Sujet :

Sur la lutte de ligne dans le PCC

Xuan
   Posté le 11-12-2011 à 19:14:07   

La section du parti révisionniste de Saint Martin d’Hères publie une série d’articles sur ce sujet, dont voici le premier exemplaire.
L’article est signé « KM, militant communiste chinois » .
Bien que nous n’ayons aucune précision sur ce sujet il mérite d'être publié.

Je dois ajouter que nous ne partageons pas nécessairement ses conclusions.
Ainsi il n'est pas démontré que "le creusement des inégalités" soit à l'origine de la révolte de la place Tien-An-Men.
Il est étonnant que les "pôles d'activité" dans "la lutte des militants communistes chinois" regroupent des retraités , des intellectuels de gauche , des artistes progressistes et de jeunes étudiants , tandis que les nombreux grévistes qui ont parfois obtenu satisfaction ne sont pas cités.
Enfin l'article n'aborde pas les questions économiques, mais attendons les suivants.

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Actualité de la lutte de classes en Chine, des résistances anti-capitalistes et communistes, dans une société entre héritage socialiste et restauration capitaliste


novembre 2011, par Saint Martin d’Hères


Cet article devrait être le début d’une série d’articles, d’analyses, de traductions sur l’état de la société chinoise, du Parti communiste chinois, des luttes anti-capitalistes dans une phase historique difficile à cerner dans un pays entre héritage socialiste et restauration capitaliste.
Article KM, militant communiste chinois, pour http://solidarite-internationale-pc...

I) Histoire du Parti communiste chinois

a) Quelques points essentiels de l’histoire du PCC de 1921 à 1976, un parti révolutionnaire

La période allant de 1921 à 1976 marque une période révolutionnaire qui se clôt donc par la fin de la révolution culturelle. Le PCC naît en 1921, comme un parti faible à l’origine.

Sa création est impulsée par le Komintern, et il suit donc logiquement dans les premières années le modèle soviétique, celui de la révolution ouvrière à partir des grandes villes.

Mais la Chine n’est pas la Russie, la paysannerie y occupe une place beaucoup plus importante tandis que les révoltes ouvrières sont souvent réprimées dans le sang.

1927 marque une rupture, le moment où les communistes d’origine paysanne essayent de trouver une autre voie, celle ouverte par les révoltes paysannes.

Certes, la paysannerie n’est pas la classe révolutionnaire dans le marxisme classique. Toutefois, les communistes chinois décident alors de rompre avec la lutte centrée sur les villes, et choisissent d’axer leur lutte autour de la petite paysannerie.

Ces communistes puisent beaucoup dans l’histoire de la Chine émaillée de l’équivalent de nos jacqueries, et choisissent d’implanter leurs bases militaires dans le monde rural.

En tout cas, pour revenir à l’insurrection de 1927, on peut dire que son échec est avant tout l’échec de l’importation du modèle soviétique en Chine.

C’est alors le début de la Grande marche qui dure plus d’un an et fixe plusieurs centaines de milliers de combattants révolutionnaires dans le Nord-ouest du pays, où s’établit la nouvelle base de l’Armée rouge.

Le petit feu de la révolution ne s’éteint pas, la lutte continue contre le gouvernement de Tchang-Kai-Tchek. En 1936, alors que le militarisme nippon menace directement la Chine depuis la Corée, le PCC change de stratégie.

Jusque-là, la ligne était celle de l’affrontement frontal avec le parti nationaliste, à partir de cette date le PCC adopte la conception d’un « front national », soit une alliance conjoncturelle avec la (petite) bourgeoisie chinoise contre l’impérialisme japonais.

C’est la stratégie de la guerre populaire qui en Chine a plutôt bien marché.

Mao disait que « c’est grâce à l’armée japonaise que le Parti communiste a survécu et s’est développé » .

Mais il faut savoir aussi que la lutte entre les communistes et le gouvernement de Tchang-Kai-Tchek n’a jamais cessé. En tout cas, avec la victoire militaire contre les Japonais, était prouvée l’efficacité de la stratégie politique et militaire de Mao, et son pouvoir était conforté dans le pays.

D’autre part, le PCC a alors quasiment gagné son indépendance par rapport à Moscou durant la deuxième guerre mondiale, période pendant laquelle les relations entre PCC et PCUS sont restées difficiles.

La guerre civile de 1945 à 1949 a été un affrontement colossal, impliquant plusieurs millions de belligérants, un épisode meurtrier avec plusieurs milliers de morts.

En fin de compte, la mobilisation populaire et militaire impulsée par Mao a écrasé les armées gouvernementales soutenues par les États-Unis. Il faut savoir que l’URSS n’a rien subventionné de ce combat.

