Sujet : Economie socialiste de marché chinoise | | Posté le 21-05-2013 à 23:29:12
| Sur l'encyclopédie en ligne cocowikipedia, l'article suivant apporte quelques éléments sur l'économie socialiste de marché en Chine. Il n'aborde pas la question du révisionnisme ni de la lutte entre les deux voies mais il soulève des questions importantes sur l'étape de transition au communisme. Economie socialiste de marché chinoise Marx, Engels, Lénine et l’économie socialiste de marché chinoise Marx, Engels, Lénine ont-t-il jamais eu l’idée d’une économie socialiste de marché? Selon le professeur Yu Wenlie, professeur d'économie chinois, dans certains travaux de Marx et d’Engels, comme le Manifeste du Parti Communiste, Principes du communisme, Critique du programme de Gotha et La Guerre civile en France, on peut trouver l’idée d’une longue période de transition entre le moment où le prolétariat accède au pouvoir et celui de la première étape du communisme où toute la société gérera en commun la production sociale. Au cours de cette période de transition, la propriété privée n’est pas entièrement éliminée, pas plus que les entreprises capitalistes ne sont complètement supprimées. C’est ainsi que la production de biens et l’échange continuent d’exister ainsi que le marché. Le marxiste étatsunien James Lawler s'est penché sur cette question (voir bibliographie) "De là il suit que pour qu’il y ait développement humain, il faut qu’il y ait un développement des forces productives. C’est la tâche historique de la classe capitaliste d’assurer ce développement-ci, sans lequel la classe ouvrière ne peut assurer ce développement-là : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production. » , écrivaient Marx et Engels dans Le Manifeste. Cette révolution permanente des instruments de production est ce sans quoi la productivité du travail ne peut générer les surplus sans lesquels la question de la qualité de la vie est éclipsée par celle de la survie. C’est ce bien ce qu’expliquait Lénine, durant la NEP : « Cela signifie que, dans une certaine mesure, nous re-créons le capitalisme. Nous le faisons vraiment ouvertement. C’est le capitalisme d’Etat. Mais le capitalisme d’Etat dans une société où le pouvoir appartient au capital et le capitalisme d’Etat dans un Etat prolétarien, sont deux concepts différents. Dans un Etat capitaliste, le capitalisme d’Etat signifie que le capitalisme est reconnu par l’Etat et contrôlé par lui dans l’intérêt de la bourgeoisie, et au détriment du prolétariat. Dans l’Etat prolétarien, la même chose est faite dans l’intérêt de la classe ouvrière, dans le but de renverser la bourgeoisie encore forte, et de la combattre. Il va de soi que nous devons accorder des concessions à la bourgeoisie étrangère, au capital étranger. Sans la plus petite dénationalisation, nous devrons louer à bail des mines, des forêts et des gisements de pétrole aux capitalistes, et recevoir en échange des biens manufacturés, des machines, etc., et ainsi restaurer notre propre industrie. » [1] Lénine ajoutait: "L’expérience a prouvé que nous avions tort. Il apparaît qu’un certain nombre de stades de transition étaient nécessaires- le capitalisme et le socialisme d’Etat- pour se préparer- par des nombreuses années d’efforts- à la transition vers le communisme. Sans se reposer directement sur l’enthousiasme, mais aidés par l’enthousiasme engendré par la grande révolution, et sur la base de l’intérêt personnel, de la motivation personnelle et des principes des affaires, nous devons d’abord nous mettre au travail dans ce pays de petite paysannerie pour construire des passerelles solides vers le socialisme au moyen du capitalisme d’Etat. Autrement, nous n’arriverons jamais au communisme, nous n’amènerons jamais des vingtaines de millions de personnes au communisme. Voilà l’expérience que nous a enseigné le cours objectif du développement de la révolution" . [2] La théorie de Deng s'inscit donc dans le prolongement de la pensée des fondateurs et continuateurs du marxisme. "Nous disons que le socialisme est la première étape du communisme. Quand un pays arriéré essaie de construire le socialisme, il est naturel que durant la longue période initiale ses forces productives ne soient pas au niveau de celles des pays capitalistes développés et qu’il ne soit pas capable d’éliminer complètement la pauvreté. Par conséquent, dans la