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Xuan
LE BREXIT ET L’IMPLOSION DE L’UNION EUROPEENNE
par Samir Amin


10 Juil
La souveraineté nationale : à quelles fins ?
mercredi 6 juillet 2016


Un texte important de Samir Amin paru sur Pambazuka

La défense de la souveraineté nationale, comme sa critique, donne lieu à de graves malentendus dès lors qu’on la détache du contenu social de classe de la stratégie dans laquelle elle s’inscrit.

Le bloc social dirigeant dans les sociétés capitalistes conçoit toujours la souveraineté comme un instrument nécessaire pour la promotion de ses propres intérêts fondés à la fois sur l’exploitation capitaliste du travail et la consolidation de ses positions internationales.

Aujourd’hui, dans le système néolibéral mondialisé (que je préfère qualifier d’ordolibéral empruntant cet excellent terme à Bruno Ogent) dominé par les monopoles financiarisés de la triade impérialiste (Etats-Unis, Europe, Japon), les pouvoirs politiques en charge de la gestion du système au bénéfice exclusif des monopoles en question conçoivent la souveraineté nationale comme l’instrument leur permettant d’améliorer leurs positions « compétitives » dans le système mondial. Les moyens économiques et sociaux d’Etat (soumission du travail aux exigences des employeurs, organisation du chômage et de la précarité, segmentation du monde du travail) et les interventions politiques (y compris les interventions militaires) sont associés et combinés dans la poursuite d’un objectif exclusif : maximiser le volume de la rente accaparée par leurs monopoles « nationaux ».

Le discours idéologique ordolibéral prétend établir un ordre fondé exclusivement sur le marché généralisé, dont les mécanismes seraient autorégulateurs et productifs de l’optimum social (ce qui est évidemment faux), à condition que la concurrence soit libre et transparente (ce qu’elle n’est jamais, et ne peut être à l’ère des monopoles), comme il prétend que l’Etat n’a aucun rôle à remplir allant au-delà de la garantie du fonctionnement de la compétition en question (ce qui est contraire au fait : celle-ci exige l’intervention active de l’Etat en sa faveur ; l’ordolibéralisme est une politique d’Etat). Ce discours – expression de l’idéologie du « virus libéral » – interdit de comprendre le fonctionnement réel du système comme les fonctions que l’Etat et la souveraineté nationale y remplissent. Les Etats-Unis donnent l’exemple d’une pratique de la mise en œuvre décidée et continue de la souveraineté entendue dans ce sens « bourgeois », c’est-à-dire aujourd’hui au service du capital des monopoles financiarisés. Le droit « national » bénéficie aux Etats-Unis de la suprématie affirmée et reconfirmée sur le « droit international ». Il en avait été de même dans les pays impérialistes de l’Europe des XIXe etXXe siècles.

Les choses ont-elles changé avec la construction de l’Union européenne (UE) ? Le discours européen le prétend et légitime de la sorte la soumission des souverainetés nationales au « droit européen », exprimé au travers des décisions des organes de Bruxelles et de la Banque centrale européenne (BCE), en vertu des traités de Maestricht et Lisbonne. La liberté du choix des électeurs est elle-même limitée par les exigences supranationales apparentes de l’ordolibéralisme. Comme Mme Merkel le dit : « ce choix doit être compatible avec les exigences du marché » ; au-delà il perd sa légitimité. Néanmoins, en contrepoint de ce discours, l’Allemagne affirme dans les faits des politiques qui mettent en œuvre l’exercice de sa souveraineté nationale, et s’emploie à soumettre ses associés européens au respect de ses exigences. L’Allemagne a mis à profit l’ordolibéralisme européen pour établir son hégémonie, en particulier dans la zone euro.

La Grande Bretagne – par son choix du Brexit – a affirmé à son tour son choix décidé de mettre en œuvre les avantages de l’exercice de sa souveraineté nationale. On peut comprendre alors que le « discours nationaliste » et son éloge sans limite des vertus de la souveraineté nationale, entendue de cette manière (la souveraineté bourgeoise-capitaliste), sans qu’il ne soit fait mention du contenu de classe des intérêts qu’il sert, a toujours été l’objet de réserves, pour le moins qu’on puisse dire, des courants de la gauche lato-sensu, c’est-à-dire de tous ceux qui ont le souci de défendre les intérêts des classes laborieuses. Gardons-nous cependant de réduire la défense de la souveraineté nationale aux seules modalités du « nationalisme bourgeois ». Cette défense s’avère tout autant nécessaire pour servir d’autres intérêts sociaux que ceux du bloc capitaliste dirigeant. Elle sera alors étroitement associée au déploiement de stratégies de sortie du capitalisme et d’engagement sur la longue route au socialisme. Elle constitue une condition incontournable d’avancées possibles dans cette direction. La raison en est que la remise en cause effective de l’ordolibéralisme mondial (et européen) ne sera jamais que le produit d’avancées inégales d’un pays à l’autre, d’un moment à l’autre. Le système mondial (et le sous-système européen) n’a jamais été transformé « par en haut », par le moyen de décisions collectives de la « communauté internationale » (ou « européenne »). Les évolutions de ces systèmes n’ont jamais été autre que le produit de changements s’imposant dans le cadre des Etats qui les composent, et de ce qui en résulte concernant l’évolution des rapports de force entre ces Etats. Le cadre défini par l’Etat (« nation » demeure celui dans lequel se déploient les luttes décisives qui transforment le monde.

Les peuples des périphéries du système mondial, polarisé par nature, ont une longue expérience de ce nationalisme positif, c’est-à-dire anti-impérialiste (exprimant le refus de l’ordre mondial imposé et potentiellement anticapitaliste. Je dis seulement potentiellement car ce nationalisme peut être également porteur de l’illusion de la construction d’un capitalisme national parvenant à « rattraper » les constructions nationales des centres dominants. Le nationalisme des peuples des périphéries n’est progressiste qu’à cette condition : qu’il soit anti-impérialiste, aujourd’hui en rupture avec l’ordolibéralisme mondialisé. En contrepoint, un « nationalisme » (alors seulement apparent) qui s’inscrit dans l’ordolibéralisme mondialisé, et de ce fait ne remet pas en cause les positions subalternes de la nation concernée dans le système, devient l’instrument des classes dominantes locales soucieuses de participer à l’exploitation de leurs peuples et éventuellement de partenaires périphériques plus faibles à l’égard desquels il se comporte comme un « sous-impérialisme ».

Aujourd’hui des avancées – audacieuses ou limitées – permettant de sortir de l’ordolibéralisme sont nécessaires et possibles dans toutes les régions du monde, Nord et Sud. La crise du capitalisme créé un terrain favorable à la maturation de conjonctures révolutionnaires. J’exprime cette exigence objective, nécessaire et possible, dans une phrase courte : « sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise ? » (le titre d’un de mes livres récents). Sortir de la crise n’est pas notre problème, il est celui des dirigeants capitalistes. Qu’ils y parviennent (et à mon avis ils ne sont pas engagés dans les voies qui le permettraient) ou pas n’est pas notre problème. Qu’avons-nous à gagner en nous associant à nos adversaires pour redonner vie à l’ordolibéralisme en panne ? Cette crise créé par contre des chances d’avancées consistantes, audacieuses ou moins, à condition que les mouvements en lutte adoptent des stratégies qui s’en donnent l’objectif. L’affirmation de la souveraineté nationale s’impose alors, pour permettre ces avancées forcément inégales d’un pays à l’autre, mais toujours en conflit avec les logiques de l’ordolibéralisme. Le projet national souverain populaire, social et démocratique proposé dans cet article est conçu dans cet esprit. Le concept de souveraineté mis en œuvre ici n’est pas celui de la souveraineté bourgeoise-capitaliste ; il s’en distingue et doit être qualifié pour cette raison de souveraineté populaire.
L’amalgame entre ces deux concepts antinomiques, et à partir de là le refus rapide de tout « nationalisme » sans davantage de précision, annihile toute possibilité de sortir de l’ordolibéralisme. Malheureusement en Europe – et ailleurs – la gauche contemporaine engagée dans les luttes pratique souvent cet amalgame. Défendre la souveraineté nationale n’est pas synonyme simple de vouloir une « autre mondialisation, multipolaire » (en contrepoint du modèle de la mondialisation en place), fondée sur l’idée que l’ordre international doit être négocié entre des partenaires nationaux souverains, égaux en droit, et non imposé unilatéralement par les puissants – la triade impérialiste, Etats-Unis en tête – comme il l’est dans l’ordolibéralisme. Soit. Encore faut-il répondre à la question : un monde multipolaire pour quoi faire ? Car celui-ci peut être conçu comme toujours régi par la compétition entre des systèmes acceptant chez eux l’ordolibéralisme ; ou, en contrepoint, comme un cadre ouvrant des marges de manœuvre aux peuples qui veulent sortir de cet ordolibéralisme. Il faut donc préciser la nature de l’objectif poursuivi dans le cadre du système multipolaire proposé. Comme toujours dans l’histoire, un projet national peut être hybride, traversé de contradictions entre les tendances qui s’y déploient, les unes favorables à une construction nationale capitaliste et les autres qui se donnent d’autres objectifs, allant au-delà par leurs contenus sociaux progressistes. Le projet souverain de la Chine en fournit un bel exemple ; les projets semi-souverains de l’Inde et du Brésil d’autres.

L’Union européenne en panne

Bien que l’implosion du projet européen (et en particulier du sous-système de l’euro) soit déjà amorcée depuis des années (Samir Amin, L’implosion du capitalisme contemporain), le Brexit en constitue d’évidence une manifestation majeure.
Le projet européen avait été conçu dès l’origine en 1957 comme l’instrument mis en œuvre par les monopoles capitalistes des partenaires – France et Allemagne en particulier – avec le soutien des Etats-Unis, pour désamorcer le risque de dérapages socialistes, radicaux ou modérés. Le traité de Rome, en inscrivant dans le marbre le caractère sacré de la propriété privée, rendait désormais illégale toute aspiration au socialisme, comme l’a dit à l’époque Valéry Giscard d’Estaing. Par la suite et progressivement, ce caractère a été renforcé par la construction européenne, une construction en béton armé depuis les traités de Maastricht et de Lisbonne. L’argument orchestré par la propagande pour faire accepter le projet était qu’il abolissait définitivement les souverainetés nationales des Etats de l’Union, ces souverainetés (dans leur forme bourgeoise/impérialiste) qui avaient été à l’origine des massacres sans précédents des deux grandes guerres du XXe siècle. De ce fait, ce projet a bénéficié d’un écho favorable dans les jeunes générations, faisant miroiter une souveraineté européenne démocratique et pacifiste, prenant la relève des souverainetés nationales guerrières du passé. En réalité les souverainetés des Etats n’ont jamais été abolies, mais mobilisées pour faire accepter l’ordolibéralisme, devenu le cadre nécessaire pour garantir aux monopoles désormais financiarisés le monopole de la gestion économique, sociale et politique des sociétés européennes ; et cela quelles que soient les évolutions possibles des opinions. Le projet européen est fondé sur un déni absolu de la démocratie (entendue comme l’exercice du choix entre des projets sociaux alternatifs) qui va bien au-delà du « déficit de démocratie » invoqué à l’endroit des bureaucraties de Bruxelles. Il en a donné des preuves répétées ; et il a de facto annihilé la crédibilité des élections dont les résultats ne sont légitimes que dans la mesure où ils sont conformes aux exigences de l’ordolibéralisme.