Contrairement au modèle soviétique, la paysannerie a été à la base de la révolution, la proportion ouvrière est restée faible, proche à la part que représentait la classe ouvrière dans la population.

De même, après l’établissement de la République populaire de Chine (RPC), la réforme agraire alors mise en place n’avait que peu de choses à voir avec la politique agraire soviétique.

De 1949 à 1956, la RPC entre dans la période de construction du socialisme alors que la guerre de Corée joue un rôle essentiel pour raffermir le processus révolutionnaire.

Ce processus a été plutôt moins rapide en Chine qu’en URSS car la Chine choisit dans un premier temps d’être plus conciliatrice que l’URSS, de faire avec un capital national ou étranger sous contrôle, d’acheter les propriétés plutôt que d’exproprier par la force.

Il faut rappeler cette phrase de Mao qui disait en 1949 : « Quand on prend le pouvoir, il faut être conscient qu’on risque de devenir exploiteur ou oppresseur » .

Avec la montée en puissance de Khroutchev à partir de 1956 en URSS, Mao est inquiet d’une restauration possible du capitalisme dans les pays où le Parti communiste est au pouvoir et lance donc une mobilisation de masse dirigée contre les cadres bureaucratisés du parti.

En 1964, ce sont les « quatre purifications », un mouvement d’auto-éducation pour les cadres du parti lancé par le numéro 2 du parti, Liu Shaoqi, classé pourtant plutôt à droite dans le PCC et opposé à la collectivisation des terres.

En 1966, c’est le lancement de la « révolution culturelle » sur laquelle il est encore difficile d’avoir du recul. L’objectif de Mao était la lutte préventive contre la restauration du capitalisme en Chine, dans la lignée de ce qu’avait tenté de faire Khroutchev en URSS.

C’est globalement un échec, la lutte devient obscure et très complexe, certains usent d’une phraséologie gauchiste pour faire avancer leurs ambitions personnelles, c’est le cas du Maréchal Lin Bao, numéro deux du parti alors, qu’il tente un coup d’État pour déposer Mao et établir son pouvoir personnel.

Un échec qui le contraint à envisager la fuite en URSS, son avion s’écrasant en Mongolie entre-temps. D’autres, plutôt à la droite du parti, en sortent indemnes et parviennent à capitaliser sur l’échec de la révolution culturelle pour prendre le dessus, c’est le cas de Deng Xiaoping.

b) La montée en puissance du clan révisionniste de Deng Xiaoping, Zhao Ziyang et Hu Yaobang (1978-1991)

A la fin de la révolution culturelle, Deng Xiaoping avait quasiment pris le pouvoir, la place de premier ministre. C’était quelqu’un à poigne, compétent mais aussi quelqu’un de droite.

Certains militants du PCC, beaucoup même, pensent que c’est un révisionniste. Je dirais que c’est plutôt quelqu’un de droite dans le PCC, mais pas nécessairement un révisionniste.

Ses successeurs ont été bien plus de droite que lui, si il a participé au mouvement de restauration du capitalisme, ce n’est pas le seul.

En 1976, donc Mao meurt tout comme Zhu Enlai.

Deng Xiaoping n’a depuis jamais été chef de l’Etat ni même secrétaire du PCC mais depuis la fin des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990, c’est lui qui tire les ficelles.

En 2011, la politique du PCC s’inscrit encore dans la continuité, dans le durcissement même de la politique de privatisation déclenchée par Deng Xiaoping.

Deux personnes occupent le poste de secrétaire dans les années 1980, Zhao Ziyang et Hu Yaobang mais il se font tous deux déposer par Deng Xiaoping qui sont jugés par lui comme étant trop à droite étant allés beaucoup trop vite.

Deng Xiaoping choisit alors de ralentir le rythme des privatisations, inquiet du problème causé par le creusement des inégalités, à la source de nombreuses contestations dont celle de la place Tien-An-Men en 1989 est une illustration.

Les années 1990 voient par contre un net durcissement des privatisations et notamment des plans de licenciement massifs touchant les ouvriers des entreprises d’Etat.

La classe ouvrière travaillant dans l’ancien secteur public se sent alors menacée.

c. Continuation et durcissement de la politique de privatisation sous Jiang Zemin et Hu Jintao (1991-2011)

De 2000 à 2010, on entre dans la période d’ouverture maximale de la Chine au monde extérieur, sur le plan interne, la conséquence ce sont notamment les migrations massives des travailleurs d’origine paysanne, touchant en particulier les jeunes travailleurs qui se dirigent vers les villes où ils subissent une exploitation caractéristique d’un capitalisme restauré dans les conditions du capitalisme européen du XIXème siècle.


