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Xuan
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   Posté le 16-05-2016 à 15:40:55   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

histoireetsociete

16
MAI

Jamala, gagnante de l'Eurovision : une Tatare de Crimée à l'histoire familiale tragique



Pour ceux qui n’auraient pas lu notre livre : URSS, vingt après, retour de l’Ukraine en guerre, voici deux ou trois chapitres, de quoi vous familiariser avec la réalité des Tatars de Crimée, une série de reportages pris sur le vif, sans impartialité, mais il est vrai que ce livre a subi toutes les censures, c’est comme cela que les créatures de Soros et d’Erdogan utilisent les rancœurs de ceux qui ont suivi les troupes d’Hitler dans leur massacre de juifs et de russes, de communistes pour passer pour des martyrs aux yeux de l’occident abusé…Si vous n’avez jamais entendu parler de ce livre, ne vous étonnez pas de ne rien savoir de cette réalité, l’omerta de la presse occidentale est totale sur la réalité des Tatars de Crimée qui ne sont pas tous loin s’en faut des nostalgiques des temps de l’hitlérisme et d’Al Qaida aujourd’hui, mais le fait est… (note de Danielle Bleitrach)

1-Introduction à un Voyage en pays Tatar I (Alexandre, le chauffeur)

La mosaïque ukrainienne ne le cède en rien à celle de Crimée. Le musée de Simféropol.

Même en y mettant la meilleure bonne volonté du monde, c’est-à-dire en ouvrant systématiquement la conversation avec des inconnus, comme le fait Marianne grâce à sa maîtrise de la langue russe, nous n’avions pas jusqu’ici rencontré en Crimée un seul individu qui soit hostile à la réunification avec la Russie. Plus stupéfiant encore, pour nous occidentales, nous n’avons pas davantage vu un individu qui ne considère pas l’Union soviétique comme un âge d’or. Les plus réservés étant des jeunes communistes qui se méfient de Poutine et craignent pour leur emploi avec l’afflux de spécialistes russes. Les autres, en particulier les retraités, qui ont vu leurs pensions augmenter à plusieurs reprises, nagent dans le bonheur. Mais c’est surtout la paix dont ils jouissent par rapport au reste de l’Ukraine que tous apprécient.

A Nikolaïevka, au bord de la mer, les habitants affichent avec enthousiasme leurs opinions … mais ils espèrent les touristes…

Le giron de Moscou, mais le bruit du tonnerre au loin

Tous ou presque, parce que l’opposition existe… en pays tatar, nous l’avons rencontrée…

Nous sommes parties, le mercredi 11 juin, vers Bakhtchyssaraï en pays Tatar. Au volant Alexandre, un délicieux jeune homme, très timide, que nous avons embauché comme chauffeur pour la journée pour 80 euros. Le mari de la coiffeuse chez qui Marianne et moi avons fait halte dans les quelques jours que nous avons décidé de consacrer au tourisme et au repos. Dans son salon flambant neuf mais encore inachevé, on passe de pièces avec des rideaux brodés, des tapisseries chatoyantes, à d’autres sans planchers seulement des poutrelles ouvertes sur le vide. Elle nous a conseillé « Ne parlez pas que de politique, faites-nous de la réclame pour que nous ayons des touristes ». Tandis que la petite manucure au visage rond pleurait toutes les larmes de son corps en pensant à sa maman qui se trouve dans le Donbass. Pas seulement d’ailleurs à sa maman, mais aux orphelins de Slaviansk, il reste encore des enfants et des vieillards là-bas, ceux qui ne savent pas où aller et qui se terrent dans les caves sous la mitraille… La Russie annonce avoir accueilli 8000 enfants à Rostov et la République de Donetsk confirme qu’elle a réussi à établir un couloir humanitaire vers la Russie.

Tout est sous contrôle

Ici personne à vrai dire ne veut faire de politique et considère que c’est vraiment une catastrophe quand elle vous tombe dessus. En gros, la politique c’est quand les politiciens ont décidé de se mettre sur la gueule pour se partager le gâteau. On pense à Brecht : « heureux les peuples qui n’ont pas d’Histoire ». D’ailleurs, je ne cesse de songer à Brecht et à son brave soldat Schweick[1] que la folie des grands a jeté dans l’atrocité d’une guerre, face aux Ukrainiens qu’ils soient de l’est ou de l’ouest. Et cela ne date pas d’aujourd’hui, cela fait 23 ans que tout est devenu incompréhensible, le monde est un sac de chats sauvages dans lequel les malins et les puissants dépècent leur pays et s’ingénient à détruire le peu qui existe. Eux tentent de survivre tant bien que mal, de bric et de broc, comme le salon de coiffure. Quand on a un peu d’argent pour se payer le ciment ou les rouleaux de tapisserie. Cette manière d’arracher à la tourmente des brindilles pour leur nid leur a donné une sorte d’indulgence pour les petits bandits, ceux qui tentent de garder la tête hors de l’eau à n’importe quel prix.

Le charme méditerranéen de ces petites maisons avec leurs treilles…

La télé parle très fort, personne ne paraît l’écouter, mais en fait chacun reçoit en plein cœur les nouvelles du Donbass. Aujourd’hui on annonce la mort de petits enfants. Les assaillants de Kiev balancent des bombes au phosphore qui font des dégâts irréversibles chez l’être humain. Un sujet d’actualité sur les bombardements laisse entendre la voix de deux pilotes qui bombardent Donetsk, l’aéroport : « je n’ai plus de petites bombes, je balance les grosses, dit un des hommes dans l’avion. » Tout cela est si stupide, si criminel. Les visages se tendent. Constantin, l’homo sovieticus, est de plus en plus fermé. Nous lui avons donné à lire avec traduction son interview. Il dit c’est bien, c’est ça, sauf un point sur lequel il insiste, sa ville Gorlovka est une grande ville de 300.000 habitants. Il lit également en russe le texte sur l’Etincelle de l’historien, il veut que nous corrigions : il n’y avait pas de lance-roquettes. Et à travers ce simple détail assorti de sa colère contre les communistes qui ne sont pas là, ma conviction est qu’en fait il n’est pas seulement pompier. Il a participé au combat. On sait qu’il a voulu venir en vacances avec son fils ici dans cette auberge de jeunesse communiste parce qu’il veut ne pas se laisser contraindre ou peut-être pour contacter quelqu’un… qui peut savoir? A l’aller le contrôle des papiers a duré plus de trois heures, mais désormais les trains se font rares et il risque de ne pas trouver de moyen de transport pour revenir à Donetsk. Depuis qu’il a lu l’interview qu’il approuve il a un peu plus confiance en nous. Quand je lui demande s’il sait ce qui se passe dans le Donbass, il me jette laconique mais presque fraternel :

« Tout va bien… Tout est sous contrôle! »

La vie continue, mais le pays est en guerre et pas seulement le Donbass. Alexandre notre jeune chauffeur mercredi n’en revenait pas: « Que cela se passe en Afrique ou en Syrie, cela nous paraît normal. Mais chez nous, nous n’arrivons pas à y croire ». Les plus vieux y croient eux… Ils ont déjà connu la vacance du pouvoir qui a suivi la chute de l’URSS.

