur un malentendu. A ce moment-là il était admis — grâce aux faussaires bonapartistes et libéraux de l’histoire — que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l’ennemi extérieur. Mais c’est actuellement un fait connu que pendant toute la révolution, jusqu’au 18-Brumaire, l’administration générale des départements, arrondissements et communes se composait d’autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’Etat, jouissaient d’une liberté complète ; que cette auto-administration provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique, devint précisément le plus puissant levier de la révolution, et cela à un point tel que Napoléon, immédiatement après son coup d’État du 18-Brumaire, s’empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours, et qui fut dès le début un instrument de réaction. Mais tout aussi peu que l’auto-administration provinciale et locale est en contradiction avec la centralisation politique nationale, tout aussi peu elle est liée nécessairement à cet égoïsme borné cantonal ou communal qui nous choque tellement en Suisse et qu’en 1849 tous les républicains fédératifs de l’Allemagne du Sud voulaient établir comme règle en Allemagne. (Note d’Engels pour l’édition de 1885.)


Edité le 28-04-2020 à 00:05:43 par Xuan


Xuan
Si on laisse faire, est-ce que la scission du PCF est évitable ? Rendez-vous en décembre…


DANIELLE BLEITRACH 26 AVRIL 2020
http://histoireetsociete.com/2020/04/26/si-on-laisse-faire-est-ce-que-la-scission-du-pcf-est-evitable-rendez-vous-en-decembre/

En décembre, il faut que pour la fraction qui s’est constituée autour de Pierre Laurent, l’adhésion du PCF à “l’internationale progressiste”devienne un fait. Ce n’est donc pas un hasard si le secteur international ne signe aucune pétition des partis communistes, mais cela correspond bien à une stratégie à travers laquelle ils iront de toute façon vers la scission, l’enjeu étant d’emporter un maximum d’un parti qu’ils auront par ailleurs frappé d’inertie.

En décembre prochain, c’est-à-dire au moment où sera célébré le centenaire du PCF sera lancé à partir des Etats-Unis mais aussi avec des antennes en Europe une internationale “progressiste”. Ce lancement aura lieu sous l’égide de Bernie Sanders en liaison pour l’Europe avec Yanis Varoufakis. Ce dernier, fondateur et leader de DiEM2 et Bernie Sanders ont fait déjà une déclaration appelant à la création d’une internationale progressiste pour combattre et battre l’internationale réactionnaire située à la Maison Blanche. Si Sanders a renoncé à la maison blanche c’est parce qu’il n’avait pas réussi à convaincre la classe ouvrière et pour se consacrer à ce mouvement dont la filiation avec le trotskisme est assez évident.

On y trouvera de grands noms comme Chomsky, ce qui n’a rien d’antipathique. La cause palestinienne sera un drapeau, peut-être Cuba pour rallier l’Amérique latine.

Le programme de cette internationale est celui d’un retour à Keynes et à Roosevelt pour en finir avec les années Reagan. Ce n’est pas le capitalisme qui sera combattu mais le fait qu’il n’ait pas été “régulé”. Il ne s’agit pas de mettre en cause le capital, mais de créer les conditions de son bon usage, grâce à des “mouvements”. On notera que la rupture avec la classe ouvrière dont on se résigne à la laisser à Trump est plus ou moins acceptée. Voici ce que déclare Yanis Varoufakis à ce propos aux Etats-Unis :

YANIS VAROUFAKIS : Notre priorité numéro un est de proposer un New Deal pour le monde, qui soit inclusif et qui soit vert, contrairement au New Deal original. Mais l’idée originale du New Deal, l’idée originale de FDR, pour dynamiser l’argent liquide et le mettre à bon escient à des fins publiques, cela doit être la principale priorité de l’Internationale Progressiste, parce que nous vivons dans un monde qui est inondé avec de l’argent. Nous avons ce pouvoir incroyable. C’est du capitalisme pour vous, non? Nous avons le niveau d’endettement le plus élevé mais aussi le niveau d’épargne le plus élevé. Le problème est que ces économies ne sont pas investies dans ce dont l’humanité a besoin: emplois de bonne qualité, transition verte, énergie verte, transports verts. C’est donc ce que nous devons faire au niveau mondial.

