Sujet :

Sentier Lumineux - Tupac Amaru (MRTA)

Paria
   Posté le 10-02-2007 à 18:30:34   

J'aurai voulu avoir des infos et votre avis sur ces deux groupes armées, surtout le MRTA que Wikipedia qualifie de marxiste léniniste - j'ai déjà lu une brochure de VP sur le Sentier Lumineux -.
Finimore
   Posté le 11-02-2007 à 08:39:53   

Le MRTA est plûtot guévariste.
Paria
   Posté le 11-02-2007 à 21:22:32   

Après une petite recherche sur le F"UC" j'ai trouvé quelques documents interressant qui avaient été fourni par Chabi.

ENTREVUE RÉALISÉE PAR EL DIARIO INTERNACIONAL AVEC
JOSÉ SURRA,
DU MOUVEMENT DE LIBÉRATION NATIONALE TUPAMAROS
«L'objectif du MRTA était de rendre les armes»


José Surra est originaire de l'Uruguay et est un militant du Movimiento de Liberación Nacional
(MLN) Tupamaros. Il milite au sein du MLN dès le début des années 60. Au moment où il est arrêté en 1969, il est un dirigeant bien en vue d'une colonne urbaine de la guérilla. Il passe ensuite deux années en prison, où il fait face à la torture. Après avoir été relâché en 1972 sous de strictes conditions qui lui proscrivent toute liberté d'action, José Surra doit s'exiler.
Les autorités le conduisent de la prison directement jusqu'à l'aéroport. Son exil l'amène
d'abord au Chili, sous Salvador Allende, où il s'intègre et participe à la lutte de classes. Avec
d'autres camarades tupamaros en exil, José Surra devient instructeur militaire d'une des
organisations de la gauche chilienne. Un grave accident survenu alors qu'il enseigne
l'utilisation d'explosifs lui fait perdre la vue, qu'il ne recouvrira que quelques années plus tard.
En septembre 1973, le général sanguinaire Pinochet, appuyé par la CIA nord-américaine,
fomente son fameux coup d'État militaire. José Surra doit s'exiler pour une deuxième fois.
Il se rend d'abord à Panama, puis en Europe. Il vit présentement en Belgique où il est toujours actif au sein des comités de solidarité avec les luttes de libération en Amérique latine. L'entrevue que nous avons réalisée avec lui porte sur le MRTA et les événements qui se sont déroulés à l'ambassade du Japon à Lima. Surra y aborde le caractère contre-révolutionnaire du MRTA. Il souligne clairement le fait que l'objectif premier
du commando dirigé par Cerpa Cartolini était de capituler face au régime de Fujimori.
D'autre part, Surra se démarque clairement de la «direction historique» du MLN en Uruguay et de tous ceux qui tentent, de façon opportuniste, de faire du MRTA un exemple d'héroïsme et d'action révolutionnaires en Amérique latine. En dépit des divergences que nous pouvons avoir avec un certain nombre d'arguments avancés par Surra, nous croyons que son point de vue très clair sur le MRTA et sur la lutte armée au Pérou, est fort pertinent. Voici ce que nous avons recueilli.

El Diario Internacional : Que pensez-vous de la prise de l'ambassade japonaise et son dénouement tragique ?
José Surra : Je vais vous donner mon opinion personnelle, qui diffère de celle de l'exécutif du
Movimiento de Liberación Nacional (MLN) Tupamaros.
Mais avant tout, je veux rendre hommage à ces jeunes qui ont perdu la vie alors qu'ils luttaient pour un monde meilleur. Malheureusement, ces jeunes sont morts à cause d'une stratégie erronée. J'ai toutefois une opinion bien différente à l'égard de ceux qui en sont les initiateurs. Pour répondre à votre question, je dirais d'abord qu'il faut savoir analyser concrètement une situation concrète, comme Lénine nous l'a si bien enseigné. Il y a eu certains aspects positifs dans cette action : le principal est qu'elle a forcé la
presse internationale à parler de la dictature féroce que Fujimori et les forces armées
péruviennes font régner, et de leur système où on enterre les gens alors qu'ils sont encore vivants.

Ceux d'entre nous en Europe qui suivons de près ce qui se publie sur le Pérou savons très bien qu'il y a une entente tacite pour ne pas divulguer quelque information que ce soit sur la guerre populaire et sur le Parti communiste du Pérou (PCP) qui la dirige. C'est là le résultat de la stratégie de contre-information élaborée par les Nord-Américains et mise en pratique par leur homme de main au sein du gouvernement péruvien, le narcotrafiquant Montesinos.
Il est triste de voir la presse supposément démocratique se plier à de tels objectifs ; mais
c'est encore pire de voir une certaine presse «de gauche» agir de la même façon, voire même être encore plus soumise à cette stratégie. Le deuxième aspect positif qu'on peut en retirer,
c'est que tout ça a démontré une fois de plus la validité de la guerre de guérilla. La dictature
est incapable de tout contrôler partout et en même temps, et l'élément de surprise joue toujours en faveur de ceux qui la défient. Ce sont là les points positifs qu'on peut retirer de cette action. Toutefois, dès le début, nous avons quant à nous dénoncé son manque d'objectifs révolutionnaires.
«L'objectif du MRTA était de rendre les armes»

