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Michel J. Cuny
La dialectique de la solidarité et de la liberté à l'intérieur même de la Sécurité sociale: un joli tour de force.

Il y a donc celles et ceux qui sont dedans, et rien que dedans... Il y a ensuite celles et ceux qui, tout en étant dedans, se trouvent aussi dehors.
En effet : ne pouvait-on pas ouvrir un espace spécial pour les travailleurs salariés qui ambitionneraient de faire un petit tour du côté d'une liberté, minimale peut-être, mais palpable malgré tout ?

Mais si, mais si, s'exclamera Pierre Laroque dès 1946 :
" Nous croyons que la vérité sociale se trouve dans la formule américaine, car il n'y a pas de sécurité véritable pour les travailleurs, si les prestations ne sont pas dans une certaine mesure proportionnée aux revenus perdus. Mais, par contre, il semble qu'il soit nécessaire de limiter la variation des prestations par un plafond. En effet, au-dessus d'un certain revenu, c'est le devoir des intéressés eux-mêmes de faire un effort volontaire de prévoyance libre . C'est pourquoi notre système repose sur l'idée de cotisations et de prestations proportionnelles au revenu dans la limite d'un plafond... Cette solution laisse un large champ libre aux institutions de prévoyance libre , spécialement aux organismes mutualistes ."

C'est donc par où les cadres se sont engouffrés pour ne plus être dans le panoptique que par le petit bout de l'oreille. Et les voici désormais animés de ce souci éminemment politique de parvenir à éviter que le plafond ne soit relevé, quoi qu'il en soit des éventuels malheurs de la Sécurité sociale de base.

Gros ver dans un joli fruit...
Michel J. Cuny
1947 : l'hallali des communistes, et la mise au pas de qui se refuse à les prendre pour des " séparatistes "

Voilà ce que l'historien américain Irwin Wall dit de cette année-là :
" En mars, l'ambassadeur [des Etats-Unis et ami de Léon Blum ] Jefferson Caffery notait avec satisfaction que les responsables centristes et socialistes travaillaient de conserve à neutraliser les communistes infiltrés dans les ministères de l'Intérieur, de la Guerre, des Anciens combattants et de la Production industrielle. A l'Intérieur, Edouard Depreux serrait la vis au préfet de police de Paris, Charles Luizet , qui avait, selon lui, " joué le jeu des communistes ". A l'état-major, de Lattre , auquel on reprochait d'avoir " flirté " avec eux, se voyait remplacé par Revers , un général sur lequel on pouvait compter pour épurer l'armée. Enfin, au ministère des Anciens combattants, François Mitterrand éliminait les communistes " aussi vite qu'il le pouvait ". Et Caffery ajoutait que les déclarations de Truman sur la Grèce et la Turquie avaient, à son avis, puissamment encouragé le déploiement de ce zèle anticommuniste ."

Quant à être alimentés par l'étranger, c'est encore Irwin Wall qui nous permet de cerner où sont les coupables :
"[...] les syndicalistes français non communistes hésitaient à rompre avec la CGT avant d'être assurés du soutien logistique dont ils avaient besoin : locaux, secrétariats, machines à écrire et à polycopier, argent nécessaire pour engager de nouveaux permanents. Les fonds commencèrent à arriver, lentement, dans le courant de 1947. Par le canal de son Free Trade Union Comittee , l'AFL mit environ 20 000 dollars à la disposition des réformistes, avant la scission ; quant à l'ILGWU [ International Ladies Garment Worker's Union , d'obédience juive], son rapport financier de 1947 fait apparaître une participation du même ordre : 15 000 dollars pour " Il Populaire " [revoici l'ombre de Léon Blum ] et 5000 pour une " Force of Riviera " (sic) où il faut lire, évidemment, Force Ouvrière. Ces montants augmentèrent régulièrement, les années suivantes, et s'accrurent des fonds versés par le gouvernement américain, assurant ainsi aux syndicats non-communistes les moyens de survivre ."