Du capital, le grand mal vient de l’évasion fiscale, et du fait qu’il n’est pas régulé vers le bien général. L’ennemi réel devient donc “l’autoritarisme” en général et il sera une base de ralliement mais aussi de différenciation avec La Chine, la Russie… Bref on ne voit pas ce qui empêche Soros d’en devenir le bailleur de fonds.

En tant que membre du PCF, j’étais pour que le PCF marque son autonomie d’action et de réflexion par rapport à cette initiative tout en conservant la possibilité d’agir ensemble quand cela s’imposera. Ce qui est le cas avec toute social-démocratie.

Et en ce qui concerne les Etats-Unis, il est clair que l’on ne peut pas négliger ce qui rompt en quoi que ce soit avec la paranoïa de Trump, même si un tel programme ne serait pas désavoué par François Hollande. Mais en prenant bien garde au fait que sur les principaux problèmes que sont la politique de l’UE, celle de l’OTAN cette internationale social-démocrate risque de reproduire toutes les fautes de ceux qui l’ont précédée.

Ce projet est c’est le moins que l’on puisse dire sans contradiction avec tous les faits et gestes de la fraction autour de Patrick le Hyaric, Bernard Vasseur, et Pierre Laurent et toutes leurs équipes. IL est même la cohérence de leur entreprise fractionnelle, leur interprétation non dénuée d'”originalité” du marxisme et de l’histoire du PCF avec l’insistance que l’on sait sur l’eurocommunisme auquel ils ont déjà prétendu rallier Marchais sorti pour cette occasion du purgatoire dans lequel les mêmes le tenaient. Le PGE est dans le coup bien sûr… Pour Pierre Laurent, il faut aller très vite pour éviter la concurrence toute individuelle avec Mélenchon, une concurrence d’autant plus âpre qu’elle se dispute le même terrain. Comme d’ailleurs nouer une association avec les verts parce que les thèmes de l’environnement auront une grande importance mais on le craint peu de résultats. Il faut également utiliser toutes les élections pour mettre en œuvre ce projet qui consacre de fait la fin du PCF.

Cela explique qu’il faille en finir avec le PCF, pour lui imposer une mutation à la Syriza et pour prendre place dans ce projet.

Si l’on ignore ces faits, on ne comprend pas pourquoi il faut nier Lénine, marquer tous les socialismes du sceau de la dictature et refuser toute signature de textes communs. Tous les anniversaires, toutes les publications, la formation des militants doivent être soumis à la réussite de ce projet.

Il arrive un moment où on se sent impuissant devant le fait que les enjeux sont cachés et les militants dupés. Personnellement je suis pour un débat sur le fond et pas des opérations de piratage.

A ce moment-là, la fraction a toute chance d’opérer une scission.
Danielle Bleitrach

pS. pour ceux qui imaginerait par hasard que Marx a quelque chose à voir avec ça , je conseille de relire le texte placé aujourd’hui sur ce site et que lui et Frederic Engels semblent avoir écrit exprès pour ces circonstances:

[texte ci-dessous, Xuan]
Xuan
« Deux épées »


Je voudrais dire quelques mots à propos du XXe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique. A mon avis, il y a deux "épées": l'une est Lénine et l'autre, Staline. L'épée qu'est Staline, les Russes l'ont maintenant rejetée. Gomulka et certains Hongrois l'ont ramassée pour frapper l'Union soviétique, pour combattre ce qu'on appelle stalinisme. Dans beaucoup de pays d'Europe, les partis communistes critiquent aussi l'Union soviétique; leur leader, c'est Togliatti. Les impérialistes se servent aussi de cette épée pour tuer les gens ; Dulles par exemple l'a brandie un moment. Cette arme n'a pas été prêtée, elle a été jetée. Nous autres Chinois, nous ne l'avons pas rejetée. Premièrement, nous défendons Staline et deuxièmement, nous critiquons aussi ses erreurs; et pour cela, nous avons écrit l'article "A propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat". Ainsi, au lieu de le diffamer et de l'anéantir comme font certains, nous agissons en partant de la réalité.

Quant à l'épée qu'est Lénine, n'a-t-elle pas été aussi rejetée quelque peu par des dirigeants soviétiques? A mon avis, elle l'a été dans une assez large mesure. La Révolution d'Octobre est-elle toujours valable? Peut-elle encore servir d'exemple aux différents pays ? Le rapport de Khrouchtchev au XXe Congrès du Parti communiste de l'Union soviétique dit qu'il est possible de parvenir au pouvoir par la voie parlementaire; cela signifie que les autres pays n'auraient plus besoin de suivre l'exemple de la Révolution d'Octobre. Une fois cette porte grande ouverte, le léninisme est pratiquement rejeté.

