Sujet :

vers la semaine de quatre jours ?

Xuan
   Posté le 03-04-2016 à 08:51:48   

Paradoxe : les Chinois se reposent, pendant que les Russes se tuent à la tâche


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AVR histoire et société

Ce texte traduit par Marianne pour histoire et société démystifie beaucoup notre vision de la Chine, on y apprend que la Chine va passer à une semaine de 4 jours de travail pour stimuler l’industrie des loisirs et des services. Cela fait partie de la volonté chinoise de changer son modèle de développement par la stimulation de son marché intérieur. Les Russes qui ne cessent de déplorer de ne pas avoir copié les Chinois, avoir gardé le socialisme tout en développant le marché maitrisé par la planification protestent . (Note de danielle Bleitrach)


En Chine, on va passer à la semaine de travail de 4 jours. Pourra-t-on transposer cette expérience chez nous?

Andreï Ivanov
Photo: Lehtikuva / TASS
http://svpressa.ru/economy/article/145726/

La Chine songe à passer progressivement à une semaine de travail de quatre jours. Pas demain, mais en 2030. Au 1er avril de cette année, deux municipalités dans la province de Shanxi,ainsi que les fonctionnaires d’Etat dans les villes de Jinzhong et Ji’an vont expérimenter la semaine de 4,5 jour. Dans un premier temps, cette réduction du temps de travail sera saisonnière – à partir du 1er avril jusqu’au 31 octobre. Si l’expérience est un succès, dans 15 ans la Chine laissera loin derrière elle la plupart des pays développés, sinon par le niveau de la consommation, du moins pour la qualité de vie.

La réduction de la durée de la semaine de travail selon les autorités chinoises devrait stimulerle secteur des loisirs et des services. L’initiative a été proposée par le Conseil d’Etat en octobre dernier.

D’une manière générale, les propositions visant à augmenter le temps libre les travailleurs ont été énoncées récemment dans les plus hautes sphères. En 2013, le passage à une semaine de travail de quatre jours a été préconisé par des chercheursde l’Université du Peuple de Chine. Les experts estiment que d’ici 2030, la sphère de repos produira jusqu’à la moitié du PIB national. En 2014, l’Académie chinoise des sciences sociales a lancé une initiative visant à augmenter le nombre de jours fériés. Il a été proposé de rétablir les vacances de la « semaine d’or » en mai,abolies en 2008, et de prolonger les congés officiels accordés pour le Nouvel An chinois, qui durent aujourd’hui sept jours.

L’augmentation du temps de repos est depuis longtemps un sujet de discussion dans les différents pays. Le passage à une semaine de travail de quatre jours avait été envisagé en Italie, avant la crise de 2008. Cependant, il n’y a eu aucun début de concrétisation. En France, on a adopté la semaine de 35 heures, mais en réduisant les salaires.

En Chine, la tendance à l’amélioration de la qualité de vie est extrêmement rapide ces dernières années. Au début des années 2000, les travailleurs de nombreuses entreprises avaient un seul jour de congé par mois, il fallait parfois travailler jusqu’à 16 heures par jour, et le salaire était inférieur à 100 $. Aujourd’hui, le salaire moyen des travailleurs chinois est plus élevé que le russe.

Le fait que les Chinois ont plus de temps libre et plus d’argent apparaît de manière éclatante par le nombre croissant de touristes chinois dans le monde entier. L’an dernier, ils ont acheté seulement à Moscou pour un milliard de dollars, et chaque année, ils dépensent à travers le monde 250 milliards de dollars.

Dans notre pays, d’autres mesures sont souvent mises dans la lutte pour la croissance économique. On reparle du relèvement progressif de l’âge de la retraite. On propose de compenser la faible croissance de la productivité par une baisse des salaires. La Douma d’Etat enregistre constamment des propositions pour abolir les vacances du Nouvel An. La réduction de la semaine de travail a lieu seulement lorsqu’une entreprise est au bord de la faillite. Naturellement, pour ce temps partiel les salariés gagnent moins. Il n’est plus question de partir en voyage vers des contrées lointaines et nide faire du shopping, mais de gagner son pain.


« SP » a demandé aux experts ce qui a motivé la réduction de la semaine de travail en Chine, et s’il est possible de mettre en œuvre cette expérience chez nous?

Le Directeur adjoint de l’Institut d’Extrême-Orient Andrei Ostrovsky:

– Quand je suis allé en Chine pour la première fois à la fin des années 70, il y avait la semaine de travail de six jours. Les gens commençaient à travailler à 6 heures, de 12 à 14 heures il y avait une pause, puis ils reprenaient le travail habituellement jusqu’à 18 heures.