II) Analyse des classes et des couches sociales en Chine, sous le capitalisme restauré

Tout d’abord, quand je parle de restauration du capitalisme à la Chinoise, je parle de trois aspects : 1) le capitalisme monopoliste d’Etat ; 2) le capital national privé ; 3) le capital privé impérialiste. Je peux parler de capitalisme monopoliste d’Etat car aujourd’hui les entreprises d’Etat ne reposent plus sur un mode de gestion démocratique, il n’existe pas de démocratie dans les entreprises, les ouvriers n’ont aucun pouvoir d’expression, avant ce n’était pas le cas.

1.Bourgeoisie émergente

Elle se compose elle-même d’un certain nombre de sous-catégories :

• Les entrepreneurs de la privatisation de l’économie publique ; qui ont profité de la privatisation de l’économie publique dans les années 1980/90 ;

• Les bureaucrates enrichis grâce à leurs ressources politiques et administratives ; prônant la ligne de l’ouverture, ils se sont servis de leurs ressources politiques et administratives pour créer des entreprises familiales et nourrir des relations commerciales avec des partenaires étrangers ;

• Les anciens politiciens de droite réhabilitées, grassement rétribuées ; attaqués dans les années 1950/60/70, ils ont été réhabilités ensuite et y ont trouvé même une source d’enrichissement, usant aussi de tout leur capital culturel, de toute leur éducation pour accumuler des fortunes ;

• Les contrebandiers ;

• Certaines élites sociales particulières ; je pense aux professeurs d’universités ou aux « stars » qui s’enrichissent sur la base de leur nom ou de leur titre ;

• Les mafias ;

• Les patrons du capital privé ; autrement dit la bourgeoisie nationale émergente au sens strict.

2. La classe ouvrière , le salariat d’exécution que nous divisons traditionnellement en ouvriers ’col bleu’ et ouvriers ’col blanc’. La nouveauté, ce sont ces travailleurs migrants d’origine paysanne de plus en plus nombreux.

3. La classe paysanne , si on peut l’appeler ainsi car elle manque d’homogénéité. Une bonne partie de la paysannerie a pris conscience de ce qu’ils ont perdu depuis la restauration et du fait qu’ils étaient réellement les maîtres à l’époque socialiste. Ce sont eux qui nourrissent la nostalgie la plus forte pour la période maoiste.

4. Les étudiants , déconnectés des souffrances de la population, souvent sous influence de leurs professeurs libéraux. Mais quand ils ont leurs diplômes, ils entrent dans un monde du travail fait d’une concurrence sauvage, ils rentrent très vite dans le prolétariat.

5. Les travailleurs libéraux, des petits commerçants et artisans surtout , mais aussi des médecins et des techniciens. Ce sont des gens qui gagnent leur vie par leur travail mais qui ne sont pas motivés par l’action collective. C’est un groupe avec lequel une politique d’alliance reste possible.

6. L’armée , numériquement c’est la plus grande du monde. Elle reste un pilier de la révolution, un obstacle majeur pour les capitalistes dans leurs projets. Voilà pourquoi les libéraux lancent la thèse de la « nationalisation de l’armée » pour désarmer le parti communiste. Cependant, les militants communistes chinois restent profondément attachés à leur souveraineté nationale et demeurent inquiets vis-à-vis de toute dérive vers une forme de libéralisme américain.

7. Les fonctionnaires , on a les petits fonctionnaires, qui gagnent leur vie par leur force de travail, et sont dans le camp des exploités, pas des exploiteurs et les hauts fonctionnaires qui obtiennent leurs promotions par toute une pratique du copinage, du zèle et des manoeuvres de couloir.

8. Les intellectuels , je pense en particulier à la couche très particulière des professeurs, chez qui domine actuellement plutôt des tendances de droite. La force de l’idéologie dominante réactionnaire est actuellement trop forte, les professeurs ne peuvent y résister. Si les professeurs du supérieur sont très largement des libéraux, les professeurs du primaire et du secondaire sont eux peu sensibilisés à la politique.

