Sujet :

les mesures d'état d'urgence

Xuan
   Posté le 18-11-2015 à 13:55:24   

Le terrorisme donne l'occasion à la bourgeoisie d'augmenter les mesures fascisantes. Dans l'immédiat le droit de réunion et de manifestation est bafoué :


Le Monde

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a donné des détails sur le projet de loi relatif à l’état d’urgence discuté mercredi 18 novembre en conseil des ministres. Les points-clés :

La prolongation de l’état d’urgence : le texte prévoit une prolongation pour trois mois de l’état d’urgence, comme cela avait été annoncé par François Hollande dès ce week-end.

Le régime de l’assignation à résidence : « Le régime des assignations à résidence est modernisé et élargi à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace sérieuse à l’égard de l’ordre public » , a déclaré M. Le Foll. L’idée reprend en partie la proposition d’une partie des députés de droite, qui appelaient à assigner à résidence toutes les personnes faisant l’objet d’une « fiche S », un dispositif de surveillance relativement large qui ne liste pas que des terroristes présumés, mais aussi leur proche, et toute personne ayant attiré l’attention des services de renseignement.

Les perquisitions administratives : les locaux des parlementaires, des avocats, des magistrats et des journalistes ne pourront pas être visés par les perquisitions administratives (décidées sans l’accord d’un juge). Le procureur sera informé de toute décision de perquisition. Les ordinateurs, téléphones portables et toutes les données numériques pourront également être visés.

Le contrôle de la presse : le projet de loi supprime une ancienne disposition du texte de 1955, qui permettait d’ordonner la censure de la presse.

L’intégralité du texte communiqué par le gouvernement :

Le premier ministre et le ministre de l’intérieur ont présenté un projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55- 385 du 3 avril 1955 et renforçant l’efficacité de ses dispositions. l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisé que par la loi. Le projet de loi dispose que l’état d’urgence déclaré à compter du 14 novembre 2015 à zéro heure est prolongé pour trois mois, comme cela avait été le cas en 2005. de la loi du 3 avril 1955 afin d’en renforcer l’efficacité. En outre, le projet de loi modifie plusieurs dispositions de la loi du 3 avril 1955 afin d’en renforcer l’efficacité.

Ainsi, aucune perquisition administrative ne pourra viser les locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, magistrats ou journalistes. Le procureur de la République sera informé de toute décision de perquisition, qui se déroulera en présence d’un officier de police judiciaire. Lors de ces perquisitions, il pourra être fait copie sur tout support des données stockées dans tout système informatique ou équipement. associations ou groupements de faits qui participent, facilitent ou incitent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public, et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence.

Le régime des assignations à résidence est modernisé et élargi à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public. Les conditions de l’assignation à résidence sont précisées s’agissant des escortes, des règles de pointage aux services de police ou de gendarmerie nationales. Il pourra être interdit à la personne assignée à résidence d’entrer directement ou indirectement en contact avec des personnes soupçonnées également de préparer des actes portant atteinte à l’ordre public. La commission administrative chargée de donner un avis sur la contestation de l’intéressé est supprimée et remplacée par le recours de droit commun devant la juridiction administrative.

Le régime des perquisitions fait également l’objet de précisions. Ainsi, aucune perquisition administrative ne pourra viser les locaux affectés à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, magistrats ou journalistes. Le procureur de la République sera informé de toute décision de perquisition, qui se déroulera en présence d’un officier de police judiciaire. Lors de ces perquisitions, il pourra être fait copie sur tout support des données stockées dans tout système informatique ou équipement. Le contrôle de la presse ou de la radio, prévu par la loi de 1955 mais jamais utilisé, est supprimé.

Le projet de loi ouvre la possibilité de dissoudre les associations ou groupements de faits qui participent, facilitent ou incitent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public, et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence.
Enfin, les peines encourues pour les infractions aux dispositions sur les perquisitions ou les assignations à résidence sont substantiellement accrues .

Le premier ministre, le ministre de l’intérieur et la ministre des outre-mer ont présenté un décret portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. Ce décret déclare l’état d’urgence, à compter du 19 novembre 2015, à zéro heure à l’heure locale, sur le territoire des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.


Edité le 18-11-2015 à 13:56:36 par Xuan


Xuan
   Posté le 22-11-2015 à 01:00:32   

Un article de Mediapart :

A l’Assemblée, le temps des faucons

PAR MATHIEU MAGNAUDEIX ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 20 NOVEMBRE 2015

« Pas de juridisme, avançons ! » , a lancé Manuel Valls aux députés. À quelques exceptions près, ils n’ont rien contesté. L’Assemblée a voté la prolongation de l’état d'urgence pour trois mois, par 551 voix contre 6 (et une abstention).
Au nom de l’« union nationale », la droite a largement influencé le texte, et ricane :
« la gauche s’est radicalisée »

Philippe Gosselin, député LR (ex-UMP) de la Manche, est le prototype du député réactionnaire : sécuritaire, à droite toute, en tête des « Manif pour tous ».
Mais comme il sait arrondir les angles, c’est lui qui a été chargé de donner une autre image de l’opposition.
La veille, mardi, lors des questions au gouvernement, les têtes de liste LR aux élections régionales s’étaient lâchées. En retour, elles avaient récolté une avalanche de réactions outrées.
Mercredi, Gosselin s’est confondu en excuses. « On est désolé de cette image, c’était vraiment pas le but du jeu »
Toute la journée, il a martelé les éléments de langage de la droite. « Nous avons gagné la bataille culturelle.
Quelle révolution en quatre jours! Le gouvernement est venu sur nos positions. Il n’y a plus que quelques dissidents (sic) à gauche. Mais la dissidence est extrêmement limitée. »


Difficile de lui donner tort : après la tuerie de vendredi, au lendemain de l’assaut à Saint-Denis où la tête pensante de l’attaque a été tuée, l’Assemblée nationale a modifié jeudi 19 novembre le texte encadrant la loi de 1955 sur l’état d’urgence. Elle
l’a aussi étendu pour trois mois, jusqu’au 26 février 2016.
« La loi doit être adaptée à notre temps et à la réalité des menaces » , a plaidé Manuel Valls. Le débat a été suivi d’un vote aux allures de plébiscite :
551 voix, 6 votes contre – les socialistes les socialistes POuria Amirshahi, Barbare Romagnan, Gérard Sebaoun, et les écologistes Noël Mamère, Sergio Coronado, Isabelle Attard, Plus une abstention, la socialiste Fanélie Carrey-Conte.
« Banaliser le tout sécuritaire ne fait que banaliser la peur » , a lancé Noël Mamère jeudi matin, à peine applaudi.