Dans les années 1980, la semaine de travail était de 52 heures. De plus il y avait encore les samedis communistes. Les gens étaient motivés par des slogans comme « Nous avons besoin de plus de temps pour faire des réserves de céréales. » Ils travaillaient sans cesse, y compris les samedis et dimanches. Le salaire moyen des travailleurs et des employés chinois était de 60 yuans par mois (environ 30 $). Et on considérait qu’ils avaient une bonne situation.

Mais depuis le niveau de vie a grandi non seulement de manière rapide mais ultra rapide. Selon tous les critères.

Aujourd’hui, la Chine a officiellement une semaine de 40 heures sur cinq jours de travail. Les gens ont vu leur temps libre augmenterconsidérablement, y compris pour faire leurs courses. Une semaine de travail de quatre jours permettra de vendre plus de produits. Donc, il y a une logique.

La Chine a lancé une politique d’augmentation du marché intérieur. Cela signifie qu’il faut augmenter les ventes dans les magasins, le temps pour les loisirs et les occasions d’acheter.

Mais en Chine, on ne fait rien sur un coup de tête. Par exemple, en Russie le 1er avril, nous avons introduit de nouvelles taxes sur le carburant à travers le pays. Ce qui se passera ensuite –on verra bien. En Chine, on a introduit à titre d’expérience une semaine de 4,5 jours dans deux villes. Il faudra voir si les magasins en tireront bénéfice. Si le marché de la consommation augmente, cela permettra d’élargir la géographie de l’expérience, puis de réduire la semaine de travail à quatre jours.


« SP »: – Mais peut-être la réduction de la semaine de travail est due à la baisse des taux de croissance économique? Après tout, il y a eu des rapports sur la réduction de la production en Chine.

– La production sera diminuée, on n’a plus besoin de tant d’entreprises. Des entreprises seront déplacées d’une région du pays à une autre. Dans certaines industries, par exemple, dans l’industrie de l’acier et du charbon, il y a des surcapacités. Les gens seront transférés dans d’autres domaines. Principalement, dans le secteur tertiaire.

Le 12ème plan quinquennal avait été chargé d’augmenter la part de plus-value dans le secteur des services à 50%. Cette tâche est accomplie. Aux Etats-Unis et en Europe, le chiffre est de 70-80%. Mais afin d’augmenter le marché des services, les gens ont besoin d’avoir plus de temps libre. Pendant les heures de travail (dont le contrôle en Chine est très strict) il n’est pas possible de courir les magasins.

La croissance économiquea été constante toutes ces dernières années. Alors que notre économie était en crise dans les années 90, la réforme économique en Chine a donné des taux de 8, 10 et même 12% de croissance. La Chine a été en mesure de combiner une économie planifiée et le marché. Les taux de croissance élevés ont augmenté les revenus de la population.

Le gouvernement a réussi à convaincre les gens de la nécessité de réformes, le consensus public a été obtenu. Au cours des cinq premières années de réformes,les gens étaient sceptiques. On produisait seulement 180 millions de tonnes de céréales par an, tout le monde dépendait des cartes de ravitaillement. Mais après quelques années, on a commencé à produire 400 millions de tonnes, et les cartes ont commencé à être progressivement supprimées. Sont apparus des marchés où l’on pouvait acheter les marchandises. Il ne fallait plus faire la queue dans les entreprises pour obtenir les coupons. La Chine est passée du système de carte à des relations marchandises-argent normales.

Si aujourd’hui on envisage de passer à une semaine de travail de quatre jours, ce n’est pas parce qu’il y aurait ralentissement de la croissance. Pour ce quinquennat, il est prévu une croissance de 6,5-7% par an. De 2021-2025 la croissance ne sera pas supérieure à 6,5%. Mais lors de la récente session de l’Assembléepopulaire nationale, le Premier ministre Li Keqiang a déclaré qu’un pour cent de croissance aujourd’hui équivaut à 2,5% il y a dix ans. Le Président du Forum de Davos, Klaus Schwab, quand il a ouvert le forum cette année, a déclaré que la croissance du PIB de la Chine en termes absolus, est égal à la totalité du PIB de la Suisse.


« SP »: – Mais si les gens travaillent moins, le volume des marchandisesdiminuera.

– Dans le secteur réel, la productivité devrait augmenter dans tous les lieux de travail. Les machines seront différentes. Ce qui se faisait en cinq jourspourra être fait en quatre, ou même encore moins.

Tout dépend de savoir si la Chine va construire une économie véritablement innovante. Si cela n’est pas, alors, bien sûr, la réduction de la semaine de travail est une vaine spéculation. Si les innovations sont développées, il ne sera pas nécessaire de passer cinq jours par semaine derrière une machine.


« SP »: – La Russie peut-elle tirer des leçons de l’expérience chinoise?

– La science doit être la principale force productive. Mais regardez ce que l’on fait de notre science? Nous avons fait une réforme et pratiquement liquidé l’Académie des sciences. Les scientifiques dirigés par la FANO (Agence fédérale des organisations scientifiques), qui n’a aucune compétence dans les questions scientifiques. Les universités ont considérablement augmenté la charge de travail des enseignants. Et en même temps, il y a unediminution des postes.

