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Xuan
Entretien Staline HG Wells

Entretien Staline HG Wells


1934, dialogue entre un Bolchevik et un intellectuel occidental
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Une leçon d'Histoire comme si la lutte des classes nous était contée

WELLS. —Je vous suis très reconnaissant, monsieur Staline, d’avoir bien voulu me recevoir. Il n’y a pas longtemps je suis allé aux Etats-Unis, j’ai eu un entretien prolongé avec le président Roosevelt et j’ai essayé de savoir en quoi consistaient ses idées directrices.
Maintenant je suis venu vous voir afin de vous questionner sur ce que vous faites pour changer le monde.

STALINE. -Ma foi, pas tant que ça...

WELLS. —J’erre parfois à travers le monde et, comme un homme ordinaire, je regarde ce qui se passe autour de moi.

STALINE. —Les personnalités éminentes comme vous ne sont pas des « hommes ordinaires ».
Evidemment, l’histoire seule pourra montrer combien fut importante telle ou telle personnalité éminente, mais, en tout cas, vous ne regardez pas le monde en « homme ordinaire ».

WELLS. —Je n’ai point l’intention de jouer au modeste. Je veux dire que je cherche à voir le monde avec les yeux d’un homme ordinaire, et non pas avec ceux d’un homme politique de parti ou d’un homme d’Etat responsable.
Mon voyage aux Etats-Unis a produit sur moi une impression saisissante. Le vieux monde de la finance croule, la vie économique du pays se reconstruit sur un mode nouveau.
En son temps Lénine a dit qu’il fallait « apprendre à faire le commerce » , qu’il fallait l’apprendre chez les capitalistes.
Aujourd’hui les capitalistes doivent apprendre chez vous, saisir l’esprit du socialisme.
Il me semble qu’aux Etats-Unis il s’agit d’une profonde réorganisation, de la création d’une économie planifiée, c’est-à-dire socialiste. Vous et Roosevelt partez de deux points de vue différents.
Mais n’y a-t-il pas une liaison d’idées, une parenté d’idées entre Washington et Moscou ?
Par exemple, ce qui m’a sauté aux yeux à Washington, c’est ce qui se passe ici également : extension de l’appareil de direction, création d’une série de nouveaux organismes régulateurs d’Etat, organisation d’un service public universel.
Et de même que dans votre pays, il leur manque du savoir-faire dans la direction.

STALINE. —Les Etats-Unis ont un autre but que nous, en URSS. Le but que poursuivent les Américains a surgi sur le terrain du désarroi économique, de la crise économique.
Les Américains veulent se défaire de la crise sur la base de l’activité capitaliste privée, sans changer la base économique. Ils s’efforcent de réduire au minimum le délabrement, les préjudice causés par le système économique existant.
Chez nous, au contraire, comme vous le savez, à la place de la vieille base économique détruite, il en a été créé une tout autre, une nouvelle base économique.
Si même les Américains dont vous parlez touchent partiellement à leur but, c’est-à-dire s’ils réduisent au minimum ce préjudice, même dans ce cas-là ils ne détruiront pas les racines de l’anarchie qui est propre au système capitaliste existant.
Ils conservent le régime économique qui doit forcément amener, qui ne peut pas ne pas mener à l’anarchie dans la production.
De cette façon, dans le meilleur des cas, il s’agira non pas de la reconstruction de la société, non pas de l’abolition de l’ancien régime social, engendrant l’anarchie et les crises, mais de la limitation de certains de ses côtes négatifs, de la limitation de certains de ses excès.

Subjectivement, peut-être ces Américains aussi croient-ils reconstruire la société, mais objectivement, la base actuelle de la société demeure chez eux.
C’est pourquoi, objectivement, il n’en résultera aucune reconstruction de la société.
Il n’y aura point non plus d’économie planifiée. Car qu’est-ce que l’économie planifiée ? Quels sont certains de ses indices ?

L’économie planifiée vise à supprimer le chômage. Admettons que l’on réussisse, en conservant le régime capitaliste, à réduire le chômage à un certain minimum.
Pourtant aucun capitaliste ne consentira jamais, et pour rien au monde, à la liquidation complète du chômage, à la suppression de l’armée de réserve constituée par les chômeurs et dont le rôle est de peser sur le marché du travail, d’assurer une main-d’oeuvre à meilleur marché.
Vous voyez là une première faille à l’ »économie planifiée » de la société bourgeoise. L’économie planifiée suppose ensuite que la production s’intensifie dans les branches de l’industrie dont les produits sont particulièrement nécessaires aux masses populaires.
Or vous savez que l’extension de la production, en régime capitaliste, a lieu pour des motifs tout à fait autres, que le capital se précipite vers les branches de l’économie où le taux de profit est plus élevé.

Jamais vous n’obligerez un capitaliste à se faire tort lui-même et à accepter un taux de profit moindre, pour satisfaire aux besoins du peuple.
Sans vous être affranchi des capitalistes, sans vous être défait du principe de la propriété privée des moyens de production, vous ne créerez pas d’économie planifiée.

WELLS. —Je suis d’accord avec vous sur de nombreux points. Mais je voudrais souligner que si le pays, dans son ensemble, accepte le principe de l’économie planifiée, si le gouvernement, peu à peu, pas à pas, commence à appliquer de façon conséquente ce principe, l’oligarchie financière sera en fin de compte abolie, et le socialisme, tel qu’on le conçoit dans le monde anglo-saxon, s’instituera.
Les mots d’ordre de Roosevelt relatifs à l’ »ordre nouveau » ont un effet prodigieux et, à mon avis, sont des mots d’ordre socialistes.

Il me semble qu’au lieu de souligner l’antagonisme entre les deux mondes, il faudrait, dans la situation actuelle, chercher à établir une communauté de langage entre toutes les forces constructrices.

STALINE. —Quand je parle de l’impossibilité de réaliser les principes de l’économie planifiée en conservant la base économique du capitalisme, je ne veux, ce faisant, diminuer en aucune mesure les éminentes qualités personnelles de Roosevelt, son initiative, son courage, sa résolution. Sans aucun doute, de tous les capitaines du monde capitaliste moderne Roosevelt est la plus forte figure.

C’est pourquoi je voudrais souligner encore une fois que ma conviction de l’impossibilité d’une économie planifiée, dans les conditions du capitalisme, ne signifie pas du tout que je doute des capacités personnelles, du talent et du courage du président Roosevelt.
Mais le capitaine le plus talentueux, si la situation ne lui est pas favorable, ne pourra atteindre le but dont vous parlez.

En théorie, évidemment, il n’est pas exclu que l’on puisse, dans les conditions du capitalisme, peu à peu, pas à pas, marcher au but que vous appelez le socialisme dans l’acception anglo-saxonne de ce mot.
Mais que signifiera ce « socialisme » ?

Dans le meilleur des cas, un certain refrènement pour les représentants les plus effrénés du profit capitaliste, un certain renforcement du principe régulateur dans l’économie nationale.
Tout cela est bien. Mais, dès que Roosevelt ou quelque autre capitaine du monde bourgeois moderne voudra entreprendre quelque chose de sérieux contre les fondements du capitalisme, il essuiera inévitablement un échec complet.
Car les banques ne sont pas à Roosevelt, car l’industrie n’est pas à lui, car les grandes entreprises, les grandes exploitations agricoles ne sont pas à lui.
Car tout cela est propriété privée.

Et aussi les chemins de fer, et la marine marchande, tout cela est entre les mains des propriétaires privés. Enfin, l’armée du travail qualifié, les ingénieurs, les techniciens, eux aussi, ne dépendent pas de Roosevelt, mais d’intérêts privés ; ils travaillent pour eux. Il ne faut pas oublier les fonctions de l’Etat du pays, de l’organisation de la défense dans le monde bourgeois.

C’est l’institution de l’organisation de la défense de l’ »ordre », un appareil pour la perception des impôts. Quant à l’économie proprement dite, elle concerne peu l’Etat capitaliste, elle n’est pas entre ses mains.
Au contraire, c’est l’Etat qui se trouve entre les mains de l’économie capitaliste.
C’est pourquoi je crains que Roosevelt, malgré toute son énergie et ses capacités, n’arrive pas au but dont vous parlez, si tant est qu’il vise à ce but.
Peut-être d’ici quelques générations pourrait-on quelque peu se rapprocher de ce but, mais cela aussi je le considère, pour ma part, comme peu probable.

WELLS. —Je crois peut-être encore plus que vous à l’interprétation économique de la politique.
Grâce aux inventions et à la science moderne, des forces énormes ont été mises en action, conduisant vers une meilleure organisation, vers un meilleur fonctionnement de la collectivité humaine, c’est-à-dire vers le socialisme.

L’organisation et la régulation des actions individuelles sont devenus une nécessité mécanique, indépendamment des théories sociales.
Si l’on commence par le contrôle de l’Etat sur les banques, pour passer ensuite au contrôle des transports, de l’industrie lourde, de l’industrie en général, du commerce, etc., un tel contrôle universel équivaudra à la propriété de l’Etat sur toutes les branches de l’économie nationale.

Ce sera là justement un processus de socialisation.
Car le socialisme, d’une part, et l’individualisme, de l’autre, ne sont pas aux antipodes comme le noir et le blanc.
Il existe entre eux beaucoup de stades intermédiaires.
Il y a individualisme touchant au banditisme, et il y a esprit de discipline et esprit d’organisation équivalant au socialisme. La réalisation de l’économie planifiée dépend à un degré considérable des organisateurs de l’économie, des intellectuels techniciens qualifiés que l’on peut, pas à pas, gagner aux principes socialistes de l’organisation. Et c’est là l’essentiel.
Car, d’abord l’organisation, ensuite le socialisme. L’organisation est le facteur le plus important. Sans organisation, l’idée du socialisme n’est en somme qu’une idée.

STALINE. —Entre l’individu et la collectivité, entre les intérêts d’un particulier et les intérêts de la collectivité, il n’est pas et il ne doit pas y avoir de contraste inconciliable.
Il ne doit pas y en avoir, puisque le collectivisme, le socialisme ne nie pas, mais combine les intérêts individuels avec les intérêts de la collectivité.

Le socialisme ne peut pas s’abstraire des intérêts individuels.
Seule la société socialiste peut assurer la satisfaction la plus complète de ces intérêts personnels.
Bien plus, la société socialiste offre l’unique garantie solide de la défense des intérêts de l’individu.

Dans ce sens, il n’y a point de contraste inconciliable entre l’ »individualisme » et le socialisme. Mais peut-on nier le contraste entre les classes, entre la classe des possédants, la classe des capitalistes, et la classe des travailleurs, la classe des prolétaires ? D’un côté, la classe des possédants qui détiennent les banques, les usines, les mines, les transports, les plantations dans les colonies. Ces gens ne voient rien que leur intérêt, que le profit auquel ils aspirent.
Ils ne se soumettent pas à la volonté de la collectivité, ils cherchent à soumettre toute collectivité à leur volonté.

D’un autre côté, la classe des pauvres, la classe des exploités qui n’ont ni fabriques, ni usines, ni banques, qui sont contraints de vivre de la vente de leur force de travail aux capitalistes, et sont privés de la possibilité de satisfaire à leurs besoins les plus élémentaires.
Comment peut-on concilier des intérêts et des aspirations aussi opposés ?

Autant que je sache, Roosevelt n’a pas pu trouver le moyen de concilier ces intérêts. Cela est d’ailleurs impossible, comme l’atteste l’expérience. Au reste, vous connaissez la situation des Etats-Unis mieux que moi, car je n’ai jamais été aux Etats-Unis et je suis les affaires américaines surtout d’après ce qu’on en écrit.
Mais j’ai quelque expérience en matière de lutte pour le socialisme, et cette expérience me dit : Si Roosevelt essaie de satisfaire vraiment les intérêts de la classe des prolétaires aux dépens de la classe des capitalistes, ces derniers le remplaceront par un autre président. Les capitalistes diront : les présidents viennent et s’en vont, tandis que nous, capitalistes, demeurons ; si tel ou tel président ne défend pas nos intérêts, nous en trouverons un autre.
Qu’est-ce que le président peut opposer à la volonté de la classe des capitalistes ?

WELLS. —Je m’élève contre cette classification simpliste de l’humanité en pauvres et riches.

Evidemment, il est une catégorie de gens qui aspirent exclusivement au profit.
Mais ces gens-là ne sont-ils pas considérés, de même qu’ici, comme un obstacle ?
Est-ce qu’en Occident il y a peu de gens pour lesquels le profit n’est pas un but, qui possèdent certaines ressources, veulent les investir, en tirent profit, mais ne voient nullement là le but de leur activité ?

Ces gens considèrent l’investissement de fonds comme une nécessité incommode.
Y a-t-il peu d’ingénieurs, d’organisateurs de l’économie, talentueux et dévoués, dont l’activité est mue par des stimulants tout autres que le lucre ?

A mon avis, il existe une classe nombreuse de gens simplement capables, ayant conscience du caractère peu satisfaisant du système actuel et qui sont appelés à jouer un grand rôle dans la société future, socialiste.

J’ai beaucoup étudié ces dernières années, et j’ai beaucoup réfléchi à la nécessité de propager les idées du socialisme et du cosmopolitisme dans les larges cercles d’ingénieurs, d’aviateurs, dans les cercles de techniciens militaires, etc. Il est inutile d’aborder ces cercles avec la propagande directe de la lutte de classes.
Ces cercles comprennent la situation où se trouve le monde, qui se transforme en un marais sanglant, mais ces cercles tiennent votre antagonisme primitif de la lutte de classes pour un non-sens.

STALINE. —Vous vous élevez contre la classification simpliste des gens en riches et pauvres.
Evidemment, il y a des couches moyennes, il y a aussi ces intellectuels techniciens dont vous parlez et parmi lesquels il existe des gens très braves et très honnêtes.

Il existe aussi dans ce milieu des hommes malhonnêtes, des hommes mauvais. Il y en a de tout genre. Mais, avant tout, la société humaine se divise en riches et pauvres, en possédants et exploités, et s’abstraire de cette division fondamentale et de la contradiction entre pauvres et riches, c’est s’abstraire du fait fondamental.

Je ne nie pas l’existence de couches moyennes intermédiaires qui, ou bien se placent aux côtés de l’une de ces deux classes en lutte entre elles, ou bien occupent dans cette lutte une position neutre on semi-neutre.
Mais, je le répète, s’abstraire de cette division fondamentale de la société et de cette lutte fondamentale entre les deux classes fondamentales, c’est méconnaître les faits. Cette lutte se poursuit et se poursuivra.
L’issue de cette lutte, c’est la classe des prolétaires, la classe des travailleurs qui en décide.

WELLS. —Mais y a-t-il peu de gens non pauvres, qui travaillent, et travaillent avec fruit ?

STALINE. —Evidemment, il y a aussi des petits propriétaires terriens, des artisans, des petits commerçants. Seulement ce ne sont pas ces gens-là qui décident des destinées des pays, mais les masses travailleuses qui produisent tout ce qui est indispensable à la société.

WELLS. —Mais les capitalistes diffèrent beaucoup entre eux. Il en est qui ne pensent qu’au profit, qu’au lucre ; il en est aussi qui sont prêts à des sacrifices.
Par exemple, le vieux Morgan : celui-là ne pensait qu’au lucre ; il était simplement un parasite sur le corps de la société, il ne faisait qu’accumuler les richesses dans ses mains.

Mais prenez Rockefeller : c’est un brillant organisateur, il a donné un exemple de l’organisation de l’écoulement du pétrole, digne d’être imité.
Ou bien Ford : évidemment, Ford a son idée, il est égoïste ; mais n’est-il pas l’organisateur passionné de la production rationnelle, des leçons duquel vous profitez, vous aussi ?

Je voudrais souligner que depuis quelques temps, dans les pays anglo-saxons, un revirement sérieux s’est opéré dans l’opinion publique à l’égard de l’URSS.
Cela tient, tout d’abord, à la position prise par le Japon et aux événements en Allemagne.

Mais il est encore d’autres raisons, qui ne découlent pas de la seule politique internationale.
Il existe une raison plus profonde : la conscience qu’ont prise des milieux de plus en plus larges du fait que le système reposant sur le profit privé croule.

Et dans ces conditions, il me semble qu’il ne faut pas faire ressortir l’antagonisme entre les deux mondes, mais s’efforcer de combiner tous les mouvements constructifs, toutes les forces constructives, dans la mesure du possible.
Il me semble que je suis plus à gauche que vous, monsieur Staline, que je considère que le monde s’est déjà approché de plus près de la fin du vieux système.

