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Paria
La répression du 2 novembre 2007 a Oaxaca encore passée sous silence par les médias français Complices

Aussi complice que la police française qui forme encadre et entraine les assassins de la Pfp mexicaine depuis 1994


Je vous adresse le témoignage de notre camarade Nicéforo Urbieta, arrêté puis relâché le 2 Novembre à Oaxaca

Le Vendredi 2 novembre à environ 7 heures du matin, des habitants des différents quartiers périphériques (colonias) étaient en train de se rassembler au rond-point « 5 Señores » pour élever un autel traditionnel en commémoration des victimes des peuples de Oaxaca. Les gens arrivaient avec des fleurs, des pains spéciaux (pan de muerto) , des bougies, de la nourriture, ainsi que de la sciure, des pigments et des camions de sable pour créer des personnages sur un tapis funèbre.

C'est à ce moment là qu'une voiture noire sans plaque d'immatriculation est arrivé et a foncé sur un groupe de camarades qui étaient en train d'organiser l'événement, essayant de leur rouler dessus, la voiture prit alors la fuite à grande vitesse. En même temps, des policiers armés de fusil d'assaut AK-47 et FAL remontaient et redescendaient les contre-allées, deux par deux, et d'autres prenaient des photos et des vidéos des participants afin de les intimider et d'en faire un enregistrement pour le fichage policier. Ayant terminé, ils sont partis.

Environ 5 minutes plus tard, plusieurs camions de patrouille ont déboulé à grande vitesse de toutes parts, sur les 6 rues et avenues qui convergent vers le rond-point connu sous le nom de « Cinco Señores », provoquant la dispersion des participants. Puis ces camions de patrouille se sont rapprochés des manifestants et quelques uns se sont arrêtés là où étaient concentrés les camarades. Sans un seul mot, [les policiers] ont commencé à battre les gens et à charger tout le groupe dans plus de 10 camions de type pick-up qui encerclaient les manifestants pour les empêcher de s'enfuir. Puis ils se sont précipités sur les camarades qui avaient commencé à créer l'Autel Commémoratif, pendant que ceux qui avaient des fusils s'en servaient pour leur taper dessus. Ils ont prenaient les gens par la ceinture et les jetaient dans les camions jusqu'à ce que ceux-ci soient pleins de prisonniers, entassant les corps les uns sur les autres comme des sandwichs, hommes et femmes ensemble, professeurs, maçons, architectes, étudiants de l'Université Autonome Benito Juarez (UABJO), membres du Conseil de l'APPO (Belén, Román). Pendant le trajet vers le Ministère de la Protection Civile [SEPROCI], ils ont été battus et injuriés avec toute la vulgarité policière habituelle.

Après, dans les cellules de la police, les camarades ont subis des interrogatoires accompagnés de violences physique et verbale. Les techniques de terreur psychologiques étaient appliquées, [les interrogateurs] disaient aux gens qu'ils allaient les tuer ou leur verser de l'essence dessus et les mettre en feu, montrant une cruauté plus forte encore envers ceux qui avaient des cheveux longs.

Dix-sept d'entre nous ont été libéré de SEPROCI à 11 heures grâce à la pression exercée par les camarades, parmi lesquels des proches de leurs familles, le Comité de Défense des Droits de l'Homme, le Comité 25 Novembre, les Comités de Voisinage des colonias de « 5 Señores » et de « Sta. Lucia del Camino » ainsi que des étudiants de l'UABJO.

Trois camarades de l'APPO ont été emmenés vers un Centre de la Sécurité à l'ouest de la ville avant d'arriver au SEPROCI.

Nous allons confirmer la mort d'un camarade qui a reçu une balle dans le dos puis est passé sous les roues de deux camions alors qu'il venait d'être tué. Deux anciens témoins de l'incident disent qu'une fois à terre, il a été achevé par les deux camions de patrouille. Après quoi ils ont interpellé les policiers en disant « si vous croyez que ce crime va effrayer les gens, vous vous trompez, au contraire ça va devenir bien pire ». En ce moment même, une marche commence de l'Hotel Magisterio vers le rond-point « 5 Señores », là où, il y a un an, le peuple a arrêté l'agression de la Police Fédérale Préventive (PFP) contre la station de radio de l'UABJO (XUBJ Radio Universidad 1400 AM)

PS : Deux blessés sont à l'hôpital. C'est tout ce que l'on a pu rassembler comme info.
Paria
Nouvelles d'Oaxaca

AUX ORGANISATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES DE DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME

A LA SOLIDARITE NATIONALE ET INTERNATIONALE AVEC LE PEUPLE D'OAXACA

AUX PERSONNES BIEN INTENTIONNÉES DU MEXIQUE ET DU MONDE

A NOUVEAU LES ASSASSINS FELIPE CALDERON ET ULISES RUIZ ORTIZ RÉPRIMENT,

TORTURENT ET EMPRISONNENT LE PEUPLE DE OAXACA

Un an après la bataille livrée contre la police fédérale préventive, le peuple d'Oaxaca regroupé dans l'APPO s'est rassemblé massivement et de manière pacifique en ce jour du 2 Novembre de 2007 pour déposer des offrandes à la mémoire de tous les compagnons tombés au carrefour des 5 Señores. Cela a commencé à 6 h du matin et à 7 h30 les forces de répression mandatées par Ulises Ruiz Ortiz sont intervenues brutalement avec des fourgons de la UPOE, de la police ministérielle et aussi avec des véhicules militaires et des policiers en civil.

Ils ont agressé des membres de l'APPO, arrêtant illégalement, arbitrairement et violemment environ 20 personnes parmi lesquelles des enseignants, des étudiants, des membres d'Organisations Sociales et des gens du peuple en général, tels Ernesto López López et Eduardo Diaz, membres du CODEP-APPO, l'instituteur Nazario de l'Éducation Indigène, l'institutrice Belem de l'Éducation Spécialisée, entre autres.

Ils ont agressé tous les représentants des médias, comme Carlos Leyva et toute son équipe, ainsi que d'autres télévisions.

Ils ont bloqué toutes les rues autour de ce carrefour des 5 Senores, fouillant les maisons des quartiers voisins, comme celui de colonia Gomez Sandoval. Ils continuent à arrêter toutes les personnes qui passent près de leur blocus.

Nous demandons que ces actes soient dénoncés pour que cessent les agressions contre l'APPO et le peuple d'Oaxaca et qu'Ulises Ruiz et Felipe Calderon soient condamnés pour tous les attentats et tous les crimes commis à l'encontre du peuple d'Oaxaca.

POUR NOS COMPAGNONS MORTS, DISPARUS, PRISONNIERS ET POURSUIVIS POUR RAISON POLITIQUE, NOUS NE RECULERONS PAS D'UN PAS !

COMITÉ DE DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE ASSEMBLEE POPULAIRE DES DROITS DU PEUPLE

POUR LA DEFENSE DES DROITS DU PEUPLE QUI CONSTRUIT LE POUVOIR POPULAIRE !

CODEP -APPO

Ville de la Résistence, Oaxaca, le 2 de novembre 2007.
Paria
Un article sur la Guelaguetza :

La revanche de la Guelaguetza

La "Guelaguetza" est une invention relativement récente, ce qui n'a sans
doute plus beaucoup d'importance aujourd'hui. On en connaît la date de
naissance (1932), sur l'initiative d'un gouverneur (Francisco López
Cortés) et parrainée par un président de la République mexicaine (Abelardo
Rodríguez, président par intérim, en 1933), et elle possède un sérieux
handicap (elle est issue d'une initiative raciste, celle de rendre "un
hommage racial" aux Oaxaquiens d'en bas) tout en s'inscrivant dans
l'action humanitaire qui a suivi le tremblement de terre de 1931 ayant
fait d'énormes ravages dans l'Oaxaca, à qui notre Union fédérale mexicaine
était soucieuse de prêter une main secourable. La Guelaguetza urbaine,
surgie suite à un séisme, fête donc ses soixante-seize ans, secouée par un
nouveau séisme.

Ce qui n'est pas sans importance aujourd'hui, c'est qu'elle nous sert à
faire remarquer, une fois de plus, à quel point ce pays est sans vergogne,
qui autorise à rester en place à un gouvernement usurpateur, mafieux et
violent comme l'est celui d'Ulises Ruiz Ortiz. La "dispute" pour la
Guelaguetza est devenue révolte d'un symbole sur un terrain
douloureusement réel et concret.

Puisant ses origines dans les traditions festives des vallées centrales de
l'Oaxaca majoritairement zapotèques, puis expropriée par les missionnaires
espagnols qui lui ont substitué le jour de la Vierge du Carmen, la
Guelaguetza a toujours été une fête populaire qui se fonde sur le don et
la coopération communale. Ce n'est pas par hasard qu'elle est issue d'une
civilisation pratiquant le tequio (le travail collectif pour le bien
commun).

La légende des amours tragiques de la princesse zapotèque Donají, fille du
seigneur de Zaachila (région déjà christianisée à l'époque) et de Nucano,
un guerrier ennemi mixtèque, avait été mise à profit par les missionnaires
pour asseoir la domination des Zapotèques et des Mixtèques. Depuis lors,
cette fête et ses danses sont syncrétiques (comme quasiment toutes les
manifestations indigènes qui survivent de nos jours). Le fait est que la
Guelaguetza représente le banquet par excellence du pouvoir politique et
patronal de l'Oaxaca, qui s'abrite derrière l'hypocrisie typique du
racisme métis : utiliser l'indien pour encenser son maître. En ce début du
XXIe siècle, la bourgeoisie locale conserve certains aspects du XVIIe
siècle, dans le pire sens du terme. Sans oublier qu'aujourd'hui, pour
participer aux festivités, on doit passer par Ticket Master et/ou American
Express.

L'État postrévolutionnaire s'est servi de la Guelaguetza pour attirer les
Mixes, les Zapotèques de l'Isthme, les Huaves, les Mazatèques des
montagnes. Intégration. Identité. Contrôle ? Aujourd'hui, elle est censée
être une cérémonie des seize peuples (et surtout pas "ethnies" de
l'Oaxaca. Non pas pour qu'ils se rassemblent. Non, uniquement pour qu'ils
se montrent sous leur plus beau jour. Au fil des ans, la Guelaguetza est
devenue une grande offre touristique pour les hôtels, les restaurants, les
agences de voyage, les boutiques d'artisanat, les bijouteries et les
services. Pour les peuples, le pourboire. Qu'ils dansent, s'adonnent à
leur folklore et se tiennent tranquilles !

Au cours de son évolution, passant d'être un festin à un spectacle, elle a
été transférée sur la colline du Fortín, où elle a été lentement
assassinée, pierre après pierre. Sous le mandat de José Murat, elle était
déjà totalement pervertie : les Indiens déposaient leurs offrandes aux
pieds du "señor" (guajolotes [dindons] vivants, fruits, pain, fleurs) et
les filles de leurs maîtres pouvaient s'afficher en dansant parmi les
Indiens. Ulises Ruiz était bien loin de soupçonner ce que serait la
Guelaguetza qui scellait son destin : une crise répressive (pour la
deuxième année consécutive). Au rythme où vont les choses, ce sera sa
tombe, politiquement parlant.

Nous assistons à une nouvelle transformation de la Guelaguetza, qui se
perpétue par ailleurs telle quelle chez de nombreux peuples de l'altiplano
de l'Oaxaca. L'APPO la voit comme une tradition à réhabiliter, au moment
précis où l'on semblait oublier le sens profond du mouvement social dans
cet État (et non pas seulement dans la capitale). Celui d'une lutte qui ne
date pas d'hier et qui a déjà trouvé ses diverses manières de dire "basta
!" dans chaque peuple.

Avec le retour en scène de l'EPR et les très productives théories du
complot censées expliquer le mécontentement dans l'Oaxaca par la
"provocation" ou par le "complot de groupes extrémistes", la répression a
perdu toute pudeur et toutes limites. Même le scandale à l'échelle
internationale semble "gérable". Et ne parlons pas des médias.