Pourquoi avons-nous dit ça ? D'abord parce que nous connaissions déjà la stratégie et le
programme du MRTA, de même que sa pratique. Mais surtout, dès le début, les premiers communiqués qu'ils ont publiés ont clairement montré que leur objectif central n'était pas tellement de libérer quelque 400 des plus de 6 000 prisonnières et prisonniers politiques que compte le Pérou, mais bien d'établir un dialogue de paix, dans le but de rendre les armes, et de maintenir intact le régime capitaliste au Pérou, en échange de quelques sièges au Parlement. Dans le deuxième communiqué du MRTA, celui du 20 décembre, on pouvait lire clairement que son objectif était de faire «un premier pas vers une solution globale au problème de la violence politique, par la voie du dialogue et un accord de paix permanent». Le MRTA y suggérait également qu'avec l'aide des diplomates qu'il gardait en otage, il était possible d'élaborer «un calendrier détaillé des étapes préalables à la conclusion d'une solution intégrale». Au même moment, le commando du MRTA rendait publique une «déclaration
des prisonniers de guerre» - faisant référence aux diplomates et aux autres otages qu'il détenait - dans laquelle ces derniers rapportaient que leurs geôliers leur avaient déclaré vouloir «non seulement la libération de leurs prisonniers [du MRTA]» mais aussi qu'ils visaient à «ouvrir la voie à une solution politique intégrale, dans le cadre d'un processus de paix plus global». Conséquemment, les otages demandaient au gouvernement «d'aller dans cette direction». En conclusion de son communiqué n° 2, le MRTA révélait ce que nous savions en fait depuis très longtemps : à savoir que «cette offre de dialogue proposée par le MRTA n'est pas nouvelle ; nous l'avons faite et répétée à de nombreuses reprises tout au long de notre existence». Au cas où on aurait encore eu quelque doute, le troisième communiqué du MRTA, signé pour la première fois par Cerpa Cartolini, insistait à nouveau sur cet objectif central : «Nous croyons qu'[...]on comprendra le bien-fondé de nos demandes et qu'à long terme, on pourra atteindre une paix intégrale et durable. Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités et à travailler en ce sens.»
En d'autres mots, qu'une telle «paix intégrale et durable» se concrétise sous un régime capitaliste d'exploitation sans merci pour le peuple travailleur, ou qu'elle se réalise sous un régime anticapitaliste voué à l'abolition de l'exploitation des ouvriers, voilà une question
qui n'est jamais même venue à l'esprit des dirigeants du MRTA. Permettez-moi d'ajouter que le premier paragraphe de la déclaration de Cerpa Cartolini était consacré à attaquer la guérilla du PCP et ce, dans les mêmes termes que ceux généralement utilisés par la bourgeoisie péruvienne et latino-américaine, suivant en cela les diktats de la contre-information des États-Unis. Cerpa y déclarait : «Nous n'acceptons pas qu'on continue à nous associer au Sentier lumineux, une organisation que nous avons condamnée à maintes reprises en raison de l'utilisation irrationnelle de la violence qu'elle préconise et qui affecte le
peuple lui-même.»
Avec une telle stratégie, la prise de l'ambassade était vouée à l'échec. En endossant de tels
communiqués, le MRTA ne faisait en fait que signer son propre arrêt de mort. C'est ce que nous avons dit dès le début de cette opération ; et malheureusement, la suite des événements nous a donné raison. «Le MRTA est entré dans un processus de décomposition»

EDI : Pour quelle raison, selon vous, Fujimori a-t-il refusé de conclure un «accord de paix
durable» avec le MRTA ?
José Surra : Pour atteindre un accord de paix, il faut que chacune des parties ait un poids
comparable, ce qui n'est pas le cas du MRTA. Ses dirigeants sont soit morts, soit en prison ou en exil, et le reste de ses forces est entré dans un processus accéléré de décomposition.
D'autre part, cet événement a été vu par Fujimori comme étant une occasion en or de rétablir sa cote, à un moment où il voyait ses appuis diminuer tant aux niveaux national qu'international. À court terme, la solution militaire s'est avérée pour lui profitable, à tout le moins provisoirement. Il était évident qu'il ne pouvait y avoir aucune sorte d'accord de ce genre.

EDI : Selon vous, le MRTA est-il un groupe révolutionnaire ? Comment le décririez-vous en
termes idéologiques ?
José Surra : On peut considérer un groupe comme étant révolutionnaire lorsque son action s'inscrit dans le cadre d'une stratégie elle-même révolutionnaire, visant la prise du pouvoir. Ce n'est pas le cas du MRTA. Peut-être pourrions-nous le définir comme étant un groupe centriste, qui utilise un discours de gauche tout en ayant une pratique réformiste. C'est d'ailleurs cette pratique du MRTA qui l'a conduit à s'engager dans le combat contre les forces de la guérilla du PCP.

Le MRTA a même assassiné un nombre important de ses propres partisans qui avaient rompu avec lui à cause de certaines divergences avec sa direction et qui se rapprochaient du PCP. Ce type d'actions fait que le MRTA ressemble finalement plus à une contre-guérilla qu'à quoi que ce soit d'autre. «Les négociations sont une chose, les accords de
paix en sont une autre»

EDI : Croyez-vous que les négociations et d'éventuels accords de paix avec des régimes comme celui de Fujimori peuvent être favorables aux masses opprimées ?
José Surra : Les négociations sont une chose, les accords de paix et le dialogue en sont une autre. On peut négocier avec «le diable et sa grand-mère», dans la mesure où nous sommes dans une position de force, où nous nous assurons de ne céder aucun acquis et où nous refusons de renoncer à nos objectifs stratégiques. Toutefois, les accords de paix dont les
réformistes, les ONG et les organisations bourgeoises et impérialistes font constamment la
promotion reposent toujours sur une même prémisse, fondamentale, à savoir qu'il ne faut pas toucher au système capitaliste dominant. En dernière analyse, l'affaire se termine toujours
ainsi : si vous voulez avoir quelques sièges au Parlement, voire même former le gouvernement, on va vous laisser faire, mais à condition que la politique économique reste dictée par le FMI et la Banque mondiale et que les bases économiques du capitalisme demeurent intactes. C'est là la condition sine qua non au dialogue et aux accords
de paix. Ceux qui entrent dans cette dynamique ne pourront finir que comme l'armée sandiniste. Ils finiront par réprimer leur propre peuple, puisque tôt ou tard, les masses opprimées finiront toujours par se révolter contre l'injustice et l'exploitation capitaliste.
«La gauche latino-américaine devrait se servir de sa tête...»