L’Allemagne a été en mesure, dans le cadre de cette construction européenne, d’affirmer son hégémonie. De la sorte, la souveraineté (bourgeoise/capitaliste) allemande s’est érigée en substitut à une souveraineté européenne inexistante. Les partenaires européens sont invités à s’aligner sur les exigences de cette souveraineté supérieure à celle des autres. L’Europe est devenue l’Europe allemande, en particulier dans la zone euro dont Berlin gère la monnaie au bénéfice préférentiel des konzern allemands. Des hommes politiques importants, comme le ministre des finances Schauble, se livrent à un chantage permanent et menacent les partenaires européens d’une « sortie de l’Allemagne » (Gexit) au cas où ils remettraient en question l’hégémonie de Berlin.

On se garde de tirer la conclusion des faits évidents : que le modèle allemand empoisonne l’Europe, Allemagne comprise. L’ordolibéralisme est à l’origine de la stagnation tenace du continent, associé à des politiques d’austérité permanentes. L’ordolibéralisme est donc un système irrationnel dès lors qu’on se situe dans la perspective de défense des intérêts des majorités populaires dans tous les pays de l’Union, Allemagne compris, comme dans la perspective de la défense à long terme des conditions écologiques de reproduction de la vie économique et sociale. Par ailleurs, l’ordolibéralisme entraîne l’aggravation sans fin de l’inégalité entre les partenaires ; il est à l’origine des excédents commerciaux de l’Allemagne et des déficits symétriques des autres. Mais l’ordolibéralisme constitue une option parfaitement rationnelle du point de vue des monopoles financiers auxquels il garantit la croissance continue de leurs rentes de monopole. Ce système n’est pas viable. Non pas parce qu’il se heurte aux résistances grandissantes de ses victimes (inefficaces jusqu’à ce jour), mais du fait de sa contradiction interne propre : la croissance de la rente des monopoles impose la stagnation et la détérioration aggravée sans cesse du statut des partenaires fragiles (Grèce et autres).

Le capitaine qui est à la barre dirige le navire européen droit sur des récifs visibles. Les passagers l’implorent de changer de cap ; sans résultat. Le capitaine, protégé par une garde prétorienne (Bruxelles, la BCE), reste invulnérable. Il ne reste plus qu’à jeter les canots à la mer. C’est certes dangereux, mais enfin moins que ne l’est le naufrage certain en vue. L’image aidera à comprendre la nature des deux options entre lesquelles les critiques du système européen en place hésitent à choisir. Les uns avancent qu’il faut rester à bord ; faire évoluer la construction européenne dans de nouvelles directions, respectueuses des intérêts des majorités populaires. Ils s’entêtent en dépit des échecs à répétition des luttes s’inscrivant dans cette stratégie. Les autres appellent à quitter le navire, comme en témoigne le choix des Anglais. Quitter l’Europe ; mais pour quoi faire ? Les campagnes de désinformation orchestrées par le clergé médiatique au service de l’ordolibéralisme contribuent à brouiller les cartes. L’amalgame est entretenu entre toutes les formes possibles d’usage de la souveraineté nationale, présentées toutes comme démagogiques, « populistes », irréalistes, chauvines, dépassées par l’histoire, nauséabondes. Le public est matraqué par les discours sur la sécurité et l’immigration, tandis que la mise en évidence des responsabilités de l’ordolibéralisme dans la dégradation des conditions des travailleurs est évacuée. Malheureusement, des segments entiers de la gauche entrent dans ce jeu manipulé.

Pour ma part, je dis qu’il n’y a rien à attendre du projet européen, qui ne peut être transformé de l’intérieur ; il faut le déconstruire pour éventuellement le reconstruire par la suite sur d’autres bases. Parce qu’ils se refusent à rejoindre cette conclusion, beaucoup des mouvements en conflit avec l’ordolibéralisme demeurent dans l’hésitation pour ce qui est des objectifs stratégiques de leurs combats : sortir ou rester dans l’Europe (ou dans l’euro) ? Dans ces conditions, les arguments invoqués par les uns et les autres sont divers à l’extrême, portant souvent sur des questions insignifiantes, parfois sur les faux problèmes orchestrés par les médias (la sécurité, les immigrants), conduisant à des choix nauséabonds, rarement sur les défis véritables. La sortie de l’Otan par exemple est rarement invoquée. Il reste que la vague montante qui s’exprime dans le rejet de l’Europe (comme le Brexit) reflète l’effacement des illusions sur la possibilité de sa réforme.

Néanmoins la confusion effraie. La Grande Bretagne n’entend certainement pas de mettre en œuvre sa souveraineté pour s’engager dans une voie qui s’écarterait de l’ordolibéralisme. Au contraire Londres souhaite s’ouvrir encore davantage sur les Etats-Unis (la Grande Bretagne ne retient pas les réticences de certains Européens à l’endroit du traité de libre-échange transatlantique), les pays du Commonwealth et les pays émergents du Sud, se substituant à la priorité européenne. Rien d’autre ; et certainement pas un meilleur programme social. Par ailleurs pour les Britanniques, l’hégémonie allemande est moins acceptable qu’elle ne semble l’être pour d’autres, en France et en Italie.

Les fascistes européens proclament leur hostilité à l’Europe et à l’euro. Mais on doit savoir que leur concept de souveraineté est celui de la bourgeoisie capitaliste ; leur projet est celui de la recherche de la compétitivité nationale dans le système de l’ordolibéralisme, associé à des campagnes nauséabondes contre les immigrés. Les fascistes ne sont jamais les défenseurs de la démocratie, pas même électorale (sauf par opportunisme), encore moins d’une démocratie plus avancée. Confronté au défi, la classe dominante n’hésitera pas : elle préfère la sortie fasciste de la crise. Elle en a donné la preuve en Ukraine. L’épouvantail du rejet de l’Europe par les fascistes paralyse les luttes engagées contre l’ordolibéralisme. L’argument invoqué fréquemment est : comment pouvons-nous faire cause commune contre l’Europe avec les fascistes ? Ces confusions font oublier que le succès des fascistes est précisément le produit de la timidité de la gauche radicale. Si celle-ci avait défendu avec audace un projet de souveraineté, explicitement son contenu populaire et démocratique, associé à la dénonciation du projet de souveraineté démagogique et menteur des fascistes, elle aurait engagé les voix qui vont aujourd’hui aux fascistes. La défense de l’illusion d’une réforme impossible de l’Europe ne permet pas d’éviter l’implosion. Le projet européen se détricotera alors au bénéfice d’une ré-émergence de ce qui ressemble hélas beaucoup avec l’Europe des années 1930 et 1940 : une Europe allemande ; la Grande Bretagne et la Russie en dehors de celle-ci, la France hésitante entre Vichy (en place aujourd’hui) ou de la Gaulle (encore invisible) ; l’Espagne et l’Italie navigant dans le sillage de Londres ou de Berlin ; etc…

La souveraineté nationale au service des peuples

La souveraineté nationale est l’instrument incontournable d’avancées sociales et de progrès de la démocratisation, au Nord comme au Sud de la planète. Ces avancées sont commandées par des logiques qui se situent au-delà du capitalisme, dans une perspective favorable à l’émergence d’un monde polycentrique et à la consolidation de l’internationalisme des peuples.

Dans les pays du Sud, le projet souverain national doit « marcher sur ses deux jambes » :
s’engager dans la construction d’un système industriel autocentré et intégré dans lequel les différentes branches de la production deviennent les fournisseurs et les débouchés les uns des autres. L’ordolibéralisme ne permet pas cette construction. Il conçoit en effet la « compétitivité » comme celle de chaque établissement industriel considéré par lui-même. La mise en œuvre de ce principe donne alors la priorité à l’exportation et réduit les industries des pays du Sud au statut de sous-traitants dominés par les monopoles des centres impérialistes, lesquels s’approprient par ce moyen une large part de la valeur créée ici et la transforme en rente impérialiste de monopole. En contrepoint, la construction d’un système industriel exige la planification d’Etat et la maîtrise nationale de la monnaie, du système fiscal, des échanges extérieurs.
s’engager dans une voie originale de rénovation de l’agriculture paysanne, fondée sur le principe que la terre agricole constitue un bien commun de la nation, géré de manière à garantir l’accès au sol et aux moyens de l’exploiter à toutes les familles paysannes. Des projets doivent être conçus sur cette base pour assurer la croissance de la production par famille/hectare, et des industries prioritaires mises en place pour le permettre. L’objectif de cette stratégie est d’assurer à la nation sa souveraineté alimentaire et de maîtriser les flux migratoires des campagnes vers les villes, d’en ajuster le rythme à celui de la croissance de l’emploi urbain.

L’articulation des avancées sur chacun de ces deux terrains constitue l’axe principal de politiques d’Etat qui garantissent la consolidation de larges alliances populaires « ouvrières et paysannes ». Celle-ci crée alors un terrain favorable pour des avancées de la démocratie participative.

Dans les pays du Nord, la souveraineté populaire doit également rompre avec l’ordolibéralisme, ce qui implique ici des politiques audacieuses allant jusqu’à la nationalisation des monopoles et la mise en route des moyens de la socialisation de leur gestion. Cela implique évidemment la maîtrise nationale de la gestion de la monnaie, du crédit, de la fiscalité, des échanges extérieurs.

Le système impérialiste en place met en œuvre un éventail différencié de moyens par lesquels il exerce sa domination sur les nations des périphéries du système mondialisé et leur exploitation. Dans les pays du Sud avancés dans l’industrialisation les segments du système mondialisé délocalisés, contrôlés par le capital des monopoles financiarisés de la triade impérialiste (Etats-Unis, Europe occidentale et centrale, Japon), réduits au statut de sous-traitants, offrent le moyen majeur par lequel une masse grandissante de la valeur générée dans les économies locales dépendantes est transformée en rente des monopoles impérialistes. Dans de nombreux pays du Sud, les modes d’exploitation prennent également la forme du pillage brutal des ressources naturelles (hydrocarbures, minerais, terres agricoles, ressources en eau et en soleil) d’une part, celle de la mise en œuvre de razzias financières qui s’emparent de l’épargne nationale des pays en question. La contrainte d’assurer en priorité le service de la dette extérieure constitue le moyen par lequel ces razzias opèrent. Le déficit structurel des finances publiques de ces pays offre l’occasion aux monopoles impérialistes de placer fructueusement leurs excédents financiers grandissants produits par la crise du système impérialiste mondialisé et financiarisé, en contraignant les pays du Sud à s’endetter dans des conditions léonines. La razzia financière exerce ses effets destructeurs tout également dans les centres impérialistes. La croissance continue du volume de la dette publique par rapport au PIB est activement recherchée et soutenue par le capital financier national et international dont elle permet le placement fructueux des excédents. Le service de la dette publique contractée auprès du marché financier privé donne l’occasion d’une ponction opérée sur les revenus des travailleurs imposés, permettant ainsi la croissance de la rente des monopoles. Elle alimente ainsi la croissance continue de l’inégalité dans la répartition des revenus et des richesses. Le discours officiel qui prétend déployer des politiques destinées à réduire la dette est parfaitement mensonger : leur objectif est en réalité l’augmentation et non la réduction de la dette.