Or, pendant ce temps-là, la Sécurité sociale faisait la preuve de ses aptitudes attendues à l'homéostasie, attendues puisque, dans les années soixante, Pierre Laroque le redisait :
" Le plan de Sécurité sociale est dominé par le souci de prélever des excédents de pouvoir d'achat, en période de prospérité, pour restituer ces sommes en période de crise, en vue d'assumer une permanence suffisante de l'évolution économique, de maintenir le pouvoir d'achat de la population et, par-là, l'activité économique et les possibilités d'emploi. C'est donc à la fois un instrument d'une politique économique d'ensemble et un instrument de politique sociale ."
Xuan
Lors des grèves durement réprimées (et plus encore l'année suivante) de 1947, dans son discours du 20 juillet à Bordeaux, De Gaulle qualifiait le parti communiste de "séparatiste" .

La répression des grèves et l'étouffement de toute forme d'opposition aux guerres coloniales avait précisément pour but de le mettre au pas de gré ou de force, ce qui n'alla de soi y compris en 1950 lors de la "sale guerre" d'Indochine et à Charonne.
Michel J. Cuny
Ce qui montre bien aussi que les deux décisions d'action militaire brutale prises par De Gaulle en Algérie (8 mai 1945) et en Indochine (septembre 1945) inscrivaient la France dans le camp impérialiste, et donc derrière une volonté nettement exprimée d'exploiter, dès que possible, les mains-d'oeuvre immigrées.

Et ceci est encore un élément qu'il faut ranger sous l'exercice de la souveraineté accaparée par De Gaulle , les premières élections législatives (fin octobre 1945) n'ayant encore pas pu produire un réel effet sur la conduite de l'Etat où De Gaulle procède tout tranquillement par ordonnances.

Ce que je remarque aussi, c'est cette étroitesse du contact entre le secteur privé et l' Etat , plus particulièrement à travers les Wendel (ancêtres d' Ernest-Antoine Seillière ).
Toute une partie de l'entourage rapproché de De Gaulle rassemble d'ailleurs des Wendel par filiation, par alliance, ou par lien de vassalité :
Michel Debré , Yves Guéna , les François-Poncet , le maréchal Leclerc de Hauteclocque , Gaston Palewski , Robert Galley , François Missoffe , etc...
Et voilà un joli cortège qui mérite d'être rangé dans la bourgeoisie d' Etat .

Je reviens maintenant sur les enjeux comptables - eu égard au système capitaliste dans lequel l'ensemble de cette problématique doit être située - de la protection de la santé des travailleurs par la Sécurité sociale telle qu'elle a été conçue plus particulièrement par Pierre Laroque qui intervenait dans les termes suivants lors du vingt-cinquième anniversaire de celle-ci :
" L'on aurait pu toutefois se demander si le prélèvement opéré sur le revenu national pour financer la Sécurité sociale n'allait pas grever à l'excès l'économie du pays et en retarder le redressement et l'expansion. Bien qu'il soit difficile de dire ce qui se serait produit si ce prélèvement n'avait pas été effectué, l'on ne peut que constater que l'économie française s'est reconstituée et développée à un rythme exceptionnellement rapide au cours de cette période. L'on peut même penser que, bien loin de gêner cette évolution, le régime de la Sécurité sociale l'a sans doute favorisée, en opérant une redistribution de revenus favorable à la consommation des éléments les plus modestes de la population et en créant chez les travailleurs un climat favorable à l'apport qui leur était demandé. "

Paix sociale relativement forte, mais aussi paix politique peu à peu obtenue, tandis qu'à l'intérieur il s'agissait de mettre à genoux le parti communiste (objectif largement enclenché lors de la mise en place de la Cinquième République en 1958, et plus encore, en 1962, par l'élection du président au suffrage universel), et qu'à l'extérieur les guerres coloniales feraient rage de 1945 à 1962, justement...
Xuan
…mais compensant surtout l’absence de concurrence - par défaut de main d’œuvre – au sein des salariés.

Concurrence tellement indispensable qu'elle nécessitait de surcroît la mise en place du Code de la nationalité paru le 19 octobre 1945, tout comme le Régime des Assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles, deux semaines jour pour jour avant l’ordonnance sur l’immigration.

Cette rapidité frisant la précipitation ne doit pas surprendre car l'expérience de la première guerre mondiale et de l'entre-deux guerres était mise à profit :

La carte de séjour avait été instituée dès le 2 avril 1917 et l'Etat prenait alors en charge l'immigration avant d'en refiler la gestion à la Société générale d'Immigration, fondée le 7 mai 1924 par des organismes patronaux spécialisés : le Comité central des Houillères de France et l'Office central de la main-d'œuvre agricole. Ce qui développe évidemment le travail clandestin.
Le 26 juillet 1932, l'Etat reprenait la main - crise économique oblige - par un décret limitant l'accès au travail pour les étrangers, et le 10 août 1932 en instaurant des quotas d'étrangers de 5 % sur les chantiers de construction pour l'Etat et les collectivités locales.