EDI : Que pensez-vous de la soi-disante gauche latino-américaine qui a essayé de présenter la récente action du MRTA comme étant révolutionnaire ?
José Surra : Le triomphalisme et l'impressionnisme sont à la fois un grand défaut ainsi qu'une grande qualité de notre peuple. Cela a conduit à des actes sublimes, tel le débarquement du Granma à Cuba, mais aussi à des ratages frustrants, comme la prise de l'ambassade japonaise. Pour mieux expliquer mon point de vue, permettez-moi de faire un peu d'histoire.
Rappelons-nous Oulianov, cet homme qui avait tenté, sans succès, d'éliminer le tsar de Russie au moyen d'une bombe. Il avait été arrêté puis condamné à mort.
Lors des funérailles, son frère cadet avait dit des choses très dures sur son compte et avait
condamné son action individualiste, d'aucune utilité pour la lutte de libération des masses
pauvres de Russie. Les camarades du défunt avaient répliqué en servant un barrage d'insultes à cet indolent frère d'Oulianov. L'histoire allait plus tard découvrir ce jeune homme sous le pseudonyme de Lénine.
Ce dernier ne s'est pas laissé emporter par le sentimentalisme. Il s'est servi de l'action et de
la mort de son frère bien-aimé comme d'un exemple par la négative. Lénine a préféré travailler à construire un parti révolutionnaire marxiste, dont chacune des actions allaient être liées à une claire stratégie vers la conquête du pouvoir. L'analogie avec la situation qui prévaut au Pérou va de soi. Chacun doit choisir son camp, la stratégie qu'il juge la meilleure : celle du MRTA, basée sur le triomphalisme et l'impressionnisme ; ou le travail patient de construction d'un parti révolutionnaire qui développe une stratégie de guerre populaire, comme celle que le PCP a commencée à Chuschi en 1980. Il y a quelques jours, un politicien du Partido de Liberación argentin était à Bruxelles pour y faire la promotion du triomphalisme du MRTA. Il était mal informé lui aussi, affirmant en outre que la guérilla maoïste n'avait mené aucune action durant tout le temps où s'est déroulé le siège de l'ambassade. J'aimerais qu'on publie les statistiques compilées par les ONG péruviennes et diffusées sur le site
Internet du gouvernement péruvien. Ainsi, tout le monde pourra voir l'énorme différence entre les actions de l'une et l'autre organisation. Quelques jours après la fin du siège, le journal La República publiait un rapport des services de renseignement qui mettait les autorités en garde contre la résurrection de la guérilla du PCP à Lima et dans la zone centrale péruvienne. Le même rapport soulignait que le PCP avait mené pas moins de 175 actions militaires pendant la durée du siège, soit environ deux par jour et ce, rien que dans la zone centrale. Comparons ceci avec le MRTA, qui n'a réalisé qu'une seule action au cours des six derniers mois. Quelques jours plus tard, un commando du PCP faisait sauter le commissariat de police du district d'Ato-Vitarte et distribuait des tracts dans lesquels on expliquait que cette action s'inscrivait dans le cadre de la mobilisation des marchands ambulants, que le gouvernement ne cesse de réprimer et auxquels il refuse toute possibilité de gagner leur vie.
Nous avons donc deux dynamiques bien différentes. D'une part, la stratégie impressionniste promue par les médias, totalement inutile du point de vue de la prise du pouvoir ; d'autre part, l'autre stratégie, enracinée parmi les luttes et les préoccupations des masses, et qui pose clairement la question du pouvoir. La gauche latino-américaine devrait se servir de sa tête autant que de son cœur.

(Entrevue publiée par El Diario Internacional, n°
39, juin 1997, traduite en français par Socialisme
Maintenant!)

[Article paru dans la revue Socialisme
Maintenant!, n° 2, été 1997]


******************

Une analyse du MRTA guévariste et ses "rapports" avec le PCP

Bien des questions se posent concernant le MRTA.
Mais la question de fond est de savoir si ce
groupe, qui ne cesse d'exiger le «dialogue» et de
proposer des «accords de paix» au gouvernement,
fait partie ou non du camp révolutionnaire.
Que veut donc le MRTA ? Vers où pointent ses armes
? Quel est le lien entre ce groupe armé et les
plans contre-révolutionnaires de l'État péruvien?
C'est à ces questions que nous nous proposons de
répondre. Pour commencer, nous présenterons
quelques déclarations assez éloquentes d'un des
dirigeants du MRTA. Ensuite, nous démontrerons,
par des citations et des exemples concrets, quelle
est la vraie nature de cette organisation qui se
prétend «révolutionnaire».
«Les conditions minimales que nous exigeons pour
entamer un processus de pacification passent
obligatoirement par la défaite du Sentier
lumineux. Déposer les armes dans les conditions
actuelles entraînerait encore plus de violence,
car cela susciterait le développement du
Sentier... Dans ce contexte, nous sommes prêts à
battre le Sentier lumineux politiquement et
militairement, comme nous l'avons fait dans cette
zone où nous avons éliminé plus de 60 de ses
cadres. Ceci serait notre contribution à la
pacification du pays...» (Entrevue avec «Germán»
et «Ricardo», cadres régionaux du MRTA, publiée
dans la revue Caretas, 15/07/1991)
Dans quel contexte le MRTA est-il apparu ?

Le MRTA a émergé en 1984, à un moment où le Pérou
était déjà secoué par la lutte armée dirigée par
le Parti communiste du Pérou (PCP) - que la presse
dénomme «Sentier lumineux». Dès cette époque, la
guérilla maoïste était le problème principal
auquel l'État et les forces répressives étaient
confrontées. La guerre populaire avait entraîné un
aiguisement des contradictions entre les
différentes classes sociales. Les partis
officiels, incluant ceux qui se disent de
«gauche», avaient amorcé un processus de
décomposition accéléré. Au niveau gouvernemental,
le régime dirigé par Belaúnde Terry échouait sur
tous les terrains.
Les forces policières (120 000 effectifs) et leurs
corps d'élite, conseillés par les experts
nord-américains, s'avéraient incapables d'arrêter
la subversion. La lutte armée a été initiée en
1980 dans la province d'Ayacucho et rapidement,
elle s'est développée dans d'autres régions. En
décembre 1982, le gouvernement a demandé aux
forces armées (l'armée de terre, la marine et
l'aviation) d'affronter directement les
guérilleros. Les militaires ont donc embarqué dans
la guerre. Dès le début, ils ont appliqué des
méthodes criminelles contre ceux et celles qui
vivaient dans ce qu'ils considéraient être des
bases d'appui de la guérilla. Pendant deux ans (de
1983 à 1984), l'armée a assassiné plus de 4 000
paysans dans les zones d'Ayacucho, Huancavelica et
Junín.
Le MRTA est apparu en se définissant comme étant
une organisation «marxiste-léniniste». À chaque
fois qu'il en a eu l'occasion, il n'a cessé de
proclamer qu'il était «la forme la plus avancée de
la lutte politico-militaire» du peuple péruvien et
qu'il «cherch[ait] à organiser tout le peuple dans
une guerre révolutionnaire victorieuse».
Quelles sont la pratique et la théorie du MRTA ?

Au Pérou comme partout ailleurs, les organisations
marxistes-léninistes présentent des
caractéristiques similaires. Leurs actions et
leurs tactiques peuvent varier, mais leurs
objectifs stratégiques restent les mêmes. On peut
les résumer ainsi : lutter pour le pouvoir de la
classe ouvrière ; s'appuyer sur l'idéologie du
prolétariat ; pratiquer la lutte entre les deux
lignes à l'interne ; appliquer le centralisme
démocratique et une discipline égale pour tous et
toutes. Et aussi, mettre de l'avant un programme
révolutionnaire dont le point central soit la
lutte pour le communisme.
Sur les plans programmatique et stratégique, le
MRTA répète les vieilles propositions des
organisations politiques qui s'autoproclament
«marxistes-léninistes». Les similitudes entre le
MRTA et cette gauche se manifestent à plusieurs
niveaux, principalement sur le terrain électoral,
dans la lutte contre la guérilla maoïste, dans
leurs références à l'église, aux militaires, aux
partis bourgeois, au problème de l'État, à la
conciliation des classes (le dialogue) et à
l'unité du peuple péruvien.
Nous allons aborder brièvement quelques-unes de
ces questions, en particulier celles qui ont trait
au processus électoral, à l'unité entre la Gauche
unie et les tupacamaristes dans la lutte contre la
guérilla maoïste, au dialogue et aux accords de
paix, et finalement au «travail de masse». En
analysant ces sujets, on verra clairement le vrai
visage et le véritable rôle politique que joue le
MRTA. En comprenant bien chacun de ces éléments,
le lecteur sera convaincu que sur les terrains
idéologique, politique et stratégique, le
tupacamarisme et la gauche officielle sont en fait
profondément unis pour appuyer le régime en place
et les puissances impérialistes qui le
soutiennent.
Le MRTA et le processus électoral

