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Inutile rétropédalage sur la Syrie

Xuan
   Posté le 21-05-2013 à 00:03:24   

Ci-dessous cet article de Georges Malbrunot publié par le Figaro le 10 mai, et repris le 13 par Al Manar, ne se place pas du côté des peuples mais de l'impérialisme, et il traduit les tiraillements au sein de la bourgeoisie française.
Il met l'accent sur les incohérences et les revirements de la politique extérieure de la France, «grande perdante de la conférence internationale», qui a réussi à s'attirer à la fois l'hostilité du gouvernement syrien et de ses opposants, et à se couvrir de ridicule sur la scène internationale.

L’impérialisme français a cru pouvoir appliquer à la Syrie la même stratégie qu’en Libye.
Cette attitude jusqu’au-boutiste à la pointe de l’agression impérialiste est seulement motivée par la nécessité de peser davantage en Europe, face à son concurrent allemand.
Mais la destruction pratiquée en Libye n’est plus tolérée par les pays émergents désormais et ils l’ont bien fait comprendre aux puissances impérialistes.
La Syrie n’est pas la Libye et les agressions sionistes répétées n’ont servi à rien, pas plus que la propagande occidentale sur les gaz de combat.
C’est d’ailleurs peu de temps après l’échec de la dernière agression sioniste que Fabius a retourné sa veste.

Ce revirement entérine un autre échec cinglant :
Lors du sommet européen du vendredi 15 mars à Bruxelles, la France avait demandé la levée de l’embargo de l’UE pour armer les « rebelles syriens », en précisant qu’elle était prête à agir seule si les partenaires européens n’étaient pas d’accord.
La coalition rebelle “doit avoir les moyens de défendre les régions qu’elle a libérées”, avait déclaré François Hollande soutenu seulement par Cameron.
Mais l’Allemagne, les pays scandinaves et d’autres s’étaient opposés à la levée de l’embargo, tandis que la Chine commentait "La France ne doit pas jeter de l'huile sur le feu en Syrie".
Hollande s’est dégonflé comme une baudruche.

A présent l’impérialisme français, qui n’a pas les moyens matériels d’intervenir, n’a pas d’autre choix que de marcher dans les pas d’Obama.
Ce comportement de porte-flingue reflète parfaitement sur le plan extérieur la débandade sur le plan économique et financier de notre impérialisme.


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Le spectaculaire revirement français sur la Syrie




Il faut reconnaître une qualité à Laurent Fabius : sa capacité à changer de pied. Fin politique, le ministre des Affaires étrangères nous le montre, une fois de plus, sur le dossier syrien, où craignant d’être marginalisée par le récent accord américano-russe, sur la tenue d’une conférence internationale, pour sortir de l’impasse, Paris donne l’impression d’être à la manœuvre, dans le sens souhaité, bien sûr, par Washington et Moscou, c’est-à-dire, la recherche d’une solution diplomatique à un conflit, qui a fait plus de 70.000 tués, en deux ans. Un rapide examen des faits montre pourtant que la France a, surtout, joué la mouche du coche, sur ce douloureux dossier.

Mais à la décharge de M.Fabius, il convient de reconnaître que son prédécesseur, au Quai d’Orsay, Alain Juppé, lui avait montré la voie.

Dans un long entretien à nos confrères du "Monde" , Laurent Fabius déclare que la France «poursuit quatre orientations. D’abord continuer de pousser une solution politique. Les Etats-Unis doivent pleinement s’engager, les discussions avec la Russie, se renforcer. Nous proposons, depuis longtemps, un Genève II, faisant suite à la réunion de Genève, en juin 2012» .

Mauvais diagnostic

Ceux qui suivent de près le dossier syrien seront quand même un peu surpris d’entendre M. Fabius assurer que Paris a toujours privilégié l’option diplomatique. Depuis deux ans, la principale faiblesse de la position française a été au contraire de ne pas choisir clairement entre la diplomatie et les armes en Syrie, convaincue que les «jours du régime étaient comptés» , selon une formule, qui n’est pas l’apanage il faut le reconnaître du Quai d’Orsay. Cette prévision hasardeuse n’était pas celle, non plus, de notre ambassadeur à Damas Eric Chevallier qui écrivait dans des télégrammes datés des premiers mois de la révolte que le régime était encore trop solide pour tomber, alors qu’à Paris son ministre de tutelle, Alain Juppé, allait répétant que les «jours de Bachar al-Assad étaient comptés» . Un dysfonctionnement sur lequel des historiens se pencheront peut-être un jour.

