Sujet :

une intéressante contribution au débat

Xuan
   Posté le 02-07-2012 à 08:40:23   

à l'occasion de la 3e rencontre communiste de Marseille, il faut relever cette intéressante contribution présentée par Pascal Brula, qui aborde aussi la question de l'intégration européenne.


Source : "faire vivre le PCF!"




6, 7, 8 Juillet : 3ème rencontres communistes de Marseille


Pourquoi la direction du PCF s’est-elle couverte de ridicule ?... bien que le ridicule ne tue pas

dimanche 1er juillet 2012
par Pascal Brula


Intervention de Pascal Brula à la tribune de discussion des rencontres 2012 de Marseille .
Cette attitude pose des questions de fond à tous les communistes bien au-delà du seul PCF et de cette question ridicule posée aux adhérents.

De quel ridicule je parle ? Mais tout simplement de la pseudo-concertation des adhérents sur le fait de participer ou non au gouvernement. Passons outre le fait que le PCF n’y avait même pas été invité, voire même tout au contraire, puisque le PS avait fait passer le message qu’il profiterait à plein du système de scrutin, afin que ceux qui participeraient au gouvernement "fermeraient leur gueule" ou n’y viendraient pas. Le ridicule de la situation pourrait en effet commencer là : comment dire non à des gens qui ne vous ont même pas invité… J’ai bien cherché une attitude pince-sans-rire de la part de Pierre Laurent mais ce n’était pas très convaincant. Finalement, le plus clownesque aura été le Bob national [1] qui sans complexe se voyait déjà assis sur son strapontin alors que son téléphone n’a apparemment même pas sonné.

Non, le vrai problème, c’est que la question de la participation au gouvernement ait été posée par de soi-disant dirigeants communistes. Comment oser soumettre cette question alors que tout communiste bien campé sur ses fondamentaux sait parfaitement ce qui va se passer et ce que le PS et sa cour servile vont nous concocter. Je ne parle même pas du coup de pouce microscopique du SMIC, de l’ordre de grandeur des nanoparticules [2], mais plutôt de la comédie que nous a joué Hollande avec sa soi-disant renégociation du dernier traité en date de l’UE, le TSCG. Au bout de la nuit, il a entériné ce traité en nous révélant que si son amendement sur la croissance n’était pas encore retenu, il était sur la bonne voie.

La révolution conservatrice des années Mitterrand-PS

Mais revenons quelques années en arrière. Car les années passent et la direction actuelle du PCF a définitivement jeté une chape de plomb sur l’histoire avec un grand H, en tous cas sur celle qui dessert ses objectifs de liquider le parti communiste et ce qui va avec. Ce qui fait que les années que nous venons de vivre, programme commun, années Mitterrand, révolution conservatrice, évolution du capitalisme, assujettissement à la dictature du capital par U.E. interposée, défaite de l’URSS, participation à un gouvernement de collaboration de classe (Jospin), etc… ne feront jamais l’objet d’une analyse sérieuse officielle de la part de l’intellectuel collectif qu’est sensé représenter le PCF ; cette analyse se pose en tous cas pour un mouvement communiste réel. Alors, on est bien obligé d’aller à la pêche, par ci, par là. Et il arrive de sortir un gros poisson comme le bouquin de Rémy Herrera, "Un autre capitalisme n’est pas possible", qui, entre autres, nous offre une sérieuse analyse économique des années Mitterrand-PS.

L’auteur démontre que ce sont les "socialistes" qui ont pris l’initiative de "moderniser" le système de financement en général, et la gestion de la dette publique en particulier telle qu’on la connaît aujourd’hui : « Le moteur du développement des marchés financiers a été l’Etat – un Etat dirigiste à la française, et de surcroît dirigé par des socialistes » . Il faut noter que l’encours des emprunts à plus d’un an a atteint 451 milliards de francs fin 1983 contre 123 fin 1980. La dette de l’Etat, enfermée dans les règles du capitalisme acceptées par le PS, est passée de 15,9% du PIB en 1980 à 22,3% en 1983 (les intérêts représentant 4,8% du budget en 1980 et 8,7% en 1983).