La doctrine léniniste a développé le marxisme. Dans quels domaines l'a-t-elle développé ? i) Dans celui de la conception du monde, c'est-à-dire du matérialisme et de la dialectique; 2) dans celui de la théorie et de la tactique révolutionnaires, surtout en ce qui concerne la lutte de classes, la dictature du prolétariat et le parti prolétarien. Par ailleurs, la doctrine de Lénine porte sur l'édification socialiste. A partir de la Révolution d'Octobre en 1917, Lénine a entrepris l'édification tout en poursuivant la révolution ; ainsi, il a accumulé dans ce domaine sept années d'expérience pratique, expérience que Marx n'avait pas. Ce que nous apprenons, ce sont précisément ces principes fondamentaux du marxisme-léninisme.

Dans la révolution démocratique comme dans la révolution socialiste, nous avons toujours mobilisé les masses populaires pour mener la lutte de classes, tout en les éduquant au cours de la lutte. C'est la Révolution d'Octobre qui nous a appris à mener cette lutte. Dans cette révolution, que ce soit dans les villes ou à la campagne, partout les masses étaient pleinement mobilisées pour mener la lutte de classes. Les experts que l'Union soviétique envoie aujourd'hui dans différents pays étaient à l'époque des enfants ou tout au plus des adolescents et nombre d'entre eux ont oublié cette pratique. Des camarades de certains pays affirment que la ligne de masse pratiquée en Chine n'est pas juste, ils aiment beaucoup à s'inspirer du paternalisme. Que cela leur plaise, nous n'y pouvons rien ; en tout cas, nous nous attachons, pour notre part, aux cinq principes de la coexistence pacifique, dont la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures et la non-agression mutuelle. Nous ne prétendons diriger aucun autre pays, nous n'en dirigeons qu'un seul, la République populaire de Chine.

Pour certains pays d'Europe orientale, le problème fondamental est qu'ils n'ont pas mené comme il fallait la lutte de classes ; ils n'ont pas éliminé les contre-révolutionnaires qui étaient encore si nombreux ni trempé le prolétariat au cours de la lutte de classes pour qu'il sache établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, entre le vrai et le faux, entre l'idéalisme et le matérialisme. Maintenant, ceux qui ont laissé couver le feu se font brûler eux-mêmes: on récolte ce qu'on a semé.

De quel capital disposez-vous? Rien que Lénine et Staline. Or, ce dernier, vous l'avez déjà rejeté, et, le premier, vous l'avez démembré presque entièrement: vous lui avez coupé les deux jambes, ou bien vous ne lui avez conservé que la tête, ou bien vous lui avez enlevé un bras. De notre côté, nous étudions le marxisme-léninisme et nous nous mettons à l'école de la Révolution d'Octobre. Marx a produit tant d'ouvrages, et Lénine de même. S'appuyer sur les masses, suivre la ligne de masse, voilà ce que nous avons appris d'eux. Ce serait bien dangereux de ne pas s'appuyer sur les masses pour mener la lutte de classes et de ne pas établir une claire distinction entre nous et nos ennemis.

[Mao Tsé-toung – discours à la deuxième session plénière du Comité Central issu du VIIIe Congrès du Parti Communiste Chinois – 15 novembre 1956]
Xuan
Deux articles de Danièle Bleitrach ci-dessous.
DB a quitté une nouvelle fois le PCF, après l'avoir rejoint lors du dernier congrès.
On peut apprécier diversement le fait de rentrer et sortir, par contre ses arguments contiennent des éléments intéressants.
L'abandon du léninisme n'est pas vraiment nouveau de fait. Mao écrivait le 15 novembre 1956 "deux épées". Je reproduis ce texte dans le post suivant.


___________________


A propos d’un article de Patrick Le Hyaric sur Lénine dans Russia to day



http://histoireetsociete.com/2020/04/25/a-propos-dun-article-de-patrick-le-hyarec-sur-lenine-dans-russie-to-day/

DANIELLE BLEITRACH 25 AVRIL 2020

C’est un contrat moral que nous avons passé avec les lecteurs de ce blog et à ce titre, JE VOUS DIRAI TOUJOURS CE QUE J’ESTIME ETRE LA VERITE, sans haine, ni colère contre les individus mais sur le strict plan de l’estimation politique de leurs actes politiques. A la loyale… Je ne suis plus une dirigeante, seulement une communiste sans carte comme tant d’autres qui ont été forcés de quitter ce parti. C’est mieux, je n’impliquerai personne seulement mon droit à dire contre toutes les censures.