Les autres, tous les autres, ont voté pour, sans état d’âme.
« Rien ne me choque », dit par exemple le frondeur PS Pascal Cherki. « Mais l’état d’urgence ne doit pas être une loi fourre-tout qui permet de tout faire. Il faut des mesures exceptionnelles, mais pas de mesures d’exception. »

La loi sera discutée au Sénat vendredi, et promulguée mercredi prochain. Une semaine après sa présentation en conseil des ministres. Un délai aussi court est lui aussi exceptionnel. Pour tenir le calendrier, le gouvernement et la droite, majoritaire au sénat n’ont cessé depuis trois jours de discuter, de négocier, afin que le texte soit adopté dans les mêmes termes à l’Assemblée et au Sénat, pulvérisant ainsi la navette parlementaire.
« Nous avons beaucoup d’échanges informels avec l’entourage du premier ministre, on discute » , confirme le député LR Guillaume Larrivé, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée. Sur fond d’ « unité nationale », il s’agit d’une sorte d’échange de bons procédés. L’exécutif pense gêner une opposition divisée en reprenant son discours. La droite, elle, gagne le droit de revendiquer la victoire idéologique : ce qui n’était pas possible, ce que la droite, voire l’extrême-droite, réclamait sans jamais l’obtenir, est devenu faisable.


Bien sûr, le texte offre certaines garanties qui n’existaient pas dans le texte de 1955 : contrôle du Parlement, suppression du contrôle de la presse ainsi que des tribunaux militaires. Mais en plus des dispositions exceptionnelles prévues par l’état d’urgence, plusieurs demandes de l’opposition ont été acceptées. Par exemple, la possibilité pour les policiers de porter leurs armes hors service, autorisée mercredi soir par un arrêté de Bernard Cazeneuve ; l’assignation à résidence des personnes dont le « comportement » (et pas la seule « activité » paraît suspect ; le bracelet électronique pour les personnes condamnées pour terrorisme, assorti d’une obligation de cantonnement à domicile de douze heures par jour…

Plusieurs fois, le gouvernement n’a pas fermé la porte à d’autres revendications de la droite, comme les contrôles d’identité par les policiers municipaux, la possibilité d’armer les douaniers en civil ou le bracelet électronique pour tous les assignés à résidence, pas seulement ceux ayant purgé des peines pour terrorisme.

Sans les rejeter, Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve ont renvoyé la discussion à plus tard, dans le cadre de la réforme constitutionnelle annoncée par François Hollande en janvier, qui comprendra notamment la possibilité de déchoir de leur nationalité des binationaux nés français. Cette mesure, lancée par le FN puis reprise par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Grenoble, fut longtemps un chiffon rouge pour la gauche. Mais ça, c’était avant. Avant la tuerie de vendredi à Paris. Avant les 130 morts assassinés parce qu’ils buvaient un verre en terrasse ou étaient venus écouter du rock au Bataclan.

Dans l’Assemblée bunkérisée, les policiers sont en armes. Depuis lundi, on ne croise plus les petites grappes de visiteurs émerveillés par les peintures d’Alechinsky : les groupes sont interdits. Le climat est à la « guerre impitoyable » contre un « ennemi, l’islamisme radical, qui existe aussi chez nous », selon Manuel Valls. ‘Il faut les massacrer » dit dans un couloir un socialiste, d’habitude doux comme un agneau à propos des djihadistes. De sa voix méridionale, son collègue PS Patrick Menucci parle des « les crever » . Un député socialiste se prend à rêver que grâce à son habileté politique, François Hollande est en train d’assurer sa réélection. A la buvette, on a vu un collaborateur parlementairedu groupe PS touiller son café d’un air désespéré. « Nos élus sont devenus fous ».

Quand l’examen du texte a commencé, mercredi soir en commission, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a donné le ton, régalien et martial. « Nous prenons toutes les dispositions pour traquer les terroristes où qu’ils se terrent ». Puis il s’est fait rassurant : « L’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit : il est son bouclier. »

Malek Boutih (PS) : « Notre bataille de Stalingrad ! »

L’écologiste Sergio Coronado se dit « dubitatif ». Il annonce qu’il votera contre. Un ange passe. Peu après François de Rugy, qui a quitté ELV pour créer l’Union des écologistes (UDE), précise que 15 députés du groupe écolo, dont l’ancienne ministre Cécile Duflot, voteront pour.
« Montesquieu dit qu’il est des moments où il faut parfois mettre un voile sur nos libertés. Personne n’osera contester la décision prise » , lance Colette Capdevielle (PS). Le député LR Guillaume Larrivé rajuste ses lunettes : « L’Etat de droit doit être fort. S’il ne l’est pas, il n’est plus de droit et c’est la jungle djihadiste qui l’emportera ». Le socialiste Olivier Dussopt exhorte le gouvernement à « aller plus vite pour fermer les lieux de prière où des prêcheurs autoproclamés propagent la haine. Plus vite aussi dans les perquisitions, la saisie des armes, le démantèlement des trafics. » « Les trois mois d’état d’urgence ne seront pas suffisants », affirme déjà le centriste Jean-Christophe Lagarde.