Bref en surface, tout le monde fait comme s’il ne se passait rien, mais une sourde inquiétude les agite, tend les visages, quand l’angoisse ne se contient plus et éclate en gros sanglots comme pour la petite manucure. Il faut s’habituer à cette paix de Crimée, un silence plein de bruit dans le giron russe… Au fait que l’on ne cesse de nous supplier de dire la vérité, mais aussi de faire de la réclame pour leur pays afin d’attirer les touristes. Marianne a pris très au sérieux la demande et elle est en train de monter un guide du routard pour militants en contactant les propriétaires de chambres à louer, en prenant les photos pour montrer le charme du lieu mais aussi le chaos, le sous-équipement. Moi j’ai reçu une demande, celle d’une association d’handicapés d’Odessa qui me demande d’intervenir auprès de Marseille, la ville jumelle, pour obtenir des aides en matériel. Ce que je suis en train d’éprouver est le sentiment que bien des choses se sont nouées à Odessa le 2 mai, lors d’un massacre dont on a peu parlé en France. Je sais que nous allons devoir aller dans cette ville mythique, à cause des grands escaliers du Potemkine sur lesquels un landau ne cesse de dévaler tandis que les gardes massacrent la foule.

Ce soir, jeudi 12 juin, nous retournons au salon de coiffure pour des massages avec des boues de la mer morte… Je n’ai pas pu résister à ces délices de Capoue israélien. Surtout si l’on sait qu’avec 60 euros j’ai pu me faire faire un soin complet, des massages de détente, acheter deux crèmes et laver la tête, coiffer… Il me restait juste 600 roubles (environ 14 euros) pour acheter deux tee-shirts pour les petits-fils. Marianne se livre à des orgies de cadeaux, tee-shirts avec faucilles et marteaux, avec le slogan « merci grand père de nous avoir libérés », des semences de fleurs dont elle me fait remarquer qu’elles proviennent de Lougansk, rue Karl Liebknecht… Marianne cultive un jardin ouvrier à Arras et elle ne cesse de cueillir des boutures ou acheter des graines. Apparemment nous sommes en villégiature au bord de la mer, mais ici le tourisme ne peut pas être totalement innocent. Nous sommes dans un pays en guerre, même dans la Crimée havre de paix.

Les Criméens sont blottis dans le giron russe comme des enfants qui fuient les bombardements, mais ils ne peuvent s’empêcher d’entendre au loin le roulement de l’orage, les coups de tonnerre, et leur satisfaction est empreinte de peur. Il y a même des gens qui sont désespérés de l’intervention, nous les avons rencontrés sans les chercher dans le pays tatar en croyant visiter le palais du Khan qui est une pure merveille.



En transition vers le pays Tatar, l’ancien kolkhoze à l’abandon

Retour sur le 11 juin, nous voici embarquées dans une vieille Lada pour une journée touristique vers le pays Tatar. Alexandre nous explique que Nikolaievka n’était pas à l’origine une ville balnéaire, elle accueillait tout au plus quelques colonies de vacances et des familles qui avaient immigré à Simféropol et conservaient un cabanon ici. Il nous montre les champs en jachère et secoue la tête: « Avant ici il y avait un immense kolkhoze, tout était cultivé. C’est fini. Simplement de la steppe dans laquelle viennent brouter quelques animaux, quelques bovins, quelques moutons. Les vignes et les arbres fruitiers ne sont plus taillés, ils retournent à l’état sauvage… Des sauvageons… Des mauvaises herbes… Un aspect de désolation qui navre Alexandre, il nous explique qu’il pourrait y avoir de l’amitié avec l’Europe, la France en particulier. Il y avait en Crimée un vin excellent, il est en train de mourir, si nous avions des spécialistes pour les aider, là ce serait bien… Déjà, des Français se sont installés dans un coin de cette steppe désolée qui retourne à la nature faite de ronces et ont reconstitué un cépage. Cette propriété-là, tout le monde est d’accord, elle travaille, produit, pas celle des oligarques qui n’est que dévastation.

Nikolaievka est resté un bourg rural, au bord de la mer une station balnéaire s’est esquissée à partir des anciennes maisons de colonies de vacances, mais chacun bricole son petit jardin et peste contre les nouveaux riches qui s’approprient des portions de plage, la privatisent et imposent de véritables horreurs à leurs voisins qui regrettent le kolkhoze.

Je suis à l’arrière et Marianne qui traduit, bavarde, me résume, à l’avant ; sur le tableau de bord un drapeau russe flotte fièrement… Alexandre se désole et explique que sur la côte, il y a encore de la vie, mais qu’à l’intérieur, des villages de l’ancien kolkhoze sont totalement abandonnés. Ou alors il y a de pauvres hères eux-mêmes retournés à l’état sauvage qui élèvent quelques poules et lapins et cueillent les baies sauvages pour les vendre sur le marché.

Nous sommes en pleine transition entre Nikolaevka que nous venons de quitter et le pays tatar. Entre cette petite fille devant une maison, à moitié dans l’ombre, sur la route qui mène à la mer, avec un petit étal de shampoing, de savonnettes qu’elle espère vendre à quelque touriste et le pays tatar qui lui-même espère un sauveur.

Les oligarques ou les cavaliers de l’apocalypse

Comment en sont-ils arrivés là ? Alexandre, qui n’a pas trente ans, explique ce qui s’est passé, selon lui. Les kolkhozes ont été dissous, on a vendu des lopins à des paysans qui n’avaient plus assez de bras pour les exploiter. Les champs de blé sont devenus plantes fourragères pour de petits élevages qui assurent simplement la survie. Comme eux à Nikolaevka, deux mois de tourisme et il faut vivre le reste de l’année sur ce qu’on a gagné.

Il était policier, après l’armée… En Ukraine le terme milice avait été conservé de l’Union soviétique alors qu’en Russie, il était devenu police… Les communistes étaient contre le changement de terme. Marianne lui demande : « qu’est-ce vous préférez, police ou milice ? Il répond: « Ça fait rien c’est tous des flics ». Il emploie deux termes « ment’ », flic ou pire « moussora » que l’on peut traduire littéralement par « les ordures ». Alors qu’il aimerait bien être encore policier dans le nouvel Etat de Crimée. Pour le moment tout est suspendu… Et il nous désigne un champ planté de pêchers, qui lui a l’air en bon état. « C’était une initiative du gouvernement ukrainien et le nouveau gouvernement l’a nationalisé aussitôt, mais on ne sait pas. Cela ne ressemble pas au kolkhoze, il y a des barbelés autour. Ça n’existait pas, enfants nous allions dans les vignes manger les raisins et personne n’aurait songé à nous l’interdire, à mettre des barrières. »