Le 2 novembre 45 l’ordonnance sur l’immigration met donc en place l'Office National d'Immigration qui donne à l’Etat le monopole de l’introduction de la main d’œuvre étrangère dans le pays. Trois cartes de séjour sont instaurées (1, 3 et 10 ans) ; l’immigration des familles est aussi favorisée.
Michel J. Cuny
Une solidarité toute d'apparence ?

Il faut s'empresser de tirer la leçon de cet "aveu" de Pierre Laroque que tu rapportes, Xuan , quant à l'absence de toute volonté réelle d'utiliser la Sécurité sociale comme un moyen de redistribuer, même de façon minimale, les revenus.

Ou plutôt, il faut voir que la Sécurité sociale induit une sorte de solidarité horizontale à l'intérieur de chacune des strates salariales, selon les différents régimes, etc., mais aussi le maintien d'une désolidarisation mesurée avec les strates immédiatement supérieures ou immédiatement inférieures, le tout entrant dans un équilibre homéostatique global, et en quelque sorte automatisé, de l'ensemble de la Sécurité sociale en un temps où elle était, pour l'essentiel, la chose du monde des ouvriers et des employés.

Equilibre homéostatique de la force de travail, voilà ce que vise à obtenir la bourgeoisie d' Etat qui va trouver à organiser, dès la Libération, la haute fonction publique à partir de l'enfant chéri de Michel Debré : l'Ecole Nationale d'Administration (ENA)

Sans doute aurons-nous l'occasion d'y revenir. Evidemment, il y a du Keynes là-dessous...

L'équilibre homéostatique est, toutes choses égales par ailleurs, la garantie d'une stabilisation politique aussi, au sens d'une adaptation de la force de travail à la tâche qui lui est conférée, d'une part dans le système de production de la richesse économique, d'autre part dans le système d'une reproduction améliorée de soi-même, à l'intérieur de la famille.

Rassurer le travailleur sur sa santé et sur les moyens qu'il aura de faire face à l'éventuelle maladie, c'est ouvrir devant lui une garantie nouvelle pour ses enfants, y compris celle de pouvoir les aider le moment venu à faire l'effort de développer leur formation professionnelle et leur adhésion à la promotion sociale qui peut en résulter. Ce qui est encore une génération de gagnée !...

C'est ce dont n'aurait pu manquer de se réjouir Michel Debré , pour qui la continuité de l' Etat bourgeois à travers la succession des générations était une préoccupation essentielle : d'où l'intelligence qu'il y avait, pour lui, à ne surtout pas quitter le Conseil d'Etat pour cette petite raison qu'il était tombé sous la coupe d'un Pétain nécessairement de passage...

Sur ce même terrain de l'effet générationnel, ne lâchons cependant pas non plus Pierre Laroque , qui écrivait en 1948 :
" Enfin, c'est également en raison de sa situation démographique propre que la France a fait porter un de ses principaux efforts vers l'organisation sanitaire, la prévention de la maladie et des accidents du travail [... afin] d'augmenter le nombre et le rendement des travailleurs adultes... compensant ainsi, pour une part, la charge de la population active ."
Xuan
Guy Herzlich rapporte dans le Monde des 29-30 septembre 1985 un entretien avec Pierre Laroque.
On y lit notamment :

« - Vous aviez un objectif de redistribution des revenus ?

-La redistribution, ce n’était qu’un moyen. Le but était d’assurer à la masse des travailleurs, et pour commencer aux salariés, une sécurité véritable du lendemain. Cela allait de pair avec une transformation sociale et même économique : l’effort qu’on leur demandait pour la remise en marche de l’économie devait avoir une contrepartie.
La deuxième idée c'était de donner aux intéressés eux-mêmes la responsabilité des institutions. »
Michel J. Cuny
Mais les travailleurs salariés de base seraient-ils à la hauteur de la chance historique que leur offrait le mode capitaliste - à la française - de production et d'échange en leur octroyant la Sécurité sociale ?