Avec dix élus socialistes, la vice-présidente de l’Assemblée nationale Sandrine Mazetier souhaite rétablir le contrôle de la presse et des représentations théâtrales. Elle n’a pas digéré les ratés de BFMTV « en janvier, au moment de l’assaut de l’Hyper Cacher ». Pas aimé non plus que dimanche dernier, « l’express.fr indique en twittant sa photo la position d’un policier, alors qu’il y avait un mouvement de foule place de la République ».« Tout ça pour faire du pognon.. . », assène-t-elle. La députée du XII arrondissement de Paris jure qu’elle ne veut pas viser « tous les médias », mais c’est pourtant ce qu’elle propose.

Beaucoup l’approuvent, sauf l’écologiste François de Rugy qui s’étrangle. En liaison avec Matignon, la secrétaire d’État Clotilde Valter, dépêchée pour remplacer Bernard Cazeneuve, dit qu’elle ne s’y opposera pas. Au même moment, le conseiller de François Hollande, Vincent Feltesse, envoie un SMS aux députés PS : le président est contre. Le débat tourne court. Ça ricane à droite : « La gauche s’est radicalisée ! »

Larrivé reprend le micro. L'élu LR veut un allongement de l’assignation à domicile des personnes assignées à résidence. Le texte du gouvernement ne prévoit que 8 heures, et trois « pointages » au commissariat par jour. « 2 4 heures, ce n’est pas possible, c’est de la détention », répond Urvoas. Jeudi matin, Manuel Valls tranchera la poire en deux. Ce sera douze heures.

La droite est satisfaite, mais elle en veut plus :
l’obligation du bracelet électronique pour les assignés à résidence. « Je le demande depuis des années ! » lance le socialiste Mennucci. Après une nuit de réflexion, le premier ministre accèdera là encore à cette demande, mais seulement pour les personnes condamnées pour terrorisme. Au-delà, ce ne serait pas « constitutionnel »
Dernière demande acceptée : le port des armes pour les policiers en dehors de leur service, exigé par plusieurs syndicats. « C’est dangereux, cela va se retourner contre les policiers eux-mêmes » tonne l’ancien ministre de l’intérieur socialiste Daniel Vaillant, sensible au risque de suicide de policiers. Alors qu’il prononce ces paroles, il ne sait pas que Bernard Cazeneuve a déjà pris un arrêté en ce sens.

Jeudi matin, dans l’hémicycle rempli, Manuel Valls parle à nouveau de « guerre », et sème un vent de panique parmi les journalistes en parlant de risque d’attaques chimiques. Il dit : « La sécurité est la première des libertés », et des internautes rappellent illico que c’est un vieux slogan du Front national. Le premier ministre est applaudi à gauche comme à droite.

« Nous ne devons pas participer à la généralisation de l’état d’exception, qui abolit toute donnée de droit, au risque de l’arbitraire », nuance Urvoas, qui prédit « l’obsolescence programmée » des mesures prises – la droite est beaucoup moins enthousiaste. Larrivé appelle d’ailleurs le gouvernement à « resserrer l’état d’urgence en l’assortissant de contraintes nouvelles » , comme la légitime défense pour les policiers et la rétention de sûreté (que la gauche n’a pas abolie) pour les personnes condamnées pour terrorisme. « Nous avons besoin de notre bataille de Stalingrad ! » lance le député Malek Boutik exalté.

Le député d’extrême droite Gilbert Collard se félicite que « la notion de comportement » suspect soit désormais inscrite dans la loi. « C’est un glissement sémantique important, en rupture avec les principes fondamentaux de notre droit moderne » , prévient Marie-Françoise Bechtel, proche de Jean-Pierre Chevènement, qui est aussi conseillère d’Etat.
L’argument est balayé. Lorsque de rares députés PS proposent des assouplissements, Manuel Valls leur rétorque que « la situation exceptionnelle oblige à prendre des mesures immédiates » . Il a cette phrase, lancée à des parlementaires censés écrire le droit :
« Pas de juridisme, avançons ! C’est là où nous sommes attendus ! » Les radicaux de gauche du PRG obtiennent le contrôle des sites djihadistes par le ministre de l’intérieur : un durcissement de la loi antiterrorisme, votée il y a un an à peine...

Sur les bancs, l’ancienne ministre Cécile Duflot se fait discrète. Elle critique les bracelets électroniques. « La décision que vous demandez de prendre va très loin, surtout sur la base d’un seul comportement. » Mais comme attendu, elle vote finalement pour la prolongation de l’état d’urgence.

Les communistes eux aussi sont étrangement absents. Ils ne défendent même aucun amendement. « C’était un choix délibéré. Dès lors que les choses étaient bouclées, nous ne voulions pas faire du tricotage parlementaire » , se défend André Chassaigne, leur président. Écologistes, communistes et certains socialistes jurent qu’ils mèneront la grande bataille sur la réforme constitutionnelle à venir. Vers 14 h 30, la séance est levée. Les députés repartent bien vite vers leurs circonscriptions en tirant leurs valises.
Xuan
   Posté le 22-11-2015 à 17:26:55   

Une fois n'est pas coutume, un article du site Révolution Permanente (courant communiste révolutionnaire du NPA)

Comité de rédaction

C’est désormais fait. L’Assemblée Nationale a voté à une majorité écrasante le prolongement pour trois mois de l’Etat d’urgence. Par 551 voix contre 6 (3 écologistes et 3 socialistes) et 1 abstention (socialiste) les députés ont adopté ce mercredi un texte qui actualise et durcit la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. Extension des assignations à résidence, surveillance électronique de suspects, la dissolution de groupes et associations et blocage de sites internet sont quelques-unes des nouvelles mesures adoptées, ce à quoi s’ajoute l’autorisation de port d’arme par les policiers en dehors de leur temps de travail accordé entre Cazeneuve et les syndicats de la Police. Bienvenue au pays du tout sécuritaire…

« Ce projet de loi, c’est la réponse d’une France forte, qui ne plie pas et ne pliera jamais. C’est la réponse rapide d’une démocratie face à la barbarie. C’est la réponse efficace du droit, face à une idéologie du chaos » , a déclaré Manuel Valls lors de sa présentation du projet de texte au parlement.