Un peu plus loin il commentera de la même manière à propos des panneaux solaires qui sont là : « ça devait assurer l’énergie électrique de la Crimée. » Ou encore les trolleybus que le fils de Ianoukovitch, l’ex-président s’était approprié. Maintenant, les trolleybus sont nationalisés. Les oligarques ont fui, on a nationalisé mais pour qui? Tout le monde se méfie et subodore des magouilles. On nationalise au profit de qui ? L’humour russe joue à plein, ainsi on dit « Obama est le premier président américain à posséder un président ukrainien à la perfection » un jeu de mot moqueur avec le sens « Posséder une langue étrangère ». Combien de temps il durera ? Nul ne le sait et chacun répète les moqueries de Poutine sur ledit Porochenko: « Est-ce que je dois le féliciter de son élection ? Combien de temps restera-t-il au pouvoir ? Ce n’est peut-être pas la peine de me fatiguer à aller le féliciter, attendons son successeur, cela ne saurait tarder. » Et chacun de se moquer dudit Porochenko dont on sait qu’il possédait la moitié des immeubles de Sébastopol conquis avec des menaces et des passe-droits. Sa volonté patriotique de reconquérir la Crimée a une explication toute trouvée. Mais on joue à parier sur le temps où il durera vu que ses rivaux qui ont monté des armées privées vont rapidement le dégommer.

En parlant d’oligarques et d’armée privée, Kolomoïski, l’oligarque de Dniepropetrovsk… au passeport ukrainien, israélien et chypriote, me pourrit encore la vie et me gâchera partiellement la journée. Il s’est enfui avec le magot de tous les Criméens. Tous les guichets de sa Privatbank sont fermés. Changer des euros même si le taux devient plus favorable tous les jours est de plus en plus difficile. Il s’est enfui en raflant les comptes de dépôt et même ceux des gens qui économisaient depuis des années pour s’acheter un appartement. Il s’est même enfui avec le magot d’organisations pieuses juives… C’est pire que Madoff escroquant Elie Wiesel. Je dois dire que ce pourri m’a permis de découvrir à quel point les Criméens russes étaient dénués d’antisémitisme. Le seul qui a fait allusion au fait qu’il était juif est celui que j’avais baptisé l’éternel dissident de Yalta, sioniste devenu patriote russe et ami d’Israël ; nous nous sommes mutuellement confié notre haine de Kolomoïski. Pour les autres au début, je n’osais pas en parler de peur de voir déferler sur moi tous les clichés antisémites que susciterait le personnage. Pas du tout, je n’ai pas entendu la moindre remarque sur les origines du personnage, simplement il appartient à la catégorie des pillards.
Pour le moment, les oligarques ukrainiens ont fui, mais qu’en sera-t-il demain ? Dans l’imaginaire russe, si le cruel et despotique Ivan le terrible bénéficie d’une sympathie que l’on peut juger tout à fait étonnante, c’est qu’il s’est attaqué aux boyards[2]. Pourtant certains historiens notent que sa cruauté s’est exercée contre des individus et pas un système et que celui-ci à sa mort a pris sa revanche au temps des troubles (smoutnoïé vremia), auxquels on compare ce qu’a vécu l’Ukraine à la chute de l’Union Soviétique et qu’elle est en train de revivre une fois de plus. Poutine se contentera-t-il de s’attaquer aux individus en laissant proliférer le système ? Nul ne le sait, en attendant il y a un peu de paix ici. Sans trop d’illusions, un oligarque disparu, un autre peut le remplacer aussitôt et tout recommence, pensent au cœur de leur liesse les Criméens.

Alexandre n’a jamais fait de politique, dit-il, mais ces événements l’ont obligé à s’interroger. Deux de ses lieutenants qu’il a connus lors du service dans l’armée ukrainienne sont morts, a-t-il appris, dans le Donbass, ce qui témoigne de l’ampleur des pertes du côté de l’armée ukrainienne. Ça lui a fait beaucoup de peine.

Quand Marianne l’interroge sur les raisons pour lesquelles les gens de l’ouest font confiance aux Américains, alors qu’on sait qui ils sont, le désordre qu’ils foutent partout, Alexandre lui répond : « Mais ils ne peuvent pas faire autrement… Vous ne pouvez pas imaginer la misère qui règne dans l’Ouest de l’Ukraine… Celui qui te donne de quoi manger, même pour mettre le pays à feu et à sang, ils sont obligés de l’accepter… »

Il aura la même attitude dans le pays Tatar, simplement avec un peu plus de réserve sur ce que l’on peut attendre d’eux. Il nous montrera que la seule usine encore en activité est une cimenterie et il ajoute : il faut bien des cimenteries pour construire les mosquées financées par l’étranger. Moi j’ai été à l’école avec des Tatars, je n’ai rien contre eux, à Nikolaevka, ils vivent en paix, mais nous n’avons pas voulu de mosquée. Il n’y a pas assez de Tatars pour la justifier.

2 -Voyage en pays tatar (Bakhtchysaraï – l’érudite locale)
Notre voyage en pays tatar fut relativement court, de l’aube à la nuit avec un retour sous une pluie diluvienne. Ces changements de temps sont fréquents dans cette presqu’île méditerranéenne. Mais il nous a confrontées à la rupture de la belle unanimité constatée jusqu’ici. Nous nous sommes retrouvées devant une opposition dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est travaillée politiquement par l’occident et qu’il n’y a aucune chance que cela s’arrête de sitôt, les Tatars sont pris dans le nouveau grand jeu.

Selon le guide, il y a deux manières d’accéder à Bakhtchysaraï, par Simféropol (31 km) ou Sébastopol (46 km), nous y sommes parvenus par un troisième itinéraire qui traversait le Kolkhoze « La voie de Lénine ». Son territoire a jadis coïncidé avec Nikolaevka et des localités voisines… Nous commençons à être obsédées par l’éternelle question que semblent se poser tous les gens ici : mais quand et pourquoi tout cela a-t-il disparu ? Pourquoi la fin de l’Union soviétique ?

Marianne me faisait remarquer que nous n’avions pas besoin de chercher à interviewer les gens, ils se présentaient à nous en files serrées, comme à confesse. Avec quelques messages simples, « les médias ukrainiens mentent » mais aussi en filigrane, l’incompréhension de ce qui leur arrive. Et tandis que le paysage désolé de l’ancien kolkhoze défile, des souvenirs reviennent à l’esprit, des bribes de discussion. Comme avec cet ouvrier misérable, un SDF, les passagers s’écartaient de lui dans le trolleybus qui mène à Yalta. Il avait 58 ans, il venait de Lougansk pour chercher du travail. Ce n’était vraiment pas un révolutionnaire, mais il a dit deux choses : à Lougansk, les pensions n’étaient plus payées alors les mineurs sont allés en délégation réclamer à Kiev, on leur a répondu « Mangez de l’herbe! » Voilà pour la révolte du petit homme acculé à prendre les armes. A Slaviansk, il n’y a plus d’eau et les bombardements se poursuivent avec la complicité de mon pays. Mais l’homme avait aussi à nous donner son avis sur la chute de l’Union Soviétique qu’il déplorait comme tout le monde : tout avait commencé dans la deuxième partie du règne de Brejnev, quand il s’était mis à boire et qu’il avait regardé le pays sans le voir. Quand il est mort, on a beaucoup espéré dans Andropov qui était du KGB (le terme employé pour lui comme pour Poutine est tchékiste, ce qui semble à leur yeux une valeur sûre). Mais la fille et le gendre de Brejnev (la mafia de Tachkent) convaincus de corruption l’ont fait assassiner. Comment sait-il cela ? Parce que cela se dit et il l’a même lu. Après c’était foutu.