Les capitalistes d'Oaxaca sont désespérés. Le butin que leur rapporte le
tourisme (en vampirisant les Indiens) risque de s'évaporer. "On veut nous
ôter la Guelaguetza", brament-ils dans le dernier couplet de leur discours
sur "l'identité oaxaquienne" menacée par le désordre qui vient assurément
de la planète Mars et mérite "tout le poids de la loi" – et peu importe
que ceux qui sont censés faire respecter la loi soient les instances les
plus illégales de l'Oaxaca : l'exécutif, le parlement, les forces de
police et les magistrats. (Qui d'autre aura d'ailleurs à répondre de la
"correction" criminelle qu'a subie Emeterio Merino Cruz ?)

Il y a cependant une Guelaguetza populaire qui attire les foudres
répressives des gestionnaires de la fête patronale (du mot patron),
uniquement parce qu'elle réclame la place qui lui est due. Il se peut
qu'Ulises Ruiz Ortiz soit le dernier "seigneur" de la Guelaguetza
artificielle, lui qui ne peut se rendre au bal sans cordon de grenadiers
et sans militariser toutes les routes, pour cette "fête" que l'on voyait
déjà servir de défilé de mode aux gamines de riches, sur fond de figurants
en chair et en os des communautés indigènes pomponnées et emplumées, des
jeunes filles déguisées à leur tour en Indiennes pour parader devant des
gouverneurs qui ont plutôt l'air de capos dans leurs propriétés
fortifiées.

Qui aura pu prévoir que cette célébration/spectacle se transformerait en
un puissant moment de revendication populaire ? Chargés de symbolisme et
mythifiable à souhait, les Lundis de la colline du Fortín ne seront plus
jamais les mêmes. Voilà que la Guelaguetza mord là où on s'y attendait le
moins et dénude le pouvoir qui croyait qu'elle lui appartenait à jamais.

Hermann Bellinghausen
"La Jornada", 23 juillet 2007.

Traduit par Ángel Caído.

Paria
MANIFESTE DE LA DEUXIÈME RENCONTRE ANARKOGALAKTIKE
SUITE À LA NOUVELLE VAGUE DE RÉPRESSION À OAXACA


Aujourd'hui 16 juillet 2007, aux alentours de 10 heures du matin, des
incidents eurent lieu pendant la marche organisée dans la ville d'Oaxaca
afin d'inaugurer la Guelaguetza populaire et boycotter, par la même
occasion, la Guelaguetza officielle mise en place et appuyée à la fois
par le gouvernement d'Ulises Ruiz et par plusieurs multinationales qui
participent au développement d'une politique néolibérale et impopulaire.
Cette marche avait été préalablement convoquée par de nombreuses
associations, collectifs et individu-E-s du peuple d'Oaxaca.

Des les premiers pas de la manifestation, la police s'est montrée
omniprésente, surveillant, intimidant et arrêtant plusieurs participants.
Plus tard, des affrontements eurent lieu pendant le trajet lorsque la
police a commencé à lancer des pierres et des gaz lacrimogènes, provoquant
la dispersion du rassemblement. Profitant du mouvement de foule, la police
s'est alors approchée pour encercler, frapper et arrêter violemment une
soixantaine de companer@s. A l'heure de la traduction de ce communiqué
(mardi 17 juillet, vers 10 heures), une liste officielle confirme la
comparution à la Procuraduria de Oaxaca de 40 personnes qui sont en train
de faire leur déclaration. Parmi celles-ci, quatre reçoivent toujours des
soins médicaux, dont notre compagnon Emeterio Merino Cruz Vazquez, touché
par l'impact d'un explosif lancé par la police. Nous recevons également
la confirmation de la détention de Silvia Gabriela Hernandez Salinas,
étudiante en sciences sociales à l'Université Benito Juarez d'Oaxaca,
incarcérée dans la prison de Tlacolula. Silvia, continuellement menacée
et torturée pour son engagement au sein du collectif Voix d'Oaxaca pour
la construction de l'autonomie et la liberté (VOCAL).

La mise en place de ce dispositif répressif se produit au moment où le
mouvement populaire de l'Oaxaca commence à reprendre des forces et à se
repositionner comme une force de lutte sociale efficace. Cette récente
attaque est un nouvel exemple de la militarisation croissante à laquelle
doivent faire face les différentes luttes organisées à travers le pays.

Le présent communiqué provient de la seconde rencontre anargalaktike qui a
lieu en ce moment à San Cristobal de Las Casas, Chiapas. Y participent des
companer@s mexicain-E-s et internationaux-ALES qui travaillent à la mise
en place d'une coordination permettant d'intégrer des travaux et des
propositions organisatrices, afin de fortifier le mouvement anarchiste et
de pouvoir, à notre tour, non seulement nous solidariser avec le peuple de
l'Oaxaca mais également agir de manière concrète, pour répondre à une
analyse critique et intégrale de la situation actuelle.

A travers ce communiqué, les différentes organisations, collectifs et
individu-E-s présents manifestent leur dégoût et leur refus de la
pseudo-politique de sécurité mise en place par la dictature militaire du
PAN, à la tête de laquelle se trouve actuellement Calderon - main dans la
main avec le PRI et le PRD. Cette politique répressive, organisée dans
l'ensemble du pays, se développe de façon brutale et inhumaine dans l'État
d'Oaxaca.

En tant que mouvement libertaire nous ne cesserons jamais de lutter contre
les politiques criminelles d'un État qui cherche à terroriser la société,
emprisonnant, réprimant, assassinant et éliminant finalement tout espace
nécessaire à une lutte critique et efficace permettant l'auto-organisation
et l'autodétermination de l'ensemble de la société.

Nous nous solidarisons avec le peuple de l'Oaxaca et exigeons le retour
immédiat et en bonne santé des personnes disparues, comme nous exigeons la
liberté de tou-TE-s les prisonnier-E-s politiques que le gouvernement
maintient derrière les barreaux alors que leur unique délit fut de lutter
pour une véritable transformation d'un peuple digne et rebelle.

Nous lançons un appel au mouvement libertaire, à l'Autre Campagne, à la
société en général et à la communauté internationale à la mobilisation
générale le 18 juillet prochain et à l'organisation de différentes
activités nous permettant de dénoncer la situation actuelle et de manifester
notre solidarité ; le 19 juillet, nous appelons à la réalisation d'actions
locales pour protester contre la répression et s'aligner avec le Forum
contre la répression afin de stopper la guerre de basse intensité éhontée
que nous vivons depuis si longtemps.

HALTE À LA MILITARISATION
LIBERTÉ POUR TOU-TE-S LES PRISONNIER-E-S POLITIQUES
RETOUR DES DISPARU-E-S EN BONNE SANTÉ
DISPARITION DE TOUS LES POUVOIRS D'ÉTAT ET SORTIE DE LA PFP D'OAXACA
DISSOLUTION DE TOUS LES CORPS RÉPRESSIFS


Nombre de personnes assistant à la rencontre : 120

Représentations venues de :

MEXIQUE
Hidalgo, Veracruz, Texcoco, Durango, Tijuana, Monterrey, San Luís Potosí,
Basse-Californie du Nort, San Cristóbal de las Casas, DF, Querétaro.

AMERIQUE DU NORD
San Diego, Portland Oregon, Phoenix, Arizona, Indiana, San Francisco,
Montreal Canada.

AMERIQUE LATINE
Bresil, Argentine, Venezuela.

EUROPE
Angleterre, Espagne, Catalogne, Italie, France, Allemagne, Belgique (de
nombreuses villes).

OCEANIE
Nouvelle-Zélande, Australie.

COLLECTIFS ET ORGANISATIONS:
Moiliirasalii, Radio Ocupa – Ari Caravana,, Roadblokef, Bandera Negra,
Inkworks Press, Bay Area Indymedia, Célula Metropolitana Julio Chávez
López, Colectivo O.R.G.A.N.I.C, Adherentes a la Otra Campana, Bloquear al
Imperio, Catas, Red Ya Basta, Coordinadora Anarcopunk, Centro Social
Libertario-Biblioteca "Viviendo la Utopía", Regeneracion Radio, Casa de la
Paz, Quinta Brigada, Radio Sabotaje, Brigada Libertaria, Smashedo, La
Brigada Sociedad Civil, El Palicate zona norte del DF, Karakola Global, No
Fronteras SF, Centro de Medios Libres DF, Plantón de Santiaguito, Plantón
de Molino de las Flores, Colectivo Conciencia, Pensares y Sentires, HIJOS
de la Plata, CZI, parmi beaucoup d'autres.

Traduction réalisée par la banda de l'Anarkagalaktika


Sites avec plus d'information :

http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/
http://oaxacalibre.org/oaxlibre/index.php
http://www.oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/
http://www.nodho.org
http://www.espora.org/limeddh - ligamexicana@prodigy.net.mx
http://cml.sarava.org
Paria
Nous avons reçu, à 10 heures ce matin, cette chronologie des événements
d'hier, 16 juillet, dans la ville d'Oaxaca. Nous en remercions les
auteurs.

8:00 De nombreuses personnes arrivent à la place centrale (zocalo) de la
ville d'Oaxaca.

10:30 La manifestation commence.

11:35 Les premiers affrontements ont lieu, pierres et bâtons contre gaz
lacrymogène et matraques.

11:45 Les forces anti-émeute bloquent la manifestation et isolent ses
premières lignes, formées d'universitaires. Une partie de la manifestation
a réussi à entrer dans l'amphithéâtre de la Guelaguetza officielle. Les
affrontements continuent, les détenus sont brutalement frappés.

12:30 à 14:00 Les affrontements continuent. La police d'Oaxaca reçoit le
renfort de la Police fédérale préventive (PFP). Du côté des manifestants,
la résistance diminue. En effet, les dirigeants de la section XXII du
Syndicat des enseignants ont commencé la Guelaguetza populaire au niveau
de la place de la Danza et la majorité des gens s'y concentre.

13:15 On rapporte 40 manifestants blessés, 20 policiers blessés et
plusieurs détenus. 5 camions ont été incendiés. L'arrière de la
manifestation a été durement attaqué et a dû se replier. Dans le jardin
d'El Llano des personnes sont détenues. La situation reste tendue.

20:15 La mort d'Emeterio Cruz est confirmée. Il était hospitalisé suite à
l'impact d'une grenade lagrymogène. Les autorités ont voulu le transférer.
C'est lors du transfert qu'il a perdu la vie.

21:45 La Radio Disturbio confirme le décès de Raymundo Torres des suites
de blessures provoquées par une grenade lacrymogène.

22:43 Les listes officielles et celles des organisations civiles ne
coïncident pas. L'APPO compte 62 détenus.

22:54 La direction de la section XXII du Syndicat des enseignants se
désolidarise des manifestants.

22:55 La police occupe le zocalo de la ville d'Oaxaca.

22:57 Des barrages policiers sont installés à l'entrée de la ville
d'Oaxaca et sur la route Tehuacán-Oaxaca.

23:10 3 hélicoptères de la PFP viennent d'arriver à l'aéroport d'Oaxaca.

23:10 La radio Oaxaca libre est privée de transmission.

23:10 Les taxis ne prennent plus personne.