Et pourtant la démocratie semble être passée loin avec ce paquet de mesures liberticides sans précédents. Le Premier Ministre a été obligé de reconnaitre que « L’état d’urgence, c’est vrai, justifie certaines restrictions temporaires aux libertés. Mais y recourir, c’est nous donner tous les moyens de rétablir ces libertés pleinement » .

Tous les groupes, de la majorité comme de l’opposition, y compris ceux du Front de gauche, ont voté pour le projet de loi que le Sénat examinera et devrait adopter conforme vendredi. Le texte sera alors définitivement adopté par le Parlement. Plusieurs amendements qui durcissent le projet de loi ont été votés. Les frictions qui ont marqué les débats de lundi à l’Assemblée semblent ainsi avoir été rangées au nom de « l’unité nationale » sous le signe du tout sécuritaire.

C’est donc bel et bien vers un état d’exception permanent que nous allons. Sous prétexte du combat contre la « menace terroriste » , le Patrioct act à la française qui vient d’être voté implique une forte restriction des libertés démocratiques essentielles bien au-delà. Dans les quelques jours qui nous séparent des terribles attaques de vendredi dernier, nous pouvons d’ores et déjà le constater assez largement.

• Le coup porté aux mobilisations en cours et en particulier à Air France et chez les hospitaliers parisiens, empêchés de manifester alors même que les attaques contre lesquels les salariés de ces secteurs se battent ne sont pas quant à elles annulées montre déjà à quel point le gouvernement entend instrumentaliser les attentats pour établir une sorte de paix sociale dans un contexte où le retour d’une certaine radicalité ouvrière commençaient à inquiéter fortement le pouvoir.

• L’utilisation du RAID pour l’évacuation d’un simple squat à Lille est à son tour un signe avant-coureur de la façon comme l’hyper-militarisation de l’espace publique pourra être utilisée pour réprimer bien au-delà des milieux suspectés d’être associées aux réseaux terroristes.

• La possibilité de blocage de tout site internet considéré comme « faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant à des actes de terrorisme » ouvre la porte à des restrictions importantes des libertés de presse.

• Le passage sur la possibilité de dissoudre des groupes et associations est particulièrement dangereux dans la mesure où il permet une interprétation très large et donc une atteinte grave à la liberté d’association. Tout groupe ou association considérée comme participant « à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public, ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent » pourrait donc être dissout.

L’approbation de ce texte constitue ainsi un pas de géant dans la marche vers un durcissement du régime et vers la restriction des libertés démocratiques les plus fondamentales. Le fait que ce texte ait pu être voté par les députés du Front de gauche est particulièrement scandaleux. Le mouvement ouvrier devra riposter de fermement et vite, en s’appuyant sur les déclarations de la confédération CGT s’il ne veut pas se retrouver pieds et mains liées face à ce tournant.
Xuan
   Posté le 09-02-2016 à 17:39:45   

Les données de connexions accessibles aux services du renseignement


Sur Nextimpact Publié le 01/02/2016
Xuan
   Posté le 14-05-2016 à 20:05:12   

Procédure d’exception sans état d’urgence
, par Jean-Claude Paye

Les Crises


Source : Le Grand Soir, Jean-Claude Paye, 28-03-2016



A une large majorité et quasiment sans débat, l’Assemblée nationale vient d’adopter ce 9 mars, le nouveau projet de loi de réforme pénale « renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé [1] ». Ce texte doit encore passer au Sénat et, étant en procédure accélérée, il ne doit faire l’objet que d’une seule lecture par Chambre.

Le projet fait entrer dans le droit commun, des dispositions considérées comme relevant d’un droit d’exception. Ainsi, dans le texte transmis pour avis au Conseil d’Etat, le gouvernement confirme sa volonté de « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire, mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence » . [2]

Un état d’urgence sans état d’urgence.

Bien que les deux textes soient en étroite relation, ce projet de loi ne doit pas être confondu avec la loi du 20 novembre 2015 qui prolonge l’état d’urgence pour une nouvelle période de trois mois, tout en renforçant les restrictions aux libertés privées et publiques, contenues dans la loi de 1955 [3], la nouvelle loi ne s’attaquant plus seulement à des actes, mais également à des intentions. Bien que les dispositions d’exception aient été, de nouveau, prolongées, le gouvernement n’a pas renoncé à réformer la procédure pénale. Il s’agit d’y inscrire des mesures liberticides autorisées par l’état d’urgence, sans que celui-ci soit déclaré. Ce dernier a pour objet de s’affranchir du principe de séparation des pouvoirs, de liquider le pouvoir judiciaire et de concentrer l’ensemble des prérogatives aux mains de l’exécutif et de la police. Le projet de réforme de la procédure pénale s’inscrit également dans cet objectif.

Le texte donne un débouché pénal aux dispositifs légaux d’espionnage des ressortissants français. Comme l’exprime l’exposé des motifs du projet de loi, « l’arsenal de prévention » , mis en place par la loi relative au renseignement, [4] « doit être complété par un volet judiciaire » . [5] Grâce à celui-ci, les renseignements obtenus par les fausses antennes Imsi-catchers, par la surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un domicile pourront servir de base à des poursuites pénales.

Renforcement formel du procureur.

Le projet de loi renforce les prérogatives du procureur, un magistrat dépendant du pouvoir exécutif. Il s’inscrit ainsi dans une constante de l’action des gouvernements, toutes majorités confondues, celle de réduire le rôle du juge d’instruction, une fonction jugée trop indépendante par rapport à l’exécutif. Il s’agit de le déposséder de l’exclusivité de certains de ses pouvoirs, tel le contrôle des procédures d’enquêtes intrusives, afin de le confier également au procureur de la République.

Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, le procureur devient aussi un « directeur d’enquête » . Il conduit les « enquêtes préliminaires » , dans le cadre desquelles il a la faculté de renvoyer le suspect devant un tribunal. Ensuite, il porte l’accusation dans un procès qu’il a initié. Au four et au moulin, il lui reviendra également de vérifier si les « enquêtes effectuées par la police judiciaire sont bien menées à charge et à décharge » .

Dans les enquêtes placées sous la direction du procureur, l’accès au dossier est reporté à la fin des investigations. Ainsi, la personne incriminée, au moment de sa mise en cause, n’a pas les moyens de contester la légalité ou la nécessité d’une technique d’enquête. Au contraire de la procédure liée au juge d’instruction, l’accès au dossier reste non systématique. Afin de « donner de nouveaux droits » au suspect et surtout de pérenniser l’emprise du procureur sur la procédure pénale, le projet de loi introduit une réforme permettant au justiciable d’intervenir dans le processus d’enquête. Ce qui semble aller dans le bon sens se révèle en fait être une perversion du système judiciaire et des droits de la défense.

Une perversion du système pénal.

Ainsi, le projet de loi introduit une modification majeure du système pénal, le passage d’une procédure inquisitoire, centrée autour du juge d’instruction, à un système qui se rapproche de la démarche accusatoire en vogue dans les pays Anglo-saxons. Le texte prévoit d’introduire, dès le stade de l’enquête préliminaire, d’investigations de plus d’un an, un débat contradictoire avec les suspects et leurs avocats [6]. Ces derniers auraient la possibilité de demander au procureur des actes déterminés, tels que des auditions ou des expertises. L’introduction de ces nouvelles procédures fait que, comme aux Etats-Unis, seules les personnes fortunées seront en mesure de se défendre. D’ailleurs, pour les autres, le projet de loi a déjà prévu de simplifier les modalités de passage devant le juge des libertés et de la détention, afin de pouvoir les juger encore plus rapidement dans le cadre de la comparution immédiate.

Aujourd’hui, le procureur, en l’absence de tout comportement suspect et d’infraction, a la faculté d’autoriser préventivement le contrôle d’identité et la fouille de véhicules se trouvant dans un lieu précis et pour une période déterminée. Le projet de loi étend cette procédure à la fouille des bagages, alors que actuellement, celle-ci ne peut être autorisée que dans le cadre d’une perquisition. Rappelons que ces inspections ne visent pas nécessairement des personnes suspectes, mais aussi celles qui se trouvent dans un lieu déterminé. L’extension prévue par le projet augmente surtout le pouvoir des forces de l’ordre. Les fouilles auront lieu, non pas parce que les policiers ont l’indice d’un délit, mais simplement parce qu’ils ont le droit de les faire au prétexte qu’ils sont là pour éviter ou rechercher des infractions.

Éviction du juge d’instruction.

Le procureur de la République dispose ainsi de plus en plus des prérogatives jusqu’à présent réservées au juge d’instruction. Celui-ci est de nouveau écarté par le projet de loi, alors que, en France, il est déjà cantonné dans une petite fraction des affaires.

Le juge d’instruction est inamovible : il ne peut pas être déplacé par le ministre de la Justice et ne peut se voir retirer un dossier par sa hiérarchie. En ce qui concerne sa nomination, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature s’impose, ce qui garantit également son autonomie. Ce magistrat, dont l’indépendance est statutaire, se voit enlever la spécificité de son action : décider du renvoi du prévenu devant un tribunal et enquêter à charge et à décharge et cela au profit du procureur et de la police judiciaire qui, rappelons le, dépend non du ministère de la Justice, mais bien de l’Intérieur, indiquant bien, par là, la primauté de sa fonction de maintient de l’ordre.

La surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un lieu ou d’un domicile étaient aussi, jusqu’ici, réservées aux informations judiciaires confiées à un juge d’instruction. Elles pourront désormais être décidées dès l’enquête préliminaire, après une simple autorisation du juge des libertés et de la détention.

Remarquons que l’augmentation des pouvoirs du procureur se fait sans une modification du statut du parquet, lui accordant un minimum d’autonomie vis à vis de l’exécutif. Même la réforme, prévue précédemment par François Hollande, garantissant que le gouvernement nomme les procureurs, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, n’est pas réalisée [7].

Une police incontrôlable.

Dans les faits, le renforcement de la fonction du procureur n’existe que par rapport à celle du juge d’instruction. En ce qui concerne la police judiciaire, le contrôle de ce magistrat reste purement formel. En Belgique, devant la commission parlementaire relative à la mise en place, en 1999, de la police unique, dite « structurée à deux niveaux [8] », les procureurs ont déjà fait savoir que, une fois l’autorisation de l’enquête donnée, ils n’avaient plus le contrôle effectif de son déroulement.
Cette réalité est encore plus criante en France. Le Parquet est particulièrement débordé, puisque, peu nombreux, les procureurs ont un pouvoir de quasi-juridiction et traitent la grande majorité des dossiers judiciaires. Les nouvelles prérogatives que lui donnent ce projet de loi ne pourront qu’accentuer leur surcroît de travail et rendre impossible toute surveillance du travail de la police. Cette dernière est en fait la grande gagnante de ces réformes, confirmant ainsi son rôle central dans l’exercice actuel du pouvoir d’Etat.

Une police toute puissante.

L’accroissement des pouvoirs de la police est confirmé par l’extension du cadre de la légitime défense pour les forces de l’ordre. Les policiers seront reconnus pénalement « irresponsables » s’ils font feu, en cas « d’absolue nécessité » , sur « une personne ayant tué ou tenté de tuer et sur le point de recommencer » . Quant on sait qu’il existe déjà une jurisprudence leur reconnaissant la légitime défense pour avoir abattu dans dos une personne en fuite [9], on comprend que l’objet de cet article est moins de protéger les policiers de poursuites pénales que de signifier aux citoyens qu’ils peuvent être traités comme des ennemis. Un exemple extrême illustre bien cette perspective. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, dans une affaire où la justice avait prononcé une ordonnance de non lieu vis à vis d’un gendarme qui avait abattu de dos une personne menottée s’enfuyant d’une garde à vue. [10]

Les forces de l’ordre pourront aussi retenir une personne, même mineure, et hors la présence d’un avocat, même si celle-ci a une pièce d’identité et cela à la condition floue et hypothétique, qu’il y ait « des raisons sérieuses » de penser qu’elle a un « lien » avec une activité terroriste.

