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La Gauche selon Harvey Weinstein

Xuan
   Posté le 09-02-2018 à 20:01:13   

H. W. a défrayé la chronique à cause de ses violences contre les femmes, mais le milieu "social-démocrate" qu'il représente fait l'objet ici d'un portrait au vitriol.

Le Monde Diplomatique de février

La gauche selon Harvey Weinstein

par Thomas Frank



Quand l’affaire Harvey Weinstein a fait irruption à la « une » des journaux, je n’avais jamais entendu parler de ce personnage. Sans doute étais-je le seul journaliste des États-Unis à faire preuve d’une ignorance aussi complète. Qui était donc ce producteur de cinéma accusé d’avoir agressé sexuellement un nombre incalculable de femmes ? En commençant à me documenter, j’ai découvert que, à une époque pas si lointaine, il était réputé pour un tout autre motif : sa relation intime avec le Parti démocrate et son soutien généreux à une variété de personnalités et de bonnes causes classées comme progressistes. Longtemps, il fut même considéré comme un adversaire intraitable du racisme, du sexisme et de la censure. On lui doit, par exemple, quantité de soirées fastueuses destinées à recueillir des fonds pour la lutte contre le VIH-sida. En 2004, il avait apporté son soutien à un groupe de femmes baptisé « les mères opposées à Bush » (1). Dans la foulée de l’attaque terroriste contre le journal français Charlie Hebdo, il brandit haut le flambeau de la liberté d’expression : « Personne ne pourra jamais détruire la capacité des grands artistes à dépeindre notre monde », proclamait-il le 11 janvier 2015 dans les pages du magazine Variety.

C’était aussi, et surtout, un partisan inconditionnel de M. Barack Obama et de Mme Hillary Clinton. Nul n’incarnait mieux que lui les ambiguïtés de ce gratin démocrate représenté par la Fondation Clinton. Les soirées caritatives qu’elle organisait assuraient la même fonction que les bonnes œuvres passées de M. Weinstein : celle d’une chambre de compensation sociale où les nouveaux entrants dans le beau monde reçoivent leurs lettres de noblesse — en France, autrefois, on appelait cela une « savonnette à vilain ».

Participer à un événement de la Fondation Clinton revient à faire un plein de bonté à gros indice d’octane. Vous y rencontrez une ribambelle de célébrités, un éventail de personnages glorifiés pour leur altruisme et leur infaillible valeur morale et qui, bien souvent, portent un nom simple, comme le chanteur Bono ou la jeune Pakistanaise Malala, Prix Nobel de la paix. Des personnages sanctifiés, béatifiés, au contact desquels s’opère un échange de bons procédés qui permet aux gros poissons du monde des affaires de se procurer à coups de contributions financières un brevet de bon Samaritain. Au centre de ce jeu de passe-passe, les Clinton jouent les maîtres de cérémonie. Ils ont un pied dans chaque camp, celui des grandes âmes vertueuses et celui, moins reluisant, de l’affairisme entrepreneurial. M. Weinstein personnifiait mieux que quiconque cette Bourse des valeurs morales.

Voilà ce champion d’humanité accusé de violences sexuelles d’une fréquence et d’une gravité invraisemblables. Voilà que cet infatigable défenseur de la liberté de la presse se dévoile comme un virtuose dans l’art de manipuler les journalistes, quitte à les molester lorsqu’ils s’entêtent à poser des questions gênantes (2). Mais le producteur-vedette de Hollywood savait aussi présenter un visage avenant, se tisser un réseau d’obligés, recevoir et renvoyer l’ascenseur.

En 2012, il achète les droits d’exploitation sur le territoire américain du Serment de Tobrouk, un documentaire réalisé par un essayiste français élégamment vêtu, Bernard-Henri Lévy, et destiné à promouvoir sur la scène internationale la destruction en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi — destruction mieux connue aux États-Unis sous le nom de « guerre de Hillary » et dont la Libye, sept ans plus tard, ne s’est pas remise. La description qu’en donne M. Weinstein illustre le niveau d’emphase et de pédantisme qu’il est possible d’atteindre en un seul paragraphe : « Ce film merveilleux montre le courage incroyable de BHL et la force de l’ancien président Nicolas Sarkozy, tout en mettant en lumière l’inestimable leadership du président Barack Obama et de la secrétaire d’État Hillary Clinton. Il permet au public américain de plonger dans les coulisses où le gouvernement de notre pays et celui de la France ont œuvré ensemble pour faire cesser le massacre de civils innocents et ont brillamment réussi à renverser un régime. » Ce qui lui vaudra ce retour d’affection de Bernard-Henri Lévy : « J’ai une profonde estime pour Harvey Weinstein. Au-delà de sa réussite cinématographique, il est d’abord pour moi l’homme qui a lancé Amnesty International aux États-Unis, lutté contre la peine de mort, et l’un des rares, côté américain, à avoir mené la bataille contre les lyncheurs de [Roman] Polanski » — le réalisateur de Chinatown et de Rosemary’s Baby, poursuivi pour le viol d’une mineure âgée de 13 ans.