Liste provisoire de détenus :

SILVIA GABRIELA HERNÁNDEZ SALINAS,
LOURDES HERNÁNDEZ HERNÁNDEZ,
EDITH GONZÁLEZ,
JOSÉ LÓPEZ MARTÍNEZ,
GABRIEL IVÀN VIRGEN,
SAÙL MARTÌNEZ PÈREZ,
SERGIO YAHIR MARTÌNEZ,
JULIÁN CONSTANTINO MARTÌNEZ SÁNCHEZ,
IGNACIO MARTÌNEZ PÈREZ,
ARMANDO AGUSTÍN CARRIEDO CHÀVEZ,
CARLOS YAHIR BALDERAS GARCÌA,
JUAN MANUEL CRUZ RÌOS,
GARCÌA HERNÀNDEZ "X",
JOAQUIN VICENTE,
JESUS LOPEZ MARTINEZ,
JORGE LUIS MARTINEZ,
JUAN CARLOS CRUZ,
EDILBERTO LLESCAS AGUILAR,
PABLO PEREZ HERNANDEZ,
GENARO HERNANDEZ,
JOAQUIN ISRAEL VICENTE CRUZ


Vous pouvez envoyer vos messages de protestation à :

Presidente FELIPE DE JESÚS CALDERÓN HINOJOSA
Residencia Oficial de los Pinos Casa Miguel Alemán
Col. San Miguel Chapultepec, C.P. 11850, México DF
Tel: +52 (55) 27891100
fax: +52 (55) 52772376
felipe.calderon@presidencia.gob.mx

Licenciado Francisco Javier Ramírez Acuña,
Secretario de Gobernación,
Bucareli 99, 1er. piso, Col. Juárez,
Delegación Cuauhtémoc, México D.F., C.P. 06600,
México,
fax: +52 (55) 5093 3414
frjramirez@segob.gob.mx

Ambassade du Mexique
9 rue de Longchamp - 75116 Paris
Tel 01.53.70.27.70
fax 01.47.55.65.29
Site internet http://www.sre.gob.mx/francia/

Consulat du Mexique & Office du tourisme
4, rue Notre-Dame-des-Vicoires - 75002 PARIS
Tel 01 42 61 51 80
fax 01.42.86.56.20
fax 01 42 86 56 20

Consulat honoraire : Toulouse
35 rue Ozenne - 31000 Toulouse
Tel 05.61.25.45.17
fax 05.61.55.01.55

Consulat honoraire : Strasbourg
19a rue Lovisa - 67000 Strasbourg
Tel 03.88.45.77.11
fax 03.88.45.87.69

Consulat honoraire : Lyon
3 chemin des Cytises - 69340 Francheville
Tel 04.72.38.32.22
fax 04.72.38.32.29

Consulat honoraire : Le Havre
Société Georges Vatinel
58 rue de Mulhouse - 76600 Le Havre
Tel 02.35.26.41.61
fax 02.35.25.18.92

Consulat honoraire : Fort-de-France
31 rue Moreau de Jonnes - 97200 Fort-de-France
Tel 05.96.72.58.12
fax 05.96.63.18.09

Consulat honoraire : Bordeaux
11-15 rue Vital Carles V- 33080 Bordeaux
Tel 05.56.79.76.55
fax 05.56.79.76.66

Consulat honoraire : Barcelonnette
7 avenue Porfirio Diaz - 04440 Barcelonnette
Tel 04.92.81.00.27
fax 04.92.81.33.70


Plus d'information :
http://cml.vientos.info
http://mexico.indymedia.org
http://www.asambleapopulardeoaxaca.com/
http://oaxacalibre.org/
http://www.larabiosaradio.org

Radio Disturbio :
http://www.giss.tv:8000/radiodisturbio.ogg.m3u

Photos :
http://cml.vientos.info/node/9919

Vidéo :
http://oaxacaenpiedelucha.blogspot.com/

Message édité le 17-07-2007 à 16:01:53 par Paria
Paria
OAXACA, UN AN PLUS TARD

LE MIROIR DU MEXIQUE


"La guerre, c'est la paix,
la liberté, c'est l'esclavage,
l'ignorance, c'est la force."

George Orwell ("1984" )

"La paix règne à Oaxaca et on et respire
un climat de tranquillité."

Ulises Ruiz, le 10 mai 2007.


Un an après le conflit des enseignants qui a éclaté dans l'Oaxaca, cet
État est le miroir du Mexique. La droitisation que connaît le pays avance
à pas de géant, mais la rébellion aussi, qui cherche, et parfois trouve,
de nouveaux chemins. La pauvreté dans laquelle vivent environ 67 % des
Oaxaquègnes (2 349 570 habitants, sur un total de 3 506 821, selon les
données officielles) et l'inégalité sociale "sont deux éléments qui les
empêchent de participer activement à la société", affirme la Banque
mondiale (1).

Creuset de cultures indigènes et métisses, les dernières années ont vu
Oaxaca, la capitale de l'État du même nom, se transformer en une immense
vitrine pour touristes qui rapporte beaucoup d'argent aux investisseurs
locaux, mexicains et étrangers, mais très peu au commun des habitants.
Avec l'arrivée d'Ulises Ruiz Ortiz (URO) au poste de gouverneur, fin 2004,
cette situation a encore empiré, inaugurant un nouveau cycle autoritaire
caractérisé par l'emploi arbitraire des deniers publics, l'augmentation du
narcotrafic, la destruction du patrimoine historique et naturel, la
persécution des moyens de communication indépendants et la répression sous
toutes ses formes. Brute maladroite et sans pitié, le gouverneur Ulises
Ruiz Ortiz doit son poste non pas au verdict des urnes mais à la fraude
électorale, comme le président Felipe Calderón.

LES GUERRES D'URO

Loin d'être un reliquat du passé, le despotisme qui règne dans l'Oaxaca
résume et à la fois révèle les contradictions aiguës du Mexique
d'aujourd'hui. Certains vont jusqu'à évoquer à ce sujet un processus larvé
de fascisation (2). Sans entrer dans un tel débat, le fait est que la
droite archaïque et oligarchique actuellement au pouvoir a entrepris une
modernisation agressive et discriminatoire, qui va de pair avec
l'émergence d'une vague de subversion sociale inédite qui la met en péril.
Cette droite ne recule devant rien. Elle ne prétend à aucune légitimité et
n'a que faire de la concertation, elle cherche uniquement à s'enrichir et
à perpétuer sa propre existence. Dans l'Oaxaca et ailleurs, son programme
reste inchangé : démanteler les derniers vestiges de l'État du contrat
social, soumettre le pays aux nécessités du capital multinational et en
finir avec tout ce qui ressemble de près ou de loin à la gauche. Les
nuances politiques et les guerres intestines – car il y en a – importent
donc peu puisque, dès que le besoin s'en fait sentir, de telles disputes
n'empêchent pas cette droite de rallier non seulement le PAN, mais une
bonne part du PRI et même de ladite gauche institutionnelle.

Le maintien d'URO dans ses fonctions et l'appui qu'il a reçu de la part de
deux exécutifs fédéraux consécutifs (celui de Vicente Fox et celui de
Felipe Calderón) ne tranchent en rien sur le panorama mexicain actuel :
les premiers mois de la nouvelle administration du PAN se caractérisent en
effet par la militarisation des principales régions indigènes du pays, par
les nombreux assassinats perpétrés par l'armée et par la demande effectuée
par le gouvernement mexicain auprès de son homologue nord-américain de
lancer au Mexique un "Plan Colombie", sous le prétexte de lutter contre le
narcotrafic (3).

Quant à l'arbitraire dont fait preuve le gouverneur de l'Oaxaca, un
avant-goût en avait été donné dès le lancement de sa campagne électorale.
Le 27 juillet 2004, en effet, lors d'un meeting de propagande tenu à
Huautla de Jiménez, ses sbires ont battu à mort Serafín García, un
enseignant, dont le seul délit était de s'opposer à sa candidature. Comme
beaucoup d'autres, ce crime est resté impuni (4).

Le jour des élections, le 1er août, par trois fois le dépouillement du
scrutin s'écroula comme un château de cartes, dans le chaos le plus
complet, aussi "Todos Somos Oaxaca" ("Nous sommes tous Oaxaca"), une
coalition dirigée par Gabino Cué, demanda-t-elle officiellement
l'annulation de la "victoire" d'URO – surnommé le "mapache mayor" (5) ("le
Grand Mapache"). En pure perte : les jeux étaient faits et tout semble
indiquer que le poste de gouverneur constituait le paiement de la dette
contractée avec la guerre sale qu'URO avait supervisée quelques années
auparavant au Tabasco contre Andrés Manuel López Obrador, ennemi juré de
Roberto Madrazo, l'aspirant du PRI à la candidature à l'élection
présidentielle.

Quoi qu'il en soit, la première action du nouveau gouverneur fut de
déclencher une autre guerre, cette fois contre un journal local
indépendant, "Noticias de Oaxaca", jugé coupable du crime de dissidence.
Le 17 juin 2005, des nervis menés par David Aguilar, député affilié au PRI
et "dirigeant syndical", faisaient irruption dans les locaux de ce
quotidien. Devant le refus de la rédaction de se joindre à une prétendue
"grève", les assaillants ont retenu sur place pendant plus d'un mois les
31 journalistes qui s'y trouvaient (6).

Malgré tout, "Noticias de Oaxaca" continua de paraître car les otages sont
parvenus à envoyer des informations par Internet et le journal put être
imprimé à Tuxtepec, à plus de 200 kilomètres d'Oaxaca. Quand la police de
Ruiz Ortiz voulut intercepter les camionnettes qui transportaient les
imprimés, le propriétaire du journal, Ericel Gómez, loua un petit avion
pour que les vendeurs de rue puissent aller le chercher directement à
l'aéroport, avec l'aide du syndicat des enseignants. La bataille ne
s'acheva pas là, le tirage fut considérablement réduit mais "Noticias de
Oaxaca" réussit finalement à survivre à la persécution des autorités. Du
coup, le journal s'est visiblement radicalisé et il est devenu le
quotidien le plus vendu de l'État de l'Oaxaca. URO essuyait ainsi sa
première défaite.

Un autre signe avant-coureur est l'attaque qu'a subie Santiago Xanica, une
communauté indigène zapotèque en pleine Sierra Sur, en lutte depuis des
années pour faire respecter ses droits collectifs. En décembre 2004,
quelques jours seulement après la prise de fonctions d'URO, l'armée a
commencé à patrouiller dans la localité et, le 15 janvier 2005, la police
préventive de l'Oaxaca tira sur environ 80 indigènes qu'elle prit dans un
feu croisé alors qu'ils effectuaient des travaux communautaires aux abords
du cimetière. Abraham Ramírez Vázquez, dirigeant du Comité pour la défense
des droits indigènes (Codedi), fut grièvement blessé lors de cette
embuscade. Partant du principe que, au temps des assassins, ce sont les
victimes qui sont coupables, ce combattant social fut arrêté sans autre
forme de procès et croupit toujours à l'heure actuelle dans les geôles de
la prison de Pochutla (7).

Peu après, URO s'est embarqué dans un réaménagement au coût exorbitant et
néfaste, écologiquement parlant, du zócalo d'Oaxaca, la grand-place,
travaux qui lui ont valu l'antipathie de la classe moyenne locale mais lui
a permis d'engraisser substantiellement le compte en banque de ses
proches.

Dès la fin mai 2006, on comptait déjà près de soixante-dix prisonniers
politiques dans l'Oaxaca. N'étant pas satisfait, le gouverneur fit tirer
sur la section 22 du Syndicat national des travailleurs de l'enseignement
(SNTE), qui rassemble environ 70 000 membres et s'appuie sur une longue
tradition de luttes indépendantes.

Depuis des années, à l'approche du Jour des instituteurs (le 15 mai), les
enseignants installent un "plantón", un piquet de grève-rassemblement,
dans le centre-ville d'Oaxaca, pour émettre leurs revendications. Les
habitants s'en plaignent et ronchonnent mais leur refusent rarement leur
sympathie. Catalyseurs de la conscience sociale, pleinement dévoués à leur
travail et fins connaisseurs des réalités locales, ils jouissent d'un
grand respect dans cet État du Mexique.

Cette année-là, ils exigeaient le réajustement de leur maigre salaire pour
toucher ce qui est en vigueur dans le reste du pays, une revendication qui
débordait donc le cadre de l'Oaxaca pour impliquer aussi les autorités
fédérales. Cependant, au printemps 2006, toute négociation devint
subitement impossible : URO menaça ouvertement les enseignants et essaya
de monter l'une des fractions du mouvement contre l'autre, tandis que le
gouvernement fédéral du PAN ne voulut rien savoir de cette affaire,
pensant en profiter pour porter un coup sérieux au PRI.

Le "plantón" a commencé le 22 mai, sans provoquer de réponse particulière
de la population. Encouragé par ce peu d'écho, le 14 juin, URO ordonna
l'expulsion, comptant sur un effet surprise. À 4 h 50 du matin, appuyés
par des hélicoptères lançant des grenades au gaz toxique, des agents de
différents corps de police attaquèrent les manifestants, tirant sur les
gens désarmés. Non contents de la panique causée parmi la population, les
policiers ont cassé tout ce qui leur tombait sous la main, y compris le
siège de Radio Plantón, la station de radio des enseignants. L'attaque
s'est soldée par 200 blessés, sans compter un nombre indéterminé de
disparus.

