| Ci-dessous un article publié dans ' Regroupement Communiste ' Bulletin de l'Association des Amis du Manifeste. Cet article a le mérite de partir des faits et de ramener l’influence des marxistes-léninistes à ses justes proportions. Il insiste aussi sur la nécessité de s’unir et de construire un nouveau parti révolutionnaire. Par contre il ne prend en compte que les idées et non la situation matérielle des masses populaires. Egalement il observe le peuple « de l’extérieur ». Enfin, définir le parti communiste comme « une organisation qui contribue efficacement à la lutte des prolétaires » , c’est avilir sérieusement son rôle, surtout si ce parti devait rassembler pêle-mêle « communistes, anticapitalistes, anti-impérialistes » , à la manière du NPA. Dimanche 15 juillet 2012 Par Association des Amis du Manifeste LA PERSISTANCE DES ILLUSIONS ÉLECTORALES.
Les illusions entretenues par la bourgeoisie. S’il y a bien quelque chose de surprenant chez les prolétaires, c’est la force et la persistance de leurs illusions. Et ce à de nombreux égards. Mais d’où viennent ces illusions, qu’est-ce qui les entretient ? Illusions électorales En France, le succès remporté par les élections présidentielles ne se dément pas. Depuis 1965, la moyenne des votants tourne autour de 80%. Le suffrage de mai dernier, avec 79,48 % au premier tour et 80,35 % au second tour, confirme la tendance enregistrée ces 50 dernières années. On a beau dire que la présidentielle est un scrutin à part, il symbolise le mieux la démocratie électorale et emporte toujours la même adhésion. Même si le rôle politique du citoyen se résume à déposer un bulletin dans l’urne. Dans un système où le chef de l’état concentre autant de pouvoirs, sorte d’héritage et de prolongement des régimes monarchiques, cela en dit long sur le chemin qu’il reste encore à parcourir pour les exploités dans la compréhension du monde. Bien évidemment, toutes les classes votent, mais tout aussi évidemment la proportion en termes de suffrages de laclasse dirigeante est minime. Pour se maintenir les dominants, extrêmement minoritaires, ont besoin d’alliés pour soutenir leurs intérêts, les couches moyennes, mais ont également besoin du consentement des masses populaires. Consentement qui s’obtient en échange de la participation aux élections et l’impression qui en découle de peser dans la destinée de la nation. Avec en plus un pompon extraordinaire au dessus de l’isoloir, « la liberté », arme fatale de l’idéologie bourgeoise. Malgré un taux d’abstention de 20% en moyenne aux présidentielles et de près du double aux législatives, il va de soi qu’une partie importante des classes populaires vote, et qui plus est, vote contre ses propres intérêts. Car que l’on sache, le capitalisme perdure… Une autre partie conséquente s’abstient. Que pense-t-elle, qui est-elle, pourquoi ? Difficile à dire, certainement qu’à part ceux qui vont à la pêche, beaucoup sont désorientés, dégoûtés, ou d’autres, comme nous, font du boycott un acte politique. Il ne faut pas faire preuve de naïveté, la masse des abstentionnistes, sans organisation, ne représente qu’un nombre, une défiance pour le pouvoir, pas une force politique. Et quand bien même l’abstention serait entre 60 et 80%, cela ne suffirait pas à effondrer le régime sans volonté ni stratégie politique derrière. Notons quand même que l’élection présidentielle où l’abstention a été la plus forte remonte à juin 1969, un an après mai 1968 (plus d’acuité politique ?), notons aussi qu’aucun parti de gauche n’est parvenu au second tour cette année là. Bien sûr, il n’est pas question ici de rejeter le vote en tant que tel, et de faire de l’abstention une profession de foi. Mais en l’absence de parti communiste véritable, défendant bec et ongles les intérêts de la classe laborieuse, la question se pose… Lors de certains scrutins, il est important de s’exprimer et de se compter, comme lors de référendums (sur la constitution européenne par exemple), ou d’élections locales… Cependant le système actuel tient sa légitimité du fait qu’il est l’expression d’une majorité. On voit bien pourquoi l’abstention attire autant de foudres sur elle, plus il y a de votants et plus le système assied sa légitimité sur des bases solides, démocratiques. La foi dans les institutions, est entretenue par l’ensemble des acteurs forgeant l’opinion : partis politiques, médias, syndicats, école, clergé, intellectuels, artistes… Tous