La mondialisation néolibérale poursuit une attaque massive contre l’agriculture paysanne en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Accepter cette composante majeure de la mondialisation conduit à l’énorme paupérisation / exclusion / misère de centaines de millions d’êtres humains sur les trois continents. Ce serait en fait mettre un terme à toute tentative de nos sociétés de s’affirmer dans la société mondiale des nations. L’agriculture capitaliste moderne, représentée à la fois par l’agriculture familiale riche et / ou par des sociétés agro-industrielles, cherche à attaquer massivement la production paysanne mondiale. L’agriculture capitaliste régie par le principe de la rentabilité du capital localisé en Amérique du Nord, en Europe, dans le cône sud de l’Amérique latine et en Australie, n’emploie que quelques dizaines de millions d’agriculteurs, alors qu’elle a la productivité la plus élevée au niveau mondial ; alors que les systèmes d’agriculture paysanne occupent encore près de la moitié de l’humanité – soit trois milliards d’êtres humains. Que se passerait-il si « l’agriculture et la production alimentaire » étaient traitées comme toute autre forme de production capitaliste, soumise aux règles de la concurrence dans un marché ouvert déréglementé ? Ces principes favoriseraient-ils l’accélération de la production ? En effet, on peut imaginer une cinquantaine de millions de nouveaux agriculteurs modernes supplémentaires, produisant ce que les trois milliards de paysans présents peuvent offrir sur le marché en plus de leur propre (et faible) autosubsistance. Les conditions du succès d’une telle alternative nécessiteraient des transferts importants de superficies arables aux nouveaux agriculteurs (terres prises sur celles qu’occupent actuellement les sociétés paysannes), l’accès aux marchés des capitaux (pour acheter des équipements) et l’accès aux marchés des consommateurs. Ces agriculteurs concurrenceraient facilement les milliards de paysans actuels. Et qu’arriverait-il à ces derniers ? Des milliards de producteurs non compétitifs seraient éliminés dans le délai historique court de quelques décennies. Le principal argument de la légitimation de l’alternative « concurrentielle » est que ce genre de développement a eu lieu en Europe au XIXe siècle et a contribué à la formation de sociétés industrielles et urbaines riches, puis post-industrielles capables de nourrir les nations et même d’exporter des surplus agroalimentaires.

Pourquoi ne pas répéter ce modèle dans les pays du tiers monde contemporain ? Non, car cet argument ne tient pas compte de deux principaux facteurs qui rendent aujourd’hui la reproduction du modèle presque impossible dans les pays du tiers monde. Le premier est que le modèle européen s’est développé pendant un siècle et demi avec des technologies industrielles intensives en main d’œuvre. Les technologies contemporaines le sont beaucoup moins. Et par conséquent, si les nouveaux venus du tiers monde veulent être compétitifs sur les marchés mondiaux pour leurs exportations industrielles, ils doivent adopter ces technologies. Le second est qu’au cours de sa longue transition, l’Europe pouvait faire émigrer massivement le surplus de sa population vers les Amériques.

Pouvons-nous imaginer d’autres alternatives fondées sur l’accès à la terre pour tous les paysans ? Dans ce cadre, il est implicite que l’agriculture paysanne doit être maintenue et simultanément engagée dans un processus de changement et de progrès technologique et social continus. Et cela à un rythme qui permettrait un transfert progressif vers l’emploi non agricole au fur et à mesure du développement du système. Un tel objectif stratégique implique des politiques qui protègent la production alimentaire paysanne de la concurrence inégale des agricultures modernisées nationales et de l’agro-business international. Il remet en question les modèles de développement industriel et urbain – qui devraient être moins fondés sur les exportations et les bas salaires (qui impliquent à leur tour les bas prix de l’alimentation) et être plus attentifs à l’expansion d’un marché intérieur socialement équilibré. En plus une telle stratégie faciliterait l’intégration dans l’ensemble des politiques qui assurent la souveraineté alimentaire nationale, condition indispensable pour un pays d’être un membre actif de la communauté internationale, en renforçant sa marge nécessaire d’autonomie et sa capacité de négociation.

Compléments de lectures

Par souci de brièveté je n’ai pas abordé ici des questions adjacentes importantes : l’émergence du capitalisme des monopoles généralisés, la nouvelle prolétarisation généralisée, la militarisation de la mondialisation et les conflits pour l’accès aux ressources naturelles, la mondialisation financière maillon faible du système, la reconstruction de la solidarité entre les pays du Sud, la stratégie des luttes en cours, les exigences de l’internationalisme anti impérialiste des peuples. Je renvoie le lecteur à mon livre L’implosion du capitalisme contemporain et attire l’attention sur les constructions institutionnelles que j’ai proposées destinées à consolider le contenu populaire de la gestion de l’économie de la transition au-delà du capitalisme (pages 123-128 du livre cité).

Samir Amin le 5 juillet 2016
Transmis par Linsay
Xuan
Référendum au Royaume-Uni: déclaration du PC grec (KKE)


Traduction de NK pour le site JC 42 et "Solidarité internationale PCF - vivelepcf", 24 juin 2016

DÉCLARATION DU BUREAU DE PRESSE DU COMITÉ CENTRAL DU KKE SUR LE RÉSULTAT DU RÉFÉRENDUM BRITANNIQUE EN RELATION AVEC LE RETRAIT DE LA GRANDE-BRETAGNE DE L'UE

Le résultat du référendum britannique démontre le mécontentement croissant de la classe ouvrière et des forces populaires envers l'Union Européenne et ses politiques anti-populaires. Cependant, ces forces doivent se distinguer des choix des différentes fractions et forces politiques de la bourgeoisie et acquérir des caractéristiques anti-capitalistes radicales. Le résultat reflète la dissipation des espérances qui ont longtemps été cultivées par tous les partis bourgeois en Grèce et par les instances européennes qui prétendaient que les peuples pouvaient vivre une vie prospère à l'intérieur du cadre de l'UE.
Le fait que la question du départ d'un pays ait été relevée de manière si intense (même pour un pays de la taille de la Grande-Bretagne) est lié d'une part aux contradictions internes de l'UE, à l'inégalité des économies de ses pays-membres, et d'autre part à la concurrence ayant lieu entre les forces impérialistes, devenue encore plus vive dans les conditions de la récession économique. Ces facteurs renforcent le soi-disant euroscepticisme, les tendances séparatistes, mais également d'un autre côté les tendances à rechercher un changement dans la forme de gestion politique de l'UE et de la zone euro.
Les moteurs de “l'euroscepticisme” réactionnaire sont les partis nationalistes, racistes et fascistes, tels que le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Farage, le Front National de Le Pen en France, l'”Alternative pour l'Allemagne” et d'autres factions similaires en Autriche, et en Hongrie, ainsi que les fascistes de l'Aube Dorée et le parti Unité Nationale de Karatzaferis en Grèce, etc. Mais "l'Euroscepticisme" est aussi exprimé par des partis affichant une étiquette de gauche, qui critiquent ou rejettent l'UE et l'euro, soutiennent le recours à une monnaie nationale et recherchent d'autres alliances impérialistes, mais dans tous les cas avec une stratégie opérant dans le cadre du système capitaliste.
Ces contradictions et antagonismes pénètrent les classes bourgeoises de chaque État membre de l'Union européenne. Les processus économiques et politiques qui sont en cours d’exécution, à la fois en Grande-Bretagne et dans l'UE, et les négociations concernant la position de la bourgeoisie britannique à l'avenir peuvent mener à de nouveaux accords temporaires entre l'UE et la Grande-Bretagne. Ce qui est certain c'est que tant que la propriété capitaliste des moyens de production et le pouvoir bourgeois resteront en place, tout nouveau développement sera accompagné de nouveaux sacrifices douloureux pour la classe ouvrière et les forces populaires.
Le résultat du référendum britannique compromet les positions des autres forces politiques en Grèce, qui ont glorifié la participation de la Grèce à l'UE durant ces dernières années, la présentant comme un processus irréversible ou semant des illusions sur la nécessité de “plus d'Europe de la justice et de la démocratie.” Ce résultat compromet également la position des forces qui considèrent le recours à une monnaie nationale comme étant un idéal qui mènerait à la prospérité du peuple. La Grande-Bretagne avec sa Livre sterling a pris les mêmes mesures anti-populaires et anti-ouvrières que les autres pays qui sont dans la Zone Euro. Elle continuera de prendre les mêmes mesures à l'extérieur de l'UE aussi, puisque cela est essentiel pour la compétitivité et la rentabilité de ses propres monopoles.
Il est certain que dans les prochains jours , les voix à s'élever ainsi que les déclarations larmoyantes vont se multiplier, tant de la part du gouvernement SYRIZA-ANEL que de la part des autres partis bourgeois, au sujet de la « nécessité de refonder l'UE », ou dans l'idée que « l'UE a fait fausse route et doit revenir à ses racines », etc. Cependant, l'UE depuis sa création a été et reste une alliance réactionnaire des classes bourgeoises de l'Europe capitaliste, dans le but de saigner les travailleurs à blanc et de voler les autres peuples du monde, dans le cadre de la concurrence avec les autres puissances impérialistes. L'UE n'a pas toujours été et ne sera pas toujours un arrangement permanent, tout comme des alliances similaires par le passé n'ont pas duré éternellement. La variabilité capitaliste, la concurrence, et l'évolution de la corrélation des forces, tôt ou tard, mettront en évidence des contradictions qui ne pourront plus être comblées par des compromis temporaires et fragiles. Simultanément, de nouveaux phénomènes, des processus pour de nouvelles alliances réactionnaires seront achevés sur le terrain du capitalisme.
Les intérêts du peuple Grec, du peuple Britannique, et de tous les peuples d'Europe, ne doivent pas être placés sous “fausse bannière”. Ils ne doivent pas être placés sous les bannières de la bourgeoisie et de ses différentes fractions, qui déterminent leurs choix et alliances internationales selon leurs intérêts et sur la base de la plus grande exploitation possible des travailleurs.
Il est nécessaire de condamner l'alliance prédatrice du capital, l'UE, de lutter pour que tous ses pays-membres s'en retirent mais pour que cette lutte soit efficace, elle doit impérativement être reliée au renversement nécessaire du pouvoir du capital par le pouvoir des travailleurs. L'alliance sociale de la classe ouvrière et des autres couches populaires, le regroupement et le renforcement du mouvement communiste international sont des conditions préalables pour frayer la voie à cette perspective d'espoir


ATHÈNES – 24/06/16
Xuan
Une autre contribution sur Brexit et Frexit, qui répond au courrier "BREXIT, FREXIT, LEFTXIT et lutte de classe pour l’hégémonie de la classe ouvrière." ci-dessus :


Merci pour cette présentation intéressante des sensibilité communistes et leurs positionnements sur la question du BREXIT .