STALINE. —Lorsque je parle des capitalistes qui ne visent qu’au profit, qu’au lucre, je ne veux point dire par là qu’ils sont les derniers des hommes, incapables de quoi que ce soit d’autre.

Beaucoup d’entre eux ont, indéniablement, de grandes capacités d’organisation que je ne songe même pas à nier.

Nous, soviétiques, nous apprenons beaucoup des capitalistes.
Et Morgan même, auquel vous donnez une caractéristique aussi négative, était à coup sûr un bon organisateur, un organisateur capable.

Mais si vous parlez des hommes prêts à reconstruire le monde, il est évident qu’on ne peut les trouver parmi ceux qui servent le lucre avec foi et amour. Nous et ces gens-là, nous nous trouvons à des pôles opposés. Vous parlez de Ford.

Evidemment, c’est un organisateur capable de la production.
Mais ne connaissez-vous pas son attitude à l’égard de la classe ouvrière ? Ignorez-vous combien d’ouvriers il jette inutilement à la rue ?

Le capitaliste est enchaîné au profit, aucune force ne peut l’en arracher.
Et le capitalisme sera anéanti, non par les « organisateurs » de la production, non par les intellectuels techniciens, puisque cette couche ne joue pas un rôle indépendant, mais par la classe ouvrière.

Car l’ingénieur, l’organisateur de la production ne travaille pas comme il le voudrait, mais comme on le lui ordonne, comme le commande l’intérêt du patron.
Il existe, évidemment, des exceptions ; il existe des gens appartenant à cette couche, qui se sont libérés de l’opium capitaliste.

Les intellectuels techniciens peuvent, dans des conditions déterminées, faire des « miracles », être pour le genre humain d’une immense utilité.
Mais ils peuvent aussi lui causer un grand préjudice.

Nous, soviétiques, nous avons notre expérience, qui n’est pas mince, des intellectuels techniciens.
Après la Révolution d’Octobre, une partie déterminée d’intellectuels techniciens refusa de participer à l’édification de la société nouvelle, s’opposa à cette édification, la sabota.
Nous avons cherché par tous les moyens à entraîner les intellectuels techniciens vers cette édification, nous les avons sollicités de toutes les façons.

Bien du temps s’est écoulé avant que nos intellectuels techniciens ne se soient engagés dans la voie d’un concours actif au nouveau régime.
Aujourd’hui la meilleure partie est aux premiers rangs de l’édification de la société socialiste.

Forts de cette expérience, nous sommes loin de sous-estimer les côtés tant positifs que négatifs des intellectuels techniciens, et nous savons qu’ils peuvent aussi bien nuire que faire des « miracles ».
Certes, les choses en iraient autrement si l’on pouvait d’un seul coup arracher moralement les intellectuels techniciens au monde capitaliste.
Mais c’est là une utopie.

Se trouvera-t-il beaucoup d’hommes parmi les intellectuels techniciens qui se résoudront à rompre avec le monde bourgeois et à s’atteler à la reconstruction de la société ?
A votre avis, y a-t-il beaucoup de ces gens-là, disons, en Angleterre, en France ?
Non, il se trouvera peu d’amateurs pour rompre avec leurs patrons et commencer la reconstruction du monde !

En outre, peut-on perdre de vue que pour refaire le monde, il faut avoir le pouvoir ? Il me semble, monsieur WELLS, que vous sous-estimez fort la question du pouvoir ; que, d’une façon générale, elle n’entre pas dans votre conception.

Car, que peuvent faire des gens, eussent-ils les meilleures intentions du monde, s’ils ne sont pas capables de poser la question de la prise du pouvoir et s’ils n’ont pas en main le pouvoir ?
Ils peuvent, dans le meilleur des cas, prêter concours à la nouvelle classe qui prendra le pouvoir, mais ne peuvent eux-mêmes retourner le monde.

Pour cela il faut une grande classe, qui remplace la classe des capitalistes et devienne un maître tout aussi puissant qu’elle. La classe ouvrière est cette classe-là. Certes, il faut accepter l’aide des intellectuels techniciens et il faut, à son tour, lui prêter aide.
Mais il ne faut pas penser que les intellectuels techniciens pourront, eux, jouer un rôle historique indépendant.

La refonte du monde est un vaste processus complexe et douloureux.
Pour cette grande entremise, il faut une grande classe.
Aux grands navires les grands voyages.

WELLS. —Oui. mais pour un grand voyage il faut un capitaine et un navigateur.

STALINE. —C’est juste, mais pour un grand voyage il faut avant tout un grand navire. Qu’est-ce qu’un navigateur sans navire ? Un homme sans occupation.

WELLS. —Le grand navire c’est l’humanité, et non une classe.


STALINE. —Vous partez, visiblement, monsieur WELLS, de la prémisse que tous les hommes sont bons. Et moi, je n’oublie pas qu’il y a beaucoup d’hommes méchants.
Je ne crois pas à la bonté de la bourgeoisie.

WELLS. —Je me souviens de ce qu’étaient les intellectuels techniciens il y a quelque dizaine d’années.
Les intellectuels techniciens étaient alors peu nombreux ; par contre, il y avait beaucoup à faire et chaque ingénieur, technicien, intellectuel trouvait une application à ses connaissances.

C’est pourquoi ils étaient la classe la moins révolutionnaire.
Or, aujourd’hui, on observe un excédent d’intellectuels techniciens, et leur état d’esprit a changé radicalement.
L’intellectuel qualifié qui, auparavant, n’aurait pas même prêté l’oreille aux propos révolutionnaires, s’y intéresse beaucoup maintenant. Récemment, j’ai été invité à un dîner de la Société royale, notre plus grande société scientifique anglaise.
Le discours du président fut un discours en faveur de la planification sociale et de la gestion scientifique.

Il y a une trentaine d’années, on n’aurait même pas écouté ce que je dis.
Et maintenant, cette société est dirigée par un homme aux conceptions révolutionnaires, qui insiste sur la réorganisation scientifique de la société humaine.
Votre propagande de lutte de classes n’a pas tenu compte de ces faits. L’état d’esprit change.

STALINE. —Oui, je le sais ; et cela s’explique par le fait que la société capitaliste est acculée actuellement dans une impasse.

Les capitalistes cherchent et ne peuvent trouver une issue à cette impasse, qui soit compatible avec la dignité de cette classe, avec les intérêts de cette classe.
Ils peuvent partiellement se tirer de la crise en rampant à quatre pattes, mais ils ne peuvent trouver une issue qui leur permette de sortir la tête haute, qui n’atteigne pas à la racine les intérêts du capitalisme.

Ceci, évidemment les larges cercles d’intellectuels techniciens le sentent. Une partie considérable de ces derniers commence à prendre conscience de la communauté de leurs intérêts avec ceux de la classe capable de trouver une issue à cette impasse.

WELLS. —Vous savez, monsieur Staline, mieux que quiconque, ce. que c’est que la révolution, et encore dans la pratique.
Les masses se soulèvent-elles jamais d’elles-mêmes ?
Ne considérez- vous pas comme une vérité établie le fait que toutes les révolutions se font par la minorité ?

STALINE. —Pour la révolution il faut une minorité révolutionnaire dirigeante ; mais la minorité la plus capable, la plus dévouée et la plus énergique sera impuissante, si elle ne s’appuie pas, ne serait-ce que sur le soutien passif de millions d’hommes.

WELLS. —Ce soutien n’est-il que passif ? ou aussi subconscient?

STALINE. —Disons semi-instinctif et semi-conscient, mais sans le soutien de millions d’hommes, la meilleure minorité est impuissante.

WELLS. —Je suis de près la propagande communiste en Occident, et il me semble que cette propagande, dans les conditions actuelles, agit de façon très démodée, car elle est la propagande d’actes de violence.
Cette propagande du renversement par la violence du régime social, était de mise alors qu’il s’agissait de la domination sans partage de telle ou telle tyrannie.

Mais dans les conditions actuelles, alors que le système dominant croule de toutes façons et se décompose de lui-même, il faudrait porter l’accent non pas sur l’insurrection, mais sur l’efficacité, sur la compétence, sur la productivité.
La note insurrectionnelle me paraît vieillie.
De l’avis des hommes à la manière de pensée constructive, la propagande communiste en Occident constitue un obstacle.

STALINE. —Evidemment, le vieux système croule, se décompose. C’est exact.
Mais il est également exact que de nouveaux efforts sont faits pour défendre, pour sauver ce système en perdition, par d’autres méthodes, par tous les moyens.
D’une constatation juste vous tirez une déduction erronée. Vous constatez avec raison que le vieux monde croule.

Mais vous avez tort lorsque vous pensez qu’il croule de lui-même.
Non, le remplacement d’un ordre social par un autre ordre social est un processus révolutionnaire complexe et de longue haleine.
Ce n’est pas simplement un processus spontané ; c’est une lutte, c’est un processus qui implique la collision des classes.

Le capitalisme est pourri, mais on ne saurait le comparer simplement à un arbre qui pourrit au point qu’il doit de lui-même tomber par terre.
Non, la révolution, le remplacement d’un régime social par un autre, a toujours été une lutte, une lutte douloureuse et atroce, une lutte à mort. nouveau arrivaient au pouvoir, il leur a fallu se défendre contre les tentatives du vieux monde pour ramener par la force l’ancien ordre de choses ; les hommes du nouveau monde, eux, ont toujours dû se tenir sur leurs gardes, être prêts à riposter aux attentats du vieux monde contre l’ordre nouveau.

Oui, vous avez raison, quand vous dites que le vieil ordre social croule, mais il ne s’écroulera pas de lui-même.
Par exemple, à ne prendre que le fascisme. Le fascisme est une force réactionnaire qui tente de maintenir le vieux monde par la violence.
Qu’allez-vous faire des fascistes ? Leur faire entendre raison ? Les convaincre ?
Mais cela n’agira sur eux d’aucune manière. Les communistes n’idéalisent pas du tout la méthode de la violence.

Mais les communistes ne veulent pas, eux, se trouver pris au dépourvu, ils ne peuvent compter que le vieux monde quittera de lui-même la scène ; ils voient que le vieux régime se défend par la force, et c’est pourquoi les communistes disent à la classe ouvrière : préparez-vous à répondre à la force par la force, faites tout pour que le vieux régime périssant ne vous écrase pas, ne lui permettez pas de mettre les fers à ces mains avec lesquelles vous renverserez ce régime.

Comme vous voyez, le processus de remplacement d’un ordre social par un autre n’est pas pour les communistes un processus simplement spontané et pacifique, mais un processus compliqué, durable et violent.
Les communistes ne peuvent pas ne pas compter avec les faits.

WELLS —Mais regardez de plus près ce qui se passe actuellement dans le monde capitaliste. Car ce n’est pas simplement l’écroulement d’un régime.
C’est une explosion de la violence réactionnaire, qui dégénère en un franc gangstérisme.

Et il me semble que lorsqu’il est question de conflits avec ces oppresseurs réactionnaires et inintelligents, les socialistes doivent en appeler à la loi et, au lieu de considérer la police comme un ennemi, la soutenir dans la lutte contre les réactionnaires.
Il me semble que l’on ne peut pas agir simplement par les méthodes du vieux socialisme insurrectionnel et sans souplesse.

STALINE. —Les communistes partent de la riche expérience historique, qui enseigne que les classes ayant fait leur temps ne quittent pas volontairement la scène historique.
Rappelez-vous l’histoire de l’Angleterre du XVII° siècle.
N’étaient-ils pas nombreux ceux qui disaient que le vieil ordre social était pourri ?
Néanmoins, n’a-t-il pas fallu un Cromwell pour l’achever par la force ?

WELLS. —Cromwell agissait en s’appuyant sur la Constitution et au nom de l’ordre constitutionnel.

STALINE. —Au nom de la Constitution il recourait à la violence, il a exécuté le roi, il a dissous le Parlement, il arrêtait les uns, il décapitait les autres !
Mais empruntons un exemple à notre histoire. N’était-il pas clair, durant une longue période de temps, que l’ordre tsariste pourrissait, qu’il croulait ?

Et cependant combien de sang a-t-il fallu pour le renverser !
Et la Révolution d’Octobre ? Etaient-ils peu nombreux les gens qui savaient que nous seuls, bolchéviks, indiquions la seule issue juste ? Ne comprenait-on pas que le capitalisme russe était pourri ?

Mais vous savez combien la résistance fut grande, combien de sang fut versé pour défendre la Révolution d’Octobre contre tous les ennemis, intérieurs et extérieurs ?
Ou bien prenons la France de la fin du XVIII° siècle. Longtemps avant 1789, nombreux étaient ceux qui voyaient clairement à quel point étaient pourris le pouvoir royal, l’ordre féodal.
Mais on n’a pu se passer, on ne pouvait se passer d’un soulèvement populaire, d’une collision des classes.
Qu’est-ce à dire ?

C’est que les classes qui doivent quitter la scène historique, sont les dernières à se convaincre que leur rôle est fini.
Il est impossible de les en convaincre.
Il leur semble que l’on peut boucher les crevasses de l’édifice pourri du vieux régime, que l’on peut réparer et sauver l’édifice croulant de l’ancien ordre de choses. C’est pourquoi les classes périssantes prennent les armes et commencent à défendre par tous les moyens leur existence de classe dominante.

WELLS. —Mais à la tête de la Grande Révolution française, il y avait bon nombre d’avocats.

STALINE. —Est-ce que vous niez le rôle des intellectuels dans les mouvements révolutionnaires ?
Est-ce que la Grande Révolution française a été une révolution d’avocats, et non une révolution populaire qui a vaincu après avoir soulevé d’énormes masses populaires contre le féodalisme, et en défendant les intérêts du tiers état ?

Les avocats parmi les chefs de la Grande Révolution française agissaient-ils selon les lois de l’Ancien Régime ? N’ont-ils pas institué une légalité nouvelle, la légalité révolutionnaire bourgeoise ?
La riche expérience historique enseigne que jusqu’à présent, pas une classe n’a cédé volontairement le chemin à une autre classe. L’histoire mondiale ne connaît pas de tel précédent.

Et les communistes se sont assimilé cette expérience historique.
Les communistes salueraient le départ volontaire de la bourgeoisie.
Mais, comme l’atteste l’expérience, il n’est pas croyable que les choses prennent une telle tournure.
C’est pourquoi les communistes veulent être prêts au pire et appellent la classe ouvrière à la vigilance, à se tenir préparée au combat.
Qui a besoin d’un capitaine qui émousse la vigilance de son armée, qui ne comprend pas que l’adversaire ne se rendra pas, qu’il faut l’abattre ?
Etre un tel capitaine, c’est tromper, trahir la classe ouvrière. Voilà pourquoi je pense que ce qui vous paraît démodé est, en réalité, une mesure d’utilité révolutionnaire pour la classe ouvrière.

WELLS. —Je ne nie pas du tout la nécessité de la violence, mais j’estime que les formes de lutte doivent se rapprocher au maximum des possibilités qu’offrent les lois existantes, qu’il s’agit de défendre contre les attentats réactionnaires.
Il ne faut pas désorganiser le vieux régime, ne serait-ce que pour la raison qu’il se désorganise de lui-même dans une mesure suffisante.

Précisément pour cette raison, il me semble que la lutte contre l’ordre, contre la loi, est quelque chose de désuet, de démodé.
Au reste, j’exagère à dessein pour mieux mettre en lumière la vérité.

Je puis formuler mon point de vue de la façon suivante : premièrement, je suis pour l’ordre ; deuxièmement, j’attaque le système existant parce qu’il n’assure pas l’ordre ; troisièmement, j’estime que la propagande des idées de la lutte de classes peut isoler du socialisme justement les cercles instruits qui sont nécessaires au socialisme.

STALINE. —Pour accomplir une grande, une sérieuse œuvre sociale, il faut qu’il y ait une force principale, un appui, une classe révolutionnaire.
Il faut ensuite que l’aide à cette force principale soit organisée par la force auxiliaire, en l’occurrence le Parti, dans lequel entrent aussi les meilleures forces parmi les intellectuels.

Vous venez de parler des « cercles instruits ».
Mais quels hommes instruits aviez-vous en vue ?
Y avait-il peu d’hommes instruits du côté de l’Ancien Régime, et au XVII° siècle en Angleterre, et à la fin du XVIII° siècle en France, et à l’époque de la Révolution d’Octobre en Russie ?