Dans la campagne en jachère, des vignes abattues et repoussant d’une manière sauvage. Il ne s’agit pas seulement de la fin du kolkhoze, de sa privatisation et de la misère qui a frappé les anciens habitants incapables d’assumer dans l’isolement et le manque de moyens la mise en valeur des terres. Il y a eu aussi avant, pendant la pérestroïka, Gorbatchev qui dans le cadre de la lutte contre l’alcoolisme avait fait couper les vignobles de Crimée. Cela dit assez bien la débilité gorbatchévienne dont l’occident fit son favori avant de le transformer en homme sandwich pour Pizza Hut. Les temps troublés de la chute de l’URSS sont intervenus, les vacances du pouvoir, la lutte pour l’accumulation primitive… Le prélude à la chute que personne ne semble avoir vu venir.

En attendant, une tradition séculaire, celle des vignobles de Crimée, développée par les Russes depuis Catherine II, gisait là au milieu des ronces. Pour atteindre Gourzouf sur la mer, nous avons traversé le reste du pays tatar, une station de montagne, véritable alpage où on nous a fait déguster des vins de Crimée, tellement coupés, sucrés, assortis d’arômes les plus invraisemblables qu’ils étaient imbuvables… Mais il y a nous a-t-on dit des cépages que des Français sont venus élever et il semble qu’une production de meilleure qualité soit en train de se développer, on attend aussi Gérard Depardieu.

Nous sommes donc arrivés, Alexandre le chauffeur, Marianne et moi vers le pays Tatar en vivant la chute de l’URSS à travers celle du Kolkhoze « la voie de Lénine »… Il reste aujourd’hui assez de force et de conviction aux villageois pour appeler les communistes de Simféropol pour leur demander de venir avec eux garder la statue de Lénine quand des bandes ont menacé de l’abattre. Les communistes ont dit à condition que tout le monde soit d’accord dans le village. Ce qui fut voté.

Donc par « la voie de Lénine », puis les routes défoncées du pays tatar. Sans transition, nous sommes passées d’un espace collectif en ruine à un autre sur le même genre de route, la voiture sautait et nous avec. Alexandre gêné devant l’état de son pays après avoir accusé les Tatars de n’avoir plus qu’une industrie, la cimenterie pour ériger des mosquées payées par l’étranger avait ajouté : Les Tatars se plaignent que l’on ne fasse rien pour eux en matière de voirie et de services publics, mais ils se débrouillent toujours pour ne pas payer d’impôts.

Nous avions été accueillies en Crimée à notre arrivée dans une famille de communistes, moitié russe, moitié tatare, revenue d’Ouzbékistan et qui a vécu les difficultés de la réimplantation. Leur maison, une villa biscornue et en éternel état de non achèvement est suspendue à flanc d’un terrain pentu sur lequel demeure un chaos de blocs de béton de l’ancien propriétaire parti sans laisser d’adresse. A l’intérieur, certaines pièces sont tapissées alors que dans d’autres voisines la chape n’a pas été coulée sur le plancher et les murs ont les briques à nu sans le moindre enduit. La mère, originaire du Donbass, au centre du dispositif, en garantit le confort et plus. Il semble admis de tous que d’elle il ne peut venir que du bien. Elle affirme : « Les Russes ne nous abandonneront jamais. Nous avons été rassurés quand ils ont été là. C’était la paix. Elle est communiste orthodoxe de religion, stomatologiste de son état, n’ayant pas trouvé de travail à l’arrivée en Crimée, elle a dû tenter l’élevage de volailles et même de chèvres sur ce terrain dont personne ne voulait.

Un homme qui à Nikolaevka déplorait la prise de possession illégale des terres par les riches, nous a dit que les Tatars ne gênaient personne, ils s’installaient là où personne ne voulait aller, ceux qu’il dénonçait étaient ceux qui tentaient de prendre le front de mer pour y construire des palais.

Donc la famille qui nous a accueillies a peu à peu construit sa maison et là aussi nous passons de pièces tapissées meublées presque richement en tous les cas confortablement à des espaces encore en construction avec les fers du béton à vif et pour escaliers des échelles de bois. Son mari est grand, il porte turban, djellaba et barbe rousse d’étoupe. Il est blond aux yeux clairs. Il ne vit pas avec eux mais surgit périodiquement comme un vent mauvais. Elle lui sert une assiette sur un coin de table et c’est souvent le début des hostilités. Des phrases rapides, brutales s’échangent. L’homme s’éloigne dans une chambre voisine pour y faire ses prières. La mère nous explique qu’il a été embrigadé par une filière turque qui menait au wahhabisme. Il se rend fréquemment à la Mecque et a subi un véritable lavage de cerveau. Quand on le retrouve devant la maison, avec son turban et son chapelet, au début c’est la joie des enfants qui lui sautent dans les bras, puis c’est la tension, il commence son prêche, invitant la jeune femme et la mère à respecter les lois de la charia, que les filles quittent l’école, à ne plus travailler dehors et à obéir à leur époux. Il fait pression pour qu’Arturo soit circoncis en menaçant chacun des flammes de l’enfer. Il reçoit un journal de Kiev, quelque chose qui ne parle que de religion, mais la vraie foi exige un pouvoir politique qui permette de la respecter. La mère excédée finit par le renvoyer et nous dit c’est un fanatique et elle ajoute que son autre religion est le football. Quand elle l’a épousé, il était normal, plaisantait et faisait la fête et puis il a été retourné par des filières qui recrutent chez les Tatars.

Mais revenons au voyage. Tandis que nous affrontons les routes défoncées du pays Tatar, Alexandre notre chauffeur commente lui aussi la spécificité tatare : « ils ont peut-être boycotté le référendum et encore, pas à Nikolaevka, mais ils ont été les premiers à réclamer un passeport russe. » Alexandre énonce cela sans la moindre acrimonie, comme un constat. Les Tatars, si nous en croyons nos hôtes, sont un groupe particulier au sein de la Crimée, mais il y en a d’autres et la presqu’île est une mosaïque de peuples avec des espaces de transition dans la jeunesse où les unions sont si fréquentes qu’il est parfois difficile physiquement de distinguer les uns des autres.