La question a été posée dès le départ à la classe ouvrière française plus particulièrement. Cette Sécurité sociale , ils allaient devoir démontrer qu'ils en étaient dignes. Selon certains, ce n'était pas gagné d'avance. Pour l'essentiel des catégories de la population qui considéraient de haut cette initiative un peu trop sociale à leur goût, et qui ne voulaient surtout pas s'y associer, le budget de la Sécurité sociale allait très vite exploser sous le poids des abus d'une main-d'œuvre à peu près sans foi ni loi...

Quoi qu'il en soit, pour les experts l'affaire méritait d'être tentée. Quel observatoire ! Puisque le prolétariat allait pouvoir être ausculté de façon spécifique, dans cet isolement où les travailleurs indépendants étaient bien contents de le laisser s'exposer.

Or, Pierre Laroque l'avait écrit dès le mois d'avril 1946 :
" Les principes mêmes du plan de Sécurité sociale que nous voulons édifier, de même que les principes plus généreux de la politique sociale... veulent que l'organisation de la Sécurité sociale soit confiée aux intéressés eux-mêmes. Cela précisément parce que le plan de Sécurité sociale ne tend pas uniquement à l'amélioration de la situation matérielle des travailleurs, mais surtout à la création d'un ordre social nouveau dans lequel les travailleurs aient leurs pleines responsabilités ."

La force de travail allait-elle fixer elle-même au plus bas, par des pratiques minimales de soins, le prix auquel elle consentait à se vendre, elle et ses enfants, dans un contexte de plein emploi, évidemment très porté à laisser parler le rapport de force en faveur du travail ?

Expérience à très grande échelle et en vrai : c'était la concrétisation du Panoptique de Bentham (1780)... Tout voir, tout savoir, par la grâce du confinement des travailleurs, et de la gestion d'eux-mêmes par eux-mêmes sous des critères comptables précis et constatables par tous les "qui de droit"...

Et Pierre Laroque d'enfoncer le clou en 1948 :
" Dans la conception française, la Sécurité sociale doit non seulement donner aux travailleurs un sentiment de sécurité, mais aussi leur faire prendre conscience que cette sécurité est leur propre fait, qu'ils en ont le mérite et la responsabilité ."

" Faire prendre conscience " de ce que l'abaissement dans lequel les tient la société capitaliste est bien le leur : qu'il ne leur faut rien de plus que d'être une force de travail garantie dans sa pérennisation par la couverture de besoins élémentaires dûment quantifiés par eux-mêmes dans la logique d'une habitude qui doit faire corps avec eux et se transmettre à leurs enfants.

De vrais artistes, les petits gars du Conseil d'Etat !
Michel J. Cuny
En piste pour le déploiement de la médecine libérale

Après avoir vu la façade de la Sécurité sociale qui paraît faire valoir ladite notion de solidarité (alors qu'elle implique une désolidarisation permanente des diverses couches de salariés), passons à cet autre pilier qui réjouissait Michel Debré à la fin janvier 1946, alors que De Gaulle quittait brusquement la présidence du Gouvernement provisoire : la liberté.

Voici ce qu'en disait Pierre Laroque en 1948 :
" Il n'a pas paru possible, compte tenu de la psychologie propre des Français, qu'il s'agisse des travailleurs ou du corps médical, de réaliser ce Service national de santé que le législateur britannique a prévu et qui mettra gratuitement à la disposition de la population entière une organisation complète des soins. La législation française sur la Sécurité sociale a laissé subsister l'organisation médicale de type libéral qui existait précédemment ."

C'est plutôt clair : il eût fallu une Révolution en 1944-1945 pour atteindre en plein cœur la liberté d'entreprendre, y compris dans le domaine de la santé. Par conséquent, à défaut de Révolution du cadre général tout doit s'aligner, là aussi, sur la médecine libérale : qui pourrait en douter une seconde seulement.

C'est bien ce qu'avait décidé l'ordonnance de mars 1945 (toujours aussi mystérieusement inconnue) qui, selon l'historien de la Sécurité sociale, Bruno Valat , " laissait aux médecins le soin de déterminer librement leurs honoraires. Cependant, pour être applicables aux assurés sociaux, ils devaient être approuvés par les ministres du Travail, de la Santé et de l'Economie, qui pourraient les rejeter s'ils les jugeaient excessifs ".