Le vieux régime avait de son côté, à son service, beaucoup d’hommes hautement instruits, qui défendaient le vieux régime, qui marchaient contre le régime nouveau.
Car l’instruction est une arme dont l’efficacité dépend de savoir qui la détient, et qui est celui que l’on veut frapper avec cette arme. Evidemment, les hommes hautement instruits sont nécessaires au prolétariat, au socialisme.

Car il est clair que ce ne sont pas les sots qui peuvent aider le prolétariat à lutter pour le socialisme, à bâtir la nouvelle société.
Je ne sous-estime pas le rôle des intellectuels ; au contraire, je souligne leur rôle.
La question est simplement de savoir de quels intellectuels il s’agit, car il y a intellectuels et intellectuels.

WELLS. —Il ne peut y avoir de révolution sans un changement radical du système de l’instruction publique.
Il suffit de citer deux exemples : l’exemple de la République allemande, qui n’a pas touché à l’ancien système d’instruction et qui, pour cette raison, n’est jamais devenue une République, et l’exemple du Labour Party anglais, qui manque de décision pour insister sur le changement radical de l’instruction publique.

STALINE. —Cette remarque est juste.

Permettez-moi maintenant de répondre à vos trois points.
Premièrement, l’essentiel pour la révolution, c’est l’existence d’un appui social. Cet appui pour la révolution est la classe ouvrière.

Deuxièmement, une force auxiliaire, ce qui chez les communistes s’appelle le Parti, est indispensable.
Ici seront compris et les ouvriers intellectuels, et ceux des intellectuels techniciens qui sont étroitement liés à la classe ouvrière.

Les intellectuels ne peuvent être forts que s’ils s’unissent à la classe ouvrière. S’ils marchent contre la classe ouvrière, ils deviennent néant. Troisièmement, il faut le pouvoir, comme levier de transformation.
Le nouveau pouvoir crée une nouvelle légalité, un nouvel ordre qui est l’ordre révolutionnaire. Je ne suis pas pour n’importe quel ordre.

Je suis pour un ordre correspondant aux intérêts de la classe ouvrière. Et si certaines lois de l’Ancien Régime peuvent être utilisées dans l’intérêt de la lutte pour l’ordre nouveau, il convient d’utiliser aussi la vieille législation.

Contre votre thèse suivant laquelle il faut attaquer le système existant, pour autant qu’il n’assure pas l’ordre nécessaire au peuple, je ne puis rien objecter. Et, enfin, vous avez tort si vous pensez que les communistes sont épris de violence. Ils renonceraient avec plaisir à la méthode de la violence si les classes dominantes consentaient à céder la place à la classe ouvrière.
Mais l’expérience de l’histoire témoigne contre une telle hypothèse.

WELLS. —L’histoire de l’Angleterre, cependant, connaît un exemple de transmission volontaire du pouvoir par une classe à une autre.
Dans la période comprise entre 1830 et 1870, s’est opéré, sans aucune lutte acharnée, le passage volontaire du pouvoir de l’aristocratie, dont l’influence à la fin du XVIII° siècle était encore très grande, à la bourgeoisie qui était le soutien sentimental de la monarchie.
Ce passage du pouvoir a abouti, par la suite, à l’instauration de la domination de l’oligarchie financière.

STALINE. —Mais vous voici passé imperceptiblement des problèmes de la révolution aux problèmes de réforme.

Ce n’est pas la même chose. Ne pensez-vous pas que le mouvement chartiste a joué un grand rôle dans le domaine des réformes en Angleterre, au XIX° siècle ?

WELLS. —Les chartistes n’ont pas fait grand’chose et ont disparu sans laisser de trace.

STALINE. —Je ne suis pas d’accord avec vous. Les chartistes et le mouvement gréviste organisé par eux ont joué un grand rôle ; ils ont contraint les classes dominantes à faire une série de concessions dans le domaine du système électoral, dans le domaine de la liquidation de ce qu’on appelait les « bourgs pourris », de la réalisation de certains point de la « Charte ».

Le chartisme n’a pas joué un mince rôle historique : il a incité une partie des classes dominantes à faire certaines concessions, des réformes, afin d’éviter de grandes perturbations.
En général, il faut dire que de toutes les classes dominantes, les classes dominantes d’Angleterre, et l’aristocratie, et la bourgeoisie, se sont montrées les plus intelligentes, les plus souples du point de vue de leurs intérêts de classes, du point de vue de la conservation de leur pouvoir.

Ainsi, prenons un exemple tiré de l’histoire moderne : la grève générale de 1926 en Angleterre.
N’importe quelle bourgeoisie, en face de ces événements, alors que le Conseil général des Trades-Unions avait lancé un appel à la grève, aurait avant tout fait arrêter les leaders des Trades-Unions.
La bourgeoisie anglaise ne l’a pas fait, elle a fait preuve d’intelligence du point de vue de ses intérêts.

Ni aux Etats-Unis, ni en Allemagne, ni en France, je ne vois une stratégie de classe aussi souple de la part de la bourgeoisie.
Dans l’intérêt de la consolidation de leur domination, les classes dominantes d’Angleterre ne se sont jamais interdit les petites concessions, les réformes.
Mais ce serait une erreur de croire que ces réformes représentent la révolution.

WELLS. —Vous avez des classes dominantes de mon pays une plus haute opinion que moi. Mais la différence est-elle grande, en général, entre une petite révolution et une grande réforme ? Les réformes ne sont-elles pas une petite révolution ?

STALINE. —Sous l’effet d’une poussée venant d’en bas, d’une poussée des masses, la bourgeoisie peut parfois consentir telles ou telles réformes partielles, tout en restant sur la base du régime économique et social existant.
Agissant ainsi, elle estime que ses concessions sont indispensables dans l’intérêt de la conservation de sa domination de classe.
C’est là l’essence des réformes.
Quant à la révolution, elle signifie le passage du pouvoir d’une classe à une autre.

C’est pourquoi l’on ne peut appeler une réforme quelconque une révolution.
Voilà pourquoi l’on ne saurait espérer que la succession des régimes sociaux puisse s’opérer par le passage insensible d’un régime à l’autre au moyen de réformes, au moyen de concessions faite par la classe dominante.

WELLS. —Je vous suis très reconnaissant de cet entretien qui a pour moi une importance énorme.
En me donnant vos explications, vous vous êtes à coup sûr souvenu du temps où, dans les cercles clandestins d’avant la révolution, il vous fallait expliquer les principes du socialisme.
A l’heure actuelle, il n’existe dans le monde entier que deux personnalités à l’opinion, à chaque parole desquelles des millions d’hommes prêtent l’oreille : vous et Roosevelt.
Les autres peuvent prêcher autant qu’il leur plaira, on ne les imprimera pas, on ne les écoutera pasJe ne puis encore apprécier ce qui a été fait dans votre pays, où je ne suis arrivé qu’hier.
Mais j’ai déjà vu les visages heureux d’hommes bien portants et je sais qu’il se fait chez vous quelque chose de très significatif.
Le contraste avec l’année 1920 est frappant.

STALINE. —On aurait pu faire encore plus si nous, bolchéviks, étions plus intelligents.

WELLS. —Non, si, en général, les êtres humains étaient plus intelligents.
On ne ferait pas mal si l’on inventait un plan quinquennal pour la reconstruction du cerveau humain, qui manque manifestement de nombreuses parcelles nécessaires à l’ordre social parfait. (Rires.)

STALINE. —N’avez-vous pas l’intention d’assister au Congrès de l’Union des écrivains soviétiques ?

WELLS. —Malheureusement, j’ai diverses obligations et je ne puis rester en URSS qu’une semaine.
Je suis venu pour vous rencontrer, et je suis profondément satisfait de notre entretien.
Mais j’ai l’intention de parler avec les écrivains soviétiques que je pourrai rencontrer pour envisager la possibilité de leur adhésion au Pen-Club.

C’est une organisation internationale d’écrivains, fondée par Galsworthy auquel, après sa mort, j’ai succédé comme président.
Cette organisation est encore faible, mais néanmoins elle possède des sections dans de nombreux pays et, ce qui est encore plus important, les interventions de ses membres sont largement commentées dans la presse.

Cette organisation défend le droit de la libre expression de toutes les opinions, y compris celles de l’opposition. Je compte parler à ce sujet avec Maxime Gorki. Toutefois, je ne sais si une aussi large liberté peut être accordée ici.

STALINE. —Cela s’appelle chez nous, bolchéviks, l’ »auto-critique ».

Elle est largement appliquée en URSS. Si vous désirez quelque chose, je vous aiderai volontiers.

WELLS. -Je vous remercie.

STALINE. - Je vous remercie pour l'entretien.


Edité le 17-02-2016 à 20:56:58 par Xuan


Xuan
lepcf.fr

LA QUESTION PRÉALABLE DES SOURCES DE LA SÉRIE « APOCALYPSE STALINE » SUR FRANCE 2


Communistes pour faire vivre le PCF

Les trois heures de diffusion de la série « Apocalypse Staline » diffusée le 3 novembre 2015 sur France 2 battent des records de contrevérité historique, rapidement résumés ci-dessous.



Une bande de sauvages ivres de représailles (on ignore pour quel motif) ont ravagé la Russie, dont la famille régnante, qui se baignait vaillamment, avant 1914, dans les eaux glacées de la Baltique, était pourtant si sympathique. « Tels les cavaliers de l’apocalypse, les bolcheviques sèment la mort et la désolation pour se maintenir au pouvoir. Ils vont continuer pendant 20 ans, jusqu’à ce que les Allemands soient aux portes de Moscou. […] Lénine et une poignée d’hommes ont plongé Russie dans le chaos » (1 er épisode, « Le possédé »).

Ces fous sanguinaires ont inventé une « guerre civile » (on ignore entre qui et qui, dans cette riante Russie tsariste). L’enfer s’étend sous la houlette du barbare Lénine, quasi dément qui prétend changer la nature humaine, et de ses acolytes monstrueux dont Staline, pire que tous les autres réunis, « ni juif ni russe », géorgien, élevé dans l’orthodoxie mais « de mentalité proche des tyrans du Moyen-Orient » (la barbarie, comprend-on, est incompatible avec le christianisme). Fils d’alcoolique, taré, contrefait, boiteux et bourré de complexes (surtout face au si brillant Trotski, intelligent et populaire), dépourvu de sens de l’honneur et de tout sentiment, hypocrite, obsédé sexuel, honteux de sa pitoyable famille, Staline hait et rackette les riches, pille les banques, etc. (j’arrête l’énumération). On reconnaît dans le tableau de cet « asiate » les poncifs de classe ou racistes auxquels le colonialisme « occidental » recourt depuis ses origines.

Vingt ans de souffrances indicibles infligées à un pays contre lequel aucune puissance étrangère ne leva jamais le petit doigt. Il y a bien une allusion sibylline aux années de guerre 1918-1920 qui auraient fait « dix millions de morts » :
les ennemis bolcheviques sont encerclés partout par une « armée de gardes blancs ». On n’aperçoit pas la moindre armée étrangère sur place, bien qu’une cinquantaine de pays impérialistes étrangers eussent fondu, de tous les points cardinaux sur la Russie, dont la France, l’Angleterre, l’Allemagne, les États-Unis, etc. (c’est au 2 e épisode seulement, « L’homme rouge », qu’on apprend que Churchill a détesté et combattu l’URSS naissante : quand ? comment ?).

Pour échapper à cette intoxication sonore et colorée, le spectateur aura intérêt à lire l’excellente synthèsese de l’historien Arno Mayer, sympathisant trotskiste auquel son éventuelle antipathie contre Staline n’a jamais fait oublier les règles de son métier : Les Furies, terreur, vengeance et violence, 1789, 1917 , Paris, Fayard, 2002.

L’ouvrage, traduit par un gros éditeur pour des raisons que je ne m’explique pas, vu les habitudes régissant la traduction en France, compare aussi les révolutions française et bolchevique. Comparaison particulièrement utile après une ère Furet où la française a été aussi malmenée que la russe [1] .
Pour Mme Clarke et M. Costelle comme pour les historiens et publicistes qui ont occupé la sphère médiatique depuis les années 1980, la Terreur est endogène, et dépourvue de tout rapport avec l’invasion du territoire par l’aristocratie européenne. Et, de 1789 à 1799, expérience atroce heureusement interrompue par le coup d’État, civilisé, du 18 Brumaire (9 novembre 1799), la France a vécu sous les tortures des extrémistes français (jacobins), mauvaise graine des bolcheviques.

« Le peuple soviétique » est soumis sans répit aux tourments de la faim notamment à « la famine organisée par Staline au début des années trente, catastrophique surtout en Ukraine » , où elle aurait fait « 5 millions de morts de faim » , victimes de l’« Holodomor » [2] , à la répression permanente, incluant les viols systématiques, aux camps de concentration « du Goulag » ( « enfer pour les Russes du désert glacé » , où toutes les femmes sont violées aussi) si semblables à ceux de l’Allemagne nazie (un des nombreux moments où les séquences soviétique et allemande sont « collées », pour qu’on saisisse bien les similitudes du « totalitarisme »).

Mais il gagne la guerre en mai 1945. On comprend d’ailleurs mal par quelle aberration ce peuple martyrisé pendant plus de vingt ans a pu se montrer sensible, à partir du 3 juillet 1941, à l’appel « patriotique » du bourreau barbare qui l’écrase depuis les années 1920. Et qui a, entre autres forfaits, conclu « le 23 août 1939 » avec les nazis une « alliance » qui a sidéré le monde, l’indigne pacte germano-soviétique, responsable, en dernière analyse, de la défaite française de 1940 :
« Staline avait tout fait pour éviter la guerre, il avait été jusqu’à fournir à Hitler le pétrole et les métaux rares qui avaient aidé Hitler à vaincre la France » .

Il est vrai que l’hiver 1941-1942 fut exceptionnellement glacé, ce qui explique largement les malheurs allemands (en revanche, « le général Hiver » devait être en grève entre 1914 et 1917, où la Russie tsariste fut vaincue avant que les bolcheviques ne décrétassent « la paix »). Il est vrai aussi que l’aide matérielle alliée a été « décisive » dès 1942 (épisodes 2 et 3), avions, matériel moderne, etc. (4% du PNB, versés presque exclusivement après la victoire soviétique de Stalingrad).

Il n’empêche, quel mystère que ce dévouement à l’ignoble Staline, qui vit dans le luxe et la luxure depuis sa victoire politique contre Trotski, alors que « le peuple soviétique » continue d’être torturé :
non pas par les Allemands, qu’on aperçoit à peine dans la liquidation de près de 30 millions de Soviétiques, sauf signalement de leur persécution des juifs d’URSS, mais par Staline et ses sbires.
Ainsi, « les paysans ukrainiens victimes des famines staliniennes bénissent les envahisseurs allemands » . Ce n’est pas la Wehrmacht qui brûle, fusille et pend : ces Ukrainiens « seront pendus par les Soviétiques revenus, » et filmés à titre d’exemples comme collabos.
Staline fait tuer aussi les soldats tentés de reculer, tendance bien naturelle puisque le monstre « déclare la guerre à son peuple » depuis 1934 (depuis lors seulement ?), qu’il a abattu son armée en faisant fusiller des milliers d’officiers en 1937, etc.

La critique mot à mot de ce « documentaire » grotesque s’avérant impossible, on consultera sur l’avant-guerre et la guerre l’ouvrage fondamental de Geoffrey Roberts, Stalin’s Wars : From World War to Cold War, 1939-1953 . New Haven & London : Yale University Press, 2006, accessible désormais au public français :
Les guerres de Staline, 1939-1953 , Paris, Delga, 2014 [3] .

La politique d’« Apaisement » à l’égard du Reich hitlérien fut l’unique cause du pacte germano-soviétique, que les « Apaiseurs » français, britanniques et américain avaient prévue sereinement depuis 1933 comme la seule voie ouverte à l’URSS qu’ils avaient décidé de priver d’« alliance de revers ». Cette réalité, cause majeure de la Débâcle française, qui ne dut strictement rien à l’URSS, est absente des roulements de tambour de Mme Clarke et de M. Costelle.
On en prendra connaissance en lisant Michael Jabara Carley, 1939, the alliance that never was and the coming of World War 2 , Chicago, Ivan R. Dee, 1999, traduit peu après : 1939, l’alliance de la dernière chance .
Une réinterprétation des origines de la Seconde Guerre mondiale , Les presses de l’université de Montréal, 2001 ; et mes travaux sur les années 1930, Le Choix de la défaite : les élites françaises dans les années 1930 , Paris, Armand Colin, 2010 (2 e édition) et De Munich à Vichy, l’assassinat de la 3 e République, 1938-1940 , Paris, Armand Colin, 2008.