En condamnant rapidement Assad à comparaître devant un Tribunal international, la France – c’était toujours Alain Juppé en février 2012 – se coupait de toute possibilité de peser – à la mesure de son poids – dans un processus diplomatique à venir. «Nous étions pourtant bien placé» , regrette un ancien diplomate, en poste, à Damas, qui rappelle la lune de miel franco-syrienne, entre 2008 et 2010.

En Europe, la France a été ensuite – avec la Grande-Bretagne – à la pointe de l’armement des rebelles, afin, nous disait-on, de rééquilibrer le rapport des forces, défavorable aux insurgés face à une armée régulière qui réprime sauvagement les opposants. Une annonce qui a fait long feu, en raison des avertissements du ministère de la Défense, notamment. Au grand chagrin d’insurgés désarmés, qui espéraient dans les promesses françaises et qui aujourd’hui se réfugient auprès des djihadistes du groupe al-Nosra.

D’autre part, entendre M. Fabius se faire le chantre d’un Genève II parait là encore pour le moins surprenant. Après Genève I qui ouvrait la voie à une transition négociée, Paris n’a eu de cesse de répéter que cet accord ne pouvait être appliqué que si Assad quittait le pouvoir dès le lancement de cette transition. Ce à quoi s’opposait Moscou, s’appuyant sur les termes même de l’arrangement. D’où le blocage de Genève I.

«Mais Genève, c’est du passé» , entendait-on, l’été dernier, à Paris, après l’attentat qui coûta la vie à quatre hauts-responsables syriens, parmi lesquels le général Assef Shawkat, beau-frère d’Assad.

On joue les mauvaises cartes, chez les opposants

Puis quelques semaines après, on nous jurait qu’avec les premiers hélicoptères du régime abattus par les rebelles, «on assistait à une accélération de l’histoire» . Bref, comme le soutenait encore à l’automne M. Fabius, le régime allait tomber – cette fois –ci – dans «quelques semaines» . Il était donc inutile de plaider pour une solution diplomatique. D’autant qu’en parallèle, sous très fortes pressions diplomatiques et financières de nos alliés qatariens, on parvenait tant bien que mal à rassembler l’opposition dans une «Coalition nationale» que la France a été la première à reconnaître.
Contrairement aux Etats-Unis qui, pragmatiques, ont vu rapidement que cette Coalition allait exploser sous les mêmes contradictions que le Conseil national syrien qui l’avait précédée : une structure noyautée par les Frères musulmans.
Ce qui a alimenté les divisions internes, et débouché finalement sur la démission de son chef Moaz al-Khatib qui s’apprête à créer une nouvelle force politique avec d’autres opposants, moins islamistes, pour faire contrepoids à une Coalition, moribonde.

Or la Coalition est autant le bébé de la France que du Qatar et de la Turquie. Conscients de ses défauts, Etats-Unis et Russie ont choisi d’inviter à titre personnel des opposants à leur conférence de Genève.
Ce qui veut dire que la Coalition a quasiment perdu son titre de représentant de l’opposition.
Paris – nous dit encore M. Fabius – souhaite ardemment que cette opposition s’élargisse. Surprise là encore : depuis deux ans bientôt, la France a placé ses œufs dans un seul et même panier, celui du CNS puis de la Coalition, refusant d’engager un dialogue conséquent avec d’autres opposants – eux pourtant laïcs – et n’hésitant pas à exercer parfois de vilaines pressions sur certains d’entre eux. Or ceux-là vont aussi être invités à Genève.

On donne des gages aux Américains sur Al-Nosra

Pour raccrocher le train de Genève et occuper un strapontin à la conférence internationale qui s’annonce, la France cherche à se redonner une virginité sur le dossier syrien. Et pour donner des gages à ses partenaires américains et russes, Paris en profite pour annoncer qu’il va, cinq mois après Washington, proposer de mettre le groupe rebelle Jabhat al-Nosra lié à Al Qaida, sur la liste des organisations terroristes.

Cette manœuvre sera bien accueillie par les diplomates russes, américains ou onusiens qui depuis le début ne comprennent guère le jusqu’au boutisme verbal de Paris. «La France est la grande perdante de la conférence internationale» , souligne l’un d’entre eux. «Son revirement est spectaculaire» .
Mais comme l’issue à court terme de ladite conférence est pour le moins incertaine, la France aura encore le loisir de changer de cap…

Par Georges Malbrunot

Source: Le Figaro


Edité le 21-05-2013 à 00:21:19 par Xuan