Cette question est pour nous communistes une question cardinale qui mérite réflexion .
L' UE superstructure fruit du développement des forces productives d'une Europe ravagée par une guerre impérialiste féroce joue un rôle prépondérant dans la "socialisation des moyens de productions " de la classe prédatrice qu'est la bourgeoisie.

A ce titre la question d'un LEFTXIT peut être une impasse dangereuse.
Cette superstructure est le moteur , vecteur du développement des forces productives dans les moindres espaces de la zone économique euro .Les fonds de soutien diverses et variées ont irrigués le tissu économique de l' Espagne , du Portugal mais aussi du Royaume-Uni .

Cette force aux effets contradictoires dans une perspective de crise de surproduction et de baisse tendancielles du taux de profit accélère et amplifie les crises cycliques qui caractérisent le capitalisme .

Je pense que cette question d'une sortie de l'UE fait ressurgir avec vigueur l’internationalisme comme étape indispensable du développement vers le socialisme . Nous n'allons pas ressusciter de vieilles querelles sur la révolution permanente et le socialisme dans un seul pays , cependant rappelons nous du grand Lénine qui avoué lui même être dubitatif du surgissement de la révolution d'octobre dans un des pays capitalistes aux forces productives les plus embryonnaires . Socialiser l'indigence c'est avéré un échec dans le cas russe qui a nécessité des mesures palliatives pour supporter le poids du communisme de guerre .

Est ce un mal nécessaire ? Comment en atténuer les effets destructeur ? Faire le choix au nom d'un non de gauche de la sortie de l'euro est un leurre qui risque de nous confondre aux yeux des classes populaires aux pires forces réactionnaires.

Militer toujours et encore à l'image des générations de militants qui nous ont précédés pour penser et traduire en pratique la réalité d'un projet communiste demeure dans l'immédiat une de nos options possibles .

2017 est à nos portes arriverons nous à faire émerger et partager au plus grand nombre la nécessité d'une alternative anticapitaliste ? Ce dont je suis sur c'est l'histoire , l'expérience du Parti Communiste en tant que grand parti apte à dispenser au plus grand nombre l'urgence du projet communiste plus que jamais d'actualité et validé par les crises économiques , écologiques résultant de la dégénérescence du mode de production capitaliste .

Fraternellement
D.


Edité le 07-07-2016 à 08:06:12 par Xuan


Xuan
Brexit, « un revers de fond au processus d’intégration capitaliste en Europe »

Déclaration de Joao Ferreira, Comité central du Parti communiste portugais

Dimanche 3 juillet 2016
Sur la victoire du vote pour la sortie de l’UE au Royaume-Uni : déclaration de Joao Ferreira, Comité central du Parti communiste portugais.

Joao Ferreira, Comité central du Parti communiste portugais

La victoire du vote pour la sortie de l’Union européenne lors du référendum au Royaume-Uni est un événement d’une magnitude politique énorme pour le peuple du Royaume-Uni et aussi pour les autres peuples d’Europe.

Elle représente un revers de fond au processus d’intégration capitaliste en Europe et un nouveau point d’appui à la lutte de ceux qui, depuis des décennies, combattent l’Union européenne et des grandes puissances et luttent pour une Europe des travailleurs et des peuples.

Le peuple britannique a décidé de l’avenir de son pays, d’une façon souveraine. Ce fait ne peut pas être ignoré et doit être respecté, d’autant plus que le référendum s’est tenu dans un contexte de pression et de chantage énorme et inacceptable, pilotés directement par les grands groupes transnationaux et le grand capital financier, comme par des organisations comme le FMI, l’OCDE et l’Union européenne elle-même. Le résultat est, pour cela, également une victoire contre la peur, le fatalisme, la soumission et le catastrophisme.

Le PCP salue en particulier les communistes britanniques et les autres forces de gauche qui, refusant les fausses dichotomies et s’opposant aux positions réactionnaires et xénophobes, ont assumé et affirmé leur voix dans la campagne du référendum pour la défense des valeurs de la démocratie, du droit du travail, des droits sociaux, du progrès, de la tolérance, de la solidarité et de la coopération entre les peuples.

Sans ignorer les motivations diverses qui ont amené à la convocation de ce référendum, ni la campagne menée par des éléments réactionnaires dans un objectif manifeste de manipulation – que le PCP rejette et combat frontalement – les résultats du référendum expriment, avant tout, le rejet des politiques de l’Union européenne.

A tous ceux qui déplorent, de façon irresponsable, ces résultats comme un développement négatif, le PCP affirme que l’exercice de ses droits démocratiques et souverains par un peuple ne peut être considéré comme un problème. Au contraire, le référendum britannique traduit des problèmes sérieux et profonds qui existent depuis longtemps et qui sont le produit d’un processus d’intégration, rongé de contradictions, visiblement à bout de souffle et qui rentre toujours plus en conflit avec les intérêts et les justes aspirations des travailleurs et des peuples.

Le référendum britannique doit en conséquence être regardé comme une opportunité pour se confronter aux véritables problèmes des peuples et les résoudre, en mettant en cause l’ensemble du processus d’intégration capitaliste de l’Union européenne. Il ouvre, en Europe, une voie nouvelle et différente de coopération de progrès social et de paix.

Toutes les mesures et les manœuvres visant à ignorer la signification politique de ce référendum, qui se dissimulent dans la stigmatisation du peuple britannique, qui essaient de contourner et même de subvertir la volonté de ce peuple, ou bien qui cherchent à fuir en avant avec de nouvelles mesures antidémocratiques, concentrant encore les pouvoirs au sein de l’UE, ne peuvent qu’exacerber les problèmes et les contradictions qui font le lit du développement des forces et des positions réactionnaires et d’extrême-droite, qui ont grossi en Europe et qu’il est nécessaire de combattre. Des forces et des positionnements qui se sont exprimés dans le référendum britannique et qui se nourrissent des conséquences des politiques européennes de plus en plus antidémocratiques et antisociales, d’oppression des nations.

Alors que le processus de séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne commence, le PCP souligne la nécessité et l’importance de mesures et d’actions du côté de la politique étrangère portugaise susceptibles, dans le nouveau contexte, de garantir l’intérêt national, la poursuite de relations et d’une coopération économique mutuellement avantageuses avec le Royaume-Uni et les intérêts des Portugais qui travaillent et habitent dans ce pays.

Le PCP souligne que le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains doit lancer les bases pour la convocation d’un sommet intergouvernemental ayant pour objectif de reconnaître institutionnellement la réversibilité des traités, de suspendre immédiatement le paquet fiscal et de l’abroger, ainsi que d’abroger le Traité de Lisbonne.

Dans un contexte où, indéniablement, il est évident que l’Union européenne ne répond pas aux besoins des travailleurs et des peuples, le PCP souligne la nécessité de s’affronter courageusement aux contraintes émanant du processus d’intégration capitaliste européen et, dans le même temps, de se diriger sur le chemin d’une coopération basée entre États souverains dotés de droits égaux.

En particulier, le PCP rappelle l’urgence et la nécessité pour le Portugal de se délivrer de la soumission à l’euro, qui a amené avec lui tant de souffrances à notre pays, pour lui assurer des droits, des emplois, une production, le développement et la souveraineté.

Voir en ligne : Traduction MlN pour « Solidarité internationale PCF – Vive le PCF », 27 juin 2016
Xuan
Une contribution :


BREXIT, FREXIT, LEFTXIT et lutte de classe pour l’hégémonie de la classe ouvrière.


O3/O7/2016


Tout d'abord je dirais que la priorité aujourd'hui est la grande lutte de classe que mènent les travailleurs et les classes populaires contre la loi El Khomri.

Tout le parti doit se mobiliser pour une victoire totale ou au moins conséquente contre cette loi ; mais se mobiliser aussi pour expliquer les tenants et les aboutissants de cette loi, désigner le responsable : le monde El Khomri, le capitalisme, et amener le plus grand nombre possible de travailleurs sur des positions anti-capitalistes radicales.



Venons-en au Brexit et à l'éventuel Frexit.

Le cas de la Grande-Bretagne est intéressant pour la France : à peu près même grande puissance impérialiste et colonialiste ; pays qui font partie de ceux qui dirigent l'UE plus qu'ils ne la subissent.



On ne peut pas se cacher que la lutte sur le Brexit (1) s'est menée essentiellement entre factions bourgeoises, le parti nationaliste UKIP ne fait pas exception qui n'a fait qu'ajouter sa démagogie à l'appui des forces bourgeoises cherchant à se débarrasser de la tutelle de Berlin.



Et la classe ouvrière dans tout ça ?

Sous l'influence du Labour (Corbyn) et des syndicats réformistes une partie des travailleurs a mené le combat sous le drapeau du capital européïste.

Une autre partie a écouté les sirènes de l'UKIP.



Cependant les partis communistes de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le PC de G-B (Marxiste-Léniniste) ainsi que la gauche syndicale, quelques organisations syndicales dont la Fédération Syndicale des Transports britanniques, quelques dissidents du Labour ont su sortir du piège et lier sortie de l'UE à la lutte anti-fasciste et à lutte anticapitaliste radicale. Un front du Leftxit (Brexit par la voie de gauche) s’est constitué.

De plus la classe ouvrière et les couches populaires ont démontré leur mécontentement croissant contre l'UE, comme le prédisaient les meilleurs analystes, en faisant en définitive pencher la balance en faveur du Brexit (2).

C'est en cela et en cela seulement qu'on peut parler d'une victoire des ouvriers et des couches populaires.
C’est bien en s’appuyant sur les travailleurs et les couches populaires nationales qu’on peut inquiéter l’UE du capital, c’est bien en articulant la lutte contre l’UE sur la lutte contre le capitalisme national et international que les communistes peuvent décrocher les travailleurs et les couches populaires d’un alignement sur les intérêts des différentes factions bourgeoises, des nationalistes et des fascistes.

Qu’en est-il cependant de la situation matérielle concrète de la classe ouvrière et des couches populaires ? Au moins aussi exploitées dans une Grande-Bretagne qui avait gardé sa Livre Sterling que dans les pays qui avaient adopté l’EURO, elles connaîtront le même calvaire sous une Grande-Bretagne capitaliste hors de l’UE

Quid du Frexit ?