Les réalisateurs, leurs objectifs publics et leur conception de l’histoire

La seule émission de France Inter du 30 octobre au matin (disponible sur Internet jusqu’au 28 juillet 2018) a donné une idée des conditions du lancement « apocalyptique », tous médias déployés, de cette série Staline qui rappelle, par les moyens déployés, l’opération Livre noir du communisme en 1997. Elle éclaire aussi sur les intentions des réalisateurs installés depuis 2009 dans la lucrative série « Apocalypse »(http://apocalypse.france2.fr).

La musique et le son de ces trois heures éprouvantes sont adaptés à leurs objectifs. La « colorisation », qui viole les sources photographiques, porte la marque de fabrique de la série « Apocalypse » :
elle s’impose pour attirer « les jeunes gens », faire sortir l’histoire de la case poussiéreuse où elle était confinée, argue Isabelle Clarke, éperdue de gratitude (bien compréhensible) à l’égard de France 2 qui « a remis la grande histoire en prime time (sic) » ; aussi modestement, le coauteur Daniel Costelle attribue cette place d’honneur sur nos écrans domestiques à la qualité du travail accompli par le tandem depuis les origines de la série (2009). La « voix de Mathieu Kassovitz » est jugée « formidable » par les auteurs et leur hôtesse, Sonia Devillers : l’acteur débite, sur un ton sinistre et grandiloquent, le » scénario de film d’horreur » soviétique et stalinien qui fascine tant Mme Clarke.

Pour que la chose soit plus vivante, les auteurs, qui font « des films pour [s’]enthousiasmer [eux]-mêmes » , ont décidé qu’ils n’auraient « pas de parti pris chronologique » : ils ont plus exactement pris le parti de casser la chronologie, par de permanents retours en arrière supposés rendre le « travail un peu plus interactif » .
La méthode empêche toute compréhension des événements et des décisions prises, 1936 ou 1941 précédant l’avant Première Guerre mondiale, le conflit et 1917, une de ses conséquences. On sautille sans arrêt d’avant 1914 à 1945 dans chaque épisode et en tous sens : il est d’autant plus impossible de reconstituer le puzzle des événement morcelés que les faits historiques sont soigneusement épurés, sélectionnés ou transformés en leur exact contraire (c’est ainsi que les perfides bolcheviques auraient attaqué la Pologne en 1920, alors que c’est Varsovie qui assaillit la Russie déjà envahie de toutes parts). On nous explique souvent que le montage d’un film est fondamental, l’escroquerie « Apocalypse Staline », qui y ajoute le mensonge permanent et les ciseaux du censeur, le confirme.

La conjoncture est au surplus du côté des auteurs :

1° la propagande antisoviétique est depuis 1917 obsédante en France comme ailleurs en « Occident », mais elle a été infléchie pendant quelques décennies, à la fois par une fraction du mouvement ouvrier (surtout) et des intellectuels et par les circonstances, en particulier celles qui ont précédé et accompagné la Deuxième Guerre mondiale.

Ce n’est plus le cas depuis les années 1990 où le mouvement ouvrier, toutes tendances confondues, s’est aligné sur les développements du Livre noir du communisme : seul défenseur de l’URSS depuis la naissance de la Russie soviétique, le PCF ne cesse depuis 1997 d’expier ses affreuses années staliniennes et de déplorer sa non-condamnation du si funeste pacte germano-soviétique.
Rappelons que sa mise en œuvre offrit aux Soviets un répit de près de deux ans et leur permit de doubler les effectifs de l’armée rouge à leurs frontières occidentales (portés de 1,5 à 3 millions d’hommes). Jérôme Joffrin, dans un article qui se veut nuancé sur le « bourreau » Staline, auquel cependant « nous devons beaucoup », a légitimement relevé qu’il était délicat naguère de raconter en France absolument n’importe quoi sur l’URSS mais que l’obstacle a été levé par les rapports de forces internationaux et intérieurs ( http://www.liberation.fr/planete/2015/11/02/staline-gros-sabots-contre-un-bourreau_1410752 ) .

2° La liquidation de l’histoire scientifique française de l’URSS a été d’autant plus aisée depuis les années 1980 que l’offensive antisoviétique et anticommuniste s’est accompagnée d’une entreprise de démolition de l’enseignement général de l’histoire, soumis à une série de « réformes » toutes plus calamiteuses les unes que les autres. Le corps enseignant du secondaire l’a déploré, mais sa protestation n’est plus guère soutenue par des organisations autrefois combatives sur le terrain scientifique comme sur les autres.
« Les jeunes gens », auxquels la casse de l’enseignement historique inflige désormais
1° la suppression de pans entiers de la connaissance,
2° l’abandon de la chronologie, sans laquelle on ne peut pas saisir les origines des faits et événements,
et 3° le sacrifice des archives originales au fameux « témoignage », se sont trouvés, s’ils ont eu le courage de supporter les trois heures de ce gavage, en terrain particulièrement familier.

3° L’histoire scientifique relative à la Russie, anglophone notamment, est en fort développement depuis une vingtaine d’années mais elle est en général inaccessible au public français : les ouvrages idoines sont traduits dans les six mois, les autres pratiquement jamais, sauf exception.
Quelques-uns de ces « trous » percés dans le Rideau de Fer de l’ignorance historique du monde russe ont été mentionnés ci-dessus. Quoi qu’il en soit, quand les ouvrages sérieux sont traduits, ils sont ensevelis dans le néant, tous médias confondus.

De l’histoire, quelle histoire ?

Svetlana Aleksievitch, conseillère en « témoignages »


Isabelle Clarke admet qu’« Apocalypse Staline » ne relève pas de la catégorie de l’histoire, elle le revendique même.
Elle se déclare fascinée par l’immense travail de Svetlana Alexievitch, dont l’attribution du prix Nobel de littérature d’octobre 2015 rappelle le couronnement « occidental » de l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne , lauréat de 1970, avec des motivations semblables.

Quelles que soient ses éventuelles qualités littéraires, Mme Alexievitch n’a été promue que pour des raisons idéologico-politiques, conformément à une tradition d’après-guerre que la documentariste et historienne britannique Frances Stonor Saunders a exposée en 1999, dans un ouvrage essentiel sur la Guerre froide culturelle :
c’est l’intervention expresse des États-Unis, via l’action clandestine pratiquée sur les questions culturelles (comme sur les opérations politiques et même militaires) par le truchement de la CIA ou d’institutions financées par elle.
Ce fut en l’occurrence via le Congress for Cultural Freedom (CCF) fondé, après une série d’initiatives préalables, en juin 1950, et qui bloqua l’attribution du prix Nobel de littérature à Pablo Neruda au début des années 1960 :
Neruda fut écarté en 1964, au profit de Jean-Paul Sartre, dont Washington suivait de près et appréciait les démêlés avec le PCF, mais qui eut l’élégance de le décliner [4] .
Le pouvoir positif de soutien des États-Unis, depuis 1945, aux « dissidents » ou à des anticommunistes très divers a été aussi efficace que leur capacité de nuisance contre les intellectuels combattus :
le Nobel de littérature a récompensé un nombre tout à fait disproportionné d’adversaires notoires du communisme en général et de l’URSS ou de la Russie en particulier : la consultation systématique est éclairante :
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_N
obel_de_litt%C3%A9rature#Ann.C3.A9es_1960
)

Isabelle Clarke se félicite du « travail de témoignage » réalisé par Svetlana Alexievitch, grâce à laquelle « les crimes communistes », jamais jugés, ont enfin pu être recensés : en l’absence d’instruction et d’accès aux faits, il a fallu compter sur les témoignages, très longs à obtenir, et autrement plus éclairants que la recherche historique.

Ces témoignages égrenés au fil des trois films, jamais liés à l’établissement des faits, forment donc la trame historique du « scénario de film d’horreur ». Svetlana Alexievitch ne prétend pas, elle, faire œuvre d’historienne.
Obsédée par la quête de l’ Homo sovieticus , concept proclamé impossible, puisqu’on ne saurait changer les humains en changeant le mode de production, l’auteur de La Fin de l’homme rouge ou le temps du désenchantement (traduction publiée en 2013 chez Actes Sud) « enregistre sur magnétophone les récits des personnes rencontrées, et collecte ainsi la matière dont elle tire ses livres : “Je pose des questions non sur le socialisme, mais sur l’amour, la jalousie, l’enfance, la vieillesse. Sur la musique, les danses, les coupes de cheveux. Sur les milliers de détails d’une vie qui a disparu. C’est la seule façon d’insérer la catastrophe dans un cadre familier et d’essayer de raconter quelque chose. De deviner quelque chose… L’Histoire ne s’intéresse qu’aux faits, les émotions, elles, restent toujours en marge. Ce n’est pas l’usage de les laisser entrer dans l’histoire. Moi, je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne”(https://fr.wikipedia.org/wiki/Svetlana_Aleksievitch) » .

Nous sommes donc avisés que ce spectacle « émotionnel » et « occidental », organisé à grand tapage par les responsables de la série « Apocalypse Staline », est fondé sur de la littérature antisoviétique larmoyante, appréciée et récompensée comme telle par « l’Occident » civilisé.

Les « conseillers historiques » d’« Apocalypse Staline » : l’institut d’histoire sociale, de Boris Souvarine à Pierre Rigoulot

Quand on passe à « l’histoire » stricto sensu , le bilan est pire, et caractérisé par des pratiques malhonnêtes et non explicitées.
Isabelle Clarke se flatte d’avoir « remis en prime time (sic) la grande histoire » et de ne pas avoir négligé l’histoire qu’elle aime moins que la littérature : elle aurait étudié tous les ouvrages « recommandés par nos conseillers historiques » : « Robert Service, Jean-Jacques Marie, Simon Sebag Montefiore » (ce dernier toujours traduit dans les mois qui suivent ses publications anglophones), dont les travaux sont caractérisés par une vision à peu près caricaturale du monstre, avec des nuances dont le lecteur de leurs travaux peut seul juger.
Quels « conseillers historiques » ? On a pourtant le choix parmi les historiens français de l’URSS, presque également soviétophobes et médiatiques : aucune carrière académique n’étant depuis trente ans ouverte à un spécialiste de l’URSS soviétophile, il n’en existe pas.

Dans la rubrique « crédits » du 3 e épisode, figure la mention de citation(s) d’un seul ouvrage d’historien, le Staline de Jean-Jacques Marie, spécialiste du monstre sur la base d’ouvrages de seconde main (les seules autres citations proviennent de Mme Alexievitch). Les « conseillers historiques » allégués n’ont pas été mentionnés, mais on relève, parmi les sept personnalités qui ont fait l’objet de « remerciements », juste nommées mais non présentées, un seul « historien » présumé : Pierre Rigoulot (les six autres sont artistes ou spécialistes techniques [5] ).

M. Rigoulot dirige l’institut d’histoire sociale, fondé en 1935 par Boris Souvarine, célèbre et précoce transfuge du communisme (1924) qui, fut, selon une tradition née en même temps que le PCF, embauché par le grand patronat français Souvarine, trotskiste proclamé antistalinien (catégorie de « gauche » très appréciée pour la lutte spécifique contre les partis communistes [6] ), fut employé comme propagandiste par la banque Worms. Il fut un des rédacteurs de la revue les Nouveaux Cahiers , fondée en 1937 en vue de la scission de la CGT, financée et tuteurée par le directeur général de la banque Jacques Barnaud, futur délégué général aux relations économiques franco-allemandes (1941-1943).
La revue, qui chanta sans répit les louanges d’une « Europe » sous tutelle allemande, fut publiée entre la phase cruciale de la scission, d’origine patronale, de la CGT (n° 1, 15 mars 1937) [7] , et la Débâcle organisée de la France (n° 57, mai 1940). Souvarine y voisinait avec la fine fleur de la « synarchie » issue de l’extrême droite classique (Action française) qui allait peupler les ministères de Vichy : il n’y était requis qu’en tant que spécialiste de (l’insulte contre) l’URSS et de la croisade contre la république espagnole assaillie par l’Axe Rome-Berlin [8] .

Cette « petite revue jaune », qui attira bien des « collaborations », selon l’expression du synarque et ami de Barnaud, Henri Du Moulin de Labarthète, chef de cabinet civil de Pétain [9] , est annonciatrice de presque tous les aspects de la Collaboration. Elle est conservée dans les fonds d’instruction de la Haute Cour de Justice des Archives nationales (W3, vol. 51, en consultation libre : régime de la dérogation générale, série complète jusqu’au n° de décembre 1938) et des archives de la Préfecture de police (série PJ, vol. 40, sous dérogation quand je l’ai consultée).

Le lecteur curieux constatera que « Boris Souvarine, historien » (ainsi qualifié au 3 e épisode, « Staline. Le maître du monde »), dans ses articles, réguliers, dresse entre 1937 et 1940 un portrait de l’URSS (et) de Staline en tout point conforme à ce que le spectateur français a appris, le 3 novembre 2015, sur le cauchemar bolchevique. Souvarine partit pour New York en 1940, y passa la guerre, et prit alors contact avec les services de renseignements alors officiellement voués à la seule guerre contre l’Axe (notamment l’ Office of Strategic Services (OSS), ancêtre de la CIA, mais fort antisoviétiques. Il ne revint en France qu’en 1947
C’est le soutien financier clandestin du tandem CCF -CIA qui lui permit d’éditer et de faire triompher son Staline : en panne d’éditeur et de public de la Libération à la fin des années 1940, le chef de l’« Institut d’Histoire sociale et de Soviétologie » (définitivement reconstitué en mars 1954) accéda ainsi au statut d’« historien » que lui accorde « Apocalypse Staline » [10] .

Deuxième « historien », non signalé comme tel, mais « remercié » dans les crédits, Pierre Rigoulot, présumé cheville ouvrière des films sur Staline, fait peser sur les trois épisodes de la ssérie une triple hypothèque.

1°. M. Rigoulot n’est pas un historien mais un idéologue, militant au service de la politique extérieure des États-Unis, officiellement apparenté depuis les années 1980 aux « néo-conservateurs », selon Wikipedia, qu’on ne saurait taxer d’excessive complaisance pour le communisme : aucun des ouvrages qu’il a rédigés sur l’URSS, la Corée du Nord (sa nouvelle marotte depuis sa contribution sur le sujet dans Le Livre noir du communisme ), Cuba, ne répond aux exigences minimales du travail scientifique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Rigoulot).

2°. Faussaire avéré sous couvert de prendre la défense « des juifs », il a été, pour son ouvrage L’Antiaméricanisme (éditions Robert Laffont, 2005), condamné en diffamation par jugement de la 17 e chambre du TGI de Paris, le 13 avril 2005, « ayant inventé de toutes pièces [une] fausse citation » antisémite (absente) d’un ouvrage de Thierry Meyssan , adversaire manifestement jugé sans péril (même référence en ligne).

3°. L’IHS, que M. Rigoulot a rejoint en 1984 comme bibliothécaire, puis « chargé des recherches et publications », et dont il est le directeur, n’est pas une institution scientifique : c’est une officine de Guerre froide et, après la Libération, de recyclage des collaborationnistes de sang et/ou de plume issus de l’extrême droite classique et de la gauche anticommuniste. Cet organisme a été depuis la Libération financé par la banque Worms, le CNPF et, quasi officiellement, par la CIA. Il a été intimement lié à Georges Albertini, second de Marcel Déat déjà employé avant-guerre par la banque Worms et recyclé à sa sortie de prison (1948) dans la propagande anticommuniste et antisoviétique de tous ces bailleurs de fonds.

On trouvera sur tous ces points une ample bibliographie, fondée à la fois sur les archives policières françaises (de la Préfecture de police) et sur les fonds américains qui établit la convergence de tous les auteurs [11]

Les trois volets d’« Apocalypse Staline » traitent, et sur le même ton haineux, tous les thèmes serinés depuis sa fondation par l’IHS, notamment ceux du Goulag (« la terreur et le goulag sont la principale activité du Politburo », 3 e épisode, « Staline. Le maître du monde » ), dont M. Rigoulot a fait depuis 1984, date de son entrée dans cette officine, un des thèmes privilégiés de ses travaux, et de l’« Holodomor », « organisé » par Staline.