LES FAITS

Patrick le Hyaric, a soutenu Robert Ménard contre Fidel Castro, ne soutient pas le Venezuela aujourd’hui et n’a pas fait paraître une ligne sur Lénine dans l’Humanité le 22 avril. Il est intervenu une première fois en catastrophe en son nom propre à 18 heures, dans son blog, le 22 avril. C’était pour feindre de rendre un hommage à Lénine, mais l’hommage tardif réservait une alouette à Lénine et un cheval à Lucien Sève. Celui-ci fut un stalinien pur, fort et dur, un idéologue de talent. Dans sa vieillesse, il à dénoncé le léninisme, ce qui était son droit le plus absolu. Mais à ce titre, il a eu droit jour après jour à des articles dans l’Humanité alors que tous ceux qui défendaient la Révolution d’octobre -comme moi mais pas seulement- ont été interdits… Le problème est là dans cette expression unique et pas dans le fait qu’un certain nombre de camarades remettent en cause le léninisme, la nécessité d’un parti, le socialisme.

Cette censure s’exerçant sur ceux qui pensaient différemment n’avait rien de personnel, même si elle a souvent été présentée comme telle avec des arguments ad nominem, c’était une censure politique, exercée sans que les militants en aient connaissance. Elle a été impitoyable, totale et a été accompagnée de propos mensongers, comme dans toutes les pratiques fractionnelles. Il s’agissait par son impitoyable et constant exercice sur plus de vingt ans de verrouiller toute réflexion marxiste et communiste dans ce qui aurait pu être défini comme le journal du parti communiste.

L’offensive a été coordonnée puisque à partir de Robert Hue l’Humanité pour des raisons que l’on a défini comme financières n’a plus été le journal du PCF et son mode de financement, de propriété est devenu et reste toujours opaque.

En ce qui concerne la ligne de ce journal, Patrick le Hyaric et son équipe ont utilisé à plein la campagne de la bourgeoisie contre l’URSS pour faire passer la marchandise du” totalitarisme”, pour créer un signe d’égalité entre nazisme et soviétisme … pour étendre leur censure, et pour faire croire qu’elle reflétait l’humanisme communiste contre les méchants dictateurs qu’étaient, selon eux, plus ou moins tous les régimes socialistes et mêmes tous ceux qui prétendaient offrir la moindre résistance à l’impérialisme…Il était aisé d’exercer leur censure contre ceux qui ne voulaient pas abandonner l’enfant avec l’eau du bain, puisque le travail était largement fait par la presse bourgeoise. Peu à peu, ce sont les intellectuels de cette presse qui ont été reconnus , encensés.

Comment aurait-on pu dans un tel contexte savoir l’apport du léninisme et même du marxisme?

Tout cela pour faire oublier que le léninisme c’est une stratégie qui donne à la politique une dimension scientifique, celle d’une approche de la réalité, d’une connaissance de celle-ci. La seule orientation qui ait fait ses preuves jusqu’ici, alors même que le PCF crève d’un manque de but et de stratégie, L’opération parallèle consiste à nier la nécessité du socialisme, l’étape historique où la classe ouvrière crée les conditions politiques, idéologiques, économiques du renversement du capital alors même que celui-ci continue à marquer la societé, les mentalités du millénaire d’emprise de la propriété privée. Pourtant elle s’avère indispensable, parce que le socialisme pose les tâches concrètes à accomplir en ce sens,. Avoir abandonné cette vision des nécessités de la destruction du capitalisme accroît notre rupture avec la classe ouvrière organisée avec la fin des cellules en particulier d’entreprise. IL y a on le voit convergence.

Avec Parick le Hyaric et d’autres comme Bernard Vasseur et Pierre Laurent, le trio, l’anticommunisme, la négation du marxisme a pris ses lettres de noblesse au sein d’un parti soumis à la social-démocratie et infiltré de toutes parts. Nier la manière dont Marx revendique la dictature du prolétariat comme sa véritable création théorique est un mensonge que même Kautsky n’aurait pas osé… Il faut des années d’absence de formation militante dans un contexte de négationnisme historique pour que cela puisse ne pas susciter un immense fou-rire.