Une précédente mouture du projet allait encore plus loin, en créant un délit « d’obstruction à la perquisition » . Si cet article a été abandonné, il montre bien la volonté du gouvernement de criminaliser toute résistance à l’arbitraire de la police. Cette disposition devait faire taire les protestations, suite aux exactions lors de la vague de perquisitions autorisées par l’état d’urgence. En outre, cette ancienne version du texte indiquait que les policiers pourraient saisir tout objet ou document, sans en référer au procureur [11]. Ainsi, la police aurait été libérée du dernier élément du contrôle judiciaire, celui du procureur, d’un magistrat pourtant directement soumis au pouvoir exécutif.

Le juge des libertés et de la détention : un alibi.

Le pouvoir exécutif ne peut contrôler le travail de la police grâce au procureur. Le pouvoir judiciaire en est totalement incapable à travers l’autre figure, valorisée par le projet de loi, celle du juge des libertés et de la détention. C’est pourtant sur lui que repose la plupart des autorisations de mise en oeuvre des dispositions de la loi. Le contrôle de la légalité et de la proportionnalité des mesures ne peut qu’être formelle, car ce juge ne connaît pas le fond du dossier. Il n’a accès à celui-ci qu’au moment où il lui est remis et quand il doit prendre sa décision. Une fois l’autorisation accordée, il ne dispose d’aucun moyen lui permettant de contrôler l’action du procureur et de la police.

Statutairement, le juge de la liberté et de la détention est fragilisé. Il ne présente pas le degré d’indépendance d’un juge d’instruction, puisqu’il n’est pas nommé par décret, mais par le président de juridiction qui peut, du jour au lendemain, le décharger de ses fonction, si par exemple il refuse d’autoriser des écoutes. [12]

En matière de terrorisme et avec l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, les perquisitions de nuit seront autorisées dans les habitations et cela dès l’enquête préliminaire. Cette procédure se substitue à l’autorisation donnée par le juge d’instruction dans la phase de l’enquête proprement dite. (Dans le cadre de l’état d’urgence, elles peuvent être ordonnées par le Préfet). Désormais, les perquisitions pourront aussi avoir lieu de manière préventive, sur base de l’éventualité d’un danger, lorsqu’il s’agira « de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique » [13].

Les perquisitions de nuit dans les habitations sont banalisées. Le texte parle « d’un risque d’atteinte » , sans le qualifier ni d’actuel, ni d’imminent. Il porte sur des situations très nombreuses, sur les atteintes à la vie, mais aussi à l’intégrité physique. De vagues suspicions pourront conduire à ces intrusions domiciliaires. Celles-ci deviendront généralisées, si la limitation aux seules infractions terroristes n’est que temporaire.

Perquisition informatique sans garantie judiciaire.

Le texte prévoit aussi l’élargissement des possibilités de surveillance dans les lieux publics et le recours aux IMSI-catchers, ces fausses antenne-relais qui espionnent les téléphones et les ordinateurs à l’insu de leur utilisateur. Elles captent aussi tous les portables situés dans leur rayon d’action. Il s’agit d’un dispositif massif et indifférencié de capture des données. Son usage ne sera pas limité aux seules enquêtes antiterroristes et sera renouvelable, de mois en mois, pour des périodes très larges, ouvrant la voie à une captation massive d’informations sur les ressortissants français. Il sera autorisé par le juge de la liberté et de la détention ou, « en urgence » , par le procureur de la République, sachant que c’est généralement la police elle-même qui nomme le caractère urgent de la situation.

Jusqu’à présent, les IMSI-catchers pouvaient seulement être autorisées dans le cadre d’informations judiciaires, mais ont été peu utilisées par les juges d’instruction, vu le flou juridique du dispositif. La loi sur le Renseignement a légalisé leur utilisation par les services secrets.

L’article 3 du projet de loi relative à la procédure pénale prévoit aussi d’étendre la captation des données informatiques aux données archivées. Pourront être aspirées, l’ensemble des données contenues dans les appareils informatiques. Ce dispositif ne s’apparente plus à des écoutes ciblées, visant les conversations en cours et à venir, mais à une perquisition pouvant s’étendre à des données très anciennes. Cette dernière procédure présente normalement quelques garanties, telle que la présence de la personne suspectée ou celle de deux témoins, ainsi que la réalisation d’une copie sécurisée qui limite le risque de modification ou d’intervention extérieure sur les informations recueillies. Ce n’est évidemment pas le cas en ce qui concerne la captation de données. [14]

Le Préfet : un agent de l’état d’exception permanent.

Comme dans l’état d’urgence, le préfet voit son action renforcée. Le projet de réforme relatif à la procédure pénale est en étroite correspondance avec la loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence qui criminalise des intentions, en lieu et place d’actes concrets. L’intentionnalité terroriste attribuée aux personnes, revenant de Syrie, est aussi au centre du dispositif de ’surveillance » autorisé par le préfet.

Aujourd’hui, les « retours de Syrie », sont judiciarisés. Les suspects sont mis en examen, écroués ou placés sous contrôle judiciaire. Désormais, les préfets pourront, pendant un mois, les assigner à résidence et leur demander, pendant trois mois, les codes de leurs téléphones et ordinateurs, les obliger à signaler leurs déplacements et leur interdire de parler à certaines personnes. Ces dispositions présentent bien les attributs d’une procédure judiciaire, mais il s’agit d’un pur acte administratif, un contrôle sans juge. Elle laisse toute la place à l’arbitraire et ne donne, à la personne suspectée, aucune possibilité de confronter les allégations portées contre elle. C’est l’intention attribuée à la personne qui est attaquée, sans que celle-ci puisse se défendre. Ainsi, comme dans l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur, par l’intermédiaire du préfet, se substitue au juge d’instruction. Ce projet de loi lui donne un pouvoir de privation de liberté, en dehors de toute infraction pénale.