appellent à voter. Tous ont intérêt à la protection de ces institutions qui leur assurent en retour des privilèges. Et qui en bout de chaîne permettent aux classes dominantes de se maintenir indéfiniment au pouvoir, en possédant toutes les clefs de l’État. Si les illusions électorales persistent (malgré des taux d’abstention conséquents dans certaines élections fondamentales comme les législatives) c’est qu’elles sont intimement liées aux illusions démocratiques, au fait que les masses pensent qu’elles sont représentées politiquement et donc défendues. Illusions démocratiques Ces illusions sont d’autant plus dramatiques qu’elles sont entretenues par ceux-là mêmes qui devraient la combattre, les partis dits « de gauche ». On entend souvent expliquer que la Ve République est un système d’alternance et de cohabitation. Il n’y a pas formulation plus pertinente pour évoquer le fonctionnement de la démocratie électorale et son but réel : la survie du capitalisme. Lorsqu’une une équipe gouvernementale est usée, qu’elle est arrivée au bout de ses capacités de nuisance, quand la colère commence à gronder dans la population, elle est remplacée par son alter ego. Le peuple dégage les indésirables, mais le problème c’est que le choix se résume à blanc bonnet et bonnet blanc ! Gauche et droite, même combat ! Le système offre l’alternance mais pas d’alternative. Car enfin, qui se cache derrière ces étiquettes ? Qu’est-ce que la droite et la gauche quant au bout du compte il s’agit de ne rien changer, de gérer les affaires avec plus ou moins de poudre cosmétique ? Quand la volonté la plus affirmée est de sauver le navire capitaliste : l’Europe, l’euro, les banques, les grandes entreprises, la bourse… Raisonner en terme de « gauche », c’est entrer dans un jeu de dupes entretenu par des loups déguisés en humanistes, c’est ouvrir la porte à la collaboration de classe. Laissons le terme de gauche aux soldats du système, utilisons-le pour nous démarquer d’eux, nous sommes communistes, eux sont de gauche.
Par le truchement de l’alternance se maintient au pouvoir la même oligarchie, des gens qui viennent des mêmes milieux aisés, qui ont fait les mêmes grandes écoles, et qui se sont attribué les rôles : « socialistes » pour les uns, libéraux pour les autres, en fonction de leur « sensibilité » comme on dit… Mais aucun n’a d’autre ambition que sa carrière. L’affrontement droite-gauche se résume à une passation de sièges. Tout est verrouillé pour que le pouvoir ne se partage qu’entre complices de la finance. Comme avec le mode de scrutin que l’on adapte continuellement en fonction de la situation la plus avantageuse, proportionnel ou majoritaire, ou le découpage électoral qui permet tous les arrangements… Ou encore avec les frais de campagne qui sont remboursés aux organisations récoltant plus de 5% des suffrages laissant les petites qui veulent entrer dans la course exsangues. Sans parler de toutes les affaires de magouilles, de financement occulte des partis… Mais le jeu de dupes ne s’arrête pas à l’alternance gauche PS-droite UMP, il implique tout l’échiquier politique, les alliés de circonstance des grands partis, PCF Front de Gauche, centristes, verts, et s’étale jusqu’aux extrêmes. Illusions des extrêmes Tandis qu’une partie des prolétaires se berce d’illusions et continue d’entrer dans le jeu électoral des chaises musicales qu’on lui propose et qu’une autre s’abstient, une dernière quant à elle se tourne vers les extrêmes et les fausses solutions. Comme si la radicalité des discours voulant trancher avec l’ordre établi était plus prometteuse d’un véritable changement. Pourtant à leur manière les deux bords ennemis, si radicalement opposés, luttent pour un renforcement de l’État, outil d’hégémonie ultime : D’un côté, chez les trotskistes (puisque c’est eux qui forment le gros des troupes d’extrême gauche avec le NPA et LO), les solutions viendront des luttes sociales. La victoire passera par la prise en main de l’appareil d’État par les travailleurs, et par l’expropriation de la bourgeoisie. Les mots sont forts, la rhétorique emprunte au vocabulaire marxiste, mais ça ne va jamais plus loin que des incantations. On veut faire la révolution mais au second tour on finit toujours par appeler à voter PS… Incapable de mettre en perspective que le remède est pire que le mal. Qu’avec la gauche au gouvernement, les relais