Nous arrivons très tôt et le palais du Khan n’est pas encore ouvert à la visite. Le guide du routard que la prévoyante Marianne a emporté avec elle fait état d’une auberge au sommet de la colline qui surplombe le palais. Là, il y aurait la représentante des enseignants tatars, elle tient table d’hôte et dit le guide c’est une mine sur l’histoire des Tatars. Nous décidons d’aller la voir. Alexandre suit. La femme qui a environ la cinquantaine nous accueille avec beaucoup de chaleur en apprenant que nous sommes françaises. Elle nous demande si nous sommes des amies de Xavier. Quelque chose se met alors en alerte chez moi, j’imagine ledit Xavier, un militant des droits de l’homme très anti-communiste sur le fond, un enseignant en tous les cas un cadre, une tenue baba cool ou au contraire le parfait petit randonneur. J’ai presque envie de dire que « OUI ! » Mais cette femme a l’air si gentille, si accueillante et tout de suite, elle nous installe sur des lits en bois autour d’une table avec un café et des douceurs. Donc, non nous ne connaissons pas Xavier. Mais rien n’y fait, nous sommes français donc occidentaux et ennemis des Russes, alors nous allons avoir droit à tout. D’abord à l’injustice subie par les Tatars, les hommes étaient encore sous les drapeaux quand les femmes et les enfants ont été déportés, chassés par Staline de leur Crimée vers d’autres républiques, la moitié sont morts durant l’exode. Quand elle me dit que les hommes étaient sous les drapeaux, un démon malin me pousserait presque à demander « Sous quel drapeau, celui de l’Union soviétique ou celui des nazis? ». Mais notre hôtesse poursuit son historique, quand Gorbatchev les a fait retourner en Crimée (encore lui), ils ont tout de suite été aidés par des organismes polonais proches de Solidarnosc et après par la fondation Soros. Ces charitables organisations continuent à financer les activités culturelles et accueillent des séminaires en Pologne pour la jeunesse tatare. Marianne et moi nous sommes toute ouïe, Alexandre toujours aussi poli ne pipe mot et regarde droit devant lui.

Quand nous sortons, l’hôtesse nous raccompagne sur le seuil et nous dit son désespoir devant l’annexion de la Crimée, visiblement ses amis et elle ont été pris de court. Je me refends d’un « c’était écrit ! », elle proteste que rien n’est écrit et que tout dépend de la lutte et que celle-ci continue.
Mais le palais du Khan s’ouvre aux visites et ceci est encore une autre histoire comme disait Shéhérazade à son cruel époux…







3- Voyage en pays tatar (à cinq minutes prêt, c’était le bain de sang)

Moustafa Djemilev à la tête des radicaux de Crimée avait-il préparé un coup d’Etat sanglant sur ordre des Américains? Il a été un agent de ces derniers depuis le temps de l’Union Soviétique et le 17 juin nous le retrouverons avec les gens de Pravy Sektor et cette vieille fripouille d’oligarque Igor Kolomoisky. Est-ce que priver les Russes de leur base de Crimée a toujours été l’objectif de Barak Obama et de ses conseillers néo-conservateurs et pour cela il aurait été jusqu’à provoquer une révolte des radicaux tatars, une sorte de Maidan sanglant, une action comparable à celle d’Odessa à une plus grande échelle, puisque cela aurait débouché sur l’affrontement avec une population Russe et 15.000 soldats de la base de Sébastopol ? C’est en tous les cas une analyse argumentée et largement répandue en Crimée.

Les Tatars, un groupe d’opposants irréductibles ?

Nous quittons l’auberge de l’érudite locale à Bakhtchysaraï. En fait il s’agit de la représentante des enseignants tatars qui fait aussi table d’hôte selon le guide du routard. Elle nous a pris pour des occidentaux venus soutenir son combat, et à ce titre nous a raconté que Soros et les Polonais finançaient leurs activités culturelles et la formation de leurs « militants ». Alexandre, le chauffeur russe, nous fait alors une étrange réflexion : « c’était une question de jour, d’heures mêmes, grâce à la rapidité de la réaction des autorités du parlement de Crimée et des Russes, nous avons évité le bain de sang, ça aurait été pire que ce qui se passe dans le Donbass. »

Nous allons visiter le palais du Khan, il est très tôt. Le « palais des Khans », construit au début du XVIème siècle s’étend sur quatre hectares et il est entouré de mosquées avec des minarets, un cimetière et des vergers, des jardins. Une splendeur dont la délicatesse fait songer à l’Alhambra de Grenade. Ce palais partage avec celui d’Espagne un art de vivre porté jusqu’au raffinement et pourtant tout est à échelle humaine. On se laisse si aisément prendre au charme de cette culture, qui offre au corps le repos et la sensualité dont il peut rêver. Il comprenait dit-on cent quatre vingt dix fontaines et on avait réussi à y créer un microclimat de fraîcheur et de mille senteurs d’arbustes odorants. Bakhtchysaraï était la capitale du Khan de Crimée du XIIIe siècle à Catherine II qui se rendit maître des descendants de la Horde d’or, les enfants de Gengis Khan.

Comment raconter cette histoire ? Les Russes se considèrent comme la troisième Rome, la première ayant été relayée par Constantinople et l’Empire d’orient qui tint encore mille ans avant de s’écrouler sous la pression des Turcs. Les Russes et leur tsar, César, sont les héritiers de Byzance et ils vont comme les byzantins reprendre le flambeau pour contenir les peuples de la steppe. Longtemps impuissants devant ces razzias de nomades turco-mongols, toute l’histoire russe est celle d’une ouverture vers la Baltique en même temps qu’une reconquête acharnée avec une assimilation de ces peuples tatars. L’immensité russe est le fruit de ces poussées, de ces chevauchées barbares ou celle des cosaques, hommes libres. La Horde d’or des nomades conquérants, de Gengis Khan à Tamerlan a fini par s’effondrer et les Russes à partir d’Ivan le Terrible vont prendre leur revanche, le khanat tatar de Kazan, puis c’est le tour de celui d’Astrakhan… Il resta longtemps celui de Crimée, capable d’aligner près de 40.000 cavaliers et bénéficiant de l’appui de la Sublime porte, l’empire Ottoman. Le Khan de Crimée quittera les côtes pour se réfugier dans ce magnifique palais. Ils sont officiellement les derniers descendants de Gengis Khan. Ils ont recueilli ce nom de Tatar en mémoire du fleuve des enfers, tant ils déferlaient sur tous les peuples de la région, irrésistibles et féroces… Nous n’avons pas le temps de dire les assauts mais aussi les connivences qui se nouent entre Russes et Tatars et qu’illustre assez bien Ivan le Terrible (il se prétend lui-même descendant de Gengis khan)…

Périodiquement les Tatars de Crimée remontent jusqu’à Moscou et l’incendient, écument la terre slave, surgissent de nulle part, pillent, enlèvent, tuent et s’évanouissent dans la nature à la vitesse de leurs montures. Ils portent leur butin, de blonds et robustes esclaves, aux marchands vénitiens et génois installés sur la côte. Durant la première moitié du XVIIe siècle, alors que la population de la Russie ne dépassait pas les dix millions d’âmes, on estime à deux cent mille le nombre d’esclaves. Bakhtchysaraï est riche de ce commerce des esclaves exportés par le Khan de Crimée dans tout le bassin méditerranéen.