Le bloc révolutionnaire actuel serait composé de :

• la classe ouvrière grossie des travailleurs migrants ;
• les paysans qui restent sur leurs terres malgré la pratique spéculative des promoteurs immobiliers de mèche avec des collectivités locales souvent brutales dans leurs méthodes ;
• les intellectuels de gauche marxistes ;

Le bloc réactionnaire actuel serait lui composé de :

• la bourgeoisie bureaucratique, prête à restaurer le capitalisme sans enlever le masque du PCC ;
• la bourgeoisie libérale et compradore, qui collabore totalement avec la bourgeoisie impérialiste et soutient directement les impérialismes internationaux, en particulier celui des Etats-unis. On peut penser par exemple à la gravissime affaire des OGM où la bourgeoisie chinoise choisit de collaborer avec des multi-nationales comme Monsanto qui menacent l’existence physique même des populations ;


III) Les résistances anti-capitalistes, potentiellement communistes, dans la Chine actuelle

a) L’héritage de l’ère socialiste

La base économique d’une société socialiste, c’est la propriété publique et collective des moyens de production et de la terre, aujourd’hui complètement remise en cause par les réformes de Deng Xiaoping.

Théoriquement, la terre est toujours la propriété de l’Etat et du peuple. De fait, la propriété est souvent morcelée et divisé en de nombreuses exploitations familiales.

Toutefois, certaines collectivités locales s’appuient encore sur la propriété collective, je prends l’exemple du village de Xiao-Giangcun. Par rapport aux territoires soumis aux privatisations, ces collectivités résistent et fonctionnent plutôt bien, notamment sur la base de la terre collectivisée mais aussi avec des entreprises collectives.

b) La « nouvelle politique » à Chongqing

Chongqin est une ville de 32 millions d’habitants au sud-ouest du pays dans lequel se manifeste toute une tendance progressiste autour du maire et du secrétaire du PCC, Bo Xilai, partie d’une plus grande préoccupation pour les conditions de travail et de vie des travailleurs.

La mairie a lancé une politique de construction de logements sociaux, a axé sa lutte sur le combat contre les mafias, la corruption. Un mouvement populaire s’est même constitué, tentant de recréer une base révolutionnaire autour du mouvement des « chansons rouges », ces chants révolutionnaires de l’ère maoiste.

Surtout, le Parti à partir de la mairie a lancé à Chongqin un mouvement de dé-bureaucratisation des cadres et des fonctionnaires du parti, visant à rapprocher ces cadres de la population, des travailleurs.

Pu Echila mène ainsi une politique développant l’activité publique sans s’attaquer à l’économie privée, au capital étranger. Néanmoins, le maire de Chongqin a l’an dernier imposé 21 amendes à la multi-nationale de la grande distribution Wal-Mart pour non-respect des normes sociales en vigueur. Du jamais vu.

Un mouvement de dé-bureaucratisation donc, soit une politique visant à rapprocher les cadres du parti de la population, y compris paysanne, poussant ces permanents à vivre comme les paysans.

Il faut comprendre que nous sommes dans une ville au niveau de vie encore très en retard par rapport à des villes comme Shanghai ou Canton. Dernièrement, le gouvernement a proposé des offres de stages rémunérées dans les usines ou les champs pour les étudiants de la ville. Dans l’ensemble, les communistes chinois estiment qu’il s’agit d’une tendance progressiste.

c. La lutte des militants communistes Chinois

Elle s’articule autour de quelques pôles d’activité encore mal coordonnés entre eux :

Des retraités, qui étaient travailleurs à l’époque du socialisme et qui constatent la dégradation de leurs conditions de vie, comme dans la ville de Wuhan, lieu de production de Citroen. Dans les champs, ce sont aussi ceux qui subissent de plein flouet la politique d’expropriation sauvage des terres par les promoteurs immobiliers en connivence avec les collectivités locales. Ils animent les spectacles populaires, les chansons rouges pour exprimer leur mécontentement ;

Les intellectuels de gauche, communistes comme Kong Qingdong, Zhang Hongliang, Han Deqiang, quelques économistes marxistes qui le restent encore aujourd’hui ;

Les artistes progressistes, comme Zhang Guangtian qui défendent les droits des travailleurs. Sur le plan culturel et artistique, des spectacles sont organisés en pleine campagne, sur les lieux de travail des ouvriers, dans les banlieues composées encore aujourd’hui de bidonvilles. Parmi les derniers projets à signaler, la création d’un musée consacré aux travailleurs migrants ;

Les jeunes étudiants, chez qui se manifeste une prise de conscience progressive, qui se structure de plus en plus en associations. Ils sont conscients de leurs propres conditions de vie, mènent notamment la lutte contre la commercialisation des OGM. On essaie de s’informer sur certains sites de l’état du mouvement communiste dans le reste du monde même si les sites des libéraux bénéficient de tout autres moyens techniques et financiers ;

L’an prochain, pour octobre 2012, un grand changement s’annonce à la tête du PCC, et les camarades communistes chinois tentent de pousser un cadre comme le maire de Chongqin, Bo Xilai, pour briguer le poste de secrétaire-général.

La lutte est encore incertaine.