construction du socialisme nous devons faire tout ce que nous pouvons pour développer les forces productives et graduellement éliminer la pauvreté, en élevant constamment le niveau de vie des gens. Autrement, comment le socialisme sera-t-il capable de triompher du capitalisme? Dans le second stade, ou stade avancé du communisme, quand l’économie sera hautement développée et qu’il y aura une abondance matérielle écrasante, nous serons capables d’appliquer le principe « de chacun suivant ses capacités à chacun suivant ses besoins ». Si nous ne faisons pas tout notre possible pour accroître la production, comment pouvons nous développer l’économie? Comment pouvons-nous démontrer la supériorité du socialisme sur le capitalisme?" [3] La période de transition peut être divisée en deux étapes liées à la transformation de la propriété : la première est celle de l’étape "mixte capitaliste-socialiste" , qui s’étend à partir de la transformation de la propriété dominante capitaliste privée, après la révolution, à l’étape où la propriété publique devient dominante; la seconde étape est celle de "l’économie socialiste de marché" pure ou "du marché socialiste pur" , qui s’étend de la fin de la première étape à celle où la production marchande est remplacée par la gestion collective. En la comparant avec le "socialisme avancé ou complet" (la première étape du communisme chez Marx), cette étape peut être appelée "étape primaire du socialisme" . C’est exactement à cette étape historique que correspond le socialisme aux caractéristiques chinoises. Evidemment, la Chine est encore un pays en développement, et la tâche de la "transition" est plus complexe et plus difficile. Les différentes formes de socialisme de marché Beaucoup de chercheurs identifient l’économie socialiste de marché chinoise avec le "socialisme de marché" revendiqué pour l’Europe ou l’Amérique, opinion que le professeur Yu Wenlie ne partage pas. Il retrace brièvement les voies qui ont mené au socialisme de marché et distingue ses différentes formes. Nous pourrons ainsi trouver les différences entre l’économie socialiste de marché chinoise et "l’économie de marché " . Le socialisme de marché : une longue histoire Il a connu différentes formes et modèles suivant les époques et les pays, dépendant des manières dont le socialisme a été combiné avec l’économie de marché. On peut diviser les différentes formes de socialisme de marché, et leur développement historique à partir de la naissance du modèle de Lange, en quatre étapes : 1/ "Le modèle Lange" : socialisme de marché apparu dans les années 1930, avec un plan stimulant le marché. 2/ "Le modèle décisionnel divisé " : c’est un socialisme de marché dans lequel le marché co-existe avec la planification. Il est apparu dans les années 1960-1980 avec le développement des réformes économiques structurelles dans les pays socialistes est-européens. 3/ "Le marché contrôlé " : le socialisme de marché qui a été développé par les théoriciens de la gauche britannique à la fin des années 1980 en opposition au fondements des politiques de régulation développées par le Parti travailliste britannique. 4/ Différentes constructions nouvelles de socialisme de marché élaborées par des théoriciens de gauche occidentaux suite aux changements dramatiques qui se sont produits dans l’ex-URSS et les pays socialistes est européens. Par ailleurs, avec l’apparition du "marché contrôlé " et du socialisme de marché comme ligne de division, ces quatre étapes peuvent être divisées en deux périodes. Les deux étapes antérieures constituent la "première période " et les deux dernières étapes la "période récente " . Nous pouvons appeler la première période "socialisme de marché classique " et la dernière "socialisme de marché contemporain " . La division en "deux périodes et quatre étapes" ne prend pas seulement en compte les traits différents de socialisme de marché, liés aux différences essentielles entre les modèles de socialisme de marché concernant les différentes formes de propriété publique, les fonctions différentes attribuées à la planification centrale et au marché ainsi que d’autres caractéristiques mais cette division relie également le socialisme de marché à la montée et à la chute du mouvement socialiste mondial au XX° siècle. (…) Les différences clefs entre l’économie socialiste de marché chinoise et le socialisme de marché Si on