Ceux qui vont réagir sont les cosaques, des hommes libres fuyant toutes les dominations et réfugiés à la marge de la Russie, sur les franges de l’empire des Habsbourg et de l’empire Ottoman dans ce qui justement sera l’Ukraine qui veut dire « marche ». Ce sont des espèces de cow-boys, soldats laboureurs volant au combat dès que le tsar les y appelle, mais lisez plutôt le merveilleux livre de Nicolas Gogol Tarass Boulba ou regardez les tableaux picaresques d’Ilya Répine, Lettres des cosaques Zaporogues au sultan de Constantinople, pour comprendre cette épopée. C’est poétique cette histoire qui remonte sans cesse à la surface, mais aussi très dangereux quand on utilise la mythologie des peuples pour attiser haine et rancœurs.

Une jeune femme, à la peau blanche, aux yeux clairs, mais aux cheveux noirs, me prend à part, elle nous isole avec Marianne, fuyant de salle en salle les touristes qui l’encombrent… Elle est extrêmement tendue, au bord des larmes… et tout à coup, elle nous dit son désespoir : « je ne les supporte plus », dit-t-elle en désignant les Touristes russes. Elle est désespérée que les Russes aient pris le pouvoir en Crimée, visiblement son accablement vient d’une espérance récente trahie, peut-être une conjuration qui a échoué, écrasée par l’initiative russe ? Que faire maintenant. Elle songe à partir aux Etats-Unis. Un de ses cousins a fait des études à la Sorbonne, mais personne ne veut de lui nulle part. Elle est au bord de la crise de nerfs et me demande « Y a-t-il une place pour nous quelque part sur la terre? ». Cette histoire a du être dite et redite en famille. Combien de fois se sont-ils raconté ce moment fatidique en 1771, lorsque la flotte russe a pris la Crimée, contraignant à l’exil le Khan, le dernier monarque européen descendant de Gengis Khan ? Pendant 20 ans, les désordres se poursuivront, il faudra attendre la paix de Jassy pour que la Turquie reconnaisse la suzeraineté russe sur la Crimée et Catherine nomme son favori Potemkine administrateur de la presqu’île, il la fortifie avec Sébastopol, mais aussi il place les cosaques du Kouban, les tchétchènes en sentinelle… Revoyez ce qui s’est passé en Crimée et ce qui se passe dans le Donbass à la lumière de cette longue histoire… Et puis il y a eu une partie des Tatars qui a voulu prendre sa revanche avec l’avancée allemande, la collaboration d’une bonne partie et l’exil de tous… Le retour avec la permission de Gorbatchev, sans que les conditions de leur accueil ne soit vraiment réunies… Au contraire, dans les temps troublés de la chute de l’Union Soviétique…

Cette femme me fait pitié. Ses mots, une plainte que je ne connais que trop, entretenue, avivée par des gens qui ne cherchent qu’à utiliser ce sentiment d’injustice, de malheur, d’être repoussés de tous. Autant l’érudite locale, la militante avait du ressort, autant celle-ci est une victime de ses propres rêves devant ce magnifique palais. Elle appartient à un peuple déchu et elle ne cesse de contempler la splendeur passée en imaginant que tous ses ancêtres partageaient le luxe et la sensualité de cet univers, alors qu’ils ont probablement vécu au milieu des nippes mal lavées qui sèchent et des enfants qui braillent … J’ai pitié d’elle et je la déçois en lui demandant si elle ne peut pas envisager un destin commun avec… eux… Il n’y a pas d’autre solution si l’on veut éviter le malheur, mais je sais qu’elle ne m’entendra pas, elle choisira l’éternel exil et l’érudite locale est pire encore…

Dans la cour se trouve la fameuse « Fontaine des larmes », chantée par Pouchkine dans son poème qui décrit la vie des concubines dans le harem du palais. Cette fontaine a été construite par le maître iranien Omer en 1764, sur ordre du khan Guireï, elle rappelle son amour pour une belle captive polonaise, morte alors qu’elle était encore une enfant dans ce palais. Des larmes coulent d’une fleur en marbre, qui représente un œil humain, et ruissellent d’une vasque à l’autre. « L’eau murmure dans le marbre et coule goutte-à-goutte, comme des larmes froides, sans jamais se lasser… » avait écrit Pouchkine en déposant deux roses fraîches dans la niche de la fontaine. Depuis il y a des roses rouges renouvelées chaque jour. La foule se presse, nous enlève l’envie de contempler le monument. Peut-être faudrait-il songer à cette rencontre élégiaque entre le grand écrivain et le Khan amoureux, les Russes avant Pouchkine n’avaient pas à proprement parler de littérature laïque dans laquelle étaient exaltés les sentiments intimes, l’individualisme lyrique. Les descendants des tatars de Crimée éprouvent de la nostalgie, le sentiment d’une injustice et la blessure de leur déchéance, les haines religieuses, tout cela est macéré, ingurgité, revomi chaque jour et les Etats-Unis, leurs alliés polonais et islamistes revisitent l’histoire…

Quelques jours plus tard quand nous rentrons chez les amis de Simferopol, le père est encore là avec son chapelet d’ambre, il est le seul Tatar que nous ayons vu en tenue de pèlerin de retour de la Mecque. Il continue ses malédictions à l’encontre des femmes qui ne respectent pas la charia, son ex-épouse, sa fille, son petit fils que l’on n’a pas encore circoncis. Au bout de quelques minutes, l’angoisse s’est répandue dans l’heureuse famille, il ne veut pas partir et s’est retiré dans la chambre voisine pour psalmodier ses prières. Il a été recruté par Hizb ut-Tahrir, retenez ce nom… Ce père qui selon son ex-épouse a été pris dans cette filière radicale type Al Qaida et avec lequel il est impossible de parler, il serait en quelque sorte perdu pour la raison…

Le pire des dangers sur une mosaïque comme la Crimée, même avec une dominante russe indéniable, serait de contribuer à la campagne raciste attisée par les Etats-Unis et leurs alliés européens en oubliant l’essentiel, à savoir que Tatars, Juifs, Grecs et autres ne rêvent que de paix et de sécurité… En nous quittant à l’aéroport, notre jeune amie communiste, tatare m’a demandé avec anxiété ce que je pensais de la Crimée. Je lui ai répondu : « La Crimée est riche de potentialités, il faut s’occuper d’elle, la travailler, et éviter surtout les divisions… Et j’ai ajouté, il faut traiter la Crimée comme ta mère traite votre famille en recréant l’unité dans la paix et en écartant tous les fantômes… »