Le progressisme de M. Weinstein se mesurait en lauriers au moins autant qu’en dollars. Le prodige de Hollywood siégeait au conseil d’administration de divers organismes à but non lucratif ; les films de sa société, Miramax, récoltaient Oscars et Golden Globes à foison ; en France, il a même reçu la Légion d’honneur. En juin 2017, quatre mois avant qu’éclate le scandale de ses agressions et de ses manœuvres pour réduire au silence les victimes de sa tyrannie sexuelle, le club de la presse de Los Angeles lui décernait encore le Truthteller Award, le prix du « diseur de vérité ».

Une imposture grossière ? Il est certain que sa conscience politique ne brille ni par sa consistance ni par sa profondeur. Il a par exemple vigoureusement désapprouvé la candidature de M. Bernie Sanders aux primaires démocrates de 2016. Le soir de l’élection présidentielle de novembre 2008, il acclamait la victoire de M. Obama au motif que les « cours en Bourse [allaient] grimper partout dans le monde ». Et son humanisme se teinte parfois de vert-de-gris. Le 5 novembre 2012, à l’occasion de la diffusion de Code Name Geronimo (SEAL Team Six en version originale), un film à la gloire du commando américain qui a tué Oussama Ben Laden, coproduit par sa société, il se fendait d’un hommage enflammé à l’un des artisans les plus discrédités de la guerre d’Irak : « Colin Powell, le plus grand génie militaire de notre temps, soutient le président Obama. Et les militaires l’adorent. J’ai fait ce film. Je connais les militaires. Ils respectent cet homme pour ce qu’il a fait. Il a tué plus de terroristes dans le bref exercice de ses fonctions que George W. Bush en huit ans. C’est lui, le vrai faucon. »

Dans le monde de M. Weinstein, l’engagement politique se place sous le patronage de l’industrie du luxe, à Martha’s Vineyard comme dans les Hamptons — deux hauts lieux de la jet-set américaine —, au gala de soutien d’un candidat comme à une soirée de bienfaisance. Roger Ebert, un influent critique de cinéma, racontait ainsi une réception qu’il avait donnée en 2000 à Cannes en faveur de la recherche contre le sida : « La vente aux enchères privée et le défilé de mode ont été suivis d’un dîner et d’une vente aux enchères publique dirigée par le patron de Miramax, Harvey Weinstein, qui, cette année, a non seulement mis en vente un massage par [la top-modèle] Heidi Klum, mais aussi persuadé [l’acteur Kenneth] Branagh et [l’acteur James] Caan d’ôter leurs chemises et de servir de cobayes pour une démonstration de ses talents. Le massage est parti pour 33 000 dollars. “Karl Marx est mort”, a observé le réalisateur James Gray (3). »

Chaque parti a ses vicelards ; M. Donald Trump est là pour nous le rappeler chaque semaine. Même à l’aune de cette règle, pourtant, M. Weinstein émerge du lot. Rarement un homme qui défendait si fastueusement les bonnes causes s’était autant appliqué à les piétiner. Comment comprendre qu’il ait pu s’identifier à des idées de gauche ? Par goût du pouvoir, peut-être, pour jouir du frisson de compter parmi les amis d’un William Clinton. Ou alors par désir d’absolution morale, celui-là même qui incite Walmart, Goldman Sachs ou ExxonMobil à parrainer des œuvres de charité. Dans le monde des grandes fortunes, le progressisme fait office de machine à laver pour rendre sa rapacité plus présentable. Ce n’est pas un hasard si, en guise de première réplique désespérée aux accusations accumulées contre lui, M. Weinstein a promis de croiser le fer avec la National Rifle Association (NRA, le puissant lobby américain des amateurs d’armes à feu) et de financer des bourses d’études réservées aux femmes (The New York Times, 5 octobre 2017).

Avec cette affaire, sans doute s’agit-il aussi de quelque chose de plus profond. Bien des gens de gauche se perçoivent comme des résistants à l’autorité. Mais, aux yeux de certains de ses dirigeants, la gauche moderne est un moyen de justifier et d’asseoir un pouvoir de classe — celui notamment de la « classe créative », comme certains aiment à désigner la crème de Wall Street, de la Silicon Valley et de Hollywood. L’idolâtrie dont font l’objet ces icônes du capitalisme découle d’une doctrine politique qui a permis aux démocrates de récolter presque autant d’argent que leurs rivaux républicains et de s’imposer comme les représentants naturels des quartiers résidentiels aisés.

Que cette gauche néolibérale mondaine attire des personnages comme M. Weinstein, avec leur capacité prodigieuse à lever des fonds et leur révérence pour les « grands artistes », n’a rien pour nous surprendre. Dans ces cercles qui mêlent bonne conscience et sentiment de supériorité sociale, où se cultive la fiction d’un rapport intime entre classes populaires et célébrités du showbiz, le cofondateur de Miramax était comme un poisson dans l’eau.