comprend le "socialisme de marché" comme la réalisation la plus large de la combinaison du socialisme avec l’économie de marché, l’Économie socialiste de marché chinoise (ESMC) peut être considérée comme un type de socialisme de marché. On ne peut pas nier que les théories et les modèles ainsi que leurs "expérimentations" offrent des matériaux de référence pour l’établissement et le développement de l’Économie socialiste de marché chinoise. Mais on ne peut pas confondre le socialisme de marché avec l’ESMC. Entre les deux apparaissent des différences majeures. Si on la compare avec les visions traditionnelles sur le socialisme de marché, l’ESMC a dépassé les premiers traits de socialisme de marché qui étaient basés sur un plan stimulant le marché ou sur un marché coexistant avec le plan. L’économie socialiste de marché chinoise contemporaine utilise "le marché contrôlé". En comparaison avec le socialisme de marché contemporain (SMC), l’ESMC possède les caractéristiques suivantes : 1/ Il possède la garantie crédible du système politique. Il opère dans le cadre du système de socialisme aux caractéristiques chinoises (période initiale), alors que la plupart des SMC négligent la question "d’où vers où " et celle du type de système politique et des forces sociales sur lesquelles il s’appuie pour transformer le système économique existant en modèles économiques recherchés et fonctionnant avec souplesse. 2/ Selon les principes de base du système économique socialiste, les buts du modèle chinois sont définis à partir des principes directeurs de la propriété publique comme secteur dominant lié au développement collectif de facteurs multi-économiques, et il est également souligné que la forme de réalisation de la propriété publique doit être diversifiée. La propriété publique est principalement propriété d’État et propriété collective. Pour leur part, la plupart des modèles de SMC sous-estiment le rôle de la propriété d’État. Certains modèles sont concentrés plutôt sur un revenu égal que sur la question du contenu de la propriété. D’autres soutiennent certaines formes de propriété publique : par exemple, le "socialisme de coupon " soutenu par John Roemer et le "bureau de propriété publique " de J. Yunker. Mais ces caractéristiques peuvent-elles tenir dans une économie de marché? Ces propositions aboutissent-elles à une distribution égale des revenus parmi les citoyens comme ils l’imaginent? 3/ Dans les mécanismes opérationnels, les différences entre le modèle chinois et le SMC sont surtout concentrées sur l’étendue de la régulation gouvernementale de l’économie de marché par des moyens macro-économiques. L’objectif du modèle chinois est de faire jouer au marché le rôle de base pour l’allocation des ressources dans le cadre de la régulation macro-économique par l’État. En soulignant le rôle fondamental du marché, mais sans ignorer la régulation macro-économique par l’État, l’objectif est de faire de l’économie chinoise un puissant marché compétitif, alors qu’il est encore faible, mais avec une base lui permettant de soutenir la compétition du marché international et d’éviter la crise. La plupart des modèles étrangers prônent une diminution de l’intervention gouvernementale dans l’économie de marché, et le pouvoir de contrôle de l’État est seulement limité à guider l’orientation de l’investissement et des composants pour l’investissement en contrôlant et régulant les taux d’intérêts. 4/ Tandis que la Chine poursuit l’objectif d’économie socialiste de marché, elle place un accent important sur le facteur spirituel, ce qu’on appelle l’altruisme. Dans la pratique de l’économie socialiste de marché, ce qui doit être mis en avant est l’esprit de dévotion à la recherche scientifique, l’esprit d’entreprise et l’ouvrier modèle ainsi que d’autres valeurs nobles – sans préoccupation pour les conditions économiques personnelles. On doit ériger des monuments et écrire des biographies pour compenser l’insuffisance de rémunération matérielle. Subissant l’influence de l’économie traditionnelle, la plupart des modèles de SMC mettent l’accent sur les activités de marché vues comme "un choix rationnel " de personnes recherchant uniquement la maximisation des profits. On suppose que ce ne sont que des égoïstes qui volent la richesse personnelle par tricherie ou par force. Mais le professeur Yu Wenlie pense que le processus d’innovation du système socialiste doit équilibrer les deux motivations d’atteinte de la richesse matérielle maximale et de la richesse spirituelle maximale.