URO manifestait ainsi le talent qui est le sien pour répondre à
l'insatisfaction sociale, comme l'avait fait Enrique Peña Nieto,
gouverneur – du PRI, lui aussi – de l'État de Mexico, à Atenco, quelques
semaines auparavant, avec la collaboration enthousiaste de l'exécutif
fédéral du PAN (8). À la veille de l'élection présidentielle, le
gouverneur de l'Oaxaca transmettait donc le message émis par son chef,
Roberto Madrazo : le PRI est le parti de l'ordre. Dès cet instant, les
élections étaient entachées de sang.

L'INCENDIE

Ce qui est arrivé ensuite montre à nouveau clairement que, quand les
puissants se montrent trop avides, ils finissent par aller à l'encontre de
leurs intérêts (9). La population, qui était restée passive jusque-là – si
ce n'est ouvertement hostile –, changea totalement d'attitude et se
précipita dans la rue pour se solidariser avec les enseignants.

Ces derniers, regroupés pour affronter les forces de l'ordre avec des
pierres et des bâtons, étaient maintenant aidés par des universitaires,
par des organisations sociales et par des habitants. En quelques heures,
la foule enflammée reprit le zócalo et réinstalla le "plantón", au grand
dépit d'Ulises Ruiz. Immédiatement, les instituteurs désavouèrent le
gouverneur et exigent depuis lors sa démission, condition préalable et non
négociable à une résolution de ce conflit salarial.

Le 16 juin, une gigantesque marche rassemblant près de 300 000 personnes
démontra le poids social des enseignants. La population – étudiants, mères
et pères de famille, travailleurs, fonctionnaires, et même commerçants –
accueillait le cortège avec des applaudissements et quand quelqu'un a levé
une banderole qui disait "À bas Ulises !", tout le monde a applaudi.

Au même moment, une manifestation de l'Union des communautés indigènes de
la zone nord de l'Isthme (Ucizoni) avait lieu à Matías Romero, bloquant
pendant plusieurs heures la route transisthmique. Ces deux événements
annonçaient ce qui allait bientôt avoir lieu : les "mégamarches" à Oaxaca,
la capitale, et la ramification du mouvement dans l'ensemble de l'État.

Le mouvement allait prendre un tour décisif avec la formation, le 18 juin,
de l'Asamblea Popular del Pueblo de Oaxaca (APPO : Assemblée populaire du
peuple de l'Oaxaca), qui rassembla, outre les instituteurs, quelque 350
organisations de toute sorte : syndicats, collectifs libertaires, vieux
groupements de la gauche marxiste-léniniste, organisations citoyennes,
indigènes, travailleurs, artistes, étudiants et individus sans affiliation
à un parti.

L'APPO naissait donc sur l'initiative des instituteurs, dans l'idée de
canaliser le soutien social vers leur mouvement de revendication, mais
elle allait bien vite dépasser ce simple cadre. Le 20 juin, ses membres
s'accordèrent sur la création d'une direction collégiale provisoire formée
de trente personnes, dans le but de faire front commun "pour entamer une
lutte prolongée jusqu'à obtenir la dissolution des pouvoirs, la
destitution d'Ulises Ruiz Ortiz et l'instauration d'un pouvoir populaire"
(10).

Bien que le terme de "pouvoir populaire" puisse faire grincer des dents,
étant donné les expériences passées qu'il pourrait évoquer, il exprime la
volonté de transformer les conditions de vie en établissant les bases
d'une nouvelle relation entre société et gouvernement.

Rapidement, des commissions internes telles qu'une commission de presse,
une commission des barricades et une commission de propagande ont été
créées. "Nous avons commencé à constituer un réseau d'organisations et
pour toute action envisagée la base devait être consultée, la base des
instituteurs et celles de l'APPO elle-même (11)."

À ce stade, les revendications salariales et corporatives étaient
désormais reléguées au second plan face à l'exigence du départ d'Ulises
Ruiz, revendication qui posait à son tour une exigence de démocratisation.

Pour Gustavo Esteva, trois courants démocratiques distincts (12) ont
convergé au sein de l'APPO. Le premier lutte pour une démocratie formelle
: comment améliorer les conditions de représentation ; comment en finir
avec les pièges et les fraudes du système électoral, éviter la
manipulation des médias et garantir un fonctionnement des institutions
digne d'un État de droit. Ces revendications sont très fortes dans
l'Oaxaca et nettement présentes au sein de l'APPO. Un deuxième courant
envisage une démocratie participative : soit le renforcement de
l'initiative populaire, l'instauration de formes juridiques telles que le
référendum et le plébiscite, la possibilité de révoquer tout mandat et
l'accès à ce qui est appelé "budget participatif", autrement dit le fait
que les travaux et services publics s'effectuent en consultant
systématiquement les habitants et non pas de façon arbitraire. Le
troisième, que l'on pourrait dénommer démocratie radicale, dit : nous
n'avons nul besoin d'aucun pouvoir politique installé là-haut ; nous
pouvons éventuellement avoir besoin de coordination à des fins
administratives, mais rien de plus. Ce courant-là lutte pour une société
dans laquelle la loi émane de l'autonomie individuelle et collective de
tous les êtres humains. Il s'agit là d'un courant transversal qui
s'inspire au Mexique des pratiques des peuples indigènes, mais aussi des
luttes urbaines et de l'anarchisme.

Pour reprendre les paroles de David Venegas "El Alebrije" [figure
chimérique multicolore, de bois ou de papier mâché peint dans l'artisanat
populaire oaxaquègne], membre du conseil de l'APPO, incarcéré depuis le 13
avril 2007 à la prison d'Ixcotel, "[…] il est possible de vivre et de
coexister dans un ordre social émanant de la volonté collective, et non
pas imposé par un gouvernement étranger aux intérêts et aux besoins de nos
peuples, un ordre social au sein duquel les valeurs dominantes […] sont la
fraternité, la solidarité, la coopération et la défense communautaire et
non plus un ordre social reposant sur la peur du châtiment, de l'autorité,
du qu'en-dira-t-on ou de la prison (13)".

David Venegas se réfère ainsi à la volonté d'auto-organisation et
d'autogouvernement des masses qui ont rejoint le mouvement et au désir de
créer un monde nouveau à partir des entrailles du vieux monde. Outre que
de telles aspirations expliquent le débordement des syndicats et des
organisations marxistes-léninistes qui a eu lieu, elles continuent
également de constituer la meilleure garantie pour que le danger de
fascisation se heurte à une barrière infranchissable.

Loin d'être extrémiste, la "démocratie radicale" est une position
réaliste, en ce sens qu'elle s'appuie sur les faits. Elle n'est pas non
plus "partisane", attendu qu'elle ne s'identifie à aucune organisation en
particulier. Elle n'en est pas moins consciente de ne pas être une
position dominante dans l'ensemble du pays. Au Mexique, il existe une
caricature de démocratie formelle et un soupçon de démocratie
participative, tandis que la démocratie radicale s'exprime notamment au
sein des communautés indigènes, chez les zapatistes et, en tant
qu'aspiration, dans certaines luttes urbaines. "Donc, conclut Esteva, en
ce qui nous concerne, nous coexistons avec les deux premiers courants,
parce que nous vivons au Mexique. Nous ne prétendons pas nous séparer du
Mexique. C'est là que nous sommes et nous allons accepter certains aspects
de la démocratie formelle, mais nous allons tenter de faire les choses à
notre façon."

LA FÊTE

Fin juin 2006, au sein de l'APPO, c'est non seulement une multiplicité
d'organisations qui allaient converger, mais aussi des manières
différentes de concevoir les choses, une pluralité d'individus et de
sensibilités qui renvoient d'une certaine façon à la vieille tradition
libertaire du magonisme, encore bien vivante dans l'Oaxaca.

À mesure que l'indignation augmentait, le mouvement gagnait en force, en
créativité et en richesse. À l'élection présidentielle du 2 juillet,
l'APPO prôna un vote de désaveu contre Ulises Ruiz. Même si beaucoup de
membres se sont prononcés clairement en faveur de l'abstention – et malgré
les habituelles manipulations et subterfuges –, le résultat a été sans
appel : Andrés Manuel López Obrador remporta le scrutin avec une très
large majorité et le PRI fut relégué en troisième position, du jamais vu
dans cet État.

La suite des événements forme une histoire très controversée qui reste à
raconter dans le détail, nous n'en retiendrons ici que quelques temps
forts. Dès le début, l'APPO s'inspira des pratiques démocratiques des
Zapotèques, des Mixtèques, des Mixes, des Amuzgos et autres peuples
aborigènes. D'où le changement opéré dans son nom – quelque peu
anachronique –, qui passa d'"Assemblée populaire du peuple" (au singulier)
à celui d'"Assemblée populaire des peuples" (au pluriel), ce qui vise plus
d'un objectif. En effet, l'idée d'"assemblée" se référant aux pratiques
autogestionnaires qui continuent d'exister dans 80 pour cent des 570
communes de l'Oaxaca, il fallait donc aussi relever le fait que ces
assemblées possèdent des expressions nombreuses et variées.

Oaxaca, la capitale de l'État, est elle-même, entre autres, une métropole
indigène, dont plusieurs des colonias, les quartiers, sont essentiellement
habitées par des migrants qui vont et viennent entre leurs villages
d'origine et la ville. Un grand nombre d'entre eux ont rejoint les
protestations ; certains étaient instituteurs, mais la plupart étaient des
artisans et des vendeurs ambulants (14). Apprenant ce qui se passait, les
communautés indigènes rejoignirent également le mouvement, auquel elles
ont apporté leur immense expérience et la liste de leurs innombrables
griefs : misère, oppression, marginalisation, caciquisme, spoliation,
oubli…

Dans le même temps, des jeunes de la ville dont l'identité collective se
construit dans les quartiers, dans leur musique, dans l'habillement et
dans l'art ont accouru eux aussi. "[…] des groupes exclus et marginalisés,
et pas seulement par le gouvernement, tels que les prostitué(e)s, les
homosexuels, les lesbiennes et autres amours, qui sont venus participer,
quoique de manière réduite", parvenant ainsi à ce que "leurs propres
griefs s'ajoutent au cri collectif de justice et de liberté pour tous et
toutes" (15).

De juin à octobre 2006, des centaines de milliers de personnes sont
descendues dans la rue au cours d'une douzaine de "mégamarches" de
proportions absolument inouïes. Ensemble, elles ont forgé une lutte
plurielle au sein de laquelle plusieurs secteurs de la société ont appris
à coexister, sans renoncer pour autant à leurs différences et à leurs
particularités. Ensemble, elles ont relégué Ulises Ruiz à la
clandestinité, éclipsant dans les faits tous les pouvoirs institués.
Ensemble, elles se sont emparées des administrations, elles ont créé des
organes de gouvernement autonome et fait administrer la justice par
"l'Honorable Corps des Topiles", milice populaire qui s'inspire de la
tradition indigène (16).

Ce ne fut pas un mouvement de classe au sens traditionnel, la classe
ouvrière étant quasi inexistante dans l'Oaxaca (17). À la rigueur, un
mouvement de mouvements. Des gens brandissant des drapeaux avec une
faucille et un marteau marchaient à côté des couleurs de la Vierge de
Guadalupe et du fanion du A cerclé de l'anarchie, mais un plus grand
nombre s'identifiaient par leur appartenance territoriale : quartier,
colonia ou communauté.

Ce ne fut pas non plus uniquement un mouvement local : "Ce que nous
entreprenons aujourd'hui existe aussi grâce à ce qui s'est fait en
Équateur, au Brésil et en Argentine. Nous avons suivi avec intérêt tout ce
qui a eu lieu en Amérique latine, mais aussi aux Etats-Unis, avec nos
compañeros émigrés (18)."