Parallèlement, avec la rigueur, avec le blocage des salaires et la déflation, la part des salaires dans la valeur ajoutée passa de 58,5% en 1982, à 58,1% en 1983, puis 56,9% en 1984, et enfin 53,5% en 1986. Et le chômage explosa (10,5% en 1985)… Rémy Herrera résume l’affaire de cette manière : « Le gouvernement socialiste réalisait ainsi ce que la droite n’avait pas pu faire et dont elle rêvait depuis des lustres : endiguer durablement l’inflation et rétablir les profits, en bloquant les salaires (1982), en brisant leur indexation ex ante sur les prix (1983) et en rompant les anticipations (1984) » . L’originalité française par rapport aux Etats-Unis avec Ronald Reagan et la Grande-Bretagne avec Margaret Thatcher, est que la révolution conservatrice, c’est-à-dire le tour de vis de la surexploitation capitaliste de la fin du XXème siècle, a débuté et été mis en œuvre par des hommes politiques qui se réclament du socialisme ! Selon l’auteur, « l’Etat n’était pas intervenu de façon autoritaire dans la formation des prix et des salaires depuis plus d’un quart de siècle. Seul le PS pouvait utiliser à plein le dirigisme étatique pour imposer une telle rigueur aux travailleurs, grisés par la victoire. Il accomplissait le rêve du patronat : bloquer et désindexer les salaires, et par là consolider la désinflation, en réprimant la consommation ».

Le PS au service de l’accumulation

Depuis ces années de régression, de l’eau a coulé sous les ponts et d’autres renoncements et reculs sont venus s’ajouter à cette reprise en main de la société française par le capitalisme. Alternativement, la droite et la gauche au pouvoir en France, en se passant le relais, ont porté des coups terribles aux travailleurs et à leurs acquis. Je pense notamment au gouvernement Rocard qui le premier a remis en cause ce que la droite n’avait jamais pu toucher, le financement de la Sécurité sociale par prélèvement sur la plus-value, tel que l’avait mis en place le communiste Ambroise Croizat : Rocard et le PS ont mis le doigt dans l’engrenage d’une taxe directement perçue sur les salaires, la CSG. Depuis, même la "gauche de la gauche" s’y est mise en proposant de financer la Sécu par une taxe sur les transactions financières (cf. "L’Humain d’abord"), au grand plaisir de la patronne du Medef, Laurence Parisot. Mais en prenant du recul, en revenant aux fondamentaux, on se rend compte que depuis 1981, c’est à une organisation nouvelle du capitalisme à laquelle ont pris part non seulement la droite, mais aussi et surtout le PS. Qu’est-ce qui, selon Marx, est fondamental pour le capitalisme, en est le moteur ? C’est l’accumulation du capital ! Et aujourd’hui, la crise que nous vivons est une crise de suraccumulation, et non une crise financière qui n’est, en fait, que la partie visible de l’iceberg. Et qu’est-ce qui a permis cette suraccumulation sinon la formidable évolution de cet outil qu’est la finance au service du capitalisme, évolution patiemment organisée par les différents gouvernements capitalistes à l’échelle mondiale. Tous les obstacles financiers à l’accumulation capitaliste ont été levés dans la deuxième moitié du XXème siècle. En France, le PS n’a pas donné sa part au chien : acte unique européen, libre circulation des capitaux, traité de Maastricht avec la mise en route de l’euro, privatisation des dernières banques sous le gouvernement Jospin, etc… Cerise sur le gâteau, c’est aux "socialistes" français que l’on a confié les rênes de la gestion de l’ordre mondial du capital (de l’OMC au FMI).

Sous des airs de "flamby", la dictature

Finalement, chaque fois que le PS a eu le pouvoir en France, généralement sans partage, des digues ont sauté, les acquis ont reculé, le capitalisme a fait des avancées sans précédent et s’est épanoui, la surexploitation a explosé. Alors aujourd’hui, qu’est-ce qui pourrait changer par rapport à ce passé, pour que le PCF puisse considérer pouvoir participer au gouvernement ? Certes, il y a eu l’épisode Chirac-Raffarin-Sarkozy qui a accéléré les reculs de notre société avec un autoritarisme qui pourrait faire passer les gens du PS pour des "flambys" inoffensifs et doucereux. Mais le PS ne montre aucun signe de changement par rapport au gouvernement précédent. Dans la continuité, Hollande vient d’accepter le nouveau traité européen, le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), chargé d’imposer le diktat de la "règle d’or" en matière budgétaire, les trois mots sur la croissance qu’il pourrait faire ajouter n’y changeront rien. Que nous dit ce traité ? Il impose le quasi-équilibre des finances publiques de tous les pays de la zone euro sans tenir aucun compte de leurs particularités ni historiques, ni conjoncturelles, ni de niveau économique. La conséquence est que les nations et les peuples n’ont plus aucune marge de manœuvre, hormis celle d’obéir. Tout pays qui sortira des clous fixés par le traité fera l’objet de sanctions. C’est la dictature soft du capitalisme. Car avec un euro fort entraînant automatiquement des dettes pléthoriques, la seule marge de manœuvre est la baisse des salaires, des retraites et des prestations sociales. Avant la deuxième guerre mondiale, le patronat français était en admiration devant Hitler qui avait su régler le problème des salaires de manière autoritaire ; il avait alors lancé son fameux cri « plutôt Hitler que le Front populaire ! » . Aujourd’hui, masqué derrière une image de poupon bien nourri, le capitalisme français espère régler le problème d’une manière institutionnelle, grâce à l’outil qu’il s’est donné pour écraser les peuples : l’Union européenne. Tout ne serait plus qu’une affaire de mathématiques ; Laurence Parisot interviewée dernièrement disait que l’augmentation des salaires ne pouvait excéder l’inflation sous réserve de catastrophe et que c’était mathématique. Le TSCG instaure l’interdiction que le déficit structurel dépasse 0,5% du PIB et que la dette publique soit supérieure à 60% du PIB : c’est mathématique, vous dis-je ! C’est une condamnation à l’austérité perpétuelle…