Ils sont légion, les habitués de ce milieu qui, sachant parfaitement à quoi s’en tenir, prennent à présent de grands airs scandalisés devant les turpitudes d’un des leurs. Leur aveuglement est à la mesure de leur puissance. Ces temps-ci, les voici qui errent dans un labyrinthe de miroirs moraux déformants en versant des larmes d’attendrissement sur leurs vertus et sur leur bon goût.

Thomas Frank

Journaliste et écrivain, auteur de Pourquoi les riches votent à gauche, Agone, Marseille, à paraître le 12 avril.

(1) Le groupe Mothers Opposing Bush s’est constitué pour empêcher la réélection d’un président censé nuire aux « valeurs d’honnêteté, de compassion, de communauté et de patriotisme » qui caractériseraient l’Amérique.

(2) C’est ce qui serait arrivé en novembre 2000 au journaliste du New York Observer Andrew Goldman. Cf. Rebecca Traister, « Why the Harvey Weinstein sexual-harassment allegations didn’t come out until now », The Cut, 5 octobre 2017.

(3) Roger Ebert, « Elizabeth Taylor helps host surreal AIDS benefit », 21 mai 2000, www.rogerebert.com
Xuan
   Posté le 20-07-2018 à 07:41:25   

Un article du Point sur l'idéologie de la "gauche sociétale"

http://www.lepoint.fr/invites-du-point/aux-etats-unis-la-gauche-contre-elle-meme-09-07-2018-2234344_420.php#xtor=CS2-238


Aux États-Unis, la gauche contre elle-même


Progressisme identitaire et militantisme émotionnel ne font pas l'unanimité à gauche. Le doctorant en philosophie politique Alexis Carré explique pourquoi. Par Alexis Carré
« Ce nouveau militantisme radicalise le sentiment d’injustice de chaque communauté afin d’en augmenter le potentiel de mobilisation politique. »

© GEORGE FREY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Au même titre que 200 autres universités américaines, celle du Michigan a décidé de mettre en place une équipe de lutte contre les préjugés (bias response team) chargée d'identifier et de punir, jusqu'à l'exclusion, les propos portant préjudice aux identités sexuelles ou raciales des élèves (1). Un document fourni par l'université en question croit bon de préciser que « l'indice le plus important de préjugé est votre propre sensibilité ». À Antioch College, les étudiants attendent un consentement verbal explicite et enthousiaste avant tout contact physique, qu'il soit de nature sexuelle ou non. Dans une enquête publiée par le New York Times, une élève de ce même établissement confie son malaise lorsque, rentrant chez elle, sa mère l'a prise dans ses bras sans lui en demander la permission ; une autre s'indigne que ses collègues allemands lui tapent sur l'épaule sans autorisation préalable (2). L'université américaine serait-elle devenue folle ?

Lire aussi « La culture de la victimisation menace l'université »

De la conquête de l'université à la conversion des élites


Il serait bien sûr réconfortant de voir dans ce progressisme identitaire une bizarrerie, issue de l'union incestueuse du puritanisme et de la pensée radicale. Mais loin de rester confinée aux départements de littérature, d'études de genre ou d'études post-coloniales, cette idéologie a progressivement conquis le champ universitaire dans son ensemble ; elle inspire désormais la stratégie électorale de nombreux partis de gauche en Occident. La stratégie en question, formulée notamment par l'universitaire Bo Rothstein, a consisté à abandonner la défense des intérêts de la classe ouvrière pour tâcher de reconstituer une majorité électorale réunissant les femmes, les jeunes, et les minorités ethniques ou sexuelles. En France, c'est en 2011, à la suite d'un rapport du think tank Terra Nova, que ce renversement des alliances fut officialisé (3).

Par opposition au militantisme syndical ou partisan traditionnel, ce progressisme identitaire repose sur un vivier d'associations et de groupes chargés de politiser des communautés spécifiques contre la domination raciale ou patriarcale dont elles seraient victimes. Alors même qu'au sein des mouvements de gauche, cette vision du monde vit aujourd'hui son triomphe, plusieurs universitaires américains l'accusent d'être à l'origine des mauvais résultats de leur famille politique. Parmi eux, Mark Lilla, professeur à Columbia, William Galston, chercheur de la prestigieuse Brookings Institution et Yascha Mounk, jeune professeur à Harvard.

Ils lui reprochent d'abord d'avoir corrompu les pratiques militantes. En abandonnant le combat politique au profit d'une conquête culturelle des élites, les progressistes identitaires sont de plus en plus entrés en tension avec la pratique démocratique de la délibération publique. Plutôt que d'accéder au pouvoir en emportant l'adhésion de leurs concitoyens, ils ont effectivement décidé d'établir leur hégémonie culturelle sur l'université, puis par effet de capillarité sur les médias et la justice. Le rôle croissant de l'éducation supérieure dans l'accès aux emplois les plus rémunérés a eu pour effet d'homogénéiser idéologiquement les classes supérieures tout en creusant le fossé culturel les séparant des couches les moins favorisées.