Voyons d'abord brièvement les conditions
politiques dans lesquelles se développe le
processus électoral au Pérou. Depuis 1980, ce pays
est dans une situation de guerre interne. Une
bonne partie de son territoire et de sa population
vivent sous l'état d'urgence. Une des
caractéristiques de cette réalité est la
militarisation du pays et la suppression des lois
normalement appliquées en temps de paix. Même la
constitution du pays a perdu son application et sa
valeur. Dans les régions où l'état d'urgence est
déclaré, l'autorité civile disparaît et elle est
remplacée par le pouvoir des forces armées. Les
militaires deviennent la force de décision de la
vie et du destin de millions de Péruviens. Le
«commandement politico-militaire» est au-dessus du
pouvoir judiciaire, du système électoral, des
maires et de toute autre autorité civile. Les
citoyens sont obligés de participer aux élections
et de voter pour les candidats dictés par les
militaires. Dans ce contexte de répression et de
violation des droits fondamentaux des citoyens, le
processus électoral ne peut être qu'un mensonge et
n'a aucune valeur juridique ni politique. La
participation aux élections sert seulement à
appuyer et à légaliser le système politique
réactionnaire. Elle sert aussi à dissimuler les
bobards frauduleux et la nature antidémocratique
des élections.
Depuis 1980, la course électorale, malgré la farce
et le cirque qui l'entoure, est profondément
marquée par le phénomène de la guerre populaire
dirigée par le PCP. Chaque scrutin reflète la
contradiction aiguë, souvent violente, entre les
forces maoïstes qui appellent au boycott («là où
c'est possible»), et les partis officiels (droite,
centre et gauche) qui appuient le bobard
électoral. Ce processus de confrontation est connu
dans les cercles officiels péruviens comme étant
la «confrontation entre la démocratie et le
terrorisme sendériste», la lutte entre le boycott
et les élections.
C'est ici qu'il faut situer les ambitions
électorales du MRTA. Le point de vue de ce groupe
sur la question des élections ne diffère pas
vraiment de la façon de penser et d'agir de la
Gauche unie et des partis de la droite péruvienne.
Leur conception de la «démocratie», des
«élections» et du «terrorisme» est une copie
fidèle de celle du régime, des partis officiels,
et même de la police. En voici un exemple éloquent
: «L'appel au boycott fait par le Sentier lumineux
a connu un échec retentissant. Le peuple péruvien
a rejeté la politique de terreur et de soumission
développée par SL. Quelques milliers d'activistes
sendéristes ne peuvent imposer leur volonté à plus
de vingt millions de Péruviens.» (Víctor Polay
Campos, entrevue publié par le quotidien El
Nacional, 17/12/1989)
Le MRTA débute sa carrière électorale en 1989, en
tant qu'allié de la Gauche unie. Avec le même
programme et en utilisant les mêmes schémas, les
tupacamaristes participent aux élections
municipales. Víctor Polay Campos dit alors :
«...D'un côté, il y a la droite réactionnaire avec
le FREDEMO à sa tête, avec ses alternatives
antipopulaires ; de l'autre, il y a la Gauche unie
et le MRTA.» (El Nacional, 17/12/1989)
Un an plus tard, le MRTA participe à nouveau aux
élections, qui verront l'arrivée au pouvoir
d'Alberto Fujimori. Le MRTA fera la promotion de
ses propres candidats, ou encore appuiera ceux de
la Gauche unie. Encore une fois, Polay relate ses
aventures électorales : «Les élections
présidentielles ont éveillé de grandes attentes...
Notre position au premier tour fut complexe,
puisque la réalité elle aussi était complexe. Nous
avons reconnu et appuyé un éventail de positions,
allant du vote nul jusqu'au vote en blanc, en
passant par le soutien aux candidats conséquents
présents sur les listes de la Gauche unie...
Quelques-uns des parlementaires qui ont été élus
appartiennent d'ailleurs aux secteurs les plus
avancés de cette organisation.» (IIIe Comité
central du MRTA, Rapport sur la situation
nationale, septembre 1990)
Les exemples et les citations que nous venons de
donner démontrent que le MRTA est bel et bien
attaché à la charrue électorale de l'État
péruvien. Ceci vient nier catégoriquement et
démentir les discours démagogique de ce groupe qui
dit «lutter pour la conquête du pouvoir
politique». Si le MRTA cherche vraiment à
conquérir le pouvoir pour toute la classe ouvrière
et l'ensemble des opprimés, pourquoi se fait-il le
complice de la fraude électorale organisée par les
représentants de l'État péruvien ? Il est clair
que l'antisendérisme du MRTA et sa participation
au processus électoral ont fait de ce groupe un
élément important des plans visant à renforcer le
système politique décadent du pays.
La «lutte contre le Sentier lumineux»

Les similitudes entre le MRTA et la Gauche unie ne
se retrouvent pas seulement sur le terrain
électoral. Leur unité se manifeste avec encore
plus d'évidence dans la «lutte contre le Sentier
lumineux». Que ce soit au parlement, dans les
mairies ou les autres instance de l'État, cette
«gauche» soutient inconditionnellement les plans
militaires et criminels du gouvernement. La Gauche
unie participe depuis 1980 à l'organisation des
groupes paramilitaires contre-révolutionnaires
(rondes paysannes, comités de défense civile,
comités de voisinage, etc.) que les forces armées
utilisent pour mener la guerre interne. C'est
aussi avec cette gauche que le MRTA maintient ses
meilleurs niveaux d'unité. Et c'est ici que son
rôle contre-révolutionnaire est le plus éclatant.
Un des dirigeants tupacamaristes le confirme :
«Oui, nous pouvons travailler avec la gauche. Dans
le cas du Sentier, le problème est plus complexe,
c'est un groupe antagonique.» (Alberto Gálvez
Olachea, Caretas, 08/1988).
L'unité «anti-sendériste» entre le MRTA et la
Gauche unie vise à sauvegarder la stabilité de
l'État et assurer la perpétuation du système
actuel. Ouvertement ou pas, le MRTA appuie
l'organisation des rondes paysannes paramilitaires
et participe aux combats contre la guérilla
maoïste. Il répète les bobards inventés par le
gouvernement et les Nord-américains contre les
guérilleros du PCP. On pourrait parler longtemps
de ce sujet : pour le moment, nous n'allons citer
que quelques exemples. Voici à ce propos quelques
déclarations du «chef» du MRTA, si éloquentes
qu'elles n'ont besoin d'aucune autre explication :