Sur le principe il n’y guère de problème : les communistes conscients ont depuis toujours caractérisé l’UE comme une entente impérialiste (monopoliste) réactionnaire, anti-communiste, antidémocratique et prédatrice visant à être plus puissante dans la concurrence internationale et à assurer de super-profits au capital en saignant les travailleurs des métropoles et les peuples dépendants, en semant guerres et misères dans le monde au gré de ses intérêts. Du point de vue des intérêts des travailleurs et des couches populaires l’UE n’est pas réformable.



La question de son actualité. Les militants au contact des classes laborieuses dans les quartiers et les lieux de travail sont les mieux placés pour savoir si les travailleurs veulent mener ce combat. Il semble que oui.

De plus le FN et ses auxiliaires y voient un bon sujet démagogique de campagne, et un moyen de gonfler leurs rangs, en l’absence d’un positionnement de gauche conséquent sur le sujet.

Les communistes doivent donc se lancer clairement dans la bataille mais avec un programme et une tactique indépendants. N’en déplaise aux internationalistes creux et aux mondialistes cosmopolites.


Les forces en présence.

La classe ouvrière et les forces populaires manifestent un mécontentement croissant à l’encontre de l'UE et de ses politiques anti-populaires. Ce mécontentement s’accompagne, jusqu’à un certain point, de la dissipation des vaines attentes d’une possible prospérité dans le cadre de l’UE.
Dans les conditions de la crise économique et de la récession (3) que connaît le capitalisme, d'une part les contradictions internes de l'UE et les inégalité de ses économies s’accentuent et d’autre part la confrontation qui a lieu entre les centres impérialistes s’aiguise. Cela donne lieu à des recompositions d’alliances momentanées dans le camp impérialiste.



Les européistes de droite : PS et PR. Hollande et Sarkozy y ont été d’un coup de gueule mais ils poursuivent tous deux l’objectif de maintenir l’UE en l’état voire de la renforcer. Idem pour le Modem et EELV. Ces forces soutiennent les monopoles français qui trouvent plus avantageux pour eux de se maintenir dans l’UE et se sentent capables de lutter contre la suprématie allemande. Ces monopoles soutiennent aussi les futurs accords US-UE (TTIP). Ils ne diraient pas non, bien entendu, à une meilleure prise en considération de leurs intérêts dans l’UE.


Les européistes de gauche, en gros Mélenchon et la majorité de la direction du PCF qui continuent malgré quelques différences verbales de cultiver le rêve d’une UE plus démocratique, plus sociale, plus pacifique, etc. Ils répandent des illusions dans le monde du travail et font le jeu des premiers. En gros même position que Varoufakis. C’est aussi la position du PGE, et de la FES.

Si Mélenchon a haussé le ton contre l’UE -comme l’ensemble du personnel politique français d’ailleurs-, sa campagne reste « L’Union Européenne, on la change (plan A) ou on la quitte (plan B) !». Donc l'ambiguïté est maintenue sur la possibilité de changer l'UE. Se maintient aussi l’ambiguité sur son positionnement de classe : on peut même affirmer que s’il s’appuie souvent sur le monde du travail, il ne dépasse jamais un réformisme moyennement radical qui s’inscrit pour l’essentiel dans le système capitaliste français (et européen).

Les nationalistes réactionnaires de droite : Le FN et ses succursales.

Sur fond démagogique, ils soutiennent la fraction nationaliste et colonialiste du capital. Cette fraction veut se libérer des entraves de l’UE dans l’exploitation du pré carré africain et vise des facilités dans les marchés émergeants (BRICS (et particulièrement, aujourd’hui, la Russie), Iran, etc.), et dans l’exploitation de la classe ouvrière française et étrangère.
Mais elle se contenterait rapidement de quelques passe-droit du genre de ceux obtenus par la bourgeoisie britannique.


Les souverainistes.

Je me garderais bien de suivre les sites soi-disant anti-confusionnistes qui mettent tous les souverainistes et au-delà (PRCF, Investig’Action de Michel Collon, etc.) dans la catégorie des rouges-bruns.

Si certaines factions de ce courant sont incontestablement proches du FN (Egalité et Réconciliation d’Alain Soral ; Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan qui ne se propose que de réformer l’UE ; éventuellement l’inclassable Solidarité et Progrès de Jacques Cheminade), la plus part se réfèrent au gaullisme et au CNR (UPR de François Asselineau, anti-UE, anti-atlantiste, anti-Otan ; l’ex-M’PEP de Nikonoff a une base plus populaire mais Nikonoff a servi d’expert pour N. Dupont-Aignan). Toutes ces factions ont cependant des positions hors classes. Cette position « ni gauche ni droite » ne sent pas bon pour la classe ouvrière et les couches populaires. En gros positions proche de Jacques Sapir.



Les partis ou groupements anarchistes, libertaires, libertariens.

Ces organisations sont très hétéroclites.
Un ou des groupes anarchistes britanniques viennent même de manifester avec la bourgeoisie dominante pour contester le Brexit.
En France je ne considérerais que la tendance représentée par Frédéric Lordon. Malgré son caractère petit-bourgeois et son anti-communisme cette tendance est d’un poids certain dans la lutte contre la loi El Khomri, et la position de F. Lordon sur le Frexit et même le Leftxit ne fait aucun doute : « le premier pays qui peut sortir de l’UE doit le faire ». Malheureusement elle ne propose à la classe ouvrière et aux couches populaires que des perspectives confuses et utopiques.


Les partisans d’un Frexit par la voie de gauche (Leftxit) : des individualités et des partis communistes hors PCF ; des individus, sections et réseaux membres ou proches du PCF mais en froid avec leur direction.

- L’URCF , marxiste-léniniste, a des positions absolument claires sur UE. Cependant il se méfie des tendances qui veulent faire du Leftxit un combat en soi, une étape détachée du combat stratégique principal contre le capitalisme français et international. Cette méfiance le cantonne actuellement dans une posture attentiste sur le sujet. Déclarations récentes : Avant le référendum britannique : « Le « Brexit » est donc l’expression de ces tensions qui soulignent combien sont vides les mots d’ordres de sortie de l’Europe et de l’Euro sans que soit mise à l’ordre du jour la lutte pour abattre le système qui génère précisément ces contradictions » ; après le référendum : « Le peuple britannique, par référendum, vient de voter pour la sortie de l’Union Européenne. Les communistes ne peuvent que s’en réjouir.

Le Brexit ne change certes rien en soi, pas plus que l’élection de Corbyn à la tête du parti travailliste. Mais dans les deux cas, nous avons l’expression d’un symptôme : la classe ouvrière, les masses populaires cherchent leur voie contre la classe dominante.

Les communistes britanniques ont mené la campagne contre le Brexit en montrant que la solution, c’est d’associer cette sortie avec la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière et l’expropriation des capitalistes. Mais la victoire du Brexit est une victoire de la classe ouvrière de toute l’Europe ; elle porte un coup, même partiel – il n’est pas sûr qu’au dernier moment des arrangements ne permettent pas de piétiner le vote populaire – au dispositif de domination du capital monopoliste sur l’Europe ; elle divise la classe dominante du Royaume-Uni, elle accentue les contradictions, et par conséquent affaiblit notre adversaire commun. L’hystérie qui s’est emparée de la presse française (du Monde et des radios de service public), les efforts pitoyables pour assimiler toute remise en cause de l’UE avec l’extrême droite, avec le racisme, et ce dès avant le résultat, sont à l’image de la nouvelle défaite des bourgeoisies impérialistes, et plus particulièrement de leurs appareils politiques sociaux-démocrates et sociaux-chrétiens jamais avares de mensonges pour vanter l’Union européenne du capital monopoliste.
Travailleurs de France, soyez solidaires de vos frères britanniques !
Engageons la bataille contre le carcan de l’UE des patrons, pour sortir du capitalisme par la révolution socialiste ! »


- Le PRCF . Ce parti fait, sans contestation possible, partie de la famille marxiste-léniniste. Cependant la référence permanente du PRCF au CNR est confuse. Le CNR qui, s’il permit d’unifier la résistance contre l’ennemi fasciste, évita à la France la honte de l’occupation étasunienne et donna aux communistes d’obtenir de de Gaulle des avancées notables pour le monde du travail, n’en représente pas moins l’abdication des communistes à toute prétention au socialisme et cesse pratiquement d’exister en 1947, quand de Gaulle se débarrasse des communistes du gouvernement : le capitalisme reprend la France en main.
Le PRCF pourrait plus justement en référer au Congrès de Tours.
Ce n’est pas tant que le PRCF place la lutte des travailleurs de France sous le double drapeau Bleu Blanc Rouge de la de la République et Rouge des travailleurs qui pose problème –le prolétariat, pour conquérir le pouvoir politique doit se réapproprier la Nation (mais non au sens où l’entend la bourgeoisie)- mais la valse-hésitation que le PRCF opère entre ces deux drapeaux jusqu’au risque de se laisser entrainer sur la pente glissante du souverainisme, de la lutte pour la sortie de l’UE en soi, étape préalable à la lutte pour le socialisme, quitte à s’allier avec la bourgeoisie nationale. Ce faisant il se met dans une position inconfortable qui pourrait le conduire à organiser et mobiliser la classe ouvrière sous le faux drapeau du nationalisme bourgeois. (4)
Il y a plus qu’une grande nuance entre les deux mots d’ordre suivants, tout deux lancé par le PRCF : « Sortir de l’Euro, de l’UE, de l’OTAN par la voie socialiste » et « Sortir de l’Euro, de l’UE, de l’Otan pour sortir du capitalisme ». Par ailleurs « par la voie socialiste » devient en decrescendo « par la voie de gauche » puis « par la voie progressiste ».

Bien sûr, « la dictature du prolétariat ne nous sera pas apportée sur un plateau » mais la lutte pour l’hégémonie du prolétariat est longue et complexe, parsemée de multiples luttes de la classe ouvrière et des couches populaires dont la lutte exemplaire contre la loi El Khomri, l’éventuelle lutte pour la sortie de l’UE, etc. Il n’est pas nécessaire de dominer la dialectique comme le fait notre camarade Georges Gastaud pour comprendre que ces luttes peuvent prendre, à un certain moment, un caractère déterminant, une relative indépendance et une dynamique propre ; cependant ces luttes ne doivent jamais masquer mais au contraire servir l’objectif stratégique fondamental de la dictature du prolétariat.

Je me suis permis de m’étendre sur ce sujet parce que j’ai toujours défendu les 4 sorties du PRCF étant entendu que la sortie du Capitalisme coiffait l’ensemble. Une analyse plus approfondie m’indique que ce n’est pas si évident dans le chef du PRCF.


- Les défenseurs (PCF) de la motion "Reconstruisons le Parti de classe - Priorité au rassemblement dans les luttes" .

Dans le cadre de ce texte qui en appelle au développement de la lutte de classe contre le capitalisme ils écrivent : « Communistes, il est de notre responsabilité, en France, de ne pas laisser faire, de ne pas laisser aux nationalistes le terrain de l’opposition à l’UE. »
Ils publient sur leur site « Vive le parti Communiste Français »les déclarations du PCP (Parti Communiste Portugais (5)) et du KKE (Parti communiste de Grèce (6)) sur les résultats du référendum.