Conclusion

On pourrait proposer au spectateur de visionner, en supprimant le son de cette projection grotesque, les bandes de « rushes » (les auteurs des films prétendent avoir livré du pur document brut, particulièrement authentique, mais le film de fiction, soviétique d’ailleurs, y occupe une part non négligeable). Il percevrait ainsi immédiatement qu’on pourrait faire une toute autre histoire de l’URSS sous Staline que celle qui s’appuie sur un matériau frelaté.

Là n’est pas l’essentiel. Le service public de télévision français a une fois de plus, en matière d’histoire, bafoué les principes minimaux de précaution scientifique et ridiculisé les spectateurs français, en leur servant un brouet de pure propagande antisoviétique : il avait déjà ouvert, entre 2011 et 2013, le service public aux seuls héritiers de Louis Renault, venus se lamenter, avec ou sans historiens complices, sur la spoliation de leur grand-père quasi résistant. Est-il normal que la société France Télévisions, financée par la redevance versée par tous les contribuables, se prête à une opération digne du « ministèrere de l’information et de la propagande » de Göbbels ?
On attend le « débat » qu’impose la malhonnêteté avérée de l’entreprise. J’y participerai(s) volontiers.

Annie Lacroix-Riz, Professeur émérite d’Histoire contemporaine, Paris VII.


Edité le 17-02-2016 à 20:36:43 par Xuan


Xuan
Sur Staline, une entrevue avec Grover FURR (2005)


14 Février 2016 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique



Signalé par Alain Rondeau
par Carl MILLER

J'ai eu récemment l'opportunité d'avoir une entrevue avec le professeur Grover Furr. David Horowitz, dans son nouveau livre, l'avait attaqué parce qu'il avait défendu Staline. J'ai cru bon donc d'avoir le point de vue du professeur Furr.

Je ne suis pas totalement d'accord avec ce qu'il dit, mais en même temps je lui suis très reconnaissant de m'avoir accordé cette entrevue. Des gens comme lui, tout au moins pour ce qui me concerne, peuvent être utiles pour mettre les choses au point concernant l'Union soviétique.


Question: Ce que vous faites, soutenir Joseph Staline, il n'y en a pas beaucoup qui le font même parmi les gauches dans le monde. Pourquoi croyez-vous que ce soit si important?

Réponse: Avant de commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir demandé de répondre à ces questions. Ce sont des questions importantes. Elles devraient être le souci de tous ceux dégoûtés par le capitalisme qui veulent étudier l'expérience de ceux qui ont lutté pour un monde libre d'exploitation.
Je ne «soutiens pas Staline» en tant que tel. J'essaie de soutenir la vérité.
Dans le Manifeste communiste, Marx et Engels avaient dit que le prolétariat «n'avait rien à perdre que ses chaînes». J'entends par là que nous ne pouvons pas permettre à nos préjugés, préférences personnelles ou penchants, etc. d'entraver notre quête de la vérité.
Nous ne pouvons pas espérer surmonter le capitalisme sans nous baser sur la réalité objective – chose que le capitalisme est incapable de faire, car il exposerait sa terrible exploitation et brutalité. Par conséquent j'essaye d'être objectif et étudier l'histoire de l'URSS à la lumière des meilleures preuves disponibles.

Q: La perception courante de Joseph Staline est qu'il était un assassin de masse paranoïaque, assoiffé de pouvoir. Ceux qui s'y opposent Staline remarqueront que les purges et la «grande peur» le prouvent. Quelle est votre attitude par rapport à cette période?

R. Si les preuves à propos de Staline étayaient cette opinion, je l'aurai acceptée. Mais ce n'est pas du tout le cas, au contraire. Cette opinion sur Staline provient de deux sources, et ni l'une ni l'autre méritent confiance:
Trotsky et Khrouchtchev, le dernier ayant de loin le plus d'influence. Tous les deux ont menti à un degré à peine imaginable! Des documents provenant des archives soviétiques, publiés depuis la fin de l'URSS (ou, en fait, un peu avant) nous permettent maintenant d'en être certains, toutefois beaucoup le suspectaient depuis bien longtemps.
En Russie depuis le renversement de l'URSS, il y a eu une immense résurgence d'intérêt concernant Staline. Pour la première fois des études objectives ont commencé à paraître. Les preuves montrent que Staline était un homme véritablement remarquable – chose qu'un grand nombre de ses contemporains reconnaissaient aussi.
L'image de Staline faite par Trotsky-Khrouchtchev et popularisée lors de la guerre froide, n'est autre est une fabrication complète, mais reste toujours l'opinion dominante, pour ne pas dire exigée, de l'histoire soviétique,
Elle ne peut être maintenue que par un travail parfaitement malhonnête qui ne mérite pas d'être qualifié de scientifique.
En ce moment je termine une longue étude de l'infâme «rapport secret» de Khrouchtchev au XXe Congrès du Parti le 25 février 1956. Dans son allocution il a fait beaucoup de déclarations accusant Staline de crimes terribles. Ce discours a brisé le mouvement communiste et, évidemment, réjoui les anticommunistes et les trotskistes.
Au cours des deux dernières années de recherche j'ai découvert un fait choquant, chaque «révélation» faite par Khrouchtchev à propos de Staline et de Lavrentii Beria était mensongère! Jusqu'à présent je n'ai pas trouvé une seule occurrence où il disait la vérité.
Récemment j'ai écrit un peu à ce propos dans un article intitulé «Une lecture (non)critique et le discours de l'anticommunisme» que les éditeurs de The Red Critique (la critique rouge) m'ont fait la générosité de publier malgré le fait que leur journal est essentiellement théorique, et mon article principalement historique. On le trouvera sur internet à: http://www.redcritique.org/WinterSpring2006/uncriticalreadingandthediscourseofanticommunism.htm

Mon étude détaillée des mensonges de Khrouchtchev dans le «rapport secret» devrait être publié avant la fin de 2006.

Q: Une autre des attaques contre Staline consiste à dire qu'il a provoqué une famine en Ukraine qui a causé des millions de morts. Est-ce que cela, de quelque façon que ce soit, reflète la réalité de cette période?

R. Cela est totalement faux. Cette histoire, en fait, provient à l'origine des Nazis qui l'ont répandue au milieu des années 30'. Aux États-Unis elle a été reprise par les journaux, extrêmement anticommunistes, de Hearst.
Feu Doug Tottle a bien démontré ces faits dans son livre "Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard" (Fraude, Famine et Fascisme. Le mythe du génocide ukrainien de Hitler à Harvard) (Toronto: Progress Books, 1987). Tottle était membre du Parti communiste canadien. Quelques-unes de ses affirmations sont défensives, mais il a quand même fait son travail sur la nature frauduleuse de ce mythe.
Après la Seconde Guerre mondiale le mythe de la «famine provoquée en Ukraine» est devenu le credo des groupes pro-nazis nationalistes ukrainiens.
Beaucoup de leurs dirigeants ont été installés aux États-Unis et financés par la CIA pour continuer leur propagande anti-soviétique. Jusqu'au début des années 60 ces groupes fascistes nationalistes ukrainiens avaient aussi des cellules terroristes à l'intérieur de l'URSS.
Aujourd'hui ce mythe fait partie intégrante de l'idéologie nationaliste de l'État ukrainien. Les capitalistes réactionnaires et anciens membres du PCUS qui dirigent l'Ukraine sont obligés de construire une histoire qui légitime le nationalisme ukrainien. Ce mythe de la «famine causée par l'homme» fait partie du projet de formation historique de l'Ukraine. Étant donné que le nationalisme ukrainien a été fasciste dès sa création, sa seule manière de se «légitimer» est d'être férocement anticommuniste. Il y a quelques très bons livres écrits par des anticommunistes de la guerre froide – néanmoins des bons historiens – qui démontrent combien a toujours été fasciste le nationalisme ukrainien. Je recommande:

• John A. Armstrong. «Ukrainian Nationalism» (Le nationalisme ukrainien): NY: Columbia University Press, 1963.
• Alexander Motyl. «The turn to the right: the ideological origins and development of Ukrainian nationalism, 1919-1929» (Le tournant vers la droite: Les origines idéologiques et le développement du nationalisme ukrainien, 1919-1929). NY: Columbia U.P. 1980.
• Une excellente recherche par le Prof. Mark Tauger, de l'University of West Virginia, et d'autres, qui explose totalement le mythe nazi de la «famine causée par l'homme». Ses travaux sont disponibles sur son site web,:http://www.as.wvu.edu/history/Faculty/Tauger/

En plus je recommande l'article suivant écrit par deux démographes professionnels:

• Barbara Anderson and Brian Silver, «Demographic Analysis and Population Catastrophes in the USSR» (Analyse démographique et catastrophes de population en URSS) Slavic Review 44, 3 (Autumn, 1985), pp. 517-536. Disponible à JSTOR.
Robert Conquest, le plus fameux des «érudits» charlatans anti-soviétiques du dernier demi-siècle, avait été payé $80.000 par des groupes nationalistes ukrainiens pour écrire Une Récolte de Désespoir («A Harvest of Despair»), le principal livre en anglais qui véhicule cette notion. Il s'est appuyé lourdement sur la propagande nazie et ses soi-disant «preuves».

Il y a quelques bonnes critiques de son livre, et de cette question. Ce sont: Jeff Coplon, «In Search of a Soviet Holocaust» (À la recherche de l’holocauste soviétique), Village Voice jan. 12, 1988. Sur http://chss.montclair.edu/english/furr/vv.html
• Jeff Coplon, «Rewriting History: How Ukrainian Nationalists Imposed Their Doctored History on our High-School Students» (En réécrivant l'histoire: Comment les nationalistes ukrainiens ont imposé leur histoire trafiquée à nos étudiants du secondaire). Capital Region Magazine (Albany, NY), mars 1988. http://chss.montclair.edu/english/furr/essays/coplonrewriting88.pdf
• «The Hoax of the Man-Made Ukraine Famine of 1932-33» (Le canular de la Famine ukrainienne provoqué par l'homme de 1932-33). Une série de six articles publiés à l'origine par Challenge-Desafio, le journal du Parti progressiste du Travail, commençant le 25 février 1987. Sur http://www.plp.org/cd_sup/ukfam1.html and following.

Je recommande aussi la revue de Arch Getty sur le travail de Conquest de la «London Review of Books», janvier 22, 1987, pp. 7-8. Je n'ai pas la permission de le mettre sur internet, mais je serais heureux de l'envoyer sous forme PDF à qui me le demanderait.
Le livre de Doug Tottle analyse aussi bien le travail de Conquest que le film nationaliste ukrainien frauduleux «Harvest of Despair» (La récolte du désespoir). Il mérite bien d'être lu. Comme il est épuisé depuis longtemps je suis prêt à fournir une copie en PDF à qui me le demanderait.

Q: David Horowitz, l'intellectuel de droite, vous a récemment mentionné dans son livre «The Professors» (Les Professeurs). Qu'est que cela signifie pour vous? Que pensez-vous de la situation ici aux États-Unis?

R: Ce n'est pas une surprise, Horowitz est un apologiste de l'exploitation, comme tous les conservateurs – et, bien entendu, les libéraux aussi. Ce qui est considéré comme «conservatisme» est simplement le soutien idéologique d'une variante plus ouverte, autoritaire et violente de l'exploitation capitaliste. Chaque position idéologique que les «conservateurs» préconisent – et Horowitz parmi eux – est une justification rude de l'autoritarisme, de la main d'ouvre à bon marché, de la réduction des salaires et des services sociaux, du renforcement du pouvoir des employeurs et de la réduction du pouvoir des employés réduits à l'impuissance.
Il y a quelque temps j'ai écrit deux courts essais qui expliquent brièvement comment cela fonctionne. On les trouve sur:

http://chss.montclair.edu/english/furr/conservatives1.html et http://chss.montclair.edu/english/furr/conservatives2.html

Avec toutes ses faiblesses le mouvement communiste a été durant le XXe siècle, de loin, la force principale pour la libération humaine et la prise de pouvoir par les travailleurs. Le mouvement communiste était le seul point d'espoir dans ce siècle d'horreurs capitalistes.
Par conséquent il est axiomatique que tous les défenseurs de l'exploitation capitaliste et des diverses idéologies qui la soutiennent, soient fortement anticommunistes, et qu'ils n'hésitent pas à mentir concernant l'histoire du mouvement communiste – comme, en fait, ils mentent à propos de tout le reste.
Horowitz ne fait que défendre ce que lui demandent ses sponsors de droite – qui essaient de dévier l'attention de l'énorme diminution du financement de l'éducation supérieure aux États-Unis avec la prétention absurde que la «gauche» aurait conquis les campus!

Q: Quelle est votre opinion sur Trotski, sur son criticisme de Staline et l'attitude générale des trotskistes en général envers l'Union soviétique?

A: Trotski était un homme très intelligent, mais en même temps très limité. Ces idées combinaient les positions bolcheviques et mencheviques. Il se situait au pôle droit – déterministe économique – du Parti bolchevique.
Ceci en soi, n'aurait pas suffit à son expulsion. Après tout, le débat parmi les teneurs des diverses positions était sain et fort dans les années 1920. Mais Trotski était malhonnête. Comme ses idées étaient constamment battues aux Congrès et aux conférences du Parti bolchevique dans les années 20, il n'a pas cessé de former des factions pour arriver à ses fins par d'autres moyens. Après son exil de l'URSS en 1929, il a passé sa vie à comploter pour revenir au pouvoir.
Des documents figurant dans les archives ex-soviétiques fournissent des preuves fiables quant aux accusations portées contre Trotski dans les trois procès de Moscou de 1936-38 et montrent qu'elles étaient justifiées. Les adeptes de Trotski avaient clairement formé un «bloc» avec les droitiers pour renverser le gouvernement soviétique et assassiner Staline et d'autres.
Il y a des preuves indiscutables quant aux relations entre Trotski et les dirigeants militaires allemands et japonais, comme le stipulaient les accusations. Par «preuves», je n'entends pas les témoignages au procès – que je crois véridiques et précis – mais des preuves supplémentaires provenant des archives ex-soviétiques. Ces preuves confirment les accusations fondamentales de conspiration contre les accusés et Trotski, ce dernier étant absent.
Trotski était extrêmement arrogant et dictatorial. Il écoutait rarement les critiques même de ses adeptes les plus proches. Il avait créé un «culte» autour de lui-même, qui caractérisait le mouvement trotskiste de son vivant, et continue à le caractériser encore.
Il y a un assez bon article concernant Trotski dans le journal du Parti progressiste du travail, Communist, de printemps 2004, à http://www.plp.org/communist/communistspg04.pdf

Q: Considérez vous l'Union soviétique post-stalinienne comme révisionniste, social-impérialiste, socialiste, social-fasciste, ou quelque chose de similaire, et dans ce cas pourquoi? Sinon, le capitalisme a-t-il été restauré en Union soviétique avant la Perestroïka?

R: Tous les États post-soviétiques ont des régimes capitalistes, d'une espèce particulièrement prédatrice. Depuis la fin de l'URSS les nouveaux dirigeants se sont assurés que le niveau de vie des ouvriers et des employés en général – la vaste majorité de la population – baisse de manière catastrophique.
Cela était évidemment la motivation principale de Gorbatchev, d'Eltsine et des dirigeants du PCUS qui ont privatisé le patrimoine produit par le peuple soviétique de façon à augmenter de manière drastique le taux d'exploitation de la main-d’œuvre et fournir ainsi d'immenses richesses à une poignée de capitalistes.
Ce processus avait déjà commencé sous la vieille URSS. L'introduction flagrante du capitalisme et de la privatisation était un pas qualitatif dans un processus en rapide accélération.

Q: Quels écrits, recommanderiez-vous à ceux qui veulent connaître la vérité concernant ce qui se passait lors de l'époque de Staline?

R: La vérité continue d'émerger. Il y a un grand nombre de travaux de qualité en russe, mais seulement très peu en anglais. Pour une liste de ce que j'ai trouvé à ce jour, voir la bibliographie et les notes de mon article en deux parties «Stalin and the Struggle for Democratic Reform» (Staline et la lutte pour la réforme démocratique) sur le journal internet Cultural Logic in 2005:
http://eserver.org/clogic/2005/furr.html et http://eserver.org/clogic/2005/furr2.html <>Vous pouvez trouver des liens à mes propres études sur mon site http://chss.montclair.edu/english/furr/

Q: Quel est le groupe politique aux États-Unis que vous considérez avoir la ligne la plus correcte à propos de Staline?