Un militantisme émotionnel au service de logiques antidémocratiques
Le second reproche que leur adressent ces intellectuels de gauche concerne plus directement la dimension institutionnelle du combat politique. En cherchant moins à convaincre leurs semblables qu'à persuader les juges de prendre des décisions conformes à leurs idées, ou les journalistes de rapporter les faits selon l'angle qui est le leur, ces militants identitaires ont en réalité diminué, au sein de l'opinion, le crédit des institutions sur lesquelles s'exerçait leur influence. En plus de cette défiance croissante des classes populaires, la segmentation de l'électorat en différents blocs, rassemblés autour de revendications identitaires, a livré le champ du bien commun à leurs adversaires politiques, et plus particulièrement, aux populismes de droite. Elle a aussi incité les associations et groupes militants qui constituent la colonne vertébrale de ce nouveau militantisme à radicaliser le sentiment d'injustice de chacune de ces communautés afin d'en augmenter le potentiel de mobilisation politique.

Ce militantisme émotionnel, fondé sur le fantasme d'une société malfaisante
dissimulant des structures de domination visant au contrôle et à l'oppression des dominés, a contribué à une bipolarisation aiguë du champ politique. Un telle situation isole de plus en plus ces militants de toute référence commune à leurs concitoyens qui ne se reconnaissent pas dans le portrait monstrueux que l'on fait d'eux. Mais plus grave encore, elle isole également les communautés qu'ils désirent défendre, les rendant plus vulnérables encore aux discriminations dont elles sont parfois effectivement victimes.

Afin de véritablement effectuer les changements qu'ils désirent apporter dans l'ordre social, les trois universitaires proposent à ces jeunes militants de cesser de voir dans l'expression de leur identité individuelle le but de la politique, et de revenir à une conception délibérative de la parole publique. Or une parole ayant pour ambition d'organiser l'action collective, c'est-à-dire l'action de tous, ne peut décemment pas reposer sur le mépris et la diabolisation d'une partie de la population dont la contribution est nécessaire à la santé de notre système politique. À quoi sert en effet de gagner un procès ou de rallier un journaliste à sa cause, si ces victoires rendent contestables auprès d'un nombre croissant de personnes les idées de justice et d'information.

* Alexis Carré est doctorant en philosophie politique à l'École normale supérieure. @Aliocha24

(1) The bias response team is watching, Wall Street Journal, 8 mai 2018.

(2) Thank you for asking, New York Times, 24 février 2018.

(3) Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?, Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, rapport Terra Nova, Projet 2012, contribution n° 1.


Edité le 20-07-2018 à 07:43:03 par Xuan


Xuan
   Posté le 13-08-2018 à 18:13:04   

Elaine Brown: “Le mouvement féministe aux États-Unis est dominé par des idéaux bourgeois blancs”

30 Juil 2018 MARIA COLERA INTXAUSTI
http://www.investigaction.net/fr/elaine-brown-le-mouvement-feministe-aux-etats-unis-est-domine-par-des-ideaux-bourgeois-blancs/

Elaine Brown a présidé le parti des Panthères Noires entre 1974 et 1977. Elle est l’auteur de son autobiographie “Un Goût du pouvoir : L’Histoire d’une femme noire”* et se consacre actuellement à la lutte contre le complexe pénitentiaire industriel des États-Unis. Interview.


Vous dites que « notre objectif était d’arriver à libérer les noirs et non d’assurer l’égalité face à la loi, ce qui sous entendait l’acceptation du système tel qu’il était ». Comment évaluez-vous dans ce sens le mouvement Black Lives Matter?

Je commencerai par me demander de quoi il s’agit. Est-ce que c’est un mouvement ? Je n’ai pas l’impression que c’ en soit un. Je pose cette question partout autour de moi et les gens se fâchent mais j’ai l’impression qu’ils ne sont pas en train de faire grand chose. Je n’arrive pas à saisir comment on peut l’appeler “mouvement”. Qu’est-ce qui nous fait penser que ce hashtag ait évolué au point de devenir un mouvement ? Malgré le fait qu’on puisse le qualifier d’une initiative organisée, que font réellement ses partisans? Quel est leur objectif? La majorité d’entre eux ont appuyé Hillary Clinton. Comment peut-on être noir et appuyer Hillary Clinton?

Cela avait commencé comme une initiative dénonçant la brutalité policière, rien de plus. Après, ça a évolué vers des slogans tels que “Mains en l’air! Ne tirez pas!”. Réflexion on ne peut plus révolutionnaire, n’est-ce pas ? Je constate qu’il n’y a aucune réflexion sur les questions liées aux changements fondamentaux, aucun agenda et qu’aucune action n’est effectuée dans ce sens.

En suivant le même raisonnement, que pensez-vous du féminisme libéral?