Leur action sera jugée par l’histoire mais dès aujourd’hui alors que le capital dévoile de plus en plus ce qu’il est, le double visage de ceux qui s’affirment comme les héritiers du communisme tout en niant sa capacité à transformer ,en entretenant les illusions est de moins en moins crédible. Comment continuer à ne pas dire que d’un côté celui du capital il y a la mort, la fin de l’espèce et de l’autre, le socialisme il y a la coopération, la survie et l’aide réciproque ? Comment nier que tous ceux qui appartenant aux couches populaires, ont vécu le socialisme le regrettent? Comment nier le fait que face à la crise, la Chine, Cuba, le Vietnam sont différents ?

Pour poursuivre dans cette opération de négation du passé autant que du monde qui change autour de nous, il faut continuer à censurer, colmater les brèches . Et Patrick le Hyric s’active donc beaucoup pour essayer de sauver les meubles. Alors que les dirigeants du PCF, ceux qui ont partagé sa dérive, se taisent, lui s’active… Comme il l’a déjà fait quand a été découvert ce qu’il cachait à savoir le vote du parlement européen mettant sur le même plan communisme et nazisme il est monté au créneau pour faire le grand écart, dire sans dire et en maintenant les liens avec ceux qui votaient ce genre de résolution… Pour être très concret: savoir ce qu’était cette résolution, non seulement qui l’avait voté mais qui l’avait mis en oeuvre en Georgie sous la direction de la CIA et de l’OTAN, je veux parler de Rafael Glucksman, n’a jamais empêché l’Humanité d’assurer sa promotion y compris aux élections européennes.

C’est son problème, mais pas celui d’interdire tout autre expression sur les faits.

La réalité et un certain nombre de ceux qui n’ont pas renoncé les obligent à reparler du marxisme, ils tentent d’ériger un contre feu dérisoire.

Voici que Patrick le Hyaric récidive dans Russie Today. ON se demande pourquoi le directeur de l’humanité, qui a empêché la moindre publications sur le sujet dans son journal va tout à coup alimenter Russie Today, le journal officiel en langue française du gouvernement russe? Son interview est également conçu avec la proportion d’une alouette pour Lénine et un cheval pour dénoncer le totalitarisme stalinien. Bref pour remplir le contrat de l’UE cette ligne est la sienne, elle n’a jamais été discutée par personne et elle est l’œuvre de qui je l’ignore..

Personnellement je considère que quand jour après jour on a mené une telle ligne on n’est pas en position de dire qui est Lénine, et surtout pas au nom de l’Humanité, qui en Russie reste le journal du parti communiste et le faire en continuant à entretenir la confusion sur ce qu’est ce journal: parole officielle quand ça l’arrange et parole personnelle pour ne rendre des comptes à personne.

C’est une escroquerie de plus que de diffuser cet article… l’officine anti soviétique et anti socialisme en général que sous sa direction l’Humanité est souvent devenue avec quelques références toujours l’alouette qui veut faire croire que rien n’a changé, n’implique plus que Patrick Le Hyaric soit obligé de rendre des comptes aux lecteurs de l’Humanité, ce journal qui s’affirme désormais celui de la “gauche” et pas celui du parti communiste fait périodiquement appel aux lecteurs communistes … Ceux dont il assure la campagne y compris dans les dernières européennes, la promotion permanente, ne paraissent guère pressés d’assurer fonds et clientèles double visage du moins officiellement: double langage tel sont alors les articles du censeur en chef de toute pensée et dire communiste…

Que les bouches s’ouvrent et que le débat POLITIQUE ait lieu et que chacun s’explique… sans cela il n’y aura aucun espoir de survie…

CE QUE JE PENSE ET QUI M’A FAIT CHOISIR CETTE POSITION INDIVIDUELLLE

d’abord qu’elle ne doit être en aucun cas considéré comme un appel à quitter le PCF, au contraire… Mais je ne suis pas d’accord avec la manière dont le parti est pétrifié par une fraction battue au 38 e Congrès mais qui impose sa ligne sans possibilité de discussion dans l’Humanité, dans le secteur international, dans la préparation des 100 ans du part, etc… Qui empêche que la clarté se fasse sur des questions de fond comme l’UE, le socialisme, les nationalisations, nos relations avec les autres partis, l’iterprétatio du marxisme, la formation des militants, et… et qui bloque par son travail fractionnel toute la réflexion et l’activité du PCF en menaçant de scission…

je n’ai plus l’âge de subir leur répression et leurs stupidités… Je dois dire que voir Lénine censurés par le parti communiste et le journal l’Humanité est une expérience que je n’aurais jamais cru possible. Comme je n’aurais jamais cru possible une aussi risible émasculation du marxisme au titre de la formation des militants laissée il est vrai si longtemps en jachère.