La criminalisation des « retours de Syrie’ s’inscrit dans une procédure de double discours du pouvoir. L’ancien ministre Laurent Fabius avait publiquement déclaré, en août 2012, que ’Bachar el-Assad ne mériterait pas d’être sur terre’. Il a remis le couvert devant les médias en décembre 2012, en affirmant, sans être poursuivi pour « apologie du terroriste [15] », que ’le Front al-Nosra fait du bon boulot’ . Cette organisation djihadiste venait d’être classée comme terroriste par les États-Unis [16]. En même temps que l’affirmation de son soutient aux groupes terroristes, le gouvernement diabolise et poursuit les personnes qui auraient pu être influencées par son discours.

Le juge administratif : un contrôle en trompe l’oeil.

Le projet de loi donne au juge administratif un pouvoir de contrôle des dispositions relatives aux « retours de Syrie’. Il lui « appartient de contrôler l’exactitude des motifs donnés par l’administration, comme étant ceux de sa décision et de prononcer l’annulation de celle-ci, lorsque le motif invoqué repose sur des faits matériellement inexacts » . Ainsi, en opposition avec le principe de séparation des pouvoirs, l’administration se contrôle elle même. De plus, la surveillance est purement formelle. Le juge administratif, au contraire du juge d’instruction et du juge de la liberté et de la détention, intervient après coup et son contrôle est aléatoire. Il n’intervient que si la personne arrêtée le saisit. Surtout, il ne dispose pas d’éléments concrets pour fonder sa décision. Il ne peut se baser que sur des documents imprécis et non sourcés : les notes blanches produites par les services de renseignement, des documents non signés, non datés et sans en-tête de service.

Sur autorisation du préfet et dans un cadre purement administratif de « prévention du terrorisme » , la police pourra aussi procéder à l’inspection visuelle, à la fouille des bagages et à la visite des véhicules. Elle est ainsi libérée de l’autorisation préalable du procureur, s’il s’agit d’installations ou d’établissements déclarés « sensibles » par le préfet, dans les faits nommées comme tel par la police.

Ainsi, le texte de loi consacre « l’entrée du préfet dans le code de procédure pénale » . Mais, il s’agit d’un retour, puisque, avant que la réforme de 1993 [17] ne les lui enlève, le préfet disposait déjà de pouvoirs de police judiciaire. L’ancien article 10 du code de procédure pénale lui permettait, en cas d’atteinte à la sécurité intérieure ou d’espionnage, de jouer le rôle d’officier de police judiciaire, c’est-à-dire de faire procéder à des arrestations et à des contrôles. Cette concentration récurrente de prérogatives judiciaires aux mains du préfet indique que, au pays de Montesquieu, la séparation des pouvoirs, revendiquée comme un patrimoine national, a toujours été, pour le moins, erratique.

Jean-Claude Paye
sociologue, auteur de L’emprise de l’image. De Guantanamo à Tarnac, Editions Yves Michel 2012.
Source : Le Grand Soir, Jean-Claude Paye, 28-03-2016
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Sécurité : l’inquiétante dérive vers la surveillance de masse

Source : La Tribune, Sylvain Rolland, 04/12/2015


L’exécutif prépare de nouvelles lois sécuritaires qui visent à étendre les prérogatives des policiers et diminuer le contrôle judiciaire. (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)

En plus de la révision constitutionnelle, le gouvernement prévoit un nouveau texte de loi pour étendre grandement les prérogatives du parquet et de la police en temps ordinaire. Un pas de plus vers la surveillance généralisée sous couvert de lutte contre le terrorisme ?

Il fallait s’y attendre. Comme Manuel Valls l’avait affirmé au moment de l’adoption de l’état d’urgence par l’Assemblée nationale, l’exécutif compte “tout faire” pour renforcer la sécurité des Français. Cela devrait passer, comme prévu, par une révision constitutionnelle. Mais aussi par deux nouveaux projets de lois hyper-sécuritaires, portés du bout des lèvres par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. En voulant assurer la protection des Français, ces deux lois pourraient porter un sacré coup de canif aux libertés individuelles dans la patrie des Droits de l’homme.

Selon le journal Le Monde, le premier texte se chargera d’organiser les modalités de “sortie en escalier” de l’état d’urgence. Traduction : prolonger certaines mesures relevant de l’état d’urgence, notamment en ce qui concerne les pouvoirs de la police et du parquet, pour revenir à la normale “en douceur”.

Le second texte visera quant à lui à élargir considérablement les pouvoirs de la police et du parquet en temps ordinaire. Dans certains cas, cela revient à doter les enquêteurs de prérogatives très proches de celles dont ils disposent pendant l’état d’urgence.

S’il est probable que certaines propositions avancées dans ce deuxième texte ne figureront pas dans le texte final, prévu au premier trimestre 2016, ou qu’elles pourraient être remodelées lors de la navette parlementaire, d’autres aussi pourraient s’ajouter en cours de route. Quoi qu’il en soit, la volonté du gouvernement est claire : faciliter grandement le travail de la police en s’embarrassant le moins possible des contraintes judiciaires… et du respect des libertés individuelles.

Des perquisitions facilitées

Quatre mesures sur les douze envisagées par le gouvernement concernent l’assouplissement des perquisitions administratives. Alors qu’elles doivent normalement débuter entre 6h et 19h, les perquisitions pourront aussi être effectuées la nuit. Un délit d’obstruction à la perquisition administrative sera créé, sans qu’on connaisse pour l’heure la sévérité des sanctions. En outre, les policiers pourront saisir tout objet ou document dans le cadre de la perquisition, sans contrôle du procureur.

Des mesures jugées “extrêmement invasives” par Agnès de Cornulier, la coordinatrice de l’analyse juridique et politique de La Quadrature du Net, une association de défense des libertés.