traditionnels du mouvement social sont paralysés, que la mobilisation s’éteint et que les réformes s’attaquant aux acquis sociaux ont le champ plus libre que sous la droite ! Dans leurs programmes il n’est jamais question du rôle de l’État en tant qu’instrument suprême de la domination bourgeoise ni de sa destruction, comme il n’est jamais question de la dénonciation de la social-démocratie en tant qu’agent essentiel de la survie du capitalisme. Comment cela se pourrait-ils d’ailleurs, les trotskistes appelant régulièrement à voter pour la gauche ! Quel crédit leur apporter à les voir réclamer la reconstruction d’un parti communiste (autour d’eux si possible), feignant d’oublier qu’ils n’ont eu de cesse dans leur existence de se diviser en de multiples micro-chapelles ? Oubliant qu’ils n’ont souvent agi que pour la division et la dispersion des énergies révolutionnaires… Ainsi pour l’extrême gauche il faut et il suffit de s’emparer de l’appareil d’État bourgeois, le placer sous « contrôle ouvrier » afin de contrer le patronat et les multinationales, via les nationalisations, l’imposition des riches, les lois sociales… À l’opposé, chez les nationalistes et les fascistes, la volonté est similaire, renforcer l’État, mais la problématique est inverse : créer un État fort, policier et militarisé, afin de permettre au marché de prospérer en réprimant toute opposition. La dictature est l’ultime recours du capitalisme en crise. Et le racisme une arme. La stigmatisation des minorités permet de détourner le mécontentement populaire inhérent à l’exploitation. La ficelle est vieille comme le monde, mais elle fonctionne toujours à plein régime. La crise et la souffrance qu’elle engendre, précipite les gens dans des impasses idéologiques. Pendant que ceux d’en bas se déchirent et se divisent, les vrais coupables de la misère du monde dansent sur leurs têtes. La haine légitime qu’éprouvent les pauvres, les exclus, les exploités, les humiliés, au lieu de s’abattre sur leurs bourreaux, se tourne contre leurs frères, magie de la manipulation de masse et de la crapulerie des puissants. Précisons s’il en est besoin qu’il serait insultant de mettre dans le même sac extrême-gauche et extrême-droite, comme le font les intellectuels de plateaux télés. Ce n’est pas le propos. La première a des solutions trompeuses, la deuxième des solutions monstrueuses. Pour autant il est utile de saisir que la radicalité affichée n’est que poudre aux yeux et permet de canaliser le mécontentement social sur un deuxième niveau, plus à gauche, plus à droite. Un niveau de garage. Car dans tous les cas c’est l’ennemi déclaré des deux bords, le capitalisme qui ressort gagnant. À première vue, les extrêmes gênent la gauche et la droite traditionnelle, en leur piquant des voix, pourtant, en servant d’épouvantails, ils leur permettent de se maintenir au pouvoir. De plus, pour la gauche propre sur elle, il est utile d’avoir une frange extrémiste agitant le drapeau rouge mais taxant de nostalgiques ou de passéistes tous ceux qui critiquent le révisionnisme communiste. C’est l’influence du chauvinisme (par opposition à l’internationalisme) sur le PCF qui l’a détourné de la pensée marxiste. Son impossibilité de concevoir autrement les échanges que portés par des individus séparés dans la production et/ou dépendant d’un État jugé au-dessus des individus (« garant de l’intérêt général » a contribué à perpétuer la propriété privée et a emmené le PCF à collaborer avec la bourgeoisie, à devenir ardent partisan du protectionnisme (le fameux « produisons français ! »). C’est la raison principale de son extinction en tant que parti véritablement révolutionnaire. Pour la droite, il est tout aussi utile d’avoir des extrêmes puissants, solution de repli en cas d’urgence révolutionnaire… Les extrêmes ont leur utilité pour détourner les rancœurs sociales. Pendant ce temps le business continue… Pourtant il reste une partie des prolétaires pour croire au grand soir, à penser que tout ça finira par une révolution. Malheureusement, en l’état actuel des choses, voilà encore une belle illusion. S’il y a bien une utopie, ce n’est pas de croire en une société meilleure, où les rapports de productions auront été remis à plat, mais de croire que cette société pourra naître sans stratégie ni plan. Ceux qui tiennent les rênes du pouvoir les tiennent trop forts pour les lâcher face à une armée désorganisée.