Mais revenons au pays Tatar, nous descendons par une route de montagne semblable aux chemins corses, dans des sous-bois qui mériteraient d’être essartés si l’on veut éviter l’incendie… Nous remontons vers des alpages, partout des petites cabanes où l’on vend des confitures de rose, du miel et le produit d’un artisanat assez médiocre. Le long de la route des troupes de chevaux alezan, guidés par des cavalier tatars qui retrouvent un peu de leur superbe, et la perdent dès qu’ils mettent pied à terre. Ils ont le teint hâlé des montagnards, sur le col, quelques restaurants où on hèle le client rare, le drapeau tatare a la même couleur que le drapeau ukrainien avec en son centre un T, très peu de drapeaux russes, mais le bleu et le jaune… En arrivant sur Gourzouf, Pouchkine encore revient à la mémoire : « Au lever du soleil, les montagnes brillaient de toutes leurs couleurs ; au loin, sur les versants, les villages tatars aux maisons agglutinées ressemblaient à des ruches ; entre eux, les peupliers se dressaient comme autant de colonne vertes… et partout à l’entour le ciel d’un bleu intense et pur, la mer lumineuse, l’éclat et la transparence du midi ». Le sentiment entretenu que tous les malheurs des Tatars viennent de cette invasion par les Russes, améliorés encore par de vieux relents religieux, la confrontation de la foi orthodoxe avec ces musulmans convertis tardivement du chamanisme à l’Islam font qu’ils sont devenus les pions du grand jeu américain.





Le référendum a-t-il pris de vitesse un complot de Kiev avec les Tatars de Crimée les plus radicaux ?

En écoutant Alexandre dire que les Russes ont été sauvés à quelques jours près, je repense à la violence avec laquelle Yéfim Zaïdman, nous a dit lui aussi que le bain de sang avait été évité. Comme pour Alexandre, il décrit la peur du Maidan, celle des groupes venus d’ailleurs qui tentaient de détruire les statues de Lénine que l’on salue désormais avec une sorte d’enthousiasme en l’interpellant : « Si nous n’avions pas été là, tu n’y serais plus », mais il y a aussi une autre menace spécifique à la Crimée, les groupes radicaux Tatars, devenus masse de manœuvre de l’Amérique et aussi de son allié polonais. Yéfim Zaïdman est un espérantiste, patriote russe et « ami d’Israël ». La suspicion qu’il voue aux Etats-Unis est inspirée par son propre parcours, on l’imagine du moins. Lui qui fut bloqué dans sa carrière parce que soupçonné de sympathies sionistes à partir de la guerre des Six Jours, lui qui a combattu pour la réhabilitation des Tatars, a encore voté pour Timochenko par haine du Parti des Régions et parce qu’elle était en prison, espérantiste, internationaliste, peut-être trotskiste, il a pu découvrir la manipulation des Etats-Unis à travers toutes ces identités successives, je l’ignore mais c’est vraisemblable… C’est un humaniste de bonne foi, entêté dans son patriotisme russe qui lui paraît plus proche de la nation plurielle, internationaliste dont il rêve.

Pour lui l’Ukraine ne s’appartient plus, elle est complètement dirigée par les Etats-Unis. Et il nous décrit la manière dont les Etats-Unis ont volontairement financé la résurrection de l’idéologie nazie et de Bandera comme ils ont utilisé le retour des Tatars en Crimée pour en faire des groupes d’opposition aux russophones. La Crimée est une mosaïque de peuples marquée par l’empreinte tatare, et cette mosaïque est encore plus visible dans les villes touristiques où il reste des monuments de la splendeur des Tatars de Crimée.

Après s’être battu pour la réhabilitation des Tatars de Crimée, Yéfim Zaïdman a revu le dossier et il nous explique que durant la deuxième guerre mondiale, 20.000 tatars ont déserté avec leurs armes et ont servi les Allemands. Ils ont montré les cachettes des partisans dans la montagne, les lieux où était stockée la nourriture, ils empêchaient les Juifs de s’enfuir et les livraient aux Allemands et ceux-ci les utilisaient pour torturer à leur place, pour bien se salir les mains. Il nous explique qu’aujourd’hui les Tatars ont constitué un groupe de pression pour transformer leur histoire réelle et il donne comme exemple ce livre écrit par un couple de vétérans de la deuxième guerre mondiale de l’est de la Crimée qui recensait les morts de la guerre. Il y avait 5 pages sur la collaboration des Tatars avec les Allemands basée sur une étude sérieuse des archives allemandes. 500 personnes ont fait un meeting de protestation et le livre a été mis au pilon, mais il est encore sur internet. Les Tatars de Crimée ne sont pas tous sur la même ligne et il nous a confié un texte d’analyse socio-politique que Marianne a traduit et que nous publions après celui-ci qui recense les différents courants.

Yéfim Zaïdman d’ailleurs dit que c’est l’article des Tatars modérés de Crimée qui a permis de découvrir le complot, ce qui explique que l’on ait avancé la date du référendum dans la péninsule. Cet article disait que deux ou trois mille radicaux d’une organisation terroriste, interdite en Russie, proche d’Al Qaida, Hizb ut-Tahrir, avaient prévu un bain de sang contre les Russes. Leur but était d’occuper les bases de dépôt d’armes ukrainiennes ou russes pour provoquer la flotte russe. L’article publié à Kazan, au Tatarstan de la Fédération de Russie depuis longtemps intégré à la Russie, décrivait le projet. Le référendum a alors été avancé, semant le désarroi dans les rangs des conjurés, pris de court à un jour près par les gentils hommes verts et les autorités du Parlement de Crimée qui ont agi avec un sang-froid stupéfiant. Le meeting devant le siège du parlement de la République de Crimée était destiné à empêcher l’affrontement. Les Tatars du groupe radical sont présents, mais dans la nuit Aksionov casse les fenêtres et occupe le bâtiment avec beaucoup d’armes et le matin Konstantinov fait élire une nouvelle direction après quoi sont déployés les détachements d’autodéfense, composés selon lui à 90% de Criméens et de cosaques du nord du Caucase, après et après seulement il y a eu les soldats russes venus du Kouban, une région très riche frontalière de la Crimée. La télévision a été également prise, tout cela s’est fait dans le plus grand calme sans un coup de feu alors que chacun vaquait à ses occupations.

Il nous interroge: « Vous ne vous êtes pas demandé pourquoi 20.000 soldats ukrainiens qui se trouvaient avec leurs armes, leurs blindés, leurs tanks, alors qu’il y avait seulement 15.000 soldats russes sur la base de Sébastopol, n’ont pas cherché l’affrontement ? Moi je ne comprenais pas ». En fait ce qu’expliquait cet article c’était que tout le monde attendait le 30 mars avec la révolte sanglante des radicaux Tatars. Les services secrets russes ont bien travaillé et ils sont intervenus le 16 mars, tout le monde était bloqué parce que le signal de l’assaut tatar avait été déjoué, en fait derrière les Tatars il y avait les Américains dont le but était de priver les Russes de leur base navale sur la Méditerranée. Ils les ont pris également de court en organisant le référendum à toute vitesse, un véritable exploit facilité par le fait que 80% des Criméens souhaitaient le rattachement à la Russie et surtout craignaient les violences que chacun imaginait et qui auraient été pires que ce que l’on voit dans le Donbass.