- Les partisans (PCF) de la base commune « Unir les Communistes »

veulent dans leur texte clairement ouvrir la voie du L’impasse de la gauche, l’affaiblissement du parti communiste, sont aussi la traduction de l’impossibilité de penser une autre société que le capitalisme, tant la bataille de diabolisation du socialisme du 20ème siècle a fait reculer l’idée d’un vrai changement de société. Le parti communiste lui même, laisse dans le flou, des caractéristiques essentielles d’une société se libérant du capitalisme : la propriété publique, le pouvoir des travailleurs, la maîtrise de la monnaie. Il refuse jusqu’à aujourd’hui de nommer clairement son projet de société comme "socialiste", se faisant déborder sur sa gauche par un candidat… démocrate US ! Pourtant, les luttes sociales, et notamment les grandes luttes de défense des sites industriels (Conti, Goodyear, Aulnay, Fralib…) toutes interrogent la propriété des moyens de production. Il n’y a plus de marge de manœuvre dans le capitalisme, plus de compromis possible avec la grande bourgeoise, tant son intérêt vital pour maintenir ses revenus et son mode de vie, est d’obtenir une réduction massive des salaires et des droits. »

Le texte prend aussi nettement position pour la sortie de l’UE et de l’Euro. Cependant, cette lutte est conçue comme lutte en soi, comme étape préalable à la lutte pour le socialisme.

- Jean-Jacques Candelier, député PCF du Nord , vient courageusement de prendre parti pour la sortie de l’UE : « Contre le piège d’une « sortie de droite » ou d’un « maintien de gauche » dans l’UE, proposons une « sortie de Gauche », pour pouvoir renationaliser les secteurs stratégiques de notre économie cassée, remettre le monde du travail au centre de la vie nationale, coopérer avec tous les pays de tous les continents et rouvrir à notre pays la voie de la coopération internationale.
La reconquête de la souveraineté britannique peut être un appel d’air pour tous les peuples d’Europe qui étouffent sous la poigne des traités supranationaux et néolibéraux de l’UE avec en prime, leur complément belliqueux obligé, l’appartenance à l’OTAN. »
Mais J. J. Candelier sait certainement qu’entre proposer une « sortie de gauche » et réaliser cette sortie il y a un fossé qui ne peut être comblé que par ce qui s’appelle la « lutte de classe pour le pouvoir des travailleurs» et la construction d’un « Front Populaire anticapitaliste /antiimpérialiste (antimonopoliste) » pour la démocratie contre le fascisme, et pour le progrès social contre la casse des acquis à l’intérieur ; pour le désengagement militaire et contre les guerres, les menaces et ingérences à l’extérieur.


- Les Jeunes Communistes de Lyon (PCF)

publient quant à eux sur leur site les deux interventions du KKE (Parti Communistes de Grèce), d’avant (7) et d’après le référendum (6). Le KKE place au centre des luttes, dans chaque pays, la lutte contre le capital et les monopoles et la construction d’un front populaire dans cet objectif et, en appelle au renforcement du mouvement communiste international.



Voilà. Plutôt que de me lamenter sur les divergences entre les communistes qui veulent aller de l’avant, j’opterai plutôt pour la jubilation devant ce florilège d’idées pour le renouveau du socialisme.
On ne peut cependant éviter de mettre en évidence certaines questions.

- Nécessité de renouer intimement avec les aspirations des travailleurs et des classes et couches populaires y compris celles qui n’attendent plus rien de la politique ; celles les jeunes ; celles les femmes ; celles des artistes et intellectuels.

- Une stratégie et des tactiques propres à la classe ouvrière, indépendantes des influences bourgeoises (de droite comme de gauche), nationalistes ou réactionnaires.

- Sans préjuger de l’évolution de la lutte pour la sortie de l’UE, il faut bien réfléchir à ce que l’on met sous les mots d’ordre « sortie par le socialisme », « sortie par la gauche », sortie progressiste ».

En effet si l’on estime, à juste titre, que l’EU, entente des monopoles européens, n’est pas réformable, il serait illogique de défendre l’idée que les Etats capitaliste nationaux, serviteurs zélés de l’UE, le seraient davantage. Il faut donc prendre garde à ne pas déplacer les illusions que les européistes de droite comme de gauche répande sur l’UE vers les Etats nationaux. Il faut faire attention aussi que la lutte contre le néolibéralisme et l’austérité peut signifier tout aussi bien la lutte contre une forme considérée comme inacceptable du capitalisme (il y aurait donc encore un bon capitalisme possible), que contre le capitalisme lui-même qui a nécessairement besoin de ce stade néolibéral et austéritaire pour survivre. Je pense qu’il n’y a pas de retour possible à Keynes.
Donc lutte de classe contre le capitalisme pour le pouvoir des travailleurs comme axe stratégique de l’organisation, des luttes, des Fronts.

- Dernier point (lié au précédent). Il concerne la place, l’importance, la priorité que l’on accorde soit à la lutte pour le socialisme soit à la sortie de l’UE.

Je pense que mettre l’accent sur une lutte pour la sortie de l’UE en soi, comme une étape, un préalable nécessaire à la lutte pour le pouvoir des travailleurs, présente premièrement le danger d’ouvrir son flanc aux souverainismes et aux nationalismes.

Deuxièmement si l’on veut sortir par la gauche il faut bien qu’il y ait un contenu préalable à ce « par la gauche ». Ce contenu préalable ne peut être pour nous que la lutte de classe pour l’hégémonie politique des travailleurs. Nous ne pouvons pas donner un chèque en blanc à la bourgeoisie.

Troisièmement. Il n’est pas déraisonnable de penser qu’une victoire d’un éventuel LEFTXIT ne conduira pas directement à la révolution socialiste. Donc nous devons pouvoir utiliser cette lutte pour la sortie de l’UE par la gauche pour augmenter nos forces et notre potentiel d’organisation pour le combat principal pour l’hégémonie de la classe ouvrière.
Donc lutte de classe contre le capitalisme pour le pouvoir des travailleurs comme axe stratégique de l’organisation, des luttes, des Fronts.


___________________________



1. Au départ l’idée de ce référendum n’est même qu’un instrument de pression du capitalisme britannique pour obtenir de l’EU des passe-droit supplémentaires pour mieux assurer la rentabilité du capital et augmenter l’exploitation du monde du travail.
Cameron est pris à son propre piège et démissionne. Les bourses dévissent momentanément. Les commentateurs sont horrifiés.

2. La Grande-Bretagne n’a pas encore fait sa déclaration de Brexit à la commission européenne. Et personne en Angleterre ne semble vouloir prendre la responsabilité de diriger la sortir de l‘UE. Cependant le capitalisme britannique et international, après un moment d’échauffement, se réorganise déjà en fonction de la nouvelle donne.

3. La grande crise de surproduction de 2007-2009 n’est pas encore digérée que s’en profile déjà une nouvelle. Tout cela dans le cadre d’une aggravation de la crise générale du capitalisme dont la plupart des annalistes place le début en 1973, un an après le premier choc pétrolier.
De nouvelles alliances impérialistes se nouent (BRICS, etc.) et contestent l’hégémonie US.

4. Staline, Comment la social-démocratie entend-elle la question nationale, 1904 : « Tout change… La vie sociale, et, avec elle, la ‘question nationale’. Aux différentes époques, des classes diverses entrent en lice, dont chacune comprend la ‘question nationale’ à sa façon. Par conséquent, aux différentes époques, la ‘question nationale’ sert des intérêts divers, prend des nuances diverses suivant le moment où elle se pose et suivant la classe qui la pose. »

5. http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/2016/07/sur-la-victoire-du-vote-pour-la-sortie-de-l-ue-au-royaume-uni-declaration-de-joao-ferreira-comite-central-du-parti-communiste-portug?utm_source=flux&utm_medium=flux-rss&utm_campaign=politics

6 http://www.jeunescommunisteslyon.fr/2016/06/brexit-communique-du-parti-communiste-de-grece-kke.html

7. http://www.jeunescommunisteslyon.fr/2016/06/article-du-parti-communiste-de-grece-sur-le-referendum-du-23-juin-au-royaume-uni.html
Sur le sujet qui nous concerne ici, lire les derniers chapitres.
Xuan
Un vote sanction


La réaction quasi identique de Sarkozy et de Hollande reconnaît dans ce vote une sanction claire de l'Union Européenne :

Pour Sarkozy, le Brexit "exprime un rejet fort de l'Europe telle qu'elle fonctionne"...
"La lucidité commande de dire que ce sentiment de rejet est partagé par beaucoup de Français et par beaucoup d'autres Européens, a affirmé Nicolas Sarkozy. Ce qu'a dit le peuple britannique, d'autres peuples en Europe auraient pu le dire. Nous ne pouvons, et nous ne devons l'ignorer."


Pour Hollande « Mais la décision britannique exige aussi de prendre lucidement conscience des insuffisances du fonctionnement de l’Europe et de la perte de confiance des peuples dans le projet qu’elle porte. »

Ni l'un ni l'autre ne peuvent y apporter de solution, Sarkozy prétend "refonder l'Union Européenne" , Hollande repart dans des vœux pieux :

"Un sursaut est nécessaire. L’Europe pour aller de l’avant ne peut plus faire comme avant. Les peuples attendent de l’UE qu’elle réaffirme ses valeurs, valeurs de liberté, de tolérance et de paix.
L’Europe doit donc être une puissance qui décide souverainement de son destin et qui revendique son modèle.
La France sera donc à l’initiative pour que l’Europe se concentre sur l’essentiel, la sécurité et la défense de notre continent, pour protéger nos frontières et pour préserver la paix face aux menaces, l’investissement pour la croissance et pour l’emploi, pour mettre en œuvre des politiques industrielles, dans le domaine des nouvelles technologies et de la transition énergétique, l’harmonisation fiscale et sociale pour donner à nos économies des règles et à nos concitoyens des garanties.
Enfin le renforcement de la zone euro et de sa gouvernance démocratique.
L’Europe, et c’est ma conviction, doit porter des projets et non pas se perdre en procédures. Elle doit être comprise et contrôlée par les citoyens. Elle doit décider vite là où on l’attend, et laisser une fois pour toutes aux états-nations ce qui relève de leur seule compétence.
[...] L’Europe est une grande idée et pas seulement un grand marché. Et c’est sans doute à force de l’avoir oublié qu’elle s’est perdue. L’Europe doit continuer à être un espoir pour la jeunesse car c’est son horizon.".


Je cite quand même ces réactions attendues, langue de bois et accumulation de mensonges répétés cent fois. Elles signifient que le rejet populaire de l'Europe ne peut que grandir et s'y opposer d'une façon ou d'une autre.