Médecine "libérale", certes, mais dans un contexte de prix "administrés", c'est-à-dire non soumis à la concurrence qui fait tout le sel de l'économie capitaliste. Or, comme le corps médical du secteur libéral est fait de personnages très susceptibles de se ranger dans la "notabilité" locale, il est assez clair que ce statut que leur offre le financement, par la Sécurité sociale, de l'essentiel de leurs activités, va leur permettre de figurer en bonne place dans l'ensemble du personnel politique : ce qui est d'une importance déterminante pour le rapport de force tournant autour de l'établissement des tarifs... qui aident à garantir la notabilité.

Voilà comment la Sécurité sociale s'est offerte aussi, par sa capacité de financement indirect des carrières politiques médicales, comme une rampe de lancement pour divers lobbyistes de niveau moyen, mais solidement assis sur la prétendue solidarité de base...
Michel J. Cuny
La stratification sociale induite, en particulier, par le mode d'intervention de la Sécurité sociale est aujourd'hui un élément essentiel de la re-stabilisation politique permanente, vers la droite et l'extrême-droite, d'une société française qui s'effondre sur sa base en l'écrasant

L'un des spécialistes de la Sécurité sociale, Bruno Palier , écrivait en 2002 :
" Dans une certaine mesure, c'est cette façon de faire de la protection sociale qui a, sinon créé, du moins objectivé et renforcé ces groupes sociaux dont on dit qu'ils sont à l'origine de la fragmentation du système ."

Il rend plus explicite son propos en apportant quelques éléments terriblement parlants :
" Une annexe de la loi de financement de la Sécurité sociale dresse chaque année la liste des 538 différents régimes de Sécurité sociale de plus de 20 000 affiliés comptabilisés par la Commission des comptes de la Sécurité sociale ."

Dans ce contexte général, chaque adhérent(e) à la Sécurité sociale est conduit(e) à s'identifier à un groupe et à en faire respecter la place dans l'ensemble de la stratification : relativement à ce qui est en dessous, au-dessus et au même niveau. A petit feu, c'est évidemment la permanente guerre des places... Porter un regard objectif sur l'ensemble du système finit par représenter un véritable tour de force pour l'individu en tant que tel, et pour le groupe auquel il appartient.

Voilà ce qu'ont recherché et obtenu, sur ce pan particulier de la société française d'après la seconde guerre mondiale, ceux que j'appelle " les petits gars du Conseil d'Etat ", frange essentielle, à la Libération, de la bourgeoisie d'Etat.

Pour sa part, bouleversé par ce qu'il appelait la "désaffiliation", c'est-à-dire par ce qui vient frapper une base qui glisse peu à peu vers les minima sociaux, Robert Castel écrivait en 1995, à propos de la partie qui, pour lors, se croit encore protégée par un véritable statut :
" L'organigramme de la Sécurité sociale donne ainsi une assez bonne projection de la structure de la société salariale, c'est-à-dire d'une société hiérarchisée dans laquelle chaque groupement professionnel, jaloux de ses prérogatives, s'acharne à les faire reconnaître et à marquer sa distance à l'égard de tous les autres ."

Il faudra, au monde du travail, ne pas trop tarder à ouvrir les yeux sur les jolis tours de passe-passe dont il a fait l'objet depuis soixante-dix ans.
Ainsi, un homme comme Pierre Laroque savait-il très bien ce qu'il entreprenait en édifiant un système qui, prévenait-il,...
" s'adresse à tous les hommes et à toutes les femmes en état de travailler, à tous ceux qui vivent de leur travail et ne peuvent vivre que de leur travail - ce qui, de plus en plus, sera le cas de tout le monde dans tous les pays ".

Ils la voyaient bien venir, lui et ses petits camarades, la prolétarisation (rejet hors de la propriété des outils de travail) de la société française, compte tenu des retards de productivité subis par la France durant les années trente, retards qui appelaient un réveil brutal, en particulier du côté des trop nombreux travailleurs indépendants : paysans, artisans, petits commerçants, etc., qui ne tarderaient guère - eux ou leurs enfants - à rejoindre la condition salariale.

NB. L'ensemble de ces éléments et bien d'autres se trouvent développés dans " Une santé aux mains du grand capital? "
 
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