Le mouvement féministe aux États-Unis est dominé par des idéaux bourgeois blancs. On vous parle de droits reproductifs tout en oubliant de mentionner que la si honorable Margaret Danger, à qui l’on doit la planification familiale, était réellement eugéniste, partisane de l’élimination de certaines populations et que les premières cliniques d’interruption de grossesse ont été justement ouvertes à Harlem.

D’un autre côté, lorsque ces féministes parlent de briser le plafond de verre, ce qu’elles veulent dire réellement c’est qu’elles veulent participer au monde des affaires et disposer de l’égalité qui leur permettra d’opprimer dans les mêmes conditions, entre autres, d’autres femmes.
De la même manière, vous ne trouverez dans ce mouvement pratiquement aucune femme noire ou latine. En pratique, il s’agit d’un mouvement de femmes blanches et ce fût le cas au niveau de la première vague, la deuxième et la troisième.

Quoi qu’il en soit, ne croyez-vous pas qu’il existe en effet des droits pour lesquels nous les femmes actives devons lutter?

Évidemment. Je considère qu’il y a effectivement certaines questions qui touchent particulièrement les femmes pauvres et les femmes noires et latines, et je crois que ces questions doivent être abordées comme des problèmes touchant l’ensemble des femmes. Les femmes noires représentent le collectif le plus pauvre dans le monde et en Afrique subsaharienne par exemple, les femmes noires sont encore plus pauvres que les hommes. Mais personne ne parle de ces femmes-là, tout comme aux États-Unis, personne ne parle des femmes pauvres qui s’occupent de leurs enfants.

On constate ainsi que ce que font beaucoup de féministes c’est imposer leur style de vie et leurs valeurs bourgeoises puisqu’elles considèrent qu’elles sont justes et que ce sont elles qui doivent définir ce qu’on veut et ce dont on a besoin. Ceci se reflète clairement dans la Réforme de l’Assistance Sociale approuvée par Bill Clinton qui pénalise les femmes pauvres. Les gens ont voté pour parce qu’ils pensaient que cela affecterait uniquement les femmes noires. Or il se trouve que la majorité des personnes qui vivent de l’assistance sociale sont en fait des femmes blanches, eu égard à leur poids démographique.

Avec cette réforme, Clinton a imposé un agenda néolibéral d’un niveau tel que même George Bush n’aurait espéré atteindre. Il a également considéré qu’un des problèmes de la communauté noire était le grand nombre de mères célibataires. Ils se sont mis à individualiser les problèmes, tout en dissimulant la composante raciste, machiste, etc., et ils ont décidé de laisser plusieurs femmes sans accès aux aides sociales et ce sans la moindre opposition d’aucune organisation féministe. La conséquence de cette pénalisation fût de pousser ces femmes à faire des choses désespérées afin de pouvoir s’occuper de leurs enfants, tout en accentuant un peu plus leur pauvreté et celle de leurs enfants.

Où se situent les féministes par rapport à tout cela? Eh bien la plupart de leurs organisations se sont focalisées sur les questions LGBTQ, ce qui me paraît très bien, parce qu’on est toutes concernées par le fait qu’un groupe soit opprimé. Le problème c’est qu’avec elles, ceci se transforme en une question de style de vie.

Je crois que le plus important c’est de revenir aux questions essentielles qui préoccupent les femmes. Est-ce que le thème de l’égalité avec les hommes nous préoccupe? Eh bien moi je ne veux pas être l’égale d’un général qui passe son temps à tuer des gens en Afghanistan par exemple. Par contre, oui, je suis préoccupée si ma capacité de vivre est affectée par le fait que je sois une femme. Je suis préoccupée par le fait de ne pas avoir d’argent et de ne pas pouvoir m’occuper de mes enfants pour le simple fait d’être une femme. Les femmes noires gagnent moins que les femmes blanches et ces dernières moins que les hommes. C’est là où réside la clef du problème et on en parle pas, comme on ne parle pas non plus des femmes qui sont en prison… Ces féministes se limitent à parler de droits reproductifs et de briser le plafond de verre…

Qu’est-ce que vous pensez de l’initiative #MeToo (#Balancetonporc en français, NdR)?

Le mouvement #MeToo s’est transformé en une espèce d’aventure, un évènement hollywoodien où l’on voit des actrices en train de protester parce qu’on ne les a pas payées pareillement que leurs collègues masculins. Donc au lieu de recevoir deux millions de dollars, elles en ont reçu seulement un. Et pendant ce temps, elles n’ont formulé aucun demi mot à propos de ces femmes ordinaires qui luttent tous les jours pour pouvoir aller de l’avant. C’est ce qui est en train de dominer le discours, y compris autour du viol. Si le cas Harvey Weinstein a eu autant de répercussion, c’est parce que toutes les femmes qu’il a violées étaient blanches. C’est la même chose avec Bill Cosby et O.J. Simpson. Ce dernier n’aurait jamais été condamné s’il avait tué une femme noire au lieu d’une femme blanche. C’est clair que la vie des femmes blanches est beaucoup plus importante que celle des femmes noires.