En écoutant Yéfim Zaïdman, j’étais dubitative, nous arrivions à peine. Au milieu du séjour est intervenue la rencontre avec l’érudite locale, la jeune femme dans le musée, sans oublier le père fanatique venant haranguer la famille chez qui nous logions. Peut-être qu’il ne s’agissait pas seulement de rumeurs ? Yefim n’incrimine pas tous les Tatars, mais bien des groupes radicaux. Selon lui une partie d’entre eux voyant le complot éventé a jugé plus prudent de s’enfuir à Lvov où ils ont été accueillis par les nazis de Pravy Sektor. Ils ont fait jonction en attendant leur revanche.

Le 17 juin, il y a eu l’annonce d’un mandat international des Russes contre Igor Kolomoisky et cette nouvelle concernant sa rencontre avec les Tatars radicaux. Mais voyez plutôt.

Le bataillon « Crimée » bat le rappel ; il est prêt à inonder de sang la terre de Crimée

Le soir du 17 juin à Dniepropetrovsk a eu lieu la première rencontre officielle entre le leader des radicaux tatars Moustafa Djemilev et le gouverneur Igor Kolomoisky.

Ils ont visité l’État-major de la sûreté nationale de Dniepropetrovsk, où sont entraînés les bataillons punitifs « Dniepr », « Donbass » et « Azov ». Ces mercenaires se sont rendus célèbres par les meurtres de population civile à Krasnoarmeysk, les fusillades à Marioupol, les supplices infligés aux blessés et autres atrocités. C’est la garde prétorienne du plus ignoble des oligarques, qui pourtant ne font pas dans la dentelle, le gouverneur Igor Kolomoisky qui a un passeport ukrainien et israélien et finance de par le monde de nombreux médias juifs pour qu’ils approuvent les horreurs qu’il commet, dont la première est celle de financer ces escadrons de la mort néo-nazis et de mettre à prix la tête des « Russes » et des journalistes. Il a participé à la tentative d’assassinat du maire de Kharkov et est à l’origine du massacre d’Odessa avec son complice du ministère de l’intérieur.

Son état-major occupe tout le rez-de-chaussée de l’administration régionale. Là est déjà prêt à la signature un «Mémorandum sur l’assistance mutuelle dans la lutte pour la libération de la Crimée occupée».

À la cérémonie assistait Dmitro Yaroch, dont le commandement de campagne se trouve dans la même rue, au sein de l’ancien hôpital militaire. Le chef des « pravosek » a été accueilli par l’oligarque de Dniepropetrovsk.

Djemilev a tenu un meeting avec des étudiants de Dniepropetrovsk et la communauté musulmane. On aura besoin de volontaires – la signature de Kolomoisky sous le mémorandum signifie le début du financement à grande échelle de l’activité subversive en Crimée. La force de frappe principale sera un nouveau bataillon spécial punitif composé de Tatars. Sur son chevron figurent les sabres croisés et le « tamga » (sceau) du khan Guireï.

– D’abord nous libérerons ensemble l’Est de l’Ukraine, et ensuite – ensemble toujours – nous récupérerons la Crimée. Je répète encore une fois pour notre président : la Crimée était, est et sera ukrainienne, – a déclaré Yaroch.

– Nos deux peuples, nos deux religions, qui savent ce que sont la guerre et les répressions, s’uniront au nom de la paix et de la stabilité en Ukraine, – a précisé l’adjoint au gouverneur Boris Treigerman.

Actuellement, « des réfugiés tatars » en provenance d’Ukraine occidentale affluent à Dniepropetrovsk. Les trains de Kovel et de Lvov arrivent dans la nuit. Sur les quais barrés par des cordons de police on accueille les paramilitaires des groupements radicaux islamistes. Ils ont fui la Crimée il y a trois mois, à la veille du référendum sur la réunification avec la Russie. Tout ce temps a été consacré à des entraînements dans les camps de Galicie. Maintenant, le moment est venu d’engager le combat.[3]

Ce pays est décidément invraisemblable, un oligarque juif qui a des faux airs de mon père finance tous les néo-nazis qui passent à sa portée, les Ukrainiens de Lvov, la ville des pogroms, alliés aux descendants déchus de khan esclavagistes, mais éclairés. Tandis qu’un autre juif espérantiste, qui visiblement a un goût irrésistible pour la dissidence au nom de son patriotisme russe dénonce les complots.

Avant de venir ici, je détestais déjà cet oligarque mais c’est encore autre chose de découvrir dans le pays ce dont ce type est capable. Chaque fois qu’il était question de lui ici, je rentrais la tête dans les épaules, m’attendant à voir déferler des injures antisémites. Le seul qui ait fait allusion à la qualité de juif de ce salaud – je pèse mes mots – a été le responsable espérantiste de Yalta qui se définit lui même comme mathématicien, juif, patriote russe, ami d’Israël. Nous avons rêvé ensemble de tuer Kolomoisky, et il m’a dit que nombreux étaient les juifs du sud-est de l’Ukraine, de Crimée et d’ailleurs qui y pensaient sérieusement. Mais aucun autre interlocuteur n’a jamais fait allusion à son judaïsme…

Mieux, avant hier, Marianne va écouter les nouvelles à la télé dans la salle collective. Elle revient et me dit : « ton oligarque favori a encore fait des siennes, il a déclaré qu’il fallait entourer le sud-est de fils de fer barbelés et brûler au lance-flamme ses habitants. La poursuite de ses activités à Odessa.

Quand on imagine que les auditeurs étaient eux-mêmes de ce sud-est, avaient le cœur déchiré d’angoisse pour un proche, un ami ou un parent… que de surcroît cet individu avait vidé tous les comptes de dépôt avant de fermer sa banque en Crimée, on conçoit sa popularité… J’ai interrogé Marianne sur ce qu’avaient dit les gens : « est-ce qu’il y avait eu des allusions au fait qu’il était juif? -Pas la moindre! » a-t-elle répondu, il a été traité de tous les noms, ils se sont moqués de son allure de clochard, mais pas un mot sur le fait qu’il était juif.

Cet abominable individu s’est lui-même accusé d’avoir été, avec le ministre de l’intérieur, à l’origine de la tentative d’assassinat du maire de Kharkov, un coreligionnaire pourtant…

Ces deux femmes de Kharkov sont installées dans le centre de vacances de Nikolaevka, elles prennent des vacances tout en faisant le ménage. Nous les avons interrogées. Elles n’avaient rien vu, ni manifestation, ni désordre dans leur ville, disant que tout cela se passait dans certains endroits, mais que Kharkov était calme. Elles en remerciaient leur maire qui avait déclaré qu’il ferait tout pour que la cité soit épargnée par les désordres. Elles avaient une confiance totale en lui, il avait rendu la ville propre et tranquille. Je leur ai demandé si elles avaient su que leur bon maire avait été atteint d’une balle dans le dos en faisant son jogging, le


Edité le 16-05-2016 à 15:42:46 par Xuan




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