Bien que les médias n'aient pas tardé à dénicher quelqu'un à qui faire
porter le chapeau, comme Flavio Sosa, par exemple, l'APPO n'a pas non plus
été un mouvement de leaders. Lors d'une interview que j'ai réalisée
quelques jours avant qu'il ne soit arrêté, Flavio Sosa lui-même démentait
le rôle qu'on lui attribuait : "Quand on a commencé à entendre cette
histoire, quelqu'un a aussitôt fait une affiche qui disait "ce mouvement
n'est pas un mouvement avec des dirigeants, c'est un mouvement des bases",
et l'a signé comme groupe. Tout de suite après, des petits malins ont
ajouté au-dessous, à la main : "ce n'est pas un mouvement de dirigeants ;
et pas non plus de groupes" (19)."

Ce fut encore moins un mouvement qui cherchait à s'emparer du pouvoir, en
dépit des délires staliniens de certains des participants. C'est ce
qu'indique clairement, par exemple, un bombage que l'on pouvait lire vers
la fin octobre 2006 près de la rue Tinoco y Palacios, dans le centre
historique d'Oaxaca : "Ils veulent nous obliger à gouverner, nous n'allons
pas tomber dans cette provocation." Qu'est-ce que cela signifie ? Gustavo
Esteva répond pour nous : "Ça veut dire que ça ne nous intéresse pas de
s'emparer de ce gouvernement ; ça veut dire que ce gouvernement est une
structure de domination qui sert à contrôler les gens et que nous ne
voulons pas avoir une telle fonction (20)."

Confrontés aux atrocités commises par URO, les gens ont entamé un
processus innovateur d'auto-organisation et, pendant de longs mois, Oaxaca
a connu cette expérience singulière d'une vie sans gouvernement et sans
bureaucratie, ouverte au dialogue et à l'innovation. La sagesse collective
a su s'imposer pacifiquement aux "convois de la mort", aux disparitions
forcées et aux exactions amplement dénoncées, preuves à l'appui, par des
organismes de protection des droits humains fondamentaux mexicains et
étrangers.

Comme cela se passe dans une authentique révolution sociale, beaucoup de
gens ont découvert dans le cours de l'action des capacités qu'ils
ignoraient posséder. La participation des femmes fut très intense.
Certaines d'entre elles, qui avaient pourtant voté pour le PRI, ont acquis
une nouvelle conscience en participant au mouvement. L'une de ces femmes,
très âgée, agissant complètement seule et armée de sa seule dignité
rebelle, s'empara d'un autobus pour le mettre au service de la cause. Et
c'est un collectif de femmes qui a fait fonctionner la télévision vingt
jours durant, démontrant si besoin était que la communication alternative
est possible.

On ne peut négliger d'analyser le rôle des médias occupés et détournés car
ils ont constitué le fer de lance de cette mobilisation. L'occupation de
douze stations de radio commerciales et celle de Canal 9, la chaîne de
télé locale, n'étaient au départ que de simples mesures défensives qui
suivaient la destruction de Radio Plantón et les dégâts causés à Radio
Universidad, les seules voix indépendantes de la ville. Mais il est
évident que le mouvement ne se serait pas développé aussi rapidement sans
la radio, ce qui constitue une importante leçon à retenir, à dans l'Oaxaca
comme ailleurs.

Il y a eu beaucoup de speakerines à la radio. L'une des plus connues, la
doctora Berta – aujourd'hui célèbre dans le monde entier –, médecin et
âgée de cinquante-huit ans, assurait les émissions de Radio Universidad
jour et nuit, buvant tasse sur tasse de café et fumant ses cigarettes
Delicados. Elle n'en sortait que pour aller s'occuper des victimes de la
répression. J'ai pu la voir personnellement, qui distribuait de l'eau aux
manifestants à bord d'une ambulance de la Croix-Rouge.

Nous avons tous appris à reconnaître sa voix un peu rauque qui
communiquait avec calme et sérénité les besoins urgents des manifestants
tandis que pleuvaient sur eux les balles et les gaz. Le 3 novembre, au
lendemain de la bataille de la cité universitaire qui vit la défaite
humiliante de la PFP, elle m'avait confié : "À Radio Universidad, comme
avant à celle de La Ley, à Radio Plantón ou à Canal 9, la communication
est comme il faut qu'elle soit: dans les deux sens, le téléphone ouvert à
tous et des connexions via Internet pour l'étranger. Si un bonhomme arrive
et me dit qu'il veut envoyer un message, eh bien, faites donc, entrez et
envoyez votre message. Les gens viennent ici et disent les choses avec
leurs propres mots, avec leur propre pensée, mais de toute façon les gens
sont très objectifs. Ils ne parlent peut-être pas bien l'espagnol, mais
ils savent ce qu'ils veulent. Personne ne pourra plus stopper un truc
pareil (21)."

Il a beaucoup été question des barricades, dans lesquelles on a voulu voir
une preuve de la "violence" exercée par l'APPO. En réalité, les barricades
ont été une mesure défensive, pour contenir ce que l'on a appelé les
"convois de la mort" qui assassinaient des gens. C'était des convois de
camionnettes de la police judiciaire de l'Oaxaca auxquelles on avait ôté
les plaques d'immatriculation et qui circulaient de nuit, en ouvrant
systématiquement le feu contre les passants.

Le 21 août, après l'assassinat de Lorenzo Sanpablo, un architecte, des
hommes, des femmes, des enfants et des vieux ont commencé à dresser des
barricades, en cercles concentriques, dans toute la ville mais en
particulier dans les quartiers périphériques, les plus exposés à la
violence des tueurs. De nuit, les barricades étaient montées et, de jour,
elles étaient retirées.

Il y a eu au moins 1 500 barricades, mais il faut bien avouer que personne
ne les a comptées et que nous ne connaîtrons jamais leur nombre exact. Les
gens qui les gardaient n'appartenaient pas toujours à l'APPO, c'étaient
parfois des citoyens comme les autres et des ménagères qui manifestaient
de la sorte leur sympathie avec le mouvement. Chaque matin, ils partaient
travailler, mais ils passaient des nuits entières sans dormir à protéger
une barricade – et, au passage, à vivre une véritable fête collective
(22).

À mon sens, c'est uniquement ce côté festif qui justifie la comparaison
qui a été faite avec la Commune de Paris, révolte qui fut elle-même
définie comme "la plus grande fête du XIXe siècle". Cela dit, au bout du
compte la Commune d'Oaxaca a connu le même isolement que son illustre
prédécesseur : il n'y a pas eu au Mexique – pas plus qu'à l'étranger – de
grandes mobilisations en soutien à l'APPO.

Ajoutons que les habitants d'Oaxaca ne parlent pas de "commune" mais de
"communalité" (comunalidad), terme qui renvoie aux pratiques indigènes
locales (23). Ce qui est sûr, c'est que les jeunes des barricades qui ont
livré les combats de rue n'étaient ni des "professionnels" ni des
militants au sens traditionnel du terme. C'était le peuple, purement et
simplement – et même des enfants des rues, comme celui que l'on peut voir
dans une vidéo filmée par le collectif Mal de Ojo (24) –, des gens qui ne
savaient rien de la guérilla urbaine et qui se sont formés à la faveur des
événements.

ET MAINTENANT ?

Le grand mouvement social qui a ébranlé la société oaxaquègne est un des
événements les plus importants de l'histoire récente du Mexique,
uniquement comparable avec l'insurrection zapatiste de 1994. La réponse
populaire aux abus d'Ulises Ruiz fut aussi inattendue que massive,
imaginative et prometteuse. À l'écologie de la peur, les Oaxaquègnes ont
répondu par l'écologie de la fête, qui est profondément enracinée dans la
tradition locale. Contre les délires du pouvoir, les habitants ont
réaffirmé leur droit au tyrannicide non violent, incarné par le slogan "Ya
cayó, Ulises ya cayó" ("Ça y est ! Il est tombé, Ulises est tombé !").

L'APPO est le résultat d'une longue accumulation progressive d'expériences
historiques – faite d'erreurs et de réussites – qui convergent dans
l'objectif commun de démocratiser les structures du pouvoir. Même si on a
pu voir que le sens de cette démocratisation est encore en discussion, il
n'en reste pas moins que c'est l'axe autour duquel s'est aggloméré un
mouvement multiforme qui ne peut être saisi en partant des analyses
marxistes traditionnelles ou sociologiques.

"Car ce qui est en train de s'ébaucher [à Oaxaca] se situe dans la lignée
de la Commune de Paris et des collectivités andalouses, catalanes et
aragonaises de 1936-1938, où l'expérience autogestionnaire jeta les bases
d'une nouvelle société", écrivait Raoul Vaneigem dans un appel à la
solidarité internationale avec le mouvement, publié au Mexique par le
journal "La Jornada" (25).

Vaneigem a raison, en ce sens que ce qui s'est passé à Oaxaca en 2006 est
riche d'espoir pour tous ceux qui sont en quête d'alternatives à la
barbarie dominante, au Mexique comme ailleurs. Cependant, il est tout
aussi vrai que la répression a anéanti ces mêmes espoirs. Je n'évoquerai
pas ici le calvaire vécu par le peuple de l'Oaxaca à partir du 27 octobre
2006, date de l'assassinat du journaliste Brad Will à Santa Lucía del
Camino et du massacre d'un nombre indéterminé de personnes à Santa María
Coyotepec.

La meilleure source d'informations à ce sujet reste encore le rapport de
la CCIODH que nous avons cité et dont les membres déclarent dans leur
conclusion : "La Commission considère que les faits survenus dans l'Oaxaca
constituent le maillon d'une stratégie juridique, policière et militaire
comportant des éléments psychosociaux et communautaires qui visent en
dernière instance à obtenir le contrôle des populations civiles et à les
soumettre à la terreur dans des zones où l'on assiste au développement
d'une organisation des citoyens ou de mouvements d'un caractère social
hors des partis (26)."

J'ai participé à cette commission et je peux témoigner de ce que cette
conclusion est non seulement modérée, mais qu'elle reste en dessous de la
réalité. Bien que nous ayons pu vérifier qu'il y avait eu au moins 23
victimes mortelles jusqu'à la dernière quinzaine du mois de janvier 2007
(toutes du côté du mouvement), nous n'avons pas pu nous informer avec
exactitude du grand nombre de disparitions survenues depuis le début du
conflit. Pourquoi ? Parce que la terreur est telle que les gens n'ont pas
osé dénoncer la disparition de leurs proches, pas même devant un organe
aussi digne de confiance que la CCIODH.

Les abus commis par les forces publiques de l'ordre n'ont été ni des
"excès" ni des "erreurs", mais une expérience d'ingénierie sociale
froidement calculée dans laquelle les pouvoirs fédéraux ont agi en
coordination totale avec les pouvoirs locaux. Quels objectifs
poursuivaient-ils ? Peut-être bien mesurer la dose de répression qu'un
peuple est capable de supporter sans que la situation ne leur échappe.
Armando Bartra le dit fort bien : "[…] se préparer à affronter des masses
furieuses, c'est supposer qu'elles vont apparaître (27)."

À Oaxaca, les masses ont fait leur apparition, et, comme en Amérique
centrale dans les années 1980, le but de l'opération a été d'"ôter l'eau
au poisson" (comme le prônent les manuels de contre-insurrection), de
semer la terreur et de montrer au citoyen quelconque ce qui peut lui
arriver s'il sort du rang. La condamnation inouïe à une peine de
soixante-sept ans de prison qui a été récemment prononcée contre Ignacio
del Valle, Felipe Álvarez et Héctor Galindo – dirigeants du Front des
communes pour la défense de la terre (FPDT) d'Atenco –, coupables au même
titre que leurs frères de l'Oaxaca de l'effroyable crime de dissidence,
projette une ombre sinistre sur le Mexique de Calderón (28).

Quel bilan peut-on tirer de sept mois de contre-insurrection ? La terreur
continue, quoi qu'en disent les lénifiantes déclarations officielles. Les
prisonniers sont libérés de manière purement arbitraire et au
compte-gouttes, poursuivant la même stratégie contre-insurrectionnelle qui
les avait fait arrêter (29).