«Plus de 90 p. 100 des victimes de leurs actions
[du PCP] se retrouvent dans la population civile.
Ils ne tuent pas seulement les membres de forces
armées, les maires et les fonctionnaires mais
aussi des paysans, des religieux, de coopérants
étrangers, des dirigeants populaires. Leur vision
messianique de la société s'apparente au
fondamentalisme islamique. Les sendéristes croient
qu'ils sont les seuls détenteurs de la vérité. Ils
représentent la version péruvienne de Pol Pot.»
(Víctor Polay Campos, entrevue réalisé par Tomás
Borge, publiée dans la revue Caretas en décembre
1991)
«Il y a eu une confrontation avec le Sentier
Lumineux au niveau des communautés paysannes. Ce
groupe pratique une politique dictatoriale en
imposant l'engagement forcé et des formes
d'organisation étrangères aux paysans andins. Le
MRTA a aidé les communautés à les repousser en
tuant 20 des leurs.» (Víctor Polay Campos,
entrevue paru dans la revue SI le 8 mai 1992)
«De même, nous avons appuyé le développement des
rondes paysannes et de voisinage pour confronter
la guerre sale de l'armée et du Sentier lumineux
contre le peuple... Sendero propose, dans la
pratique, la dictature du Parti communiste du
Pérou sur l'ensemble de la société... Dans le
cadre de la guerre, ils ne respectent pas les lois
et les principes consacrés dans les traités et
conventions de Genève et utilisent la terreur
comme arme.» (Déclarations de Víctor Polay Campos
faites à la police anti-terroriste du Pérou, le 18
juin 1992)
Le travail de «masse» du MRTA

Le MRTA utilise un discours à double face et se
conduit en conséquence. D'un côté, il affirme
diriger une guerre révolutionnaire dont l'objectif
est d'arriver au socialisme ; mais en pratique, il
choisit ses alliés du côté des ennemis de la
révolution. Il se cherche des amis dans les
secteurs accrochés au pouvoir officiel et qui
luttent contre quelque type de changement
révolutionnaire que ce soit au Pérou. Il essaie de
se trouver une légitimité au sein de la gauche
légale. Il concilie avec l'APRA et la «base» du
fujimorisme. Il se place à la queue des cadavres
politiques et réactionnaires tel Pérez de Cuellar
(ex-chef de l'ONU). Moyennant toutes sortes de
subterfuges, il construit des ponts avec l'armée,
la police et l'église réactionnaire péruvienne.
Toute cette «unité», comme le dit Polay, ne vise
en fait qu'à s'opposer à la dictature proposée par
le «Sentier Lumineux». Voyons la conception qu'a
Polay du «travail de masse» :
«Au Pérou, malgré la profonde crise morale et
économique qui sévit, il y a d'importantes forces
saines et démocratiques à l'intérieur des partis
politiques, autant dans les partis traditionnels
(ceux de la droite) que dans ceux de la gauche, de
même qu'à l'intérieur des organisations
populaires, des forces armées, des forces
policières. Nous croyons que la Conférence
épiscopale devrait jouer un rôle important. Aussi,
des personnages éminents tel que Javier Pérez de
Cuéllar pourraient jouer un rôle de médiateur pour
initier un processus de discussion, de dialogue à
divers niveaux et arriver à certains accords.»
(Víctor Polay Campos, La República, 08/07/92)
En toute logique - et il ne peut y avoir aucune
doute à ce propos -, on doit admettre que les
«masses» auxquelles le MRTA fait référence servent
pour n'importe quel propos, mais jamais pour faire
la révolution. Le «travail de masse» de ce groupe
est dirigé et planifié dans le but de calmer les
tensions sociales au Pérou. Le MRTA a commencé son
action armée au moment où la «gauche officielle»
amorçait un processus de décomposition interne.
Cette gauche discréditée et méprisée par les
masses n'arrivait plus à contrôler l'explosion et
les luttes des secteurs populaires comme elle le
faisait avant 1980. Avec le début de la lutte
armée (en mai 1980), les classes ont vu leurs
contradictions se polariser au maximum. La guerre
dirigée par les maoïstes est devenue un puissant
pôle d'attraction. Les masses pauvres ont vu
instinctivement dans la lutte armée une forme
concrète pour aborder la lutte pour leurs
revendications historiques. C'est au milieu de ce
phénomène qui surgit «par miracle» le MRTA. Fait
curieux, il essaie depuis le début de réactiver ce
qu'on connaît comme étant la Gauche unie. «Nous
sommes capables de réaliser de grandes tâches,
telle la réorganisation de l'unité de la gauche et
de notre peuple.» (IIIe Comité central, Rapport
sur la situation nationale, septembre 1990)
Le MRTA est lié à la Gauche unie avec laquelle il
cherche à organiser un grand «front de masse» en
vue des élections, et fondamentalement pour
contenir «la progression du Sentier lumineux». Le
MRTA cherche à s'arrimer aux organismes contrôlés
par la Gauche unie. Cela, on peut le constater
aisément dans le paragraphe qui suit : «...Nous
devons construire, fortifier et donner une
direction révolutionnaire habile et ferme aux
embryons du pouvoir populaire, lequel s'exprime
actuellement dans le cadre des assemblées
populaires, fronts de défense, rondes et
communautés paysannes et dans ce qui est
l'expression la plus élevée du centralisme :
l'Assemblée nationale populaire (ANP).» (IIe
Comité central du MRTA, août 1988) Notons que les
organisations mentionnées dans le document du MRTA
et qualifiées «d'embryons de pouvoir populaire»
ont toutes été dirigées, jusqu'à ce qu'elles
disparaissent pour cause de mort naturelle, par
des groupes qui font partie de la gauche légale
(Patria Roja, Partido Unificado Mariatéguista
[PUM], Izquierda Socialista, etc.).
On peut aisément déduire et prouver que le MRTA
n'a jamais proposé de développer une véritable
guerre pour le pouvoir. Ses prises de position et
ses actions spectaculaires ont été dirigées de
telle sorte à distordre la réalité péruvienne. Il
est évident qu'un des objectifs de ce groupe a été
et est encore de désactiver le processus de lutte
armée initié en 1980. Cet objectif est manifeste
dans les déclarations des dirigeants
tupacamaristes : «Nous ne voulons pas de cette
guerre civile, nous voulons l'éviter... Le peuple
exige un changement, il est mûr pour le
changement, ce pays porte une révolution en lui.
Les douleurs, nous les sentons tous. Il faut
illuminer cette nouvelle société, on a l'occasion
de le faire, soit à travers la guerre civile, soit
par une entente pacifique.» (Víctor Polay Campos,
«Entrevue dans la clandestinité», 08/1985)
Les déclarations de Polay visant à «éviter la
guerre civile» remontent au mois d'août 1985. À
cette date, la guerre révolutionnaire dirigée par
les maoïstes comptait déjà cinq années de
développement victorieux ; de par la dynamique
propre de la lutte des classes, les masses
participaient de plus en plus au processus
révolutionnaire. Quand le «commandant Rolando»
parle «d'éviter la guerre civile par une entente
pacifique», il est clair qu'il fait référence à la
lutte armée initiée en mai 1980.
Polay initie le «dialogue»