A: Le Parti progressiste du travail – http://www.plp.org/ Bien qu'elle soit un peu vieillie, ils ont une bonne série d'écrits – en quatre parties: «Review of PBS Series: Stalin (May – June 1990).» Elle commence à http://www.plp.org/cd_sup/pbsstal1.html.

Q Que pensez-vous du projet «Set the Record Straight» (Mettre les pendules à l'heure)?

A: Je voudrais répondre en disant quelque chose à propos du «culte de la personnalité».
L'histoire des révolutions bolchevique et chinoise est un grand livre pour tous ceux qui veulent se battre pour un monde communiste égalitaire. Mais il dépend de nous d'en apprendre les leçons. Précisément, nous devons reconnaître les erreurs qu'ils ont commises – des erreurs qui ont eu pour conséquence les défaites, de l'intérieur, de ces révolutions. Parmi ces erreurs il y avait le «culte» de dirigeants particuliers. La leçon du mouvement communiste est sans équivoque. Les cultes des «grands dirigeants» sont fatalement incorrects. Il ne peut y avoir de progrès tant qu'ils ne sont pas rejetés de manière décisive.
Une des choses qui me font respecter le Parti progressiste du travail est qu'ils ont fait cela. Ils ont studieusement évité de bâtir un «culte» autour de leur dirigeant. Ni le président du Parti, ni les autres membres dirigeants ne sont jamais nommés dans leur littérature. Ils n'ont pas de «porte-parole». Chaque membre du Parti doit apprendre à représenter l'organisation.
Staline s'était toujours opposé aux louanges et à l'adulation exagérées [souligné par nous – NdlR – BIP] qui allaient éventuellement empoisonner chaque aspect de la politique et de la culture soviétique. Il a souligné à de nombreuses reprises que c'était une notion «social-révolutionnaire» et non pas marxiste et qu'elle devait être rejetée.
S'il avait été un «dictateur tout puissant», comme les anticommunistes le prétendent faussement, il s'en serait débarrassé. Bien entendu, il n'a jamais été un «dictateur tout puissant», et il n'était pas en mesure de se défaire de ce «culte» dégoûtant.
Ce «culte» a causé un énorme mal. Il a permis aux carriéristes, aux saboteurs et aux conspirateurs de rester cachés. Khrouchtchev avait malhonnêtement dénoncé le «culte» dans son «rapport secret» de 1956, mais tout ce qu'il a dit à ce sujet était faux.
Et puis ce n'était pas à Khrouchtchev de donner des leçons sur le «culte». Quand il a été démis de ses fonctions en octobre 1964, il l'avait été en raison de son propre «culte» par les membres du Comité central qui l'a destitué.
Les communistes chinois ont tiré la conclusion opposée. Ils ont délibérément bâti un «culte» autour de Mao qui avait de loin dépassé celui de Staline. Il a contribué énormément au renversement du pouvoir des travailleurs en Chine. Sous le couvert de la «loyauté au président Mao» les droitiers et les anticommunistes ont embrouillé et subverti les forces de gauche, et mis la main sur le PCCh avant la mort de Mao. Quand Mao mourut, il leur a fallu peu de temps pour s'accaparer du pouvoir et liquider tous les acquis de l'héroïque révolution chinoise.
La différence était celle-ci: Staline s'opposait à ce «culte». Nous pouvons le voir aujourd'hui, il aurait dû le faire avec plus de férocité, mais Mao encourageait délibérément le «culte» autour de lui.
Mao et le PCCh avaient âprement, et correctement critiqué la direction khrouchtchevienne de l'Union soviétique. Mais dans son cas, Mao avait choisi délibérément d'imiter un des pires aspects du socialisme soviétique, celui qui avait aidé Khrouchtchev à arriver au pouvoir et saboter la lutte pour le communisme.
Mao dans beaucoup de sens était un grand penseur et un grand dirigeant révolutionnaire – un des plus grands! Mais dans le cas du «culte de Mao» il n'a pas respecté les principes.
Il a fourni la déclaration suivante en guise d'introduction
L'auteur a fourni la déclaration suivante pour son introduction: «Je ne possède aucun titre formel qui me qualifierait pour la recherche sur l'histoire de l'Union soviétique à l'époque de Staline. Je ne saurais imaginer quels seraient ses titres!
Comme étudiant universitaire de 1965-1969, je m'étais opposé à la guerre des É-U contre le Vietnam. À un moment quelqu'un m'a dit que le Parti communiste vietnamien devait être mauvais parce qu'ils étaient des «staliniens», et que Staline avait tué des millions de gens innocents.
J'ai lu la première édition du livre de Robert Conquest, La Grande Terreur quand il avait été publié autour de 1974. J'étais ébranlé! Mais comme je lisais le russe, j'étudiais la littérature russe depuis longtemps. Par conséquent en étudiant attentivement le livre de Conquest, j'ai découvert qu'il était malhonnête dans l'usage de ses sources. Ses notes de pied de page ne soutenaient pas ses conclusions anti-staliniennes! À la base, il a utilisé n'importe quelle source hostile à Staline, digne de foi ou non.
J'ai, finalement, décidé d'écrire quelque chose à propos de la «Terreur». Cela m'a pris beaucoup de temps, et en 1988 j'ai publié «Une nouvelle lumière sur des vieilles histoires concernant le maréchal Toukhatchevski: Quelques documents réexaminés» (New Light On Old Stories About Marshal Tukhachevskii: Some Documents Reconsidered) http://chss.montclair.edu/english/furr/tukh.html
Dans les années 80' et 90' j'ai étudié les recherches faites par la nouvelle école d'historiens sur l'Union soviétique qui comprenait Arch Getty, Robert Thurston, Roberta Manning, Sheila Fitzpatrick, Jerry Hough, Lewis Siegelbaum, Lynne Viola, et d'autres. À l'époque on les nommaient souvent «jeunes Turcs» ou «révisionnistes».
En étudiant attentivement les documents disponibles et – très important – en essayant durement d'être objectifs, ils montraient déjà que toute «l'histoire» qui venait de Trotski, de Khrouchtchev et plus tard de Gorbatchev et d'Eltsine était fatalement compromise par la partialité politique. Ils ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'histoire mais de propagande anticommuniste.
En 1999, un chercheur basé à Moscou. Vladimir Bobrov m'a contacté. Il m'a parlé de la publication de documents provenant des anciennes archives soviétiques, m'en a envoyé certains et m'a dirigé vers d'autres. Ces documents fournissaient les preuves qui exigeaient que l'histoire soviétique soit réécrite, y compris celle sur le rôle de Staline.
Depuis lors j'essaye de faire quelques petites contributions pour découvrir la vraie histoire de la période Staline. Cela me fait plaisir que vous pensiez que c'est un projet important

Je vous souhaite bonne réussite!
[http://mlmist.blogspot.com]
[Traduction Alexandre MOUMBARIS]
Editions Democrite No 124
3 février 2016


Edité le 17-02-2016 à 19:36:31 par Xuan


Xuan
reveilcommuniste.fr

Le jugement historique à porter sur Staline : Annie Lacroix-Riz répond à son biographe trotskyste, Jean Jacques Marie - Réveil Communiste




Lettre diffusée par l'auteur, au moment de sa rédaction. Elle comporte trois parties : la réfutation des clichés colportés par Marie sur la personnalité monstrueuse prétée à Staline, le dossier d'archive sur les compromission du trotskysme pendant l'occupation, et une mise au point sur la famine ukrainienne de 1932.

Le Pecq, le 8 décembre 2007
Annie LACROIX-RIZ
Jean-Jacques MARIE

Cher collègue,
Vous me permettrez de préciser les inexactitudes et malhonnêtetés de votre article, tout en répondant aux arguments qu’avance votre courrier. Je ne vous reproche pas un modeste article de synthèse (et ne parle pas ici de votre « Staline paru chez Fayard » ou de votre « Trotsky paru chez Payot » dont on pourrait examiner le cas par ailleurs). Je fais allusion au brûlot paru dans l’Express des 20-26 septembre 2007 assimilant Staline à « Caligula [qui] symbolise la cruauté, la dissimulation, la mégalomanie, le bluff, le mépris des hommes, tous traits applicables à Staline. » Curieux choix. Vous prenez au pied de la lettre les auteurs latins (à commencer par cette commère de Suétone) dont on sait que, issus des milieux privilégiés, ils ont haï les empereurs qui montraient quelque combativité contre les prébendes des sénateurs. Caligula les traitait en effet fort mal mais, comme lui, j’ai plus de sympathie pour un cheval que pour un sénateur romain. Je n’avais pas songé à cette comparaison entre historiens contemporains « dominants » et chroniqueurs latins avocats d’une impitoyable société de classe, mais elle est riche d’enseignements.

Comme tous les collègues français ou presque, vous partez du principe que Staline a tué femmes, enfants et vieillards, sans parler des hommes valides, grâce à une réglementation, par lui élaborée, aussi idiote que féroce et qu’il aurait légitimée par des complots imaginaires. Ce qui vous donne l’occasion de brocarder « le mauvais roman des Sayers et Kahn ». Ce n'est pas parce que le regretté Vidal-Naquet, qui ne redoutait rien tant, et de longue date, que de passer pour « compagnon de route » du communisme, a donné sa caution à cette thèse – fort étrangère à son champ de spécialité – qu’elle est fondée. L'ouvrage en question, The great conspiracy against Russia, New York, Boni & Gaer, 1946, préfacé par le soviétophile sénateur Claude Pepper (un des deux seuls ambassadeurs « progressistes », avec Davies, nommés par Roosevelt), établit en effet que la Russie soviétique a fait l'objet depuis sa naissance d’un complot permanent des puissances impérialistes, acharnées à faire disparaître cet insupportable modèle socio-économique et politique.

Le travail de Sayers et Kahn appartient certes à la catégorie de « l’histoire immédiate », mais ses « notes bibliographiques » souffrent la comparaison avec « l’absence de références » de votre « court article de magazine », et quel magazine! Je vous renvoie à ces notes, précisées pour chaque chapitre p. 140-147 de cette édition de 1946 : elles incluent des ouvrages « officiels » soviétiques, d'autres, non soviétiques, assurément anti-trotskistes, mais documentés, ainsi que d’abondantes sources occidentales de renseignements, des archives étatiques publiées, tels les Foreign Relations of the United States, les papiers Lansing, le compte rendu sténographique des procès depuis le début des années trente, etc. J’ai consulté moi-même ce type de matériau au Quai d'Orsay (comptes rendus bruts et commentaires diplomatiques). Le document brut des séances est instructif, parce que, torturés ou pas, les inculpés fournirent des détails précis sur leurs tractations avec l’étranger qu’aucun tortionnaire, si habile fût-il, n’aurait pu leur inspirer, comme je l’ai fait remarquer naguère à propos des procès qui eurent lieu dans les démocraties populaires de l’Est européen, pendant la Guerre froide, contre de hauts clercs stylés et mandatés par le Vatican (Le Vatican, l'Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre froide (1914-1955), Paris, Armand Colin, 1996, 540 p., réédité en 2007, chapitre 11; sur l’appréciation desdits complots par une historiographie plus récente, cf. infra).

En outre, l’ouverture des archives internationales (soviétiques comprises, mais je travaille moi-même sur les occidentales, cf. infra) ne ridiculise pas, mais étaie la thèse de Sayers et Kahn du complot international, comme l’excellent ouvrage, traduit en français, d’Arno Mayer, Les Furies, terreur, vengeance et violence, 1789, 1917, Fayard, Paris, 2002. « L'ambassadeur d'un pays capitaliste devient fiable dès lors qu'il répète la propagande officielle, m’écrivez-vous. Pour répéter ainsi le mauvais roman des Sayers et Kahn, il faut tout ignorer du dossier Toukhatchevski à Moscou et même de la déclaration du collège militaire de la Cour Suprême de l'URSS de 1957 sur le procès des militaires qui en citait quelques extraits, documents autrement sérieux qu'une correspondance de diplomates étrangers. » J’ai consacré au « dossier Toukhatchevski » des mois de recherche indépendante dans les archives diplomatiques (françaises, américaines, britanniques, allemandes, récemment italiennes) et militaires françaises (Service historique de l'armée de terre, incluant des fonds spécifiques sur le procès Toukhatchevski) : leur concordance est formelle sur les tractations entre Toukhatchevski (et quelques-uns de ses pairs) et l’État-major de la Wehrmacht, impliquant cession de l’Ukraine contre renversement du pouvoir soviétique.

Ces sources d'origine très diverse excluent toute erreur et balaient les a posteriori de « la déclaration du collège militaire de la Cour Suprême de l'URSS de 1957 sur le procès des militaires ». Vous vous en contentez parce qu’elle cite « quelques extraits » favorables à la thèse de la réhabilitation de Toukhatchevski, que les dirigeants soviétiques prononcèrent en effet. Le père de Nicolas Werth, l’excellent journaliste britannique Alexander Werth qui, à la différence de son fils, aimait beaucoup l’URSS et ne haïssait pas son chef, souligna dès 1964 les périls d’une réécriture de l’histoire soviétique systématiquement antistalinienne. Il conclut à de sérieuses manipulations « khrouchtchéviennes », en confrontant à des récits d’après mars 1953 nombre de réalités politiques et événements que, ayant passé la période de guerre en URSS, il connaissait personnellement (La Russie en guerre, Paris, Stock, 1964, p. 19-20). Un document de 1957, favorable à Toukhatchevski, vous suffit à établir son innocence. Au nom de quel impératif méthodologique? En revanche, mes courriers diplomatiques, qui vous déplaisent, ne seraient pas des archives : votre remarque « Beau document d'archives puisqu'il est archivé! » relève du chef-d'œuvre de mauvaise foi. Vous me permettrez de prétendre, cher collègue, savoir aussi bien que vous ce qu’est une archive. Il n'est que de me lire pour le constater.

Je vous remercie donc de lire mon « ouvrage Le choix de la défaite » que vous n'avez « pas lu », notamment ses p. 389-407 (surtout 393-398). Moi, je vous parle de votre article, et je l’ai lu. Vous déduisez du « titre », qui vous déplaît, certes, mais que j’ai scrupuleusement et précisément choisi, que je recours aux « mêmes fables grossières » dont j’aurais usé « dans la lettre à Celia Hart en ignorant les documents soviétiques eux-mêmes. » Parlons-en. Lorsque j’ai répondu aux énormes sottises de Mme Hart, j’ai fourni à mes interlocuteurs les sources de documents établissant la complicité formelle, de 1935 à 1946, entre trotskistes, Trotsky en tête, et élites des puissances les plus résolues à en finir avec l’expérience soviétique (qu’on taxe cette ligne d’anti-stalinisme ne change rien à l’affaire). J’ai notamment envoyé à mon ami (trotskiste) Pedro Carrasquedo, le 22 octobre 2004, les références qui suivent, puisque, travaillant aux Archives nationales, il se proposait de les examiner pour « arbitrer », après le délai nécessaire à l’examen, entre mes accusations graves et les cris d’indignation de divers groupements trotskistes. C’est ce que vous appelez ignorance des « documents soviétiques eux-mêmes ». Pedro, que j’ai relancé dans les semaines qui ont suivi son engagement, n’a à la présente date toujours pas usé de son arbitrage et ne m’a plus reparlé du dossier après avoir différé sa remise d'avis.

Vous conviendrez aisément, puisque vous considérez toujours comme nulles et non avenues les accusations soviétiques de complot ou de complicité de ressortissants soviétiques avec des pays hostiles, que, pour établir les liens éventuels avec l’étranger, les sources diplomatiques et policières, notamment occidentales, sont indispensables. Je vous remercie de vérifier les sources que j’ai fournies, qui ne laissent aucun doute sur l’utilisation des trotskistes contre les communistes par les Allemands hitlériens avant et pendant l'Occupation puis par les Américains supposés démocrates. Je conçois que le dossier vous soit désagréable, mais je ne l’ai pas « forgé » (je vous adresse l’original in extenso du texte envoyé à Pedro, qui pourra confirmer mes dires, raison pour laquelle je lui communique notre échange).

Sur Knochen et Boemelburg, voir Le choix de la défaite et Industriels et banquiers français sous l’Occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy, Paris, Armand Colin, 1999, réédité en 2007, et surtout le prochain, De Munich à Vichy : la mort annoncée de la Troisième République, à paraître en 2008 chez le même éditeur.