Je pense que ces gens-là doivent être mis à leur place, celle où les responsabilités qu’ils prétendent assumer ne serviront pas un petit groupe à l’exclusion de tout autre. Cela ne nous menacerait d’aucune scission le pCF, parce que ce qui doit être exigé est le respect d’un travail collectif, la fin de constitution de féodalités confortables à l’intérieur du parti, la fin d’un fonctionnement d’instances collectives sous une forme fractionnelle voilà ce qui est cause et pas les opinions de tel ou tel . Il n’est pas demandé que les camarades renoncent à leurs opinions mais qu’il ne fasse pas de celles-ci la chasse gardée d’une poignée qui par copinerie exclue tout autre et exerce la censure. Si certains d’entre eux voulaient tenter l’aventure de la scission dans de telles conditions, il n’auraient pas d’appui et surtout pas d’accueil: le temps est passé où la social démocratie offrait des places d’élus et des sinécures… Il lui reste à peine assez de place pour tous les affamés de leurs camps… En matière de collaboration de classe il y a beaucoup de nécessiteux à récompenser…Donc quelqu’un qui est sénateur a besoin du parti pour conserver sa charge… il faut mettre au jour les questions financières, le nerf de la guerre..

Je ne suis pas en position d’agir en ce sens et alors que je viens d’atteindre ma quatre-vingt deuxième année, il faudrait donc je continue à subir tous les coups, sans la moindre protection parce que telles sont les mœurs actuelles du pCF ?

Faute d’une telle politique, ce qui s’est passé au 38 e congrès sera lettre morte et ils obtiendront ce qu’ils cherchent un parti comme les autres d’adhérents, pas de militants dont une fraction pourra devenir la roue de secours de la gauche dite plurielle ou d’un parti démocrate à l’américaine, le tout en s’affirmant plus rouge que rouge parce l’on se débarrasse du socialisme pour se croire sans effort dans le communisme ? On me dit d’avoir de la patience, d’attendre les échéances que sont les présidentielles,le Congrès du parti… Certes, mais je crois que nous sommes entrés dans une crise dont la pandémie n’est qu’un des signes annonciateurs qui doit poser clairement les problèmes et je ,nai aucun moyen pour pouvoir le faire entendre.

Il est clair qu’en ce qui me concerne ce choix de quitter le pCF est définitif, j’ai adhéré en 1956 et j’ai du le quitter en 2003, ce qui prouve une certaine constance. J’ai cru pouvoir le réintégrer en 2013 parce que l’espoir d’un changement existait par rapport à ce qui s’était passé avec Robert Hue et d’autres. J’espère que cet espoir existe toujours, mais en ce qui me concerne les conditions sont telles qu’il m’est impossible désormais d’accepter que la censure conduise à la trahison de ce que sera la célébration des 100 ans de ce parti. Si j’acceptais non seulement censure, insulte,mais désormais le ridicule de ce qui se passe, je ne trahirai pas que moi mais la plupart de ceux que j’ai connus en restant là et en assistant à ce qui se prépare.
Je ne renonce pas à être communiste, je ne renoncerai pas à rétablir ce que j’estime la vérité, je le ferai sur le plan politique et celui des faits en tant que témoin et en tant qu’intellectuelle au service de la cause d’émancipation que j’ai choisie et à laquelle je ne renonce pas. Une amie plus grande et plus importante dirigeante du PCF m’a récemment dit: pour mon équilibre physique et mental il vaut mieux que je n’ai plus rien à voir avec ces gens-là, elle voulait dire si je ne peux pas agir inutile de me détruire en contemplant, moi il me reste l’écriture et le témoignage,j ‘espère par ce texte avoir contribué à aider le journal l’humanité à être un peu plus la propriété de tous et pas d’un clan.

Danielle Bleitrach


Edité le 28-04-2020 à 10:00:23 par Xuan


 
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