Le MRTA a commencé son activité politique en
offrant ses services au régime apriste. Il n'était
même pas encore prêt à incendier un autobus qu'il
proposait déjà le «dialogue» et des «accords de
paix». En août 1985, soit un an après avoir initié
ses actions armées, le MRTA a offert une «trêve»
au gouvernement d'Alan García Pérez. Tel que les
faits l'ont depuis confirmé, Alan García
inaugurait alors une des étapes les plus sombres
de l'histoire politique du Pérou. Par la suite,
quand le nouvel élu Alberto Fujimori a pris le
pouvoir, le MRTA a réédité ses offres de
«dialogue» et de «paix», demandant au nouveau
gouvernement de négocier la «lutte armée».
Rappelons brièvement ce qui s'est produit :
En juillet 1985, Alan García Pérez, leader et
candidat de l'APRA, remporte les élections
présidentielles en faisant largement usage de
fraude. Un mois plus tard (le 16 août), le MRTA
annonce, lors d'une «conférence dans la
clandestinité» fortement médiatisée, une trêve
avec le nouveau régime apriste. La «trêve» du MRTA
apparaît comme étant une plaisanterie et les
cercles politiques ne cessent de s'en moquer. En
1985, la «guérilla de Polay» ne dépassait pas le
stade des petites actions nocturnes contre les
portes et fenêtres de banques privées non gardées.
Sa principale activité était l'envoi de
communiqués de presse aux médias. La «lutte armée»
du MRTA ne dérangeait pas la police, et encore
moins l'APRA qui connaissait bien le «commandant
Rolando».
Le même Polay s'est chargé de justifier cette
trêve. Ses déclarations, reprises à la «une» des
principaux quotidiens et répercutées sur toutes
les chaînes de télé, mettent à jour les liens
secrets du MRTA avec le régime apriste et les
forces armées. Polay déclare ainsi :
«Nous croyons qu'avec le changement de
gouvernement, une nouvelle situation politique
s'est ouverte au pays... Nous traversons une
nouvelle situation politique, il y a une
opportunité historique qui s'ouvre... Nous ne
voulons pas qu'il y ait une guerre civile, nous
voulons l'éviter, si nous obtenons la justice au
préalable. Il existe maintenant une occasion
historique.»
Dans la même conférence, Polay ajoute : «Nous
savons et nous croyons qu'il existe au sein du
gouvernement apriste une volonté de changement ; à
tout le moins, ils l'ont promis au peuple. Nous
voulons leur donner cette opportunité, nous allons
croire dans ce que fera l'APRA. La première chose
à faire, c'est de ne pas réaliser d'actions contre
le gouvernement ni contre le parti apriste...
Respectueux de la majorité, le MRTA ne réalisera
pas d'actions militaires contre l'APRA ni contre
le gouvernement, tant que celui-ci n'attaquera pas
le peuple.»
Lorsque Polay a ainsi annoncé que le MRTA n'allait
pas réaliser d'«actions militaires» contre l'APRA
«tant que celui-ci n'attaquera pas le peuple», le
gouvernement avait déjà à son actif l'assassinat
d'un étudiant par la police dans un des quartiers
pauvres de Lima. Au cours du même mois d'août, et
tandis que le MRTA offrait ses services à l'APRA,
une patrouille militaire entrait dans la localité
de Accomarca (Ayacucho) pour y assassiner 69
paysans. Le 27 août, presque simultanément aux
déclarations de paix de Polay, l'armée exterminait
près de 70 habitants de Umaro et de Bellavista
(Ayacucho).
Mais Polay ne limita pas ses louanges au seul
gouvernement. Il les étendit aux forces armées
criminelles : «Quant aux forces armées, nous
considérons qu'elles ont une tradition et un passé
très riches. Les forces armées sont nées avec la
constitution des montoneros, de la guérilla qui a
lutté pour l'indépendance... Nous savons que dans
les forces armées, y compris la marine, il existe
des secteurs conséquents, que nous appuyons et sur
lesquels nous comptons...»
Depuis que les forces armées ont pris en charge la
lutte contre-insurrectionnelle, elles ont commis
des crimes horribles contre la population
péruvienne. Entre 1980 et 1985, plus de 12 000
morts ont été comptabilisés, la majorité ayant été
assassinés par l'armée et les troupes
paramilitaires. À la même date, on comptait déjà
plus de 5 000 enlèvements et disparitions dans les
zones où régnait l'état d'urgence. On imagine sans
peine la réaction des Péruviens quand ils ont lu
ou entendu les louanges que lança Polay à
l'endroit des militaires...
Les tentatives de dialogue du MRTA se sont
multipliées durant le régime apriste. Pour ne
mentionner que les plus médiatisées d'entre elles,
il y a celle du 26 mars 1989, alors que les
tupacamaristes ont envoyé une lettre au cardinal
Juan Landázuri pour demander son intervention
auprès du gouvernement afin qu'il établisse le
dialogue et mette un terme à la guerre. En juillet
de la même année, le MRTA prend encore
l'initiative. Cette fois, il séquestre l'apriste
Demetrio Tafur, président de la Corporation
régionale de développement du département de San
Martín. L'«otage» fut ensuite libéré et devint le
porte-voix du groupe subversif, annonçant en outre
que le MRTA demandait la médiation de l'église
pour «dialoguer et rendre les armes».
En juillet 1990, Fujimori arrive au pouvoir et
deux mois plus tard (en septembre), le MRTA
réédite ses vertus négociatrices et propose le
dialogue au nouveau gouvernement. Le style déjà
utilisé avec Alan García est à nouveau employé. Le
déploiement médiatique est aux frais du
gouvernement. À cette occasion, le MRTA
«séquestre» le député Gerardo López, militant du
parti de Fujimori (Cambio 90). Après quelques
jours, celui-ci est remis en liberté et à partir
de là, il se convertit lui aussi en émissaire des
«révolutionnaires» tupacamaristes. Gerardo López
prend au sérieux son nouveau poste et annonce que
le MRTA «a la volonté de dialoguer, et même de
remettre les armes».
Où se positionne le MRTA dans les plans
contre-insurrectionnels ?