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« PIECES INDIQUEES A PEDRO CARRASQUEDO SUR TROTSKI ET LES TROTSKISTES

Le Pecq, 22 octobre 2004

Remarques sur les pièces déjà indiquées, sur lesquelles nous pourrons discuter (j’en ai annoté une quantité considérable), et sur d’autres

3W, vol. 358, interrogatoire d’Allemands, AN,

Le dossier 4, Knochen, direction générale de la sûreté nationale direction des RG, janvier 47, révèle une filière d’utilisation d’« agents » trotskistes contre le PCF et sa propagande pro-soviétique :

Lutte contre le communisme, œuvre de Boemelburg, notamment très efficace utilisation de propagande trotskiste par agent Barbe ou Barbet, sur radios clandestines installées « consistait à critiquer l’évolution du communisme russe et plus particulièrement de Staline en soulignant qu’il s’éloignait de plus en plus des doctrines initiales de Marx et de Lénine », pour « dissocier les diverses organisations communistes en jetant le trouble dans les esprits », 104, et « d’autres collaborateurs français pour ces émissions mais je ne connais pas leur nom »; et usage d’autres comme le Tchèque Rado, « ex-officier des Brigades internationales », et deux autres agents Tchèques; et Boemelburg « avait d’excellents contacts avec des fonctionnaires de la police spéciale française et, notamment, Deitmar ((sic) Detmar d'après Berlière), Baillet et Rotte ((sic) pour Rottée).

(cet interrogatoire suggère qu’il a bien existé des « retournements » d’anciens des Brigades internationales, ce qui relève d’impératifs policiers élémentaires, et ce qui suit dans les dossiers F7 sur des financements réguliers depuis le milieu des années trente rend vraisemblable l’existence d’un noyau acquis aux Allemands depuis lors).
Europe URSS 1918-1940, vol. 988, relations Allemagne-URSS, novembre 33-décembre 39, MAE

Lettre 881 François-Poncet au ministre des Affaires étrangères, Berlin, 9 juin 37, 43-48, 6 p.

Et surtout, fondamental, Lettre 306 de Robert Coulondre au ministre des Affaires étrangères, Moscou, 15 décembre 37, 50-7, 8 p.

7 N 3123, URSS, rapports des attachés militaires, 1937-1940 (colonel, jusqu’en février 39, puis général Palasse), SHAT,

essentiel, tout voir sur 1937 et 1938, notamment tous comptes rendus mensuels et pièces des procès, dont interrogatoires, plus que troublants sur la situation depuis 1934-1936, vu leur recoupement avec d’autres éléments de la documentation, notamment sur l’Ukraine. La chronologie donne la preuve que ce sont les dénonciations des premiers inculpés qui fournissent les éléments nécessaires à l’enquête sur les généraux, et non une initiative préalable des dirigeants soviétiques ou de Staline pour tordre le cou à leurs (ses) rivaux.

Insistance sur le caractère catastrophique, vis à vis de l’étranger et de la politique de « sécurité collective », de ces procès, que l’URSS n’a pas voulus : sa politique extérieure est trop décisive dans la période pour justifier une initiative « intérieure » par ailleurs destructrice de la politique Litvinov.

Lis tout, et soigneusement (même si les inculpés ont été torturés, ils n’ont pu inventer sur ordre du GPu les révélations faites, et que le renseignement militaire de diverses capitales corrobore dans les mois suivant le « procès des généraux » et les exécutions de juin 1937 (compare avec les procès d’après Deuxième Guerre mondiale contre les clercs dans les pays d’Europe orientale, chapitre 11 du Vatican)

7 N 3150, URSS, rapports des attachés militaires, armée et politique, procès Toukhatchevski, épurations, SHAT

Tout voir, j’en ai 16 p. Ce dossier me semble irréfutable. Il est extrêmement surprenant que les excellents Haslam et Carley n’y aient pas mis les pieds. Carley a consulté les fonds du SHAT (cf. mon complément bibliographique de l’agrégation, que je te joins).

Je te laisse voir et on commente ensemble.

F 7, 13429, 1932, AN

Note A.V. 5 1552 sur « La collusion germano-soviétique », Paris, 4 février 32, dactylographié, 9 p. [plus précisément, note sur « les tractations entre l’État-major de la Reichswehr et l’État-major de l’Armée rouge qui ont eu lieu depuis 1922. », transmise parole ettre 1634 Ministre de l'Intérieur (direction de la Sûreté générale) au Président du Conseil ministre des Affaires étrangères, Paris, 5 février 32, dactylographié, 1 p., in URSS 1918-1940, vol. 1268, politique étrangère, 1930-1940, MAE]

sur la collaboration militaire germano-soviétique depuis Rapallo, [cf. aussi 1/4208, (P.P.), « D'un correspondant », Paris, 1er mai 31, dactylographié, 7 p., annoté presque in extenso, F 7, 13428, 1931]

Sur l’intimité entre certains généraux, dont Toukhatchevski, et la Reichswehr depuis la collaboration militaire des années vingt (Kork, etc., déjà soupçonnés dans les années vingt, et sauvés du poteau d’exécution par l’intervention de la Reichswehr)

F 7, 13431, juillet-décembre 1933 (3 documents de 1934 et 35 à la fin), AN

Ce volume établit l’existence de liens entre Pierre Naville et des agents hitlériens (ferait désordre, au colloque, imminent, si je ne m’abuse, sur Pierre Naville). Tu devrais, avec tes moyens, obtenir davantage de renseignements.

Bordereau d'envoi plusieurs courriers août-septembre envoyés par Contrôleur général Strasbourg au directeur de la Sûreté générale, Services de Police administrative, 28 septembre 33, paginé 320

Sur l’Allemand Pfeiffer, et groupement trotskiste, correspondance signée Ervin Bauer, mais au nom de Pierre Naville, 11, rue Manin, 19e.

Toujours documentation novembre sur Ervin Bauen et son courrier à Pierre Naville, avec renseignements novembre 33 (sic), paginé 566 (transmis à Contrôleur général … Alsace-Lorraine, lettre 10409, 15 novembre 33) sur le 2e

LA LUTTE CONTRE LA « DÉFENSE NATIONALE » NE RELÈVE PAS D’UNE TACTIQUE EXCLUSIVE D’EXTRÊME GAUCHE

F7, vol. 12960, 1e bobine, 1935, juillet-12 août 1935, 443 p., dossier dit des « notes Jean », AN

Promiscuités anticommunistes attestées entre des éléments trotskistes, cités, et Doriot (acheté pour sa part de longue date par les patrons, Laval et les Allemands), cf. P.P., 26 juillet 1935, 294-5, P.P. 2 août 25, 373-4 (sauf à faire preuve de naïveté politique, il faut expliquer politiquement la protection active de Doriot auxdits éléments)

F7, vol.15284, divers partis,

Dossier Parti communiste internationaliste (P.C.I)

plusieurs courriers de 1945 et 1946 des RG, sur le financement américain de la 4e internationale, notamment sur Pierre Naville, précis (j’en ai annoté cinq, sans préciser sur mes notes si ce sont les seuls du dossier, je ne m’en souviens donc plus)

(renseignements parfaitement compatibles avec le rôle anticommuniste joué aux États-Unis par le courant trotskiste contre le mouvement communiste, notamment dans le domaine syndical)

F7, VOL. 12961, 1E BOBINE, 1935, MARS-JUILLET 1936

C. 2976, Paris, 24 mars 36, 16

Rôle, notamment financier, des Allemands dans la réorganisation trotskiste en France

V.P. 6, Paris, 10 avril 36, 156-8, le choix des thèmes de propagande

Et plusieurs courriers, que je n’ai pas annotés, vois le volume. »
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« Sur la famine en Ukraine, de 1932-1933 », distinguons entre deux domaines : n’étant pas spécialiste de l’histoire sociale russe ou soviétique et ne lisant pas le russe, je n’ai abordé la question que dans la mesure où les énormités publiées sur « la famine en Ukraine » me paraissaient antagoniques avec « la correspondance de certaines ambassades occidentales », correspondance abondante et convergente. Cette affaire ukrainienne était pour moi suspecte, les courriers de 1933 regorgeant d’indications précises sur une « campagne allemande » relative à l’Ukraine et liée au plan de sa conquête. Sur le détail de l’histoire sociale, je me suis donc appuyée sur les multiples travaux étrangers parus ces dernières années, tous fondés sur les archives soviétiques. J’y ai trouvé confirmation de ce qu’établissait la correspondance diplomatique « occidentale » (pas italienne ni allemande) : la thèse génocidaire est absurde et « la famine en Ukraine », d'une part n'est pas spécifiquement ukrainienne (vous ne le prétendez heureusement pas), d'autre part est incommensurable avec celle des années vingt.

J’affirme pour ma part, documents diplomatiques divers à l'appui, que « la famine en Ukraine » fut considérablement gonflée par une campagne de presse inscrite dans le projet de conquête allemande. Ce tapage, qui faisait ricaner les diplomates, si antisoviétiques fussent-ils (tel François-Poncet), associa étroitement le Reich, la Pologne (à laquelle Berlin fit croire qu’il y aurait un morceau d’Ukraine pour elle, comme il lui promit, du dépeçage de la Tchécoslovaquie auquel elle participerait, le « pourboire » de Teschen – pour moins d’un an) et le Vatican, laquais du Reich – pour ne citer que les auxiliaires les plus importants, puisque tous les féaux de l’Allemagne s’alignèrent. C’est évidemment cette campagne que j’ai rencontrée d'abord, dans les sources diplomatiques.

Les travaux d’histoire sociale que j’ai lus ensuite ont confirmé ce qui ressortait des séries économiques et sociales des fonds URSS du Quai d'Orsay, à savoir que l’épisode devait beaucoup aux pratiques de rétention des paysans privilégiés (ou relativement privilégiés, mais ulcérés par la collectivisation). Ces travaux ignorent complètement les opérations germano-ukrainiennes en cours ou, comme vous, sans les connaître, les imputent aux forgeries intéressées de Staline. Notez cependant que le Reich finance le mouvement autonomiste ukrainien depuis la fin du 19e siècle, comme il appert clairement des volumes Allemagne de la « Nouvelle série 1897-1918 » du Quai d'Orsay). Restons sur le seul terrain socio-économique. Des trotskistes dont le chef théoricien n’a pas toujours récusé la collectivisation la trouvent criminelle quand c’est un Staline qui la réalise? « 1929-1930. Lance la collectivisation forcée ». Ah bon, parce que la contradiction entre les propriétaires bénéficiaires de la NEP et les paysans sans terre, d'une part, et la modernisation du pays, d'autre part, est une dimension étrangère à votre courant de pensée? « et instaure le goulag » (article, p. 40) : sur cette énormité, je vous renvoie à l’historique présenté par Mayer de la prison et du camp de travail dans l’histoire russe puis soviétique.

Vous constaterez à la lecture de la dernière version de ma présentation critique de « la famine en Ukraine » (qui figure sur mon site), jointe au courrier électronique par lequel je vous adresse la présente lettre, que je ne suis pas l’ignorante que vous croyez sur l’histoire sociale de l’URSS. Je maintiens toute mon argumentation sur le scandale du chiffrage des morts de « la famine en Ukraine » et ailleurs, chiffrage que vous-même, dans votre article (p. 40, « en Ukraine (4 millions de morts) et au Kazakhstan (1,8 million) » et maints collègues avez repris à la « source » statistique d’Alain Blum, consistant à regrouper une décennie de mortalité sur l’an 1933 (et pourquoi 4 en Ukraine?).

Vous m’avez sidérée par la remarque que, « en 1932-33 aucun photographe n'a pu mettre les pieds dans la région touchée par la famine et bouclée par l'armée et les troupes spéciales du Guépéou. » Il existerait donc un exemple historique qu’une interdiction officielle de photographier ait empêché la prise clandestine de photos? Manquons-nous de photographies clandestines sur « la destruction des juifs d’Europe »? L’URSS était, quoique vous en pensiez, truffée, surtout en Ukraine, d’agents divers, surtout allemands et polonais, très souvent déguisés en clercs, et chargés de renseignement militaire (je vous renvoie à cet égard à mon ouvrage Le Vatican, l'Europe et le Reich, explicite et documenté). Le début de la décennie trente a correspondu à leur effectif maximal dans ce malheureux pays. Ils ont accumulé les plans d’installations militaires (j’en conte tel épisode « vatican » mais ils n’auraient pas fait de photos? C’est une thèse absolument irrecevable. Et, comme il n’existe pas de photos de « 1932-33 », vous trouvez naturel qu’on les remplace par celle de la famine de 1920-1921? Vous devriez consulter l’ouvrage du photographe-historien Tottle Douglas, Fraud, Famine and Fascism. The Ukrainian Genocide Myth from Hitler to Harvard, Toronto, Progress Book, 1987.

Vous dites pouvoir « sans aucun problème […] mettre une ou plusieurs […] sources archivistiques soviétiques et russes, de première main […] en face de chacune de [vos] affirmations ». Je vous remercie donc de me préciser à quelles sources « de première main » contemporaines des faits (et non postérieures à la mort de Staline si elles ne sont pas contrôlables par des sources « de première main » vous avez puisé vos développements « psychologisants » sur cet homme fourbe, sadique, cruel, rompu à « la méfiance et la dissimulation » par sa formation au séminaire de Tiflis (article, p. 41); sur le lien entre le jugement de Soukhanov sur Staline « tache grise » et la « balle dans la nuque » dont il mourra « plus tard », ce nul étant « rancunier ». La « société » soviétique aurait été « affamée » (sur quelles études économiques vous appuyez-vous?, les archives que je fréquente depuis des décennies établissent plutôt les progrès dans l’alimentation de la population entre 1917 et 1941). D’où tenez-vous que « la terreur » relevait de la seule malignité de Staline? Car selon vous, l’Allemagne ne s’occupait pas de l’URSS, pas plus que de l’Ukraine : d'ailleurs, quand la Wehrmacht est entrée en URSS, le Reich n’avait jamais rien fait ni tenté contre l’URSS, pas stipendié ses adversaires – pas plus que dans le reste de l’Europe occupée d'ailleurs. Allez donc lire ce que pensait le père de Nicolas Werth de la Gleichshaltung de la France de 1938. Paris et Londres ne s’étaient non plus jamais occupés des Soviets, ni Washington, ni Rome-Saint-Siège. La Cinquième Colonne, terme inventé par les franquistes pour qualifier leurs œuvres dans le camp républicain espagnol, serait une invention stalinienne. C’est comme la Révolution française : l’aristocratie européenne a tranquillement attendu qu’elle « mangeât ses enfants », en lui consacrant à peine un regard. Vous rejoignez l’historiographie la plus réactionnaire, Furet et ses héritiers, qui a actuellement envahi le champ de la Révolution française et clame partout que les révolutionnaires ont, sinon totalement inventé, du moins instrumentalisé le péril contre-révolutionnaire (voir les travaux de Jean-Clément Martin, dont la nomination a sonné le glas de l’influence marxiste – stalinienne? – sur cette historiographie, si solide depuis Mathiez).

Je conteste formellement votre thèse, celle de l’historiographie dominante française, de la fabrication des complots. L’historiographie « révisionniste » américaine ou britannique fournit depuis des décennies des travaux documentés par des sources étatiques « de première main » sur lesdits complots. Votre citation du seul « mauvais roman des Sayers et Kahn » date singulièrement, tant ce champ de recherche a été confirmé et rénové dans les dernières décennies. Arno Mayer recense un certain nombre des travaux correspondants. Roberts aussi, dont vous réduisez les ouvrages (j’en ai cité un, mais il y en a d’autres) à des « études britanniques qui […] utilisent des fragments […] de documents d'archives accessibles » (assurément, vous n’avez jamais lu Roberts). J’en cite également beaucoup, notamment dans la recension du dernier livre de Roberts (qui figure sur mon site), et je trouve depuis plus de 35 ans traces diplomatiques, militaires et policières avérées par leur abondance et leur concordance de ces complots « occidentaux ».