La question est de savoir si la science russe sera en mesure de contribuer par ses avancées à l’innovation dans l’industrie et d’autres secteurs de l’économie. Si les nouvelles machines apparaitront? De cela dépend la productivité dans chaque lieu de travail et dans l’industrie en général.


Le Directeur de la Sectiond’Etudes Orientalesd’HEC AlexeiMaslov:

– Le nombre d’heures de travail a diminué en Chine ces deux dernières années. Le fait est que de nombreuses entreprises chinoises sont passées du travail manuel à la machine. J’ai vu comment en 2005, les usinesétaient très mal équipées, elles employaient des dizaines de milliers de personnes. Aujourd’hui il n’y en a qu’un millier. Autrement dit, il y a eu réduction du volume de travail.

Le gouvernement chinois est confronté à un choix: mettre les gens à la rue et augmenter le chômage, ou réduire la charge de travail sur chacun. En principe, d’ici à 2018 le nombre de chômeurs pourrait atteindre cinq à sept millions de personnes. Le seul moyen de s’en sortir est de réaffecter la quantité de travail.

D’autre part en Chine, on veut éviter un scénario à la japonaise où un grand volume de travail ne conduit pas à une augmentation de la productivité, mais à sa réduction. En raison de la fatigue, des névroses constantes, de la haute compétition. Au Japon il y a même un syndrome psychologique, comme la mort du travail. Les gens se suicident simplement parce qu’ils ne peuvent pas se détendre et quitter le travail. L’Etat ne les oblige pas à le faire, mais la société encourage le travail au-delà de la mesure. La Chine tente d’éviter cela. Donc, ils sontpassés de la semaine de travail de six à celle de cinq jours, et maintenant ils penser à une semaine de quatre jours de travail.

Bien sûr, une autre raison est que lorsque les gens ont plus de temps libre, ils peuvent aller faire du shopping, aller au cinéma, dépenser de l’argent pour les divertissements.

L’économie chinoise avait un problème majeur – le marché des consommateurs n’était pratiquement pas développé. La Chine a construisait et produisait, mais ne consommait pas. La réduction du nombre d’heures de travail devrait stimuler la demande intérieure.

Comme toujours, l’initiative commence par l’expérimentation.


« SP »: – Et nous, nous pourrions suivre la voie des Chinois?

– La Chine a toujours été un Etat socialement orienté. Et il est non seulement un beau slogan, mais un principe de vie. Simplement toute atteinte aux intérêts de la population peut conduire à un bouleversement social énorme, et il est préférable de prendre les devants.

Au cours des dernières années, la Chine a procédé à une réforme des retraites, la réforme des soins de santé. La médecine n’est pas devenue payante, mais les cliniques ont été entièrement rénovées avec des équipements modernes. Dans le pays on réduit la journée de travail, et on ne parle même pas d’augmenter l’âge de la retraite. Autrement dit, toutes les décisions sont destinées faire en sorte que les gens se sentent à l’aise dans leur propre pays.

Comment pourrions-nous apprendre de l’expérience chinoise? Le gouvernement russe devrait être socialement orienté. Actuellement, la solution des problèmes économiques est recherchée dans des méthodes simples et non économiques. Par exemple, nous ne disposons pas de suffisamment de main d’œuvre, alors on propose de relever l’âge de la retraite et geler les pensions. On propos la solution d’un problème en particulier, et non la solution dans son ensemble.

Nous pourrions augmenter la productivité du travail, améliorer son organisation. Mais il est nécessaire de réduire le nombre de fonctionnaires, de réduire le nombre d’opérations papier. Comme cela se fait en Chine.

Plus important encore, il faut stimuler le travail par des méthodes économiques, plutôt que par la peur du chômage. C’est une intimidation et non un stimulant. Cette méthode peut fonctionner, mais pas longtemps
Xuan
   Posté le 03-04-2016 à 09:13:58   

Un petit bémol quand même sur : "on ne parle même pas d’augmenter l’âge de la retraite" , parce que le sujet est sur le tapis.

Le ministre chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, Yin Weimin a déclaré :

"Nous avons établi un plan pour relever l'âge de la retraite. (...) Nous allons solliciter l'opinion publique"
http://french.xinhuanet.com/2016-03/01/c_135145564.htm

Par contre "Les pensions de vieillesse de base des retraités continueront à augmenter, et les pensions sociales de retraite des salariés seront soumises à un régime de gestion planifié à l'échelle nationale"

[rapport sur l'exécution du plan de développement économique et social en 2015 et sur le projet de plan pour 2016 - http://french.xinhuanet.com/chine/2016-03/18/c_135199413.htm]