À la lecture de cet article, on pourrait
raisonnablement se poser la question : si le MRTA
sert effectivement les plans anti-sendéristes,
alors pourquoi le réprime-t-on ?
Pour débuter, il faut préciser que toutes les
luttes armées ne sont pas nécessairement
révolutionnaires. Le caractère d'un processus
subversif dépend du contexte historique et de la
réalité dans laquelle il se développe. Un
phénomène de lutte armée peut être
révolutionnaire, progressiste, nationaliste,
pro-impérialiste, fasciste ou encore
contre-révolutionnaire, tout dépendant de son
caractère de classe et de ses objectifs
stratégiques. Pour déterminer l'authenticité et le
contenu politique d'un processus armé, il est
nécessaire d'analyser rigoureusement trois
questions fondamentales : 1) quelle est
l'idéologie qui nourrit l'organisation qui le
dirige ; 2) quels sont ses objectifs politiques ;
et 3) quelle classe sert-il et représente-t-il.
En partant de ces trois éléments et tenant compte
de l'activité du MRTA de 1984 à aujourd'hui, il
est facile de situer le caractère et le contenu
politique de ce groupe. Le MRTA peut bien crier
sur tous les toits qu'il est «marxiste-léniniste»,
mais son idéologie n'a rien à voir avec celle du
prolétariat. Ses objectifs politiques ressemblent
comme deux gouttes d'eau à ceux que proposent les
organisations qui font partie de la gauche légale
et qui visent ouvertement à soutenir le système et
l'État oppresseur. Et quelle classe sociale sert
le MRTA ? Ici, on peut se référer au dicton
populaire : «dis-moi avec qui tu te tiens et je te
dirai qui tu es». Les principaux alliés des
tupacamaristes sont les forces politiques de la
gauche légale et à l'occasion l'APRA, voire même
le fujimorisme. La gauche légale péruvienne, par
son caractère de classe, par son côté mercenaire,
par sa ligne sans principes et pleine
d'opportunisme, sert exclusivement un secteur de
la grande bourgeoisie péruvienne. Le MRTA sert les
mêmes patrons que ceux de la Gauche unie.
Depuis 30 ans ou plus, cette gauche est attachée à
la charrue de la bourgeoisie bureaucratique,
c'est-à-dire à une des deux fractions de la grande
bourgeoisie péruvienne. Et c'est sur cette même
rive de la plage politique que se situe l'action
armée du MRTA. Les faits démontrent que le MRTA et
la gauche officielle servent les mêmes patrons.
Cela, on peut l'observer dans l'exemple qui suit :
en 1985, Alan García, leader de l'APRA, arrive au
pouvoir avec l'appui de la Gauche unie.
Immédiatement, le MRTA s'engage à ne pas attaquer
le nouveau gouvernement ni le parti apriste. Il
offre une «trêve de pacification» d'une durée d'un
an. En juillet 1990, Alberto Fujimori gagne les
élections, toujours avec l'appui de la Gauche
unie. En septembre de la même année, le MRTA
propose signer un accord de paix avec le
gouvernement. Est-ce là simplement un hasard ou
bien le fruit d'une étroite coordination ?
Les deux fractions de la grande bourgeoisie
(bureaucratique et compradore) sont constamment en
conflit et soumises à des conflits internes. Elles
luttent pour gagner le contrôle de l'État et
obtenir le maximum de bénéfices. Les partis
politiques, l'église, les forces armées, etc.,
prennent parti dans ce conflit. Dépendant des
circonstances et de la situation internationale,
les épreuves de force au sein de la grande
bourgeoisie peuvent devenir bruyantes et
violentes.
En 1968, le général Velasco Alvarado s'est
approprié du pouvoir d'État au moyen d'un coup
d'état militaire. Le gouvernement de l'Acción
Popular (bourgeoisie compadore) fut déclaré
illégal. Velasco essaya de consolider et
d'amplifier les intérêts de la bourgeoisie
bureaucratique. Il affronta violemment les
représentants de la bourgeoisie compadore. Il
chassa du pays les journalistes de la droite
libérale. En 1980, l'Acción Popular (AP), après
avoir été pourchassée par la dictature
velasquiste, retourna au pouvoir et appliqua des
mesures contre la bourgeoisie bureaucratique.
Puis, en 1985, Alan García reprit le pouvoir pour
la bourgeoisie bureaucratique. Le gouvernement
apriste contre-attaqua les intérêts de l'autre
fraction de la bourgeoisie. Il échoua dans son
intention d'étatiser le système financier
(banques). En 1990, Fujimori, appuyé par les
militaires, assuma le gouvernement. Il fit
alliance avec la bourgeoisie compradore. Il
réprima les leaders apristes, dont plusieurs sont
encore emprisonnés. Plus tard, il essaya même
d'extrader Alan García pour le juger pour
corruption.
Les exemples signalés ici nous aident à comprendre
que la «lutte armée» du MRTA, tout dépendant du
moment et des intérêts en jeux, profite au
renforcement du pouvoir de quelques fractions de
la grande bourgeoisie péruvienne et de
l'impérialisme nord-américain. Et si la répression
touche ce groupe de temps à autres, ce n'est pas
parce qu'il représente en soi un danger pour la
stabilité de l'État, mais plutôt à cause des
besoins des forces bourgeoises en lutte. Le même
sort attend les groupes qui font partie de la
Gauche unie, comme n'importe quel parti de la
droite. Leurs dirigeants sont souvent persécutés
et emprisonnés, mais ceci ne leur donne aucune
légitimité révolutionnaire en soi. Même au sein
des forces armées, il existe des divisions et des
luttes politiques, fussent-elles violentes. Mais
cela ne change pas non plus le caractère et
l'essence réactionnaire et criminelle des
militaires.
D'un autre côté, il est évident qu'au Pérou, le
gouvernement et ses forces répressives agissent de
deux manières face à la subversion. On traite la
guérilla maoïste et le MRTA de façon bien
différente. Voyons quelques exemples. Le cas de
Polay est très significatif. En février 1989, le
«commandant Rolando» est emprisonné. La presse
péruvienne le transforme en héros
cinématographique. C'était la dernière année du
régime apriste dirigé par Alan García Pérez. Polay
Campos est incarcéré dans la prison de Canto
Grande (Lima). On lui assigne une cellule