Admettons que Staline aurait « tenu » des militants par la connaissance de leurs faiblesses. En quoi la chose signale-t-elle son indignité? Trotskiste, et par définition « militant révolutionnaire » ou « ouvrier », vous connaissez la fonction des responsables des « biographies » des militants et la règle établie par l’Internationale communiste à ce sujet (qui n’avait pas scandalisé Trotski à son époque bolchevique, à ma connaissance). Elle n’établit pas la vilenie des communistes, mais la simple conscience que le camp d’en face pouvait introduire des « moutons noirs » dans le leur. Complot imaginaire? J’ai consulté dans le volume F7 13427, Allemagne, renseignements 1929-30 (Archives nationales) les « listes noires du PC allemand » que détenait la police française (et comment donc? Par quelle curieuse voie?). Elles comportaient « deux parties » : 1° « espions, provocateurs et traîtres », 2° « Escrocs, chevaliers d’industrie et nuisibles au parti ». La confrontation de ces listes avec des sources directes légitime ces précautions communistes de « flicage », qui ne faisaient que répondre à l’adversaire. La pression étrangère en URSS, réelle, non imaginaire, et l’achat de militants par l’adversaire (dont vous auriez une idée précise en lisant mon Choix de la défaite, et bien d’autres avant moi ont traité du cas de Doriot) ont évidemment enraciné ces pratiques. Elles vous choquent? Pas moi, qui suis habituée aux archives policières, donc à la traque des révolutionnaires et à la corruption de militants las de la dure action de classe, piégés pour un motif ou un autre, tentés par une vie plus facile, etc.; qu’elles attestent. Je comprendrais, même si je n’avais pas de sympathie politique précise, que les révolutionnaires aient tenté de se prémunir contre le flicage et la corruption éventuels des leurs. Ils avaient en effet fort à faire. L’épisode des fonds inépuisables de l’UIMM ne surprend que ceux qui ne travaillent pas sur les fonds des services spécialisés de la police, seule sources sérieuses sur ces pratiques.

En revanche, quelles sont vos sources sur la tenue en laisse de Thorez et d’Ernst Thälmann, par Staline qui « aim[ait] les taches »? Prétexte à imputer à Staline seul la ligne « de combattre en priorité les socialistes, jugés plus dangereux que les nazis » (article, p. 42). Il faut résolument ignorer l’histoire allemande, et le rôle réel du SPD de soutien actif aux forces de réaction avant, pendant et après la Première Guerre mondiale, pour attribuer le conflit SPD-KPD aux caprices de Staline. Vous n’allez pas dans votre article jusqu'à mentionner la thèse de Margaret Buber-Neumann, selon laquelle cette canaille de Staline aurait livré à Hitler les militants du KPD. Merci de me dire si des archives soviétiques ont confirmé la thèse de cette ex-communiste que l’Occident a sacralisée autant que Kravchenko (franche canaille selon les fonds du Quai d'Orsay, formels : correspondance de janvier 1948, Europe URSS 1944-1948 vol. 45, relations avec les Anglo-Saxons, janvier-mai 1948, MAE qui a d'ailleurs usé de son témoignage au procès de 1949). Je n’ai en des décennies jamais rien trouvé sur ce point, mais vous suggérez que Staline obtint par le pacte germano-soviétique la capacité de libérer des griffes hitlériennes certains militants communistes ou d’y maintenir les autres, tel Ernst Thälmann qui, « emprisonné par la Gestapo, […] ne sert plus à rien. Staline le laissera pourrir en prison. » (article, p. 42). Il aurait donc eu le pouvoir de l’en sortir.

Je n’ai pas lu « les lettres envoyées par Thälmann à Staline et Molotov par l'intermédiaire de sa femme Rosa », mais j’ai consulté des sources m’autorisant à mettre en doute vos affirmations. Je mentionne en passant votre présentation, peu originale en France, du pacte germano-soviétique – une des horreurs que vous imputez à Staline (article, p. 40), dont je présente les origines, depuis 1932-1933, dans Le choix de la défaite. Ce fut une simple précaution, de l’avis du grand antibolchevique Churchill, prévue depuis 1933 par les diplomates et attachés militaires « occidentaux » au cas où l’URSS n’obtiendrait pas une alliance tripartite comme celle de 1914. Cette thèse, confirmée par les sources et la bibliographie que vous ignorez, interdit à tout historien à la fois documenté et honnête de transformer l’URSS et le Reich en alliés du 23 août 1939 au 22 juin 1941. J’affirme, comme Roberts et Carley, qu’ils ne le furent point. Et j’accorde crédit à un document figurant dans le volume 36 de la série URSS Europe 1944-1949 du ministère des Affaires étrangères, Allemagne-URSS octobre 1944-octobre 1947, établissant que seuls les hitlériens avaient pouvoir sur Ernst Thälmann, et aucunement Staline. Selon cette note de renseignement (sans date, classée dans de la correspondance de novembre 1944, « Expérience russe Heinrich Himmler »), était considérée, le 15 février 1945 (date manuscrite) comme « vraisemblable » par la direction Europe du Quai d'Orsay, Himmler tenta depuis la fin 1943 d’utiliser Thälmann comme intermédiaire dans une tentative de « paix séparée germano-russe » (divers détails sont fournis sur ses conditions). La pression dura, mais le dirigeant communiste ne voulut rien savoir. Himmler décida donc, au bout de plusieurs mois de « supprimer les témoins gênants de cette “expérience”. Thälmann fut assassiné par la Gestapo [en août 1944] sur l’ordre de Himmler et pour donner le change, on exécuta avec lui quelques autres détenus politiques. Officiellement, le gouvernement du Reich annonça que le camp de concentration où se passa le drame [Buchenwald] avait été atteint par des bombes ennemies au cours d’un raid aérien. Les deux hommes de confiance de Himmler furent impliqués dans l’affaire du complot contre Hitler et exécutés. » Qu'est-ce que Staline a à voir avec le sort d’Ernst Thälmann après mars 1933?

Sur Staline pendant la guerre, vous répétez tous les poncifs sur le pleutre terrifié, méfiant envers un Sorge habitué des bordels, « paralys[é] » par le 22 juin 1941; manque à peine la thèse de la pure et simple surprise, Staline étant pris « à la gorge » par l’invasion; « piètre chef de guerre » seulement « soucieux […] de dresser les généraux les uns contre les autres », hurlant au faux complot pour expliquer « la débâcle » dont il est seul responsable (article p. 45). Vous gagneriez à lire Roberts, qui, avec ses sources (pas des bribes) et son immense bibliographie, vous dément en tous points. De quelles sources directes tenez-vous 1° le discours de Staline au « chef de la Tcheka » sur les délices du « choix de la victime » et de l’assouvissement de la vengeance? (article, p. 45-46), 2° l’épisode suivant, exemple concret présumé de la passion de Staline pour le rôle du chat écrasant la souris (p. 46). Vous servez au lecteur la thèse de l’antisémite (« Sa campagne antisémite vise à décimer les juifs », p. 46), qui nous change de celle de la droite et de l’extrême droite que vous ne mentionnez pas, qui avait inondé l’entre-deux-guerres, du Staline « pantin des juifs ». Merci de vous reporter sur ce point à mes arguments critiques de Roberts sur l’après 1945. Votre amalgame final sur les thèses alléguées des « vétérans » est franchement indigne.

Votre humour sonne faux sur l’« “historien” anglais » (pourquoi ces guillemets ? Vous lui refusez le titre d’historien?) qui pourrait « pomper [l]e gros livre […d’] un “historien” stalinien russe » (qui? Pas historien non plus? Alors, les seuls historiens sont les historiens français antisoviétiques?). Ces façons, qui frôlent la xénophobie, surprennent, moins cependant que l’incroyable incapacité des historiens trotskistes français (l’Américain Moshe Lewin, lui, ne nie pas les évidences) à envisager les rapports sociaux quand ils traitent de celui qui a dirigé l’URSS de la fin des années vingt à 1953. Accepteriez-vous de n'importe quel « historien » ou historien qu’il évacue l’analyse économique et sociale? C’est ce que votre haine de Staline vous conduit à faire de façon systématique, comme nos collègues vernaculaires de tous bords, extrême droite incluse. C’est désolant. On peut à propos de l’URSS de Staline écrire n'importe quoi, comme on agit avec les photos : puisqu’on ne dispose pas des bonnes (et pour cause), on fait avec les fausses, car cesser d’ériger Staline en monstre sanguinaire, fût-ce sur la base de sources convergentes, serait « vraiment gonflé ». Le « militant ouvrier » que vous flattez d’être ne s’interroge-t-il pas sur l’exploitation par « l’ennemi de classe » de sa réputation de « spécialiste de l’URSS »? Si le stalinisme vous fait horreur, ne réfléchissez-vous jamais à la remarque du vieux Bebel sur le sens des flagorneries ou félicitations de la bourgeoisie? Aucun « militant ouvrier » ou historien honnête et indépendant n'est sollicité par L’Express pour ses qualités militantes ou scientifiques. Et notre collègue anglais Simon Sebag Montefiore, auteur dans le même magazine du torchon « Le voyou qui lisait Platon » (p. 48, 50), pourrait y réfléchir aussi, lui dont tous les ouvrages obtiennent traduction immédiate en français, tandis que Roberts et tant d’autres sont condamnés à l’obscurité.

Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz


Edité le 17-02-2016 à 19:27:20 par Xuan


Xuan
Présentation par Gilbert Remond :

Voila un moment que je voulais vous faire parvenir un dossier sur Staline, l'histoire de tordre le coup à quelques vipères lubriques qui jouent les serpents de mer dans tous les débats que nous ouvrons sur le socialisme et la question du parti. je voulais le faire après la projection du film à sensation Apocalyspe Staline, mais n'ai pu y parvenir a cause des taches militantes du moment qui s'imposaient et la nécessite de prendre parti sur des sujets plus vif dans l'actualité. Ensuite j'ai laissé trainé et puis j'ai oublié, mais Gilles Questiaux vient de publier coup sur coup deux articles sur son blog Réveil Communiste qui ramène la "légende noir" sur le devant de nos écrans. je les ai repris sur ma page facebook où ils ont immédiatement déclenché des prises des positions contradictoires, significatives de l'état d'esprit du moment et de l'état de résistance qui conjointement commence à lui répondre. Une troisieme publication m'était proposé dans la foulée, que je vous livre aussi étant donné son caractère surprenant et non dénué d'intérêt.

Il s'agit d'un entretient qui a eu lieu entre Staline lui même et l'auteur anglais HG Wells, déposé par un camarade lecteur de nos blogs . Ainsi de grands auteurs recherchaient la compagnie du morne tyran et prenaient plaisir à sa conversation! Imaginez cela aujourd'hui ? Sans doute les intellectuels de ce temps avaient-ils d'avantage les yeux ouverts sur le monde et sur ceux qui y vivent. Ils avaient aussi certainement d'avantage conscience de ses désordres et de leurs dangers après les années terribles de la guerre qui venaient de ravager le globe. Sans doute sentaient -ils que tout n'était pas terminé et pressentaient-ils que cela allait reprendre dans des conditions encore pires. mais l’espoir était la aussi, il s'appelait l'union soviétique. Le communisme était la jeunesse du monde. Oui c'était le temps des écrivains aventuriers et de l'humanité rouge.

Les John Reed , les Malraux, les Hemingway, les Kessels, les Edgar Snow, les Romain Rollands, les Jacks London , les Alexander Werths , ceux la se mouillaient, allaient sur place prenaient parti dans les conflits, parfois les armes a la mains et rendaient compte de ce qu'ils vivaient. Ce n'était pas des starlettes de plateaux télévisés qui col de chemise grand ouvert reconstituent leur improbables témoignages dans des studios dédiés à leur basses œuvres de littérateur en mal du siècle. Le simulacre remplace le vrai et la contrefaçon de l'histoire devient une preuve d’authenticité labellisée par les services secret. Les historiens et les grands reporter son devenus des agents en service d'état.

Apocalypse, nous dit-on. De livre noire en livre noir, le terme s'impose et son prédicat se nomme Staline . Au départ il s'agit de dire au monde l'inimaginable. Deux écrivains correspondants de guerre dans l'armée rouge se font les contempteurs du nazisme en rapportant ce que découvrent les soldats qui se battaient sur le front de l'est. Dans un premier temps Ehrenbourg auteur connu en France et ami d'Aragon décide de rassembler les journaux intimes qu'il avait reçu de ces combattants ainsi que les documents trouvés dans les territoires libérés où s'accumulaient récits et correspondances, lettres de condamnés, dépositions et témoignages, concernant l'extermination des juifs par les nazis. Il décide d'en composer un livre noir avec le projet de le publier. Vasili Grosman l'aide dans cette tache. Nous sommes en 43.Plusieurs fragments de cet ouvrages sont publiés par la revue Znamia mais ensuite les choses trainent. Des règlement de compte ont lieu. Ehrenbourg est dépossédé de la publication au profit d'un comité anti fasciste juif qui a son tour connaitra des déboires et la répression. Ehrenbourg ne lâchera jamais son projet d'édition . Vassil Grossman de son côté recyclera le travail de collectage dans son roman" vie et destin". Nous savons depuis quelle utilisation il en sera fait. Finalement c'est en 1970 en pleine campagne anti soviétique que le livre sortira au édition Act Sud sous le non désormais générique de" livre noir". Littel viendra quelques décennies plus tard y chercher le matériau de ses "Bienveillant"

En effet de livre noir en livre noir "All is black" sur une histoire qui ne retient que la monstruosité et l'assassinat organisé, l'idée de l'existence d' un génie de la destruction et de l'effacement. Bref vous connaissez tous, les couplets de la chansons que l'on nous serine désormais depuis des décades . Staline est le troue noir qui absorbe tout. Les crimes commis par le capitalisme et par son avatars le colonialisme disparaissent de l'histoire et de nos écrans grâce a son envergure sanguinaire. Le livre noir lave plus blanc que toute les lessives que nous avons su produire a un point que Coluche n'aurai jamais pu imaginer. C'est un tyran, un assassin. L'Assassin, me dit on . Hitler, Mussolini, l’empereur du japon, franco , Chang Kai Check, tous les fascistes qui composaient le pacte d'acier, les oustachis, les bandiéristes, les milices de tout poiles, tout cela est oublié, relégué, effacé. Il n'y a que Staline qui se dresse dans l'histoire pour la peindre en noir et la truffer de monceaux de cadavres. " J'en ai froid dans le dos" disait a la maire socialiste de Vaulx nouveau secrétaire d'état a la ville son allié de la veille éliminé froidement après un vote surréaliste en conseil municipal, suite a des intrigues de coulisse. "Heureusement que le goulag n'existe plus" dit-il en regardant l'opposition de gauche, parce que bien sur dans l'imaginaire social historique il n'y a désormais que les Staliniens pour liquider les opposants gênant.

Tant que durera cette légende, tant que des militants qui se réclament du mouvement ouvrier faisant chorus avec la réaction la plus" noir" continueront à dire de telles inepties , tant que nous ne rétablirons pas la vérité sur cette période qui certes n'était pas facile et pendant laquelle comme partout ailleurs des erreurs ont été commises , nous ne pourrons pas reconquérir les masses sur un projet de transformation effectif de la société. Une frontière a été établie a ne pas franchir ramenant toute velléité de faire autrement a être voué a commettre des horreurs. C'est pourquoi il importe de dire que Staline a été un dirigeant communiste pris dans une guerre civile européenne ( pour reprendre le titre d'un livre de E. Traverzo) sans merci, qui continu de manière larvée mais tout autant redoutable, contre les peuples qui aspirent à leur autonomie parce que justement depuis la mort de Staline les forces de la réaction et impérialisme n'ont cessé de reprendre de l'influence et de progresser, qu'elle mènent une guerre affichée, qu'elles prétendent conduire au nom du bien contre le mal mais qui nous le voyons depuis quelque mois en France concerne d'avantage les syndicalistes combatifs que les terroristes de Daech, leur créatures.

Enfin il est temps de rappeler comme nous le faisions quand notre parti n'avait pas peur de son nom que "Staline a trouvé une Russie qui labourait la terre avec des araires en bois, et qu'il la quitté alors qu'elle est la deuxième puissance mondiale et disposait de l'arme atomique, que sous sa direction des millions de gens ont quitté les couches inférieurs de la société et ont eu accès à des postes de hauts niveau : professeurs, médecins, ingénieurs, officiers etc . Qu'il a vaincu au prix d'efforts et de sacrifice gigantesques l'armée la mieux entrainée , la plus puissante et la plus redoutable du monde. Tout cela n'aurait pas été possible sans une grande révolution culturelle jamais vue dans l'histoire de l'humanité qui a consisté a envoyer tout un peuple a l'école" mais aussi a une industrie lourde construite de toute pièce par ce peuple.
Amicalement
Gilbert Rémond


suivent quatre articles
1 le jugement historique a porter sur Staline D'Annie Lacroix -Riz
2 sur Staline, une entrevue avec Grover Furr - Carl Hiller
3 la question préalable des sources de la série apocalypse Staline Annie lacroix-Rize
4 Entretient Staline HG Wells


Edité le 17-02-2016 à 19:39:58 par Xuan


 
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