Les conséquences du Brexit seront un grand enseignement pour les communistes et les masses, notamment sur la sortie de l'Europe comme chemin au socialisme ou bien le socialisme solution à l'oppression européenne .

Seul le socialisme peut constituer une solution pour les peuples d'Europe.
Xuan
Obama salue la "relation particulière" entre Londres et Washington


2016-06-25 10:12:08 xinhua

Le président américain Barack Obama a déclaré vendredi à plusieurs reprises que son pays et le Royaume-Uni, qui vient de décider de quitter l'Union européenne, entretenaient une "relation particulière".

Lors d'un sommet d'entrepreneurs à l'Université de Stanford à Palo Alto (Californie), M. Obama a répété ce qu'il avait déclaré un peu plus tôt dans un communiqué : "Le peuple du Royaume-Uni s'est exprimé et nous respectons sa décision" . Ce dernier s'est prononcé jeudi à près de 52% en faveur d'une sortie de l'UE, après 43 ans de vie commune.

M. Obama, qui a précisé avoir parlé au téléphone vendredi matin avec le Premier ministre britannique David Cameron, a déclaré à Stanford que "le Royaume-Uni et l'Union européenne resteront des partenaires indispensables des Etats-Unis, alors même qu'ils vont négocier les termes de leur relation afin de garantir une stabilité, une sécurité et une prospérité continues pour l'Europe, la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord, et le monde" .

Evoquant les incertitudes après le Brexit, notamment sur les marchés financiers, le président américain a martelé : "La relation particulière entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni est durable et l'appartenance du Royaume-Uni à l'OTAN est un principe fondamental de la diplomatie américaine, de sa sécurité et de sa politique économique" .
Xuan
Le référendum britannique sème le chaos parmi les bourses européennes



2016-06-25 10:03:15 xinhua

La décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne a envoyé une onde de choc à travers les bourses européennes vendredi.
Le résultat du référendum a largement pris par surprise les bourses européennes, qui ont enregistré des tassements de presque tous les indices majeurs. L'indice Euro Stoxx a chuté de 8,62 %, le CAC 40 français de 8,04 %, le FTSE 100 de 3,2 %, et l'indice allemand DAX de 6,82 %.

Dans le même temps, l'IBEX-35 a plongé de 12,35 % à la fermeture vendredi, une chute record en une seule journée dans son histoire. Le résultat du référendum britannique a provoqué une chute immédiate de la valeur des actions sur la bourse espagnole, avec certaines banques espagnoles perdant jusqu'à 20 % de la valeur de leurs actions.

Le PDG de la Deutsche Bank AG, John Cryan, a commenté ce résultat dans un communiqué écrit, déclarant que ce n'était pas un bon jour pour l'Europe, et que ce vote aurait des conséquences négatives pour toutes les parties.

Les bourses européennes ont été durement touchées dès l'ouverture de la journée. Le DAX a ouvert à 9 237,62 points, soit 1 000 points ou près de 10 % de baisse. A un moment de la journée, le FTSE 100 a chuté de 8,7 %, un tassement si rare dans son histoire que certains ont parlé d'un nouveau "Vendredi noir".

La livre sterling a elle aussi enregistré une baisse record de 8 %, la plus importante de son histoire. L'euro a également baissé par rapport au dollar, mais de manière plus limitée.

L'horreur des investisseurs pour toute forme de risque a provoqué une pression renouvelée sur les "valeurs refuges". La Banque centrale suisse a confirmé vendredi qu'elle avait été obligée d'intervenir sur le marché des échanges de devises pour dévaluer artificiellement la valeur de sa monnaie, le franc suisse.

Le rendement des obligations souveraines a également chuté, avec une baisse de 8,6 points de base pour les obligations allemandes sur deux ans, et 6,6 points de base pour les obligations françaises sur deux ans. Les obligations britanniques sur deux ans ont quant à elles vu leur rendement chuter de 26 points de base.

La Banque centrale européenne a pris note des turbulences du marché et a publié un communiqué. Dans le but de stabiliser le marché, elle a déclaré qu'elle était prête à dégager davantage de liquidités si nécessaire, en euros ou en devises étrangères.

Les banques ont subi des pertes considérables en termes de valeur de leurs actions. Celles de la Deutsche Bank ont chuté de 14,3 %, et celles de la Commerzbank de 12,9 %. La Banque centrale européenne a cependant insisté sur le fait que le système bancaire de la zone euro était encore solide en termes de capitaux et de liquidités.

Bien que le marché ait été "pris par surprise", le marché des devises étrangères n'a cependant pas paniqué, a déclaré dans une note publiée vendredi Joerg Kraemer, économiste en chef de la Commerzbank. La réponse du marché a en effet été "forte, mais pas paniquée", a-t-il déclaré.

Selon lui, la principale préoccupation de l'économie britannique au cours des négociations futures sur le Brexit sera de conserver un accès au marché unique européen.

Le Brexit coûtera également très cher au centre financier qu'est Londres. Selon un précédent sondage mené auprès de 200 analystes financiers par le Centre Mannheim de Recherche sur l'économie européenne, 90,3 % des participants pronostiquent un résultat négatif ou même très négatif pour Londres.
Xuan
On notera aussi la position de J. Delors en 2012, ci-dessous.

Le 4 juillet 2015, c'est lui par contre qui appela à "poursuivre l'Odyssée avec Athènes".

Ceci indique que les rapports avec la Grande Bretagne d'une part, avec la Grèce de l'autre sont fondamentalement différents.

D'une part pour des raison géostratégiques, parce que le Brexit ne modifie pas les rapports de la GB et des USA et l'équilibre de l'OTAN, mais aussi parce que la Grande Bretagne fait partie des vieux impérialismes dominants et non des pays européens dominés par des banques françaises.


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Jacques Delors suggère au Royaume-Uni de quitter l'UE


28 décembre 2012 à 11:52 Libération

En réponse aux demandes du Premier ministre David Cameron, qui souhaite pouvoir désengager son pays de certaines décisions européennes, l'ancien président de la Commission lui propose de choisir un autre type de partenariat.

Jacques Delors, ex-président de la Commission européenne, suggère vendredi au Royaume-Uni, hostile à plus d’intégration européenne, de quitter l’UE et d’opter pour une autre forme de partenariat avec le Vieux continent. «Les Britanniques s’intéressent seulement à leurs intérêts économiques, à rien de plus. On pourrait leur proposer une autre forme de partenariat» , estime Jacques Delors, dans un entretien au quotidien économique allemand Handelsblatt.

Le Premier ministre britannique David Cameron, qui subit les pressions des «eurosceptiques» de son parti conservateur, avait déclaré le mois dernier qu’il soutenait l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, mais qu’il voulait «un nouvel accord» qui comporte une procédure de non-participation sur des problèmes-clé. Dans un entretien publié jeudi dans le Guardian, le président du Conseil européen Herman Van Rompuy a averti que ces tentatives de récupérer des pouvoirs aux dépends de l’Europe pourraient mettre l’UE en danger.

«Si les Britanniques ne suivent pas la tendance allant vers plus d’intégration dans l’Union européenne, nous pourrions malgré tout rester amis, mais sous une autre forme» , estime pour sa part, dans le Handelsblatt, Jacques Delors, qui plaide par ailleurs avec insistance pour davantage d’intégration politique au sein de l’UE. Comme possibilités de partenariats avec le Royaume-Uni, Delors cite «une forme comme celle de l’espace économique européen» ou «un accord de libre-échange».

En cas de sortie de l’UE, le Royaume-Uni resterait néanmoins «un partenaire privilégié», insiste Jacques Delors. «Le Royaume-Uni est stratégique et économiquement important, mais comme le sont aussi d’autres pays» , comme l’Inde et la Chine, selon lui. De son côté, Herman Van Rompuy a estimé qu’un départ du Royaume-Uni de l’UE serait comme si «un ami partait dans le désert» . Le Royaume-Uni appartient à l’UE depuis 1973 mais n’a pas rejoint la zone euro.

(AFP)


Edité le 26-06-2016 à 00:41:21 par Xuan


Xuan
Un article de février 2016 du Monde Diplomatique
L’article revient sur les rodomontades de Cameron lors des renégociations des conditions d’adhésion de la Grande Bretagne et l’impasse dans laquelle il s’est lui-même enfermé.
A travers la description des faits on relève l'attitude intransigeante des impérialismes dirigeants, qui ne se dément pas aujourd'hui, exact reflet des rapports de domination établis en Europe par le couple franco-allemand.



Référendum à haut risque au Royaume-Uni



« Brexit », David Cameron pris à son propre piège

Soutien du patronat, appui embarrassé des travaillistes, concessions probables des partenaires européens : à la veille du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, tout devrait rassurer le premier ministre britannique, a priori opposé au « Brexit ». Le sentiment antieuropéen gagne pourtant en puissance, menaçant jusqu’au locataire du 10 Downing Street.

par Bernard Cassen

«Retenez-moi ou je fais un malheur » : tel est, traduit en langage non diplomatique, le message délivré par M. David Cameron à ses 27 collègues chefs d’Etat ou de gouvernement réunis en Conseil européen le 17 décembre dernier à Bruxelles. S’inscrivant dans la grande tradition des discussions-marathons de ce genre de sommets, le premier ministre britannique avait annoncé qu’il était disposé à se battre « toute la nuit » pour arracher à ses pairs un accord sur une renégociation des conditions d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Il avait laissé entendre que, faute d’obtenir satisfaction, il se verrait dans la pénible obligation de recommander à ses concitoyens de se prononcer pour le « Brexit », à savoir la sortie du Royaume-Uni de l’Union.

En fait, la réunion s’est terminée très tôt, à minuit, sans résultat, toute décision étant reportée au Conseil européen suivant, convoqué pour les 17 et 18 février. Bons camarades, et soucieux de lui éviter de perdre la face, les partenaires de M. Cameron s’étaient passé le mot pour le laisser ensuite affirmer devant les médias britanniques, présents en nombre : « La bonne nouvelle, c’est qu’il y a une possibilité d’accord. » On ne saurait être plus vague… mais, une fois de retour au pays, cela permettait toujours de faire un bon titre, à défaut de pouvoir sérieusement crier victoire.