Comprendre le capitalisme, réhabiliter le socialisme

Ainsi, le mouvement communiste français, confronté à une situation complexe sur le plan politique, a l’obligation de répondre à ces régressions sociales sans précédent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, attaques, qui plus est, désormais manigancées par le PS au(x) pouvoir(s). La situation est complexe, car les communistes sont éparpillés, beaucoup pensent avoir raison seuls dans leur coin et le gauchisme guette chaque groupuscule, alors que la direction du parti dont nous sommes pour la plupart issus, revendique sa place dans la majorité actuelle, voire même, ose interroger ses adhérents sur une participation au gouvernement PS. Et les formes de la contestation de l’ordre existant prennent souvent des aspects réactionnaires portés par des couches sociales en perte de repères ; car le capitalisme n’a pas à l’heure actuelle d’adversaire à sa mesure. Mais il n’y a pas que l’aspect organisationnel qui est en cause. Se pose de manière urgente le problème des fondations idéologiques d’une maison communiste à reconstruire, même si le marxisme-léninisme doit en constituer le socle de base. Pour moi, les questions à résoudre sont les suivantes :

  • analyse concrète de la situation concrète : nous devons produire collectivement une analyse de l’évolution du capitalisme et de son expression impérialiste actuelle. Nous devons comprendre comment fonctionne aujourd’hui le capitalisme pour pouvoir le combattre efficacement. Cette compréhension manque cruellement et participe à l’absence de repères sérieux. Cela implique forcément de revenir aussi sur les évènements du passé…

  • une des premières questions qui en découle est de situer correctement la construction de l’Union européenne, historiquement, économiquement et politiquement dans l’évolution du capitalisme. A quoi leur sert cette construction ? Pourquoi détruisent-ils systématiquement les nations et particulièrement la nation française et pourquoi défendent-ils coûte que coûte l’euro ? L’enfermement dans l’austérité éternelle relèverait-elle d’une vision absurde et bornée comme le sous-entendent certains penseurs de la "gauche de la gauche" ou d’une logique implacable ?

  • autre question à résoudre, directement liée à l’analyse du capitalisme, c’est l’importance de ces fameux marchés financiers qui auraient soi-disant pris la place de l’exploitation capitaliste et qui exerceraient une dictature insupportable. Désormais, d’après toujours les mêmes penseurs, ce serait la clef de tous nos problèmes. Je pense personnellement qu’il faut régler son compte à cette vision étriquée, la finance n’étant qu’un outil de toujours au service du capitalisme.

  • enfin, reste la question de nos objectifs : ne s’agirait-il que de faire gagner la "gauche" ? d’être seulement anticapitaliste ? ou de remettre en selle le seul objectif qui vaille, le socialisme, tout en définissant rationnellement ce que l’on peut y mettre dedans et dans quel cadre il est possible de le construire ?

    Faire revivre le mouvement communiste français constitue une étape indispensable, mais qui nécessite d’avoir la volonté de s’atteler à des travaux collectifs importants, autant intellectuels que pratiques. L’ampleur de la tâche n’est pas anodine. Cela rend d’autant plus dérisoire de répondre à la question posée par la direction du PCF…
    Pascal Brula, PCF Lyon


    [1] Rappelons toutefois que Robert Hue n’est plus membre du PCF même si la direction lui a généreusement livré sur un plateau un poste de sénateur.

    [2] Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, a défendu mardi 26 juin sur Europe 1 la généreuse augmentation du SMIC : "Quand on est à 10 euros près pour finir le mois, 21 euros, ce n’est pas mal" .


    Edité le 04-07-2012 à 11:44:24 par Xuan


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