Dans tous les cas, je dois dire que oui, je suis féministe. Comment est-ce que je pourrais ne pas l’être, étant moi-même une femme? Je suis opprimée en tant que femme, en tant que noire et en tant que pauvre. Il est vrai que mes besoins basiques sont satisfaits et que j’ai une vie digne mais je n’ai pas de contrôle sur les choses qui affectent ma vie en tant que femme, en tant que noire et en tant qu’être humain.

Et quelle était la position du Parti des Panthères Noires quant au féminisme ?

Le Parti a adopté une position très claire en ce qui concerne le mouvement de libération des femmes : il a considéré cette lutte comme la sienne propre, comme ce fût le cas également pour la libération des gays. Et il l’a fait non seulement en termes rhétoriques mais aussi en actes. La libération des femmes signifiait pour nous la conquête de la liberté pour définir son propre destin sans que la dépendance économique envers les hommes entre en compte.

Les féministes blanches avaient l’habitude de dire qu’une femme sans un homme est comme un poisson sans bicyclette, mais le véritable problème c’est que si tu n’as pas un homme ou si tu n’as pas d’argent, tu ne peux pas exister par toi-même. Dans tous les cas, la majorité des femmes que je connais ont assez d’argent pour pouvoir survivre et n’ont pas besoin d’un mari pour avoir un logement et s’occuper d’elles mêmes, de sorte qu’elles ne tolèrent aucun abus de la part d’un homme. C’est pourquoi je sais que cette question sociale est en réalité une question économique.

Vous avez dit que les noirs peuvent se libérer seulement à travers un changement radical du système. Maintenant qu’il semble y avoir une réaction généralisée contre les droits des personnes noires et latines, ceux des femmes, des migrants, etc., quel devrait être le chemin à suivre? Et quelle est la probabilité pour que les choses changent ?

Eh bien, on doit partir du constat que nous vivons dans un système d’exploitation économique. De la même façon, lorsque nous parlons d’immigration aux États-Unis, il faut commencer par le commencement: les États-Unis ont été fondés avec la colonisation anglaise de la Virginie qui a eu lieu à travers l’extermination des trente tribus indiennes qui y vivaient. Une fois ce territoire conquis, ils ont commencé à cultiver le tabac et le coton pour le vendre à la métropole. Mais pour ce faire, ils avaient besoin de main d’œuvre.

Comme ils ne pouvaient pas réduire les natifs à l’esclavage, lesquels préféraient se laisser mourir plutôt que de se soumettre – étant en plus sur leur propre territoire, ils pouvaient s’organiser et se rebeller – ils ont décidé de capturer des africains, de les mettre dans des bateaux et de les envoyer par millions aux États-Unis. Cela s’est fait durant 250 ans. Et comme l’a bien dit Marx, sans le coton et sans les esclaves qui le cultivaient, la révolution industrielle n’aurait pas été possible.

Le même système est encore en vigueur et si quelqu’un croit qu’il est possible de réaliser une réforme de la politique migratoire ou pénitentiaire alors que ce système demeure intact, c’est que cette personne ne veut vraiment rien tenter. Juste parler mais sans vraiment le faire. J’essaye d’en convaincre les jeunes avec lesquels je travaille tous les jours et je les encourage à ressusciter le parti des Panthères Noires. Je leur dis que je leur indiquerai ce qu’il faut faire. Est-ce qu’ils l’ont fait ? Non. Parce qu’ils ont peur, parce qu’ils sont paresseux et qu’ils tiennent à leur confort. Ils ont envie d’avoir une petite bourse pour aller à l’Université, une voiture, d’être capable de payer leur facture de téléphone, de sortir dîner à chaque fois qu’ils en ont envie..

Comme disait Marx, on doit être sans cesse critiques, analyser les conditions réelles dans lesquelles on vit et travailler à partir de ces mêmes conditions et non à partir de comment on aimerait qu’elles soient. Ceci ne signifie pas, par contre, que je n’ai pas d’espoir parce que je crois que les gens finissent toujours par choisir la vie à la mort même s’ils le font juste parce qu’ils sont affectés par ce choix et pas nécessairement pour des raisons d’ordre moral. Les gens ont un intérêt personnel à rester en vie. Et même s’ils n’en sont pas conscients, leur vie dépend de la mienne et vice versa. Dans tous les cas, nous les marxistes léninistes savons que si l’on maintient les gens opprimés, ils finiront par t’égorger. Donc, ce qui convient le mieux c’est de s’assurer que tous aient de la nourriture et un logement, qu’ils aient accès aux soins médicaux, à l’éducation et au reste des choses dont nous avons besoin. C’est après avoir obtenu tout cela, qu’ils songeront à construire une société interconnectée et solidaire.