“Cette nouvelle loi poursuit la destruction du pouvoir judiciaire à l’œuvre depuis la loi antiterroriste de novembre 2014, la loi renseignement de juillet 2015 et les premières lois post-attentats du 13 novembre. L’institution est déshabillée au profit de la police, c’est un coup très grave porté à la séparation des pouvoirs. Donner tant de prérogatives aux forces de l’ordre, sans contrôle judiciaire, dans un contexte hors état d’urgence, ouvre grand la porte vers un Etat policier”, estime-t-elle.

Pour faciliter les enquêtes, le projet de loi prévoit également la possibilité de poser des micros dans les domiciles dans le cadre d’une enquête préliminaire. Et l’alignement des pouvoirs accordés lors d’une enquête de flagrance (lorsque le flagrant délit est établi) sur ceux en vigueur lors des enquêtes préliminaires. Concrètement, cela signifie que les enquêteurs pourront perquisitionner sans l’accord de la personne visée dès le stade de l’enquête préliminaire, alors que c’était impossible auparavant.

Recourir à tout l’éventail des techniques du renseignement

Dans son discours exceptionnel devant le Congrès réuni à Versailles, le 17 novembre, François Hollande avait annoncé la couleur. “Il faudra renforcer substantiellement les moyens de la justice et des forces de sécurité » , en permettant aux services d’enquête de recourir à « tout l’éventail des techniques et renseignement qu’offrent les nouvelles technologies et dont l’utilisation est autorisée par la loi renseignement” , avait-il affirmé.
Si ces propositions ne reprennent pas l’intégralité de cet éventail, il faut noter que le projet de loi vise à permettre, dans le cadre des enquêtes des policiers, l’interconnexion globale de tous les fichiers, notamment ceux, très fournis, de la Sécurité Sociale. Autrement dit, les policiers pourront recouper très facilement toutes les informations qui existent sur vous. Les défenseurs de la vie privée y voient le premier pas vers un grand fichier de police unique, très pratique pour installer une surveillance de masse.

Big Brother hors état d’urgence ?

Le texte prévoit aussi l’élargissement des possibilités de surveillance dans les lieux publics, et le recours aux IMSI-catchers -ces fausses antenne-relais qui espionnent les téléphones- sans contrôle judiciaire.

Jusqu’à présent, les IMSI-catchers étaient utilisés, d’abord de manière illégale, puis de manière légale depuis que la loi Renseignement a été votée, dans le cadre de la surveillance des services secrets. Très invasifs, ils permettent de recueillir énormément de données car ils captent tous les téléphones portables situés dans leur rayon d’action. Si cette mesure était votée, elle irait plus loin que la loi renseignement, qui prévoit que le recours aux IMSI-catchers doit être validé par un avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Pas de précision supplémentaire sur l’élargissement de la surveillance dans les lieux publics. Toutefois, les experts estiment qu’ “élargir les possibilités de surveillance” pourrait signifier recourir à de nouvelles techniques, comme la géolocalisation à grande échelle ou la reconnaissance faciale, et multiplier le nombre de caméras de vidéosurveillance.

De leur côté, les policiers bénéficieront d’un assouplissement du régime de la légitime défense. Juste avant les attentats, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait proposé, lors du congrès du syndicat de police Alliance, que les policiers puissent faire usage de leur arme face aux “forcenés qui tuent en série”.

Nicolas Sarkozy voulait aller encore plus loin. Le 3 novembre, le patron des Républicains a annoncé vouloir créer une “présomption de légitime défense”, c’est-à-dire autoriser un policier à tirer “si le délinquant a une arme et qu’il refuse de la poser”. La proposition avait déjà été lancée par Marine Le Pen, en 2012. A l’époque, Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, l’avait écartée au motif qu’ “on ne peut pas donner aux policiers un permis de tuer“ .

Quid de la CNIL et du droit européen ?

Le gouvernement a-t-il organisé la fuite de ces informations auprès du journal Le Monde pour tâter le terrain, quitte à reculer par la suite sur certaines mesures ? C’est possible, tant certaines idées semblent aller à contre-courant de la législation européenne et de la loi Informatique et Libertés garantissant le respect de la vie privée.

L’installation systématique de GPS sur les voitures de location, par exemple, risque de se transformer en casse-tête juridique. On comprend bien l’intention du gouvernement : puisque des voitures de locations ont été utilisées dans la logistique des carnages du 13 novembre, Manuel Valls et François Hollande veulent rassurer les Français en forçant les loueurs à géolocaliser leurs véhicules.

Mais selon l’avocat Fabrice Naftalski, spécialiste du droit sur la protection des données chez EY Société d’Avocats, “sa faisabilité juridique” pose question :

“Les dispositifs de géolocalisation sont encadrés par la loi Informatique et Libertés. Leur utilisation implique le consentement préalable de la personne concernée. En juillet 2014, la CNIL a même sanctionné un loueur de véhicules qui utilisait la géolocalisation permanente pour lutter contre la non-restitution ou le vol des véhicules, car elle estimait que c’était excessif” .

On peut également se poser la question de la pertinence d’un tel dispositif. Surveiller les véhicules de location n’empêchera pas les terroristes de voler des voitures -comme lors des attentats de janvier dernier- ou d’utiliser leurs propres véhicules.

Une autre mesure très problématique sur le plan du droit est l’injonction faite aux opérateurs téléphoniques de conserver les fadettes pendant deux ans. Cette idée irait à contresens de l’arrêt Digital Rights de la Cour de justice européenne (CJUE), en 2014. Il imposait justement la réduction de la durée de conservation des données personnelles détenues par les opérateurs télécoms. Les Etats membres sont donc tenus de se mettre en conformité avec cette décision, qui a été renforcée par l’arrêt Schrems d’octobre 2015, à l’origine de l’annulation du traité transatlantique Safe Harbor sur le transfert des données.

Source : La Tribune, Sylvain Rolland, 04/12/2015