Une retraite progressive des masses a eu lieu et, tandis que les voix qui
participaient de la pluralité se taisaient, les groupes de la vieille
gauche ont gagné du terrain, terrain qu'ils ne possédaient pas auparavant.
Ou, plutôt, terrain que leurs membres possédaient, mais en tant que
participants légitimes du mouvement et non en tant que dirigeants de tel
ou tel groupe.

Parmi eux, certains travaillent d'arrache-pied pour transformer l'APPO en
une organisation politique centralisée de type stalinienne. On l'a vu par
exemple lors du Congrès constitutif de l'APPO (du 10 au 12 novembre 2006)
ou au cours de l'"Assemblée populaire des peuples du Mexique" – tentative
en grande partie échouée d'"exporter" le modèle de l'APPO –, quand un
membre éminent et connu du Front populaire révolutionnaire (FPR) affirma
sans aucune réserve que "le mouvement d'Oaxaca est un mouvement de
dirigeants (30)".

Aux traditionnelles querelles qui opposent les vieilles organisations
accumulant trente ans de défaites successives est venue s'ajouter à partir
de février de 2007 la division sur la question des élections, à savoir :
participer ou non aux élections locales ayant lieu fin juin. Un "bloc
électoral" s'est formé à l'intérieur de l'APPO, (FPR, FALP, NIOax, etc.),
qui a aussitôt engagé une bataille à mort contre le bloc en faveur de
l'abstention (VOCAL, CODEP, CIPO, POS, etc.). Le bloc électoral s'est à
son tour fracturé, en raison de conflits internes portant sur qui allait
empocher telle ou telle candidature et sur les listes de quel parti.

Au bout du compte, personne n'a récolté grand-chose car le PRD, avec son
habituelle générosité, ne leur a cédé qu'une seule candidature. Par
contre, les dégâts qui en résultent ont une portée incalculable. L'une de
ces conséquences est très probablement l'arrestation de David Venegas –
membre du conseil de l'APPO, élu par le secteur des barricades –, membre
de VOCAL, libertaire et prônant l'abstention. David Venegas a été arrêté
par la police le 13 avril, alors qu'il se rendait à une réunion de l'APPO,
sous l'accusation fantaisiste de possession de 30 grammes de cocaïne et de
deux sacs contenant de l'héroïne.

Quelques semaines plus tard, il lançait de la prison de graves accusations
contre plusieurs dirigeants connus du bloc électoral, à qui il attribue la
responsabilité de son emprisonnement. Sans vouloir entrer dans le vif de
la question, il se trouve que David Venegas a été arrêté sous le même chef
d'accusation que celui que ces dirigeants avaient fait circuler contre
lui, avant son arrestation (31). Qui plus est, au mois de mars, dans le
cadre de sa contre-offensive, la police avait "semé" des explosifs à
proximité de ce qui avait été la barricade de Brenamiel, où El Alebrije
s'était illustré, l'existence de tels explosifs ayant immédiatement été
démentie par David dans une conférence de presse (32).

Les choses étant ce qu'elles sont, il serait vain de vouloir chercher les
organisations pures et de vouloir séparer les "bonnes" des "mauvaises" ou
les "révolutionnaires" des "réformistes". De telles distinctions ne
tiennent pas aux organisations elles-mêmes, elles les traversent en tout
sens. Même chez les staliniens du FPR on trouve des compañeras et des
compañeros de valeur. Redonner de l'élan au mouvement n'est pas plus une
affaire ethnique. Il ne fait aucun doute que la contribution des indigènes
est fondamentale, mais eux non plus ne sont pas immunisés contre la
corruption ou contre la funeste séduction de la politique professionnelle,
comme plusieurs d'entre eux me l'ont dit personnellement.

David Venegas suggère que "si le canal que l'APPO lui offre […] est par
trop étroit et limité, ce peuple héroïque saura chercher et trouver le
chemin de son émancipation (33)". Un diagnostic sévère, mais qui ne semble
pas s'éloigner outre mesure de la réalité. Malgré tout, tout n'est pas
perdu. À Oaxaca, une question court les rues : comment faire renaître le
moment magique que l'on a vécu l'an dernier ? Il n'y a que les femmes et
les hommes qui ont participé à ce mouvement qui pourront trouver la
réponse. En attendant, le 14 juin, 100 000 personnes sont redescendues
dans la rue pour exiger la démission d'Ulises Ruiz Ortiz, et le 18, les
enseignants de la section 22 ont repris leur plantón. Non, Oaxaca n'est
pas en paix.

Mexico, District fédéral, le 20 juin 2007,
CLAUDIO ALBERTANI



Notes

1. Cité par Luís Arellano Mora dans "Oaxaca: la pobreza en cifras"
("Oaxaca, les chiffres de la pauvreté"):
http://www.transicionoaxaca.com.mx/index.php?option=com_content&task=view&id=42&Itemid=75
2. Carlos Fazio, "¿Hacia un estado de excepción?" ("Vers un État
d'exception?" ) La Jornada, le 4 décembre 2006.
3. La Jornada, le 9 juin 2007. On se reportera également au viol et
meurtre d'Ernestina Ascensión, une femme âgée, dans la Sierra de
Zongolica, au Veracruz (La Jornada, le 27 février), ainsi qu'au massacre
d'une famille de cinq personnes dans le Sinaloa, coupables de "ne pas
s'être arrêtés à un barrage de police" (La Jornada, le 3 juin 2007), qui
constituent un véritable modus operandi.
4. Cf. Commission civile internationale d'observation pour le respect des
droits humains (CCIODH), Rapport sur les événements de l'Oaxaca (en
espagnol) http://cciodh.pangea.org/quinta/informe_oaxaca_cas.shtml
5. Au Mexique, "mapaches" n'est pas seulement le nom donné aux ratons
laveurs, il désigne aussi les vendus qui réalisent les fraudes électorales
: manipulant les bulletins de vote déposés dans les urnes, ces
spécialistes transforment une défaite en victoire ou annulent la victoire
d'un parti, généralement un parti de l'opposition.
6. Interview d'Ismael Sanmartín Hernández, directeur de Noticias de
Oaxaca, réalisée le 29 décembre 2006.
7. Cf. mexico.indymedia.org/tiki-download_file.php?fileId=62 ; la
répression ne s'est pas arrêtée là car le 18 juin 2007, comme le dénonce
l'Alliance magoniste zapatiste, à Xanica, les sbires d'URO ont enlevé
Cesar Luís Diáz, membre du conseil de l'APPO et du Codedi.
8. San Salvador Atenco est une commune de la vallée de Mexico, qui
s'opposa victorieusement en 2002 à la construction d'un aéroport sur les
terres communales. En guise de représailles, elle subit en mai 2006 une
véritable attaque en règle de l'armée mexicaine, qui fit deux morts et
plusieurs dizaines de blessés et se solda par 150 arrestations, 28
personnes étant aujourd'hui encore emprisonnées. Cf. Commission civile
internationale d'observation pour les droits humains, Rapport préliminaire
sur les événements d'Atenco, 2006 :
(en espagnol) http://cciodh.pangea.org/cuarta/informe_preliminar.htm
9. Pour cette rapide reconstruction des faits, je me fonde sur les
interviews que j'ai réalisées personnellement, sur le Rapport sur
l'Oaxaca, op. cit., et sur le récit de Gustavo Esteva lors d'une "Session
d'analyse du mouvement social dans l'Oaxaca. Dialogue entre des membres
d'organismes civils et des institutions académiques d'Oaxaca et de la
ville de Mexico", Université de la Terre, Oaxaca, le 18 mars 2007.
10. La Jornada, le 19 juin 2006.
11. Interview de Miguel Linares Rivera réalisée par Hernán Ouviña, ville
de Mexico, le 29 octobre 2006 :
http://www.espacioalternativo.org/node/1731
12. Interview de Gustavo Esteva, Université de la Terre, Oaxaca, le 3
novembre 2006.
13. David Venegas Reyes, "Alebrije", lettre écrite de la prison d'Ixcotel,
le 23 avril 2007 :
http://chiapas.indymedia.org/display.php3?article_id=144954
14. Interview de Nicéforo Urbieta, le 3 mai 2007.
15. David Venegas, lettre citée.
16. Dans les communautés indigènes, les topiles, sortes d'agents, sont
élus en assemblée et, investis du bâton de commandement, exercent sans
rémunération la justice. Ils ne sont pas armés.
17. Ce qui a entraîné la critique virulente d'un groupe anarchiste qui a
vu dans l'APPO un mouvement de la petite bourgeoisie (!). Cf. "Oaxaca:
APPO y el reformismo de siempre" ("Oaxaca : l'APPO, le réformisme de
toujours" ) :
http://argentina.indymedia.org/news/2006/11/463625.php
18. Miguel Linares Rivera, interview citée.
19. Interview de Flavio Sosa, le 4 novembre 2006.
20. G. Esteva, interview citée.
21. Interview de la docteur Berta Muñoz, Oaxaca, Cité universitaire, le 3
novembre 2006.
22. "Las barricadas fueron la manera en que el pueblo mantuvo al
mouvement" ("C'est par les barricades que le peuple a maintenu en vie le
mouvement"), interview de "Drak", pseudonyme d'un membre du Conseil de
l'Oaxaca de l'APPO et de la barricade de Soriana :
http://lavoladora.net/content/view/690/82/
23. Pour en savoir plus sur le concept de comunalidad dans les communautés
indigènes de l'Oaxaca, cf. Benjamin Maldonado, La comunalidad indígena
("La "communalité" indigène" ) :
http://www.antorcha.net/biblioteca_virtual/politica/comunalidad/comunalidad.html
24. Ce collectif a effectué un excellent travail de compilation des
événements d'Oaxaca. Cf. www.maldeojotv.net
25. Raoul Vaneigem, "Appel d'un partisan de l'autonomie individuelle et
collective", publié en espagnol dans La Jornada, le 11 novembre 2006, et
en français sur le site du CSPCL :
http://ouvaton.org/article.php3?id_article=387
26. CCIODH, "Conclusions et recommandations préliminaires":
(en espagnol)
http://cciodh.pangea.org/quinta/070120_inf_conclusiones_recomendaciones_cas.shtml.
27. Armando Bartra, "El tamaño de los retos" ("La dimension des défis"),
revue La Guillotina Nº 56, printemps 2007.
28. La Jornada, le 6 mai 2007.
29. Selon Noticias de Oaxaca du 9 juin 2007, il ne reste que 6 détenus et
environ 20 mandats d'arrêt émis contre des membres de l'APPO, auxquels il
faut ajouter un nombre indéterminé de prisonniers politiques à l'occasion
d'autres conflits, en particulier dans la région des Loxichas et à
Santiago Xanica.
30. 11 et 12 novembre 2006, locaux du Situam, Mexico DF.
31. David Venegas, lettre du 15 mai 2007 :
http://www.vocal.lunasexta.org/davidvenegas/carta-de-david-15-de-mayo.html
32. La Jornada, le 14 avril 2007.
33. David Venegas, le 23 avril, lettre citée.
Paria
Notes d'information sur Oaxaca et le Mexique


Oaxaca, 1er avril 2007.

Amparo pour les frères Sosa

L'actualité strictement oaxaquègne est plutôt calme, ce qui va nous
permettre de développer un peu des aspects qui lui sont liés
indirectement.

Les frères Sosa, Flavio et Erick, viennent de bénéficier d'un amparo
("protection"), pour l'un des procès contre eux. Il s'agit d'une sorte
d'habeas corpus, reconnaissant qu'il n'y a pas de charges suffisantes pour
leur maintien en prison. Les juges reconnaissent ainsi qu'il n'y a pas de
preuves qu'ils aient volé un camion-citerne et une excavatrice (on aura
compris qu'il s'agit de matériel réquisitionné par la population pour
former les barricades). Erick pourrait sortir bientôt. Flavio, qui a été
l'un des porte-parole les plus visibles de l'APPO, a encore cinq autres
procès sur les reins, mais son avocat espère obtenir sa libération dans
les dix jours. Excès d'optimisme ?