C’est ce en quoi je garde espoir. Que les gens se rendent compte qu’on est dépendants, interdépendants et que nous faisons partie de la même planète, qu’on doit trouver des solutions pour que nous ayons tous accès à une vie digne. Sans cela, c’est la vie de tous sera en danger. Je ne dis pas que ça va arriver de mon vivant mais ça va forcément arriver.

À la différence d’autres mouvements politiques, les Panthères Noires ont donné beaucoup d’importance au lumpenprolétariat, d’où provenait une grande partie des militants, qu’on considérait comme “étant la faction la plus motivée aux États-Unis pour mener la révolution”. Le parti avait décidé de former et politiser ces personnes. Comment avez-vous fait pour “transformer la rage du ghetto en action révolutionnaire” ?

Durant les vingt dernières années, j’ai travaillé avec des personnes qui étaient en prison ou qui en sont sorties. À mon avis, elles représentent le même groupe de personnes qui avait le plus grand potentiel pour se transformer en avant garde révolutionnaire. Je ne dis pas que les masses ne doivent pas être impliquées à un certain moment, mais tout le reste est connecté au système : ils ont un boulot ou en veulent un. Les premiers par contre ne veulent pas un boulot et on le sait parce qu’ils passent leur temps à vendre de la drogue ou à commettre des vols etc. Ils n’ont aucun lien avec le système. Ils ne l’aiment pas, ils n’aiment pas la police, ils ont pris des risques dans leur vie et ils ont un potentiel plus grand que celui d’une personne rangée qui va au boulot chaque jour et qui, à la sortie du boulot, rentre chez elle, regarde la télé et part en vacances à Disneyland.

D’un autre côté, je pense que Marx s’est trompé en considérant le lumpenprolétariat comme étant la racaille de la Terre parce qu’il avait de l’estime pour la classe ouvrière et considérait que les courageux étaient ceux qui travaillaient. Eh bien, celui qui vend de la drogue au coin de la rue dix huit heures par jour est aussi en train de travailler, mais ceci est une autre histoire. Ce que je veux dire par là c’est que je ne considère pas que les esclaves étaient une classe unique aux États-Unis composée uniquement de noirs. C’était une classe ouvrière à qui on ne payait pas de salaire. Et cette situation existe encore de nos jours. La majorité des Noirs, malgré le fait qu’ils aient un boulot, doivent faire d’autres choses pour compléter leur salaire puisqu’ils ne gagnent même pas suffisamment pour faire partie de la grande partie du prolétariat. Le fait qu’on nous ait laissé, nous les Noirs, en dehors des syndicats est aussi une question extrêmement importante. L’histoire des syndicats industriels aux États-Unis est honteuse dans ce sens.

Donc je continue à penser la même chose parce que les faits n’ont pas changé. Nous les Noirs sommes toujours pauvres, hors système, nous n’avons pas de travail réel, pas d’argent, pas de relation avec le système. Et en dessous de tout ça, on trouve les personnes qui ont été en prison.

Avec ses 2.120.000 prisonniers, les États-Unis sont le pays avec la population carcérale la plus importante au monde. Comment en est-on arrivé à cette situation ?

L’augmentation qui touche aussi bien le nombre de personnes emprisonnées que la durée de l’emprisonnement est un phénomène relativement nouveau et il vient suite à une loi approuvée par Bill Clinton en 1994 destinée à poursuivre les récidivistes.

Entre 1994 et 2004, le nombre de détenus a doublé aux États-Unis et presque la moitié d’entre eux est constituée de Noirs bien qu’ils ne représentent que 13% de la population totale. Mais ce n’est pas comme s’il y avait une politique visant directement à mettre les Noirs en prison. Ce n’est pas cela. C’est qu’il y a une sorte de mécanisme mis en place depuis 1865, date de création des départements de shérifs destinés à chasser les esclaves fugitifs. On constate ainsi que la question des Noirs est présente dès le début de l’histoire des États-Unis.

Thomas Jefferson, un des Pères Fondateurs et un des auteurs de la Déclaration d’Indépendance, a parfaitement défini cette mentalité dans un de ses livres intitulé “Notes on the state of Virginia”. Dans ce livre, il explique que la raison pour laquelle il n’a pas inclus les Noirs dans son projet d’émancipation basé sur le principe que “tous les hommes naissent égaux” est dû au fait, selon ses indications, que les Noirs sont moins bien dotés que les blancs aussi bien physiquement que mentalement, qu’ils ont une couleur désagréable et qu’ils sentent mauvais en plus d’être paresseux, etc. Selon Jefferson, les noirs n’arrivent même pas à la catégorie d’êtres humains d’où la légitimité de les réduire à l’esclavage. Ce fût l’idéologie dominante aux États-Unis depuis 1710.

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne le complexe industriel pénitentiaire ?

Les prisonniers produisent beaucoup de choses. Mais ce n’est pas cela qui leur donne de la valeur. C’est l’argent qu’ils dépensent eux-mêmes et les états où ils sont emprisonnés. Ils ont accès à tout en prison : appels téléphoniques, appels vidéo, nourriture, vêtements… On peut acheter de tout mais cela coûte beaucoup plus cher que dans la rue. D’un autre côté, l’état de Californie par exemple dépense 70.000 dollars par prisonnier et par an.