quasiment aussi confortable que celle d'un hôtel.
Il dispose d'une chambre individuelle pour dormir,
pour cuisiner, et d'une une salle de bains privée.
Il est équipé d'un appareil-télé en couleurs,
d'une radio, d'une bibliothèque, d'un
réfrigérateur ; on lui donne la permission de
recevoir des revues et des journaux à tous les
jours. Le plus drôle, c'est qu'on lui remet même
les clés de sa cellule. Ceci fut confirmé par
Lucero Cumpa, haute dirigeante du MRTA, qui avait
été détenue à Canto Grande. Voici la transcription
des déclarations qu'elles a faites à la revue
Caretas, publiées le 25 mars 1991 :
Est-il vrai que Víctor Polay avait les clés de sa
cellule ?
- Lucero Cumpa : Ça, c'était normal au
pénitencier, non seulement pour les «prisonniers
politiques», mais aussi pour d'autres détenus.
Dans cette cellule commodément aménagée, Polay
pouvait recevoir la visite régulière de sa
famille, de ses amis, de députés, de journalistes,
et même celle de ministres du gouvernement. Ceci
fut décrit par Guillermo Thorndike dans son livre
intitulé Les taupes. «Holà ! Víctor, comment ça
va, dit familièrement le Premier ministre. Il
avait été candidat apriste à la présidence en
1989, et plusieurs fois secrétaire général du
parti... Je suis un vieil ami de ton père... J'ai
demandé qu'on respecte la totalité de tes droits.
Et de fait, il va en être ainsi.» (Guillermo
Thorndike, Les taupes, édition 1991, page 64)
Le 8 juillet 1990, quelques jours avant que
l'apriste Alan García Pérez remette le pouvoir à
Fujimori, Polay et 47 autres prisonniers
politiques du MRTA s'évadent de prison grâce à un
tunnel de 332 mètres de longueur. Au Pérou, tout
le monde se doute que la main du régime apriste,
et spécialement celles du sinistre et criminel
Agustín Mantilla, ministre de l'Intérieur d'Alan
García Pérez, y est pour quelque chose. Le tunnel
faisait sans doute partie des indulgences qu'a
reçue le MRTA pour son attitude de «bonne
guérilla» conciliatrice et partisane de la paix
entre les riches et les pauvres.
D'autres faits aident à comprendre ce problème.
Par exemple, le traitement et les conditions de
vie des prisonniers. Le gouvernement a établi un
double système d'incarcération : un pour ceux du
MRTA et un autre pour ceux qualifiés de
sendéristes. Il n'y a pas de comparaison possible
entre l'enfer que doivent vivre les prisonniers de
guerre du Parti communiste du Pérou (PCP) et la
bienveillance que reçoivent les prisonniers de
guerre appelés tupacamaristes. Cela, on peut le
voir concrètement avec les tueries massives de
prisonniers qui se sont produites à répétition. Le
4 octobre 1985, la police assassine 30 prisonniers
incarcérés dans la prison de Luringacho (Lima).
Les prisonniers furent brûlés vifs et enterrés
clandestinement. En juillet 1986, les forces
armées et les policières massacrent et éliminent
300 prisonniers de guerre incarcérés dans les
pénitenciers de Frontón, Luringacho et Callao. En
mai 1992, l'armée et la police assassinent près de
100 prisonniers et prisonnières du pénitencier
Canto Grande, sur ordre du gouvernement. La
question est la suivante : pourquoi assassine-t-on
les prisonniers qualifiés de sendéristes alors
pour les autres, on leur construit des tunnels
pour leur permettre de s'échapper ?
Poursuivons avec le cas de Polay. Comme on le
sait, le «chef» tupacamariste a été refait
prisonnier en juin 1992. Il est actuellement
incarcéré à la base d'Operaciones Especiales de la
Marina à Punta (Callao). C'est à cette même prison
que le président Gonzalo est également détenu. Le
chef de la guérilla maoïste y a été incarcéré le 3
avril 1993. Depuis cette date, c'est à dire depuis
près de 4 ans, il n'a pas eu le droit de recevoir
quelque visite que ce soit, ni d'amis ni de sa
famille. On ne lui a jamais permis d'assurer sa
défense légale et ses avocats ont été eux aussi
emprisonnés à vie. Il est complètement isolé du
monde extérieur. Seuls Fujimori et le Service du
renseignement national (le SIN) savent s'il est en
vie ou s'il a déjà été enterré. Pour sa part,
Víctor Polay, le supposé voisin de prison du
président Gonzalo, reçoit des visiteurs à chaque
mois et peut recourir au service de ses avocats.
Voilà une différence évidente qui prouve la
discrimination que le gouvernement fait entre les
«sendéristes» et les tupacamaristes.
Pour conclure cette longue analyse, nous voudrions
reproduire le paragraphe suivant d'un article que
nous avons déjà publié sous le titre : «Vers où
pointent les armes du MRTA ?» (El Diario
Internacional, n° 2, 02/11/1990). Nous y
affirmions : «Le MRTA est conçu pour détourner la
tendance politique des masses. Comme les films de
"Rambo", il manipule la conscience et peut générer
l'idiotie chez certaines gens ; c'est une fausse
guérilla, qui ne présente pas de danger pour le
système et pour l'ordre qui règne, et qui amène
confusion et désillusion chez les masses pauvres
du pays.» Puis nous ajoutions : «En tant que
fausse guérilla révolutionnaire, le MRTA cherche
non seulement à générer la confusion et le
désarroi chez les masses pauvres du Pérou, mais
son rôle contre-révolutionnaire a une certaine
portée, liée aux plans de "pacification" qu'ont
développé les Nord-américains pour le Pérou et le
reste de l'Amérique latine. L'existence de ce
groupe pourra être longue ou pas, ceci dépendra
non pas de ce que dira Polay ou quelque autre
dirigeant du MRTA, mais plutôt des plans
militaires et politiques de l'État et des
stratèges états-uniens.»
- Luis Arce Borja
(Collaboration spéciale)
Bruxelles, le 6 février 1997


[Article paru dans la revue Socialisme
Maintenant!, n° 1, printemps 1997]
Paria
   Posté le 11-02-2007 à 21:30:00   

Une analyse par Etude Marxiste du MRTA.
Paria
   Posté le 16-02-2007 à 21:01:51   

Des articles interressants sur le Sentier Lumineux, tiré de Etudes Marxistes .

Ce que la CIA sait sur le «Sentier lumineux»

A propos de Sentier Lumineux

Le «Sentier lumineux» et l'avenir du Pérou