Ah oui, autre chose : deux membres du PRI viennent d'être arrêtés ! Il
s'agit du maire de San Bartolomé Ayautla et d'un dirigeant de la 59e
section du SNTE, la section jaune montée de toutes pièces par Elba Ester
Gordillo pour tenter de faire contrepoids à la 22e section
oppositionnelle. Les priistes occupent encore indûment 70 écoles, où ils
font faire la classe par des gens non qualifiés. Selon les accords signés
en octobre, ils auraient dû les rendre aux vrais instit's, mais ils s'y
refusent. Dans leur élan, ils avaient séquestré le responsable à
l'éducation du gouvernement d'Ulises Ruiz. Là, ça faisait carrément
désordre, d'où l'arrestation. Bah, ils seront sûrement bientôt en liberté…

Retraites : la mobilisation continue

Le système de sécurité sociale mexicain, assez proche du nôtre, même s'il
laissait de côté les millions de travailleurs du secteur informel, a été
souvent présenté comme une des plus grandes conquêtes de la Révolution.
Cela explique sans doute l'attachement que lui manifestent les Mexicains
et la vigueur des protestations face à sa démolition par la récente loi de
"réforme" de l'ISSSTE (Institut de Sécurité et Services Sociaux des
Travailleurs de l'Etat) adoptée à la sauvette cette semaine.

La journée de protestation du 27 mars a été des plus massives, aussi bien
à Mexico que dans tous les Etats de la Fédération. Si les enseignants, à
l'appel de la Coordination Nationale des Travailleurs de l'Education
(CNTE, qui regroupe les sections oppositionnelles à la direction du SNTE)
étaient venus par gros bataillons, ils n'étaient pas seuls, loin de là.
Les travailleurs de la Santé étaient aussi descendus en masse, de même que
d'autres secteurs, regroupés dans l'Union Nationale des Travailleurs
(UNT), à laquelle appartient par exemple le combatif Syndicat Mexicain des
Electriciens (SME).

A l'issue de la manifestation de la capitale a été plébiscitée par la
foule la mise sur pied d'une Coordination Nationale de Grève. Il semble
bien qu'on s'oriente vers une grève nationale illimitée qui commencerait
le 2 mai. Ce serait une grande première au Mexique : le verrouillage mis
en place par le PRI grâce à son système de syndicats charros à la botte du
pouvoir l'avait jusqu'ici toujours empêché.

Mais certains travailleurs ont préféré battre le fer tant qu'il était
chaud. Les protestations, avec arrêts de travail, ont continué à peu près
toute la semaine. Dans l'Etat de Guerrero, à l'appel de l'Assemblée
Populaire des Peuples du Guerrero (APPG), ils ont même envahi le Congrès
local. Sans qu'on puisse en jurer — on ne connaît pas par cœur la liste
des sections oppositionnelles du SNTE — il semble bien que ces actions
soient aussi le fait de sections en principe tenues en main par la
Gordillo, mais qui cette fois se rebellent. Chiapas, Oaxaca, Guerrero,
Michoacán, Zacatecas, Chihuahua, Durango, Tlaxcala, Hidalgo… La liste des
Etats mobilisés est longue. Dans le Zacatecas, 40 % des écoles publiques
ont déjà entamé un "arrêt de travail indéfini".

Les néo-cons désignent leurs ennemis : les Indiens.

Le 27 mars dernier, José María Aznar, ex-chef du gouvernement espagnol de
1996 à 2004 et membre du Parti Populaire (PP) fondé par l'ancien ministre
de Franco Fraga Iribarne, a présenté à Madrid son (petit) livre intitulé
Amérique Latine, un agenda de liberté. Il y expose la doctrine que, selon
lui, doivent suivre les dirigeants latino-américains proches de ses idées,
ceux qu'il appelle fièrement — en espagnol dans le texte — los "neocon".
Remarquons que Manuel Espino, chef du Parti d'Action Nationale (PAN) du
président mexicain FeCal (Felipe Calderón), a participé à l'élaboration.

La prétention d'Aznar à se poser en maître à penser peut faire sourire :
il est de notoriété publique que, sur le plan intellectuel, ce n'est pas
une flèche… Cependant, si on se souvient que le leader mondial de la
droite dure est un certain G.W. Bush, pourquoi pas Aznar, après tout !

Le "livre", en fait une grosse brochure de 98 pages, met en garde contre
la menace permanente des "ennemis de l'Occident". Ces nouveaux ennemis,
puisque la gauche est, selon lui, hors course depuis la chute du mur de
Berlin, sont au nombre de trois : "l'islamisme djihadiste",
"l'altermondialisme" et "les différentes manifestations d'indigénisme" ;
et ils "font partie d'une alliance diffuse, mais opérationnelle".

Il y a là quelque chose de nouveau. Se donnant pour héritier du
libéralisme politique du XIXe siècle, le néolibéralisme n'avait jamais
osé, jusqu'ici, s'en prendre directement et nommément au mouvement
indigène. Bolívar ne voulait-il pas émanciper les Indiens ? Il est vrai
que les mesures qu'il avait prises à l'époque dans ce sens avaient eu des
résultats allant du nul au catastrophique, car elles ne tenaient pas
compte – involontairement ? – des traditions communautaires indiennes. Il
n'empêche qu'aujourd'hui, dénoncer ouvertement le mouvement irrésistible
des peuples natifs vers la reconnaissance de leur égalité et de leurs
droits, notamment à s'autogouverner, est plutôt gonflé. Cela marque un
retour en arrière d'au moins quinze ans, quand, à l'occasion du V°
centenaire du premier voyage de Christophe Colomb, l'expression
"découverte de l'Amérique" (qui niait jusqu'à l'existence des Indiens)
avait été remplacée par "rencontre des deux mondes". C'est aussi un clair
aveu de racisme au nom de la "supériorité de l'Occident" : cela signifie,
crûment, qu'il y a des cultures qui valent moins que d'autres, et qu'elles
doivent pour cela se soumettre aux cultures "supérieures".

Mais au-delà du caractère scandaleux et brutal de telles affirmations, il
semble au rédacteur de ces lignes qu'Aznar ne se trompe pas d'ennemi.

Quand nous défendons, en Europe, l'idée qu'un autre monde est possible (ou
que d'autres mondes sont possibles), nous invitons nos concitoyens à
imaginer, à rêver à quelque chose qui n'a encore jamais existé ou presque.
D'où le scepticisme si fréquent : "ça ne marchera jamais !".

Quand les Indiens affirment qu'un autre monde est possible, ils ne
demandent pas d'imaginer, ils démontrent : non seulement il est possible,
mais il existe, regardez-le, c'est le nôtre.

Les Indiens sont aujourd'hui, sur le plan mondial, les seuls à pouvoir
fournir à l'échelle de masse un contre-modèle au capitalisme : celui d'un
monde fondé sur la solidarité, la coopération, la démocratie directe, le
respect de l'environnement, l'usage raisonné et raisonnable des ressources
naturelles… Cela n'est pas vrai seulement au Chiapas et à Oaxaca, on le
voit aussi à plus petite échelle dans bien d'autres Etats du Mexique (cas
d'Atenco, par exemple), et également à plus grande échelle en Bolivie et
en Equateur. Des processus allant dans le même sens ont commencé ailleurs,
même si on en parle peu : Pérou, Colombie, Guatemala, sud du Chili,
Nicaragua…

Aznar a donc raison quand il voit dans "l'indigénisme" le pire ennemi du
capitalisme. Son existence même est sans aucun doute ce qui se fait
aujourd'hui de plus subversif. D'autant que les mouvements indiens
comprennent de plus en plus que ce monde qui est le leur ne peut exister à
côté du monde capitaliste, car celui-ci prétend à la domination globale et
veut donc étouffer tous les autres.

En même temps, Aznar menace clairement : en mettant dans le même sac
altermondialisme, indigénisme et terrorisme, il annonce que c'est fini de
rire. Il ne s'agit plus de "démocratie", mais "d'état de droit", nuance !
Or, dans le droit actuel, il est une valeur qui écrase toutes les autres :
la propriété. C'est justement celle que les Indiens rejettent en premier.
Tous ceux qui mettent en péril l'état de droit doivent s'attendre aux
foudres divines de l'Etat tout court, cette "bande d'hommes armés au
service du capital", comme disait l'autre…
Paria
Violente répression contre un campement de l’appo a mexico

Rappelons que la mairie de mexico est dirigée par un maire du Prd de manuel lopez obrador un soit disant parti de gauche

Dans la nuit du 18 au 19 mars, environ 400 policiers de la ville de Mexico (PRD, centre gauche), ont procédé à l’expulsion du campement de la APPO (Assemblée populaire des peuples de Oaxaca), situé depuis plus de cinq mois sur une des places du centre historique de la capitale. Ces occupants réclament la démission d’Ulises Ruiz, gouverneur de l’état de Oaxaca, la libération des prisonniers politiques et que la lumière soit faite sur la répression terrible qui s’est abattue sur Oaxaca.

Une soixantaine de personnes environ – dont beaucoup de femmes et d’enfants de la communauté Triquis – était présents lorsque l’opération policière a débuté. Face à un tel déséquilibre des forces, les occupants n’ont pu que rester impuissants. Alors que la police déployait ses troupes, des hommes armés de barres et de petites machettes sont entrés sur la place occupée et ont saccagé violemment le campement, détruisant systématiquement les affaires des membres de la APPO en proférant des injures racistes. Il est clair que les autorités locales ont eu recours à des hommes de main pour faire le « sale boulot » à la place de la police. Lorsque ces mercenaires ont discrètement quitté les lieux, ils ont été vu à bord d’une camionnette blanche appartenant à la municipalité.

Après que le secteur ait été bouclé pour empêcher à quiconque d’entrer et d’assister à l’expulsion musclée, les éboueurs de la ville sont arrivés avec d’immenses camions bennes pour « nettoyer » les lieux. La majorité des affaires a été saisie pour être détruite (des tentes, des ordinateurs, du matériel d’artisanat, des matelas, etc).

Cantonnés à l’extérieur du périmètre contrôlé par la police, les membres de la APPO sont resté unis et ont montré leur détermination a toute épreuve. Malgré le froid et la fatigue ils ont tenu toute la nuit tête à la police en criant des slogans et en allumant à plusieurs reprises des feux. Dans la nuit, deux personnes au moins ont été blessés lors d’accrochages : un policier et Gustavo Sosa (frère de Flavio Sosa, un des leaders de la APPO toujours en prison).

Lundi matin 19 mars, ni la police, ni les membres de la APPO ne s’étaient retirés du lieu. La APPO a annoncé son intention de réoccuper les lieux et de continuer à lutter.

Une politique de « nettoyage » du centre historique.

Il y a 5 mois, l’installation du campement sur cette place où se trouve la chambre des sénateurs s’est faite avec l’accord des autorités municipales de Mexico. Or le prétexte utilisé aujourd’hui pour déloger le campement est qu’il est devenu un repère de vendeurs ambulants. Ce qui est évidemment faux. Cette décision d’expulsion n’est rien d’autre qu’un geste politique fort visant à mettre un terme définitif à la révolte des peuples de Oaxaca. La position extrêmement ferme adoptée par la municipalité dite de gauche à l’encontre de l’APPO doit être replacée dans le contexte d’une politique plus globale visant à « nettoyer » le centre historique de la ville de Mexico. Officiellement, il s’agit de lutter contre la contrebande et le narcotrafic. Officieusement, il existe une volonté claire de vider et de nettoyer le centre ville de ces pauvres, de ces commerçants ambulants et des gens qui luttent. En lieu et place de toute cette population qui survit grâce aux revenus de l’économie informelle, Ebrard, le gouverneur de Mexico veut permettre l’implantation de commerces normalisés (les grandes chaînes de magasins qui poussent comme des champignons à Mexico). Slim, puissant homme d’affaire mexicain et connu comme l’un des hommes les plus riches du monde, a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaitait partir à la conquête du centre historique.