Le premier ministre avait énoncé ses exigences dans une lettre adressée le 10 novembre 2015 à M. Donald Tusk, président (polonais) du Conseil européen. Elles étaient regroupées sous quatre têtes de chapitre : gouvernance économique, compétitivité, souveraineté et immigration. Par « gouvernance économique » M. Cameron entend essentiellement la préservation des intérêts de la City. Il demande que soit inscrit dans les textes que l’euro n’est pas la seule monnaie de l’Union et qu’aucune discrimination ne doit frapper les pays qui ne l’utilisent pas. Le chapitre relatif à la compétitivité vise à déréglementer davantage encore le fonctionnement du marché intérieur, et en particulier, si on lit entre les lignes, le droit du travail. En matière de souveraineté, M. Cameron est très explicite, et il formule trois revendications : supprimer dans les traités toute référence à l’objectif d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » ; donner aux Parlements nationaux le droit de bloquer toute proposition d’acte législatif communautaire qu’ils jugeraient indésirable ; appliquer strictement le principe de subsidiarité : « L’Europe quand c’est nécessaire, le national quand c’est possible. »

C’est au quatrième chapitre, celui sur l’immigration, que figure, entre autres mesures restrictives souhaitées, l’obligation pour un travailleur venu d’un autre pays de l’Union de justifier de quatre ans de présence et de cotisations au Royaume-Uni avant de pouvoir bénéficier du même traitement que son collègue britannique en matière de prestations liées à l’emploi ou d’obtention d’un logement social. Ce serait s’en prendre au principe de non-discrimination entre ressortissants des Vingt-Huit, qui, selon les traités — et, dans certains cas, au terme d’une période de transition —, ont le droit de s’installer et de travailler dans n’importe lequel des Etats membres. Autrement dit, c’est une des quatre « libertés fondamentales » de l’Union, celle de la circulation des personnes, qui serait menacée.

On peut s’interroger sur le moment choisi par M. Cameron pour mettre sur la table — assorties d’une forme de chantage — des propositions de réforme de l’Union qui n’ont rien de particulièrement nouveau outre-Manche. En réalité, il n’a rien choisi du tout. Il s’est retrouvé prisonnier d’une dynamique et d’un calendrier qu’il avait lui-même enclenchés. Et cela non pas au nom de convictions profondes, mais pour des raisons strictement politiciennes : il s’agissait tout simplement pour lui de gagner les élections législatives de 2015 ! Paniqué par la montée en puissance de l’europhobe Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (United Kingdom Independence Party, UKIP) (1), qui disputait au Parti conservateur une partie de son électorat traditionnel, il avait décidé de lui donner des gages pour le neutraliser. L’objectif : s’assurer un nouveau bail de cinq ans au 10 Downing Street, où, au lendemain des élections de 2010, il avait pris ses quartiers à la tête d’un gouvernement de coalition réunissant conservateurs et libéraux-démocrates.

Dès 2011, il a fait voter une loi imposant la tenue d’un référendum — et non d’un simple vote au Parlement — pour la ratification de tout traité transférant de nouvelles compétences significatives aux institutions européennes. Une mesure de nature à désespérer Bruxelles, où l’idée de donner directement la parole aux peuples suscite des cauchemars… En janvier 2013, M. Cameron est allé plus loin encore en s’engageant, dans l’hypothèse où il serait reconduit dans ses fonctions après les élections législatives à venir, à organiser avant fin 2017 un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union. Cette consultation se ferait sur la base des résultats de la négociation à entreprendre entre Londres et le Conseil européen. Si le premier ministre estimait avoir été entendu par ses partenaires, il appellerait à voter « oui » à la question : « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ? » . Dans le cas contraire, il préconiserait le Brexit.

Un euroscepticisme d’intensité variable

En mai 2015, le Parti conservateur, déjouant les pronostics, a remporté les législatives avec une majorité absolue des sièges, et M. Cameron s’est retrouvé avec la patate chaude d’une promesse électorale à tenir. Il s’en serait bien passé dans le contexte européen actuel, dominé par les questions des flux massifs de réfugiés et du djihadisme, qui alimentent la poussée de l’extrême droite dans la plupart des pays de l’Union. Le référendum étant devenu inéluctable, il a considéré que mieux valait l’organiser le plus tôt possible pour éviter que le débat ne dégénère au Royaume-Uni — et d’abord au sein du Parti conservateur — et pour qu’il ne provoque pas de rebondissements imprévisibles dans d’autres pays. En particulier en France, où M. François Hollande, candidat non encore officiellement déclaré à sa réélection en 2017, a tout à perdre de l’irruption du débat européen dans sa campagne.
Le souvenir du référendum français du 29 mai 2005, qui avait conduit les socialistes à étaler publiquement leurs divisions, reste cuisant… Le calendrier optimal retenu serait un accord unanime du Conseil européen en février et un vote en juin ou en septembre 2016.

D’intensité variable selon les circonstances, l’euroscepticisme de M. Cameron est culturel et ancré dans l’histoire plutôt que viscéral — contrairement à celui d’un grand nombre de députés conservateurs et de quelques ministres, de la majorité des quotidiens londoniens et surtout de l’UKIP et de son dirigeant Nigel Farage, truculent député européen. Il se situe dans la lignée du célèbre discours, prononcé à Zurich en 1946, dans lequel Winston Churchill recommandait la création d’Etats-Unis d’Europe. Une Europe fédérale, donc, à laquelle le Royaume-Uni apporterait son soutien bienveillant, mais de l’extérieur : « Nous sommes avec vous, mais pas des vôtres. »

En rejoignant la Communauté économique européenne (CEE) en 1973, Londres était revenu sur cette orientation stratégique, sans pour autant renoncer à une singularité qui se manifeste par la recherche permanente de clauses d’exemption ( opt-out ) aux politiques communautaires ; recherche qui avait commencé, mais sans succès, dès le lendemain de l’adhésion. Aujourd’hui, ce pays n’est ni membre de la zone euro ni partie prenante des accords de Schengen, les deux totems qui font la fierté des européistes. Il a bénéficié en 1984 d’une dérogation au mode de calcul de la contribution financière de chaque Etat membre de la CEE, qui s’est traduite par un substantiel rabais (le fameux « chèque britannique »). Au sein des Vingt-Huit, il est l’un des trois Etats — avec la Croatie et la République tchèque — qui n’ont pas signé le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, également appelé « pacte budgétaire européen ».

Sans aller jusqu’à adopter complètement la posture d’un Etat tiers — certains diront offshore (2) — dans leur rapport à la construction européenne, les gouvernements britanniques successifs ont cultivé les situations leur permettant d’avoir un pied dedans et un pied dehors, sauf dans les domaines qui leur tiennent réellement à cœur : en premier lieu, le parachèvement du marché intérieur européen ; ensuite, la libre circulation planétaire des capitaux, des marchandises et des services, soit trois des quatre « libertés fondamentales » de l’Union (on a vu plus haut le peu de cas qui est fait de la quatrième, celle de la circulation des personnes) ; et, enfin, le maintien de la position dominante de la City dans les services financiers, y compris pour les transactions en euros.

M. Cameron entend ainsi faire graver dans le marbre de nouvelles exceptions britanniques aux règles communautaires, voire les étendre à l’ensemble de l’Union. La question est de savoir si sa lettre à M. Tusk peut servir de base à un accord de toutes les parties concernées, tant internes qu’externes. M. Cameron s’engage dans sa partie de poker avec un atout non négligeable : pour des raisons variées, aucun des autres gouvernements de l’Union ne souhaite le Brexit. Mme Angela Merkel, les dirigeants des Pays-Bas, des pays nordiques, des Etats d’Europe centrale et orientale sont même disposés à aller très loin dans les concessions pour maintenir le cap néolibéral dont Londres est un garant de poids. Ils craignent que celui-ci ne soit remis en question par la montée en puissance relative de la France et des autres pays méditerranéens, jugés politiquement peu fiables par leurs partenaires.

Pourtant, même pour des alliés fidèles, il existe des lignes rouges à ne pas franchir. Ainsi, pour l’Allemagne, la priorité absolue est la consolidation, à travers une intégration accrue des pays membres de la zone euro, de cet instrument de domination et de perpétuation des politiques d’austérité qu’est la monnaie unique. Ni Berlin ni Francfort, siège de la Banque centrale européenne (BCE), ne peuvent accepter que ce processus soit entravé par des vetos de Londres, tels que ceux demandés dans le chapitre sur la gouvernance économique. Sur un autre front, les pays de l’Est sont vent debout contre les mesures inscrites dans le chapitre sur l’immigration qui visent directement leurs ressortissants expatriés au Royaume-Uni. Ce point est le plus sensible de tous, en particulier pour la Commission et le Parlement, car, comme on l’a vu, il remet en question une des quatre « libertés fondamentales » du projet européen, au risque de créer un précédent et de permettre la contestation des trois autres. Et voilà que resurgit le spectre du protectionnisme…

Déchirements internes

Pour éviter le Brexit, il semble n’y avoir que deux solutions : soit négocier un nouveau traité, soit, par un instrument juridique approprié (par exemple une déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement), adopter des clauses interprétatives des traités actuels sans les modifier. Dans les deux cas, l’unanimité des Vingt-Huit serait requise, mais la seconde solution permettrait de faire l’économie d’une procédure de révision, puis de ratification, à la fois longue et lourde de dangers ; ce dont ni Mme Merkel ni M. Hollande ne veulent entendre parler à la veille des échéances électorales de 2017. Pour rester dans le cadre institutionnel actuel, il faudrait que M. Cameron renonce à ses principales exigences et que, de leur côté, les juristes experts en habillage sémantique de Bruxelles concoctent un document du Conseil européen aux formules ronflantes qui éviterait au premier ministre de se déjuger complètement sans être incompatible avec l’ordre juridique de l’Union. Une voie terriblement étroite…

Dans cette hypothèse, on peut déjà imaginer le déchaînement des partisans du Brexit, comme M. Daniel Hannan, député conservateur au Parlement européen, pour qui M. Cameron a déjà lâché trop de lest dans le contenu de ses revendications, et cela avant même d’entamer la négociation : « Le Royaume-Uni fait semblant d’exiger des changements et l’Union fait semblant de les étudier. (…) C’est une mise en scène (…) permettant à Cameron de dire qu’il a décroché un deal (3). »

Au lieu de s’offrir la promenade de santé qu’il envisageait en 2013, M. Cameron risque de voir son parti se déchirer, et peut-être même son gouvernement : il a accordé par avance la liberté de vote à ses ministres, parmi lesquels on compte une demi-douzaine d’eurosceptiques confirmés. Son éventuel et paradoxal salut ne pourrait venir que des électeurs du Parti travailliste, pour lesquels les éléments de droit social européen, pourtant peu avancés, constituent malgré tout un garde-fou contre la déréglementation sauvage que souhaitent les conservateurs — toutes tendances confondues, cette fois.

M. Cameron avait annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat lors des prochaines élections législatives, qui auront lieu au plus tard en mai 2020. Il n’est nullement assuré qu’il puisse rester à la tête de son pays jusqu’à cette date, tant sont redoutables les inconnues d’une situation dans laquelle il s’est lui-même enfermé. Et qui risque de déboucher sur un Brexit que son successeur aurait à gérer.

Bernard Cassen


Professeur émérite à l’Institut d’études européennes de l’université Paris-VIII, secrétaire général de Mémoire des luttes.

(1) Lire Owen Jones, « Colère sociale, vote à droite », Le Monde diplomatique, octobre 2014.
(2) Cf. « Le Royaume-Uni, Etat “offshore” de l’Europe ? », Mémoire des luttes, 31 janvier 2013.
(3) Le Figaro, Paris, 17 décembre 2015.
 
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