Illusions révolutionnaires Quand le parti de la classe ouvrière est puissant, radical, l’extrême droite s’affaisse. La solidarité de classe, le sentiment d’appartenir à un seul et même groupe martyrisé, assèche son fond de commerce fait de racisme et de xénophobie. L’absence d’un parti révolutionnaire se fait cruellement sentir. Sans lui, les masses sont orphelines, incapables de s’organiser, de comprendre la mécanique de leur asservissement, de briser leurs chaînes. Le PCF a failli depuis longtemps dans sa tâche historique, se laissant infiltrer par la bourgeoisie, abandonnant congrès après congrès ses positions de classe face à un capitalisme triomphant. Et maintenant que ce dernier s’écroule en révélant son vrai visage, préparant doucement le terrain au fascisme, à la guerre, nous sommes désarmés. Ce n’est malheureusement pas nous, les groupuscules communistes, les blogs, les tracts, les manifs qui pourront changer les choses sans une accrétion des forces militantes véritablement anticapitalistes. Seul, un regroupement des communistes permettra un ancrage dans la société, une seule adresse vers qui se tourner, et armera les prolétaires face à la violence de la bourgeoisie. Sans cela, sans l’outil de lutte des prolétaires, sans programme, sans stratégie révolutionnaire, le capitalisme règnera encore 1000 ans. Par quelle naïveté peut-on croire que la colère du peuple pourra suffire à elle seule à transformer le monde ? Car il ne s’agit pas seulement de châtier les puissants, de faire tomber un gouvernement, mais d’ empêcher qu’un autre le remplace. Il s’agit de briser le système actuel , de créer les conditions pour la naissance d’une société sans classes, la vraie démocratie, pour le peuple et par le peuple, sans maîtres ni valets. Bien sûr, chaque fois qu’un pays descend dans la rue et prend son destin en main, c’est magnifique et encourageant, mais répétons-le, sans organisation, il y a peu d’espoirs de changement. Le printemps arabe en est l’illustration, les tunisiens à bout, puis les égyptiens ont réussi à se débarrasser de leurs dictateurs, par la lutte spontanée, mais fondamentalement rien n’a changé. La misère continue à creuser son sillon. Cette expérience leur servira sûrement à comprendre que l’État a changé de mains, pas de nature . Et que pour passer au stade supérieur de la lutte il faut s’organiser ! Aujourd’hui en France les classes les plus pauvres se concentrent dans les banlieues et les cités. La misère grandissante, la stigmatisation, l’exclusion, le racisme, l’injustice, produiront encore des émeutes de la jeunesse comme en 2005. Mais elles n’aboutiront qu’à des destructions, une répression accrue, parfois l’obtention de cacahuètes, et entraineront la montée de la peur, du racisme, du discours sécuritaire… Bref l’inverse souhaité. Quelle force si ces jeunes qui n’ont rien à perdre étaient politisés et agissait ainsi plus consciemment ! Nous autres communistes, anticapitalistes, anti-impérialistes, porteront une lourde responsabilité si nous n’arrivons pas à nous unir, à créer une organisation qui contribue efficacement à la lutte des prolétaires en y combattant toutes les influences bourgeoises (toutes les illusions évoquées ci-dessus) qui aujourd’hui la dominent encore. J.M. A. Notes : Pourcentage de votants aux élections présidentielles depuis 1965, source ministérielle : % votants 1er tour / % votants 2nd tour 2007 : 83,77 / 83,97 2002 : 71,60 / 79,71 1995 : 78,38 / 79,66 1988 : 81,35 / 84,06 1981 : 81,09 / 85,85 1974 : 84,23 / 87,33 1969 : 77,59 / 68,85 1965 : 84,75 / 84,32 |
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