(…) Un fondement solide est nécessaire pour mener la transformation économique de la Chine; un mode de réforme des entreprises d’État doit aussi être défini et il y reste beaucoup de travail pour améliorer l’économie socialiste de marché. Tous ces problèmes peuvent être attribués à l’immaturité et au caractère incomplet de la viabilité et de la validité des règles économiques du marché socialiste. Le socialisme doit aboutir à l’égalité et rechercher l’efficacité en même temps. Il y a des tâches importantes qui doivent être explorées par les économistes socialistes de marché. Mais ceux qui étudient cette jeune discipline sont encore peu nombreux, ce qui est complètement disproportionné avec ceux qui étudient l’économie capitaliste. La théorie doit mener au développement de la cause du socialisme. La Chine en est seulement à la première étape de l’économie socialiste de marché, et elle a encore un long chemin à parcourir. (…) Le professeur Yu Wenlie pense que l’innovation institutionnelle en Chine permettra d’atteindre un équilibre entre la recherche d’une richesse matérielle maximale et la recherche d’une abondance spirituelle maximale. Il pense que la société humaine se développera dans la compétition pacifique entre différents systèmes sociaux. D'autres spécialistes comme Marie-Claire Bergère , professeur à l'Inalco à Paris, parlent plutôt d'un capitalisme d'Etat chinois. Selon Marie-Claire Bergère, un nouveau capitalisme d'État est en train d'émerger, fondé sur le rôle primordial d'un secteur public rénové et sur le dynamisme soigneusement circonscrit du secteur privé. Marie-Claire Bergère avance la théorie de la nature hybride du régime chinois. Elle pense que les réformes lancées depuis 1980, dont l'objectif n'est pas de créer un système capitaliste, veulent utiliser au mieux les ressources du marché pour développer la richesse de la Chine, renforcer sa puissance sous la direction du Parti communiste. Selon le professeur Bergère, qui reflète une attitude hostile au communisme chinois très répandue en France, même dans certains milieux "progressistes", "le parti unique demeure la clé de voûte de ce système, un parti qui tire sa légitimité non plus de l'idéologie, mais de la croissance et de l'exaltation nationaliste" . Marie-Claire Bergère prévoit cependant une croissance économique persistante, même si ralentie, mais parle d'un régime à la fois autoritaire et flexible.[4] Henri Alleg notait à propos des Chinois " qu'ils savaient aussi rappeler, et parfois de façon spectaculaire, dans quel camp ils se situent et à qui va leur solidarité comme lors de la visite de Jiang Zemin à Fidel Castro (à Cuba), après sa rencontre avec Bill Clinton ( à Seattle en novembre 1993). En fait, précise Henri Alleg, la Chine est aujourd'hui la seule puissance à contester le leadership mondial américain" [5] Notes et références de l'article 1. Lénine, Collected Works, vol. 32, p. 491 2. Lénine, Collected Works, vol. 32, p.350 3. Deng Xiaoping, Selected Works, Vol.3, pp.21-22) 4. Bergere Marie-Claire, Chine, le nouveau capitalisme d'Etat, Fayard 2013 5. Henri Alleg, Le Siècle du Dragon,Paris, 1994, p.237 Liens et documents externes > Les chercheurs américains qui soutiennent ce point de vue, comme le professeur James Lawler de l’Université de l’Etat de New York à Buffalo, ont examiné cela en détail. Voir James Lawler, dans Market Socialism : The Debate Among Socialists, edited by Bertell Ollman, p. 23-52, New York, Routledge, 1998. > Le texte qui est à l'origine de cet article a été présenté par le professeur Yu Wenlie à la conférence "Marxisme 2000", Université du Massachussets à Amherst les 21-24 septembre 2000. > Cet article de Cocowikipedia doit beaucoup, pour sa base de départ, au blog de Marc Harpon et de son article sur le sujet : [http://socio13.wordpress.com/2008/03/19/leconomie-socialiste-de-marche-chinoise-1-par-yu-wenlie-professeur-deconomie-pekin/ ] > Alleg Henri,Le Siècle du dragon,Le Temps des Cerises, 1996, ISBN : 2-84109-016-7 > Bergere Marie-Claire, Chine, le nouveau capitalisme d'Etat, Fayard 2013 > Delaunay Jean-Claude , La Chine, la France, La France, La Chine [1]
Edité le 18-10-2014 à 13:45:27 par Xuan |
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