Pour mener à bien leur funeste projet, les autorités locales devront faire face à la fronde des dizaines de milliers de petits commerçants qui peuplent le centre ville, bien déterminés à ne pas s’en laisser chasser. Le quartier populaire de Tepito, considéré comme le quartier le plus chaud du Mexique, haut lieu du narcotrafic et de la contrebande est déjà entré en résistance après que les expropriations aient commencé le mois dernier. Les autorités et la police sont déjà sur le pied de guerre et savent que le petit peuple de Tepito s’organise et est prêt à résister. Une manifestation des habitants du quartier est prévue jeudi 23 mars contre les expropriations et pour la défense de leur lieu de vie et de leur dignité. Affaire à suivre donc.
Paria
Oaxaca de Juárez, État d'Oaxaca, le 16 mars 2007.

Au peuple de l'Oaxaca.
Aux peuples du monde,

Avec ce bulletin, nous voulons dénoncer et éclaircir les faits survenus le
15 mars, Journée internationale de protestation contre la brutalité
policière. Dans le cadre des journées contre la brutalité policière
organisées par "Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad"
(VOCAL), hier, à 16 heures, un meeting avait lieu devant le siège de la
Commission des droits de l'homme de l'Oaxaca. Ce rassemblement a aussitôt
été décrié par Mme Jennifer Aguilar, qui, sans consultation préalable des
bases de l'APPO, a désavoué la manifestation et a pris à partie
organisateurs et participants, qu'elle a qualifiés de troupes de choc du
gouvernement, de partisans du PRI, de nervis, de groupes violents et
d'infiltrés cherchant à diviser le mouvement actuel dans l'Oaxaca.

Sachant que la grande diversité d'opinions et de pensée qui existe au sein
de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO) fait qu'il est peu
probable que cette assemblée désavoue cette forme de protestation, la
situation nous a énormément surpris. Les déclarations de Mme Jennifer
Aguilar ont entraîné l'intervention musclée des forces de l'ordre
commandées par Aristeo López, chef de la police municipale, qui a été vu
inspectant en plusieurs occasions les lieux en cyclomoteur. Cette
intervention totalement disproportionnée était visiblement prête à être
déclenchée en vue de réprimer la manifestation, la police encerclant le
lieu du rassemblement, et a débouché, pendant plus d'une demi-heure, sur
la persécution dans les rues de la ville de personnes qui abandonnaient
les lieux.

Les déclarations de Mme Jennifer Aguilar constituent une tentative
manifeste de criminalisation de la jeunesse et de tous ceux qui cherchent
la manière de changer les choses sans passer par des élections et des
structures hiérarchiques autoritaires qui essaient de manipuler le
mouvement actuel. Nous répétons que VOCAL est un regroupement qui veut
écouter et jumeler les peuples en résistance, les communautés
traditionnelles et autres mouvements autonomes dans l'Oaxaca, à travers le
travail sur place, l'échange entre les peuples et la manifestation
pacifique de nos idées. Comme le démontrent les activités culturelles –
ateliers de peinture pour les enfants et les jeunes, tags, musique, danse
folklorique, fresques murales, projection de la vidéo "Pesadilla Azul"
(Cauchemar bleu), théâtre de rue, performance et veillée populaire – que
nous avons organisées avec le peuple de Zaachila et avec sa radio
communautaire, le 14 mars.

La grandeur et la légitimité du mouvement populaire se doivent à la
participation honnête et spontanée du peuple qui s'organise de lui-même et
prend l'initiative des protestations, comme on a pu le voir avec la
participation radicale du peuple lors des occupations et de la levée de
barricades, de sorte qu'aucune organisation ni aucun individu autoritaires
prônant les structures hiérarchiques ne peut monopoliser la lutte et
l'insatisfaction sociale, car on court en outre le risque que ces
organisations justifient aux yeux du gouvernement la répression contre
celles et ceux d'Oaxaca qui ont choisi de lutter de manière autonome et
indépendante.

Nous demandons à tous les peuples de l'Oaxaca, du Mexique et du monde de
soutenir et de montrer leur solidarité avec l'espace autonome de lutte
qu'est VOCAL et au sein duquel nous recherchons, de manière fraternelle et
coude à coude avec l'ensemble du peuple de l'Oaxaca, à faire destituer et
châtier le tyran Ulises Ruiz Ortiz et à réaliser un changement profond et
véritable pour le bien de nos peuples de l'Oaxaca, dans le respect de
l'autonomie et des us et coutumes des peuples et des personnes.

Voces Oaxaqueñas Construyendo Autonomía y Libertad (VOCAL)
vocal@riseup.net

Traduit par Ángel Caído.
Paria
VOIX OAXAQUIENNES CONSTRUISANT L'AUTONOMIE ET LA LIBERTÉ (VOCAL)

Les membres actuels de VOCAL sont des individu(e)s autonomes, des
collectifs libertaires, des lieux autogérés, des antiautoritaires, des
organisations magonistes, des collectifs zapatistes, des groupes
anarchistes, des barricadières et barricadiers, des membres de l'APPO et
des adhérent(e)s à l'Autre Campagne. Tous et toutes participent à l'actuel
mouvement social dans l'Oaxaca.

VOCAL se veut un lieu de convergence et d'union des tentatives autonomes
du peuple d'Oaxaca en lutte, de tous ceux qui, appartenant ou non à des
regroupements tels que l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca
(APPO), participent activement au mouvement social actuel et veulent que
ce mouvement reste fidèle à ses principes d'autonomie et d'indépendance
vis-à-vis des partis politiques, en revendiquant l'assemblée souveraine
comme la manière la plus juste et la plus harmonieuse pour réussir à nous
comprendre, à nous organiser de façon autonome et à nous autogouverner. Un
lieu où les accords du peuple ne se fondent ni sur la prédominance de la
majorité sur une minorité ni sur aucune autre façon d'imposer son point de
vue comme celle communément exercée par le pouvoir de ceux d'en haut, mais
sur le respect mutuel entre toutes les composantes du peuple.

Dans un tel lieu, nous nous proposons donc de lutter pour construire,
consolider et relier des autonomies, estimant que l'autonomie des peuples,
des groupes, des collectifs, des individus, des organisations et autres
constitue une alternative réelle d'opposition au système de gouvernement
autoritaire actuel. L'autonomie entendue comme la construction d'autres
réalités montrant qu'il existe une autre manière de changer les choses à
la source, dans laquelle les peuples décident de leurs propres modes de
vie, et non au sein d'institutions qui ne font que réformer l'oppression
et la répression, comme le font les partis politiques qui produisent des
tyrans, homme ou femme, des caciques et un autoritarisme chez tous ceux et
toutes celles qui y accèdent à travers des postes qui leur confèrent une
quelconque autorité. Aussi les activités de VOCAL ne se limiteront-elles
pas aux périodes électorales, attendu qu'avec ou sans des élections
l'autonomie fait son chemin à travers l'organisation et le projet d'une
autre société possible.

Au stade actuel du mouvement, tandis qu'une période électorale qui a été
présentée comme une possibilité de faire triompher notre lutte est sur le
point de commencer, nous pensons qu'il est indispensable que tous les
enfants, toutes les femmes, tous les hommes, tous les peuples et régions
de notre État qui ont participé d'une manière ou d'une autre à ce grand
mouvement, pour revendiquer précisément l'indépendance et l'autonomie
vis-à-vis des partis politiques, viennent avec nous renforcer, auprès de
tous ceux qui partagent ce point de vue, l'idée que cette circonstance
n'est qu'une étape, qu'il nous faudra sortir de cette période d'élection
plus fort(e)s et plus mûr(e)s afin d'affronter les assauts des
gouvernements du pouvoir au service des intérêts des maîtres de l'argent,
les véritables responsables du malheur des peuples, comme Ulises Ruiz
Ortiz et Felipe Calderón, notamment.

L'assemblée de l'Oaxaca de l'APPO qui s'est tenue les 10 et 11 février
2007 a disposé que l'APPO en tant que mouvement ne participera pas à ces
élections, décision qui respecte les principes de l'APPO, en ce sens
qu'elle ne se veut pas un parti politique. Il a été convenu que les
organisations qui le souhaiteraient seront libres de participer en toute
autonomie à ces élections, mais qu'aucun candidat ne pourra utiliser ni le
nom ni les liens unissant son organisation avec l'APPO pour faire campagne
et que les conseillers [de l'APPO] qui participeraient au processus
électoral devront démissionner de façon irrévocable dès l'instant ou leur
candidature serait acceptée sur les listes d'un parti politique – la
participation de l'APPO à ces élections se limitant exclusivement à
appeler à un vote de sanction contre les candidats d'Ulises Ruiz Ortiz et
des ses alliés.

Nous avons pu constater que, au sein de l'APPO comme en dehors, la
population mobilisée partage cette idée de la nécessité de conserver
l'indépendance et l'autonomie de notre mouvement vis-à-vis des partis
politiques, l'histoire de notre pays ayant largement démontré qu'à
différents moments et dans différentes circonstances les partis politiques
ont réprimé et censuré les intérêts légitimes du peuple. Dans le cadre des
accords convenus, l'APPO a jugé qu'elle ne croyait pas que les partis
politiques répondent aux besoins du peuple et a réaffirmé que la lutte du
peuple de l'Oaxaca va au-delà de tout processus électoral.

Les peuples de l'Oaxaca sont conscients de l'importance de leur
mobilisation et de leur organisation comme principal outil pour obtenir la
victoire. C'est pourquoi nous croyons qu'il faut continuer à se mobiliser
dans l'ensemble de l'Oaxaca et faire tous et toutes cause commune,
rassembler les différentes manières de concevoir la société et la
résistance, et que, de par sa diversité et son caractère pluriel, VOCAL
est un appel à stimuler encore cette lutte.

La fraternité entre enfants, femmes, hommes et le peuple en général ne se
réalise pas dans une marche ou dans un meeting, où la différence entre
ceux qui prennent toujours la parole et ceux qui ne font qu'écouter existe
nécessairement, non, ce lien doit se créer au sein des quartiers, des
écoles, des villages, des communautés et des régions, par le débat et par
l'action, et c'est au peuple mobilisé qu'il revient d'entamer un tel
dialogue, et à l'APPO, aux collectifs et aux personnes qui participent en
toute indépendance à cette lutte, mais c'est surtout du peuple qu'émane
l'organisation et la possibilité de représention de cette lutte.

Nous voulons ce qui aujourd'hui aux yeux des gouvernements et des patrons
criminels et exploiteurs constitue le pire des délits : nous voulons la
justice et la dignité, nous voulons ne plus avoir peur d'exprimer nos
idées, nous voulons ne plus être victimes de ségrégation pour la couleur
de notre peau, notre pensée, notre langue ou nos goûts, nous voulons des
aliments sains que nous obtenons par notre travail et ne plus être volés
par les riches, nous voulons employer notre énergie créatrice pour le bien
commun, nous voulons la libération de nos prisonniers et de nos
prisonnières. Nous voulons la liberté de choisir notre façon de vivre et
que personne ne nous impose ses mensonges, sa violence et sa manière de
gouverner, et nous savons que ce que nous voulons est correct et juste.

Nous voudrions devenir frères et sœurs dans cette lutte par en bas, avec
tous ceux et toutes celles qui, à la ville ou dans l'arrière-pays, ont
comme nous opposé résistance à tous les maîtres du pouvoir et de l'argent,
nous voulons jumeler nos expériences de lutte avec le moindre recoin de
notre État, nous voulons dialoguer et échanger avec toutes les femmes et
tous les hommes de l'Oaxaca.

Les Afro-Mexicain(e)s, Zapotèques, Mixtèques, Huaves, Triquis, Chatines,
Chontales, Mixes, Mazatèques, Chinantèques, Cuicatèques, Ixcatèques,
Choches, Nahuas, Amuzgos, Zoques, Tacuates, et des habitant(e)s des
"colonias", des barricadiers et barricadières, des enfants, des
instituteurs et institutrices, des ouvriers et ouvrières, des paysan(ne)s,
des migrant(e)s, des émigrant(e)s, des jeunes, des étudiant(e)s, des
homosexuel(le)s, des bisexuel(le)s, des lesbiennes. Tous ceux et toutes
celles qui se battent pour un monde meilleur.

Traduit par Ángel Caído.
 
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