Il y a également le travail non rémunéré réalisé par les détenus : fabrication de meubles, aménagement de jardins, nettoyage des autoroutes… Et tout cela, ils le font gratuitement ou presque. Le complexe industriel pénitentiaire est similaire au complexe industriel militaire mais avec des détenus. Beaucoup pensent que ce concept a quelque chose à voir avec les prisons privées mais ce n’est pas le cas. La majorité des prisons sont publiques, elles appartiennent à l’État et beaucoup de gens y travaillent. Rien qu’en Californie, il y a plus de cent mille fonctionnaires dans l’administration pénitentiaire qui disposent de syndicats luttant pour s’assurer que leurs membres ne restent pas sans boulot. Et quelle est la principale marchandise dont ils disposent ? Les prisonniers. Ils ne veulent pas que les prisons arrêtent d’être remplies. Tout le monde est en train de gagner de l’argent aux dépens des prisonniers qui étaient pauvres à leur entrée en prison et le seront à leur sortie.

Ont-ils fait des choses terribles? Absolument. Certains. Pas tous. Moi je n’utilise même pas les termes innocent ou coupable. Parce que la plupart des détenus ont été arrêtés pour des délits économiques comme braquer une boutique. Et pourquoi ils le font ? Eh bien parce qu’il y a de grandes disparités économiques dans notre pays. On constate que tout est tellement lié qu’on ne peut presque plus rien séparer. Et les Noirs sont la meilleure chair à canon à mettre en prison. Qui va s’exprimer pour eux? Personne. On n’a même pas assez d’argent pour financer une action judiciaire. Et à tout cela, il faudrait aussi rajouter le racisme.


Elaine Brown a dirigé le Black Panther Party de 1974 à 1977

En 2014, vous avez fondé “Oakland and the World Enterprises”, une initiative pour créer des entreprises gérées par d’anciens détenus. En quoi consiste ce projet ?

Un des aspects de notre oppression continue en tant que Noirs aux États-Unis est le fait que quand quelqu’un sort de prison, il ne trouve pas de boulot puisqu’il faut présenter un formulaire d’antécédents pénaux que les employeurs l’utilisent pour justifier leur refus de recruter des ex-détenus. Ces derniers restent vraiment sans aucune alternative. En Californie par exemple, on te donne 200 dollars à la sortie de prison pour recommencer ta vie. Et si tu n’as personne qui t’aide, qui t’offre un endroit où vivre, avec 200 dollars tu ne peux rien faire et tu vas devoir te prostituer, vendre de la drogue et faire quelque chose d’illégal qui te fera probablement retourner en prison.

Devant cette situation, avec la participation d’un responsable élu noir, nous avons décidé de faire quelque chose pour réduire la récidive et nous pensons que la seule manière d’y arriver est que ces personnes aient leur propre revenu. Ainsi nous avons acheté un terrain à Oakland, créé une association à but non lucratif appelée Oakland and the World Enterprises, et maintenant nous voulons mettre en marche des entreprises à but lucratif sous forme de propriété coopérative pour les ex-détenus et autres populations vulnérables et marginalisées. En d’autres termes, des Noirs pauvres.

Nous avons mis cette initiative en marche et nous disposons maintenant d’un potager urbain qui nous a permis de créer une banque d’aliments où les gens viennent faire la queue à partir de quatre heure du matin puisque nous nous trouvons dans une communauté extrêmement pauvre. Maintenant, nous voulons construire des maisons accessibles, mais selon nos propres critères, c’est à dire que l’accès y est défini en fonction des possibilités de chacun et non en fonction de la moyenne de la zone ou de critères similaires. Nous disposons également d’appartements réservés à ceux et celles qui n’ont aucune forme de revenu.

L’idée est que cette initiative s’étende à d’autres villes, à Détroit, Philadelphie…, afin que personne ne se voit refuser l’accès au logement ou à l’emploi pour le fait d’avoir été en prison. Le modèle que nous utilisons est celui d’une coopérative de travail associée mais comme cela sonne trop communiste pour certains et les rend nerveux, je leur dit qu’il s’agit d’entreprises dont la propriété est coopérative. C’est la même chose. Les travailleurs sont les propriétaires et les propriétaires sont les travailleurs mais les bénéfices sont collectifs. Nous n’avons rien contre les bénéfices en soi, c’est l’exploitation qui pose problème.

* Titre en espagnol : ” Una cata de poder. Historia de una mujer negra” (Edition del Oriente y del Mediterráneo, 2015). Titre original : A taste of power: a black woman’s story. Publication originale 1992.(NdT)

Traduit de l’espagnol par Inès Mahjoubi pour Investig’Action

Source: Laccent


Edité le 13-08-2018 à 18:14:05 par Xuan