Sujet :

Démocratie et Dictature

Xuan
   Posté le 11-08-2015 à 22:52:52   

La crise en Grèce a dévoilé la partie visible d’un iceberg immense dont nous avons naturellement l’intuition, mais dissimulé dans un océan de propagande :
la dictature du Capital.
Elle est le pendant de la démocratie parlementaire dont nous mesurons aussi l’inanité.

Pour redresser une planche voilée, il faut exercer sur le point d’inflexion une pression adéquate qui ne brise pas les fibres, opposée à la face convexe et au-delà de la ligne médiane.
Ce sont des lois de la physique ; celles de la société sont plus complexes mais elles peuvent se ramener à ses contradictions fondamentales et être résolues par des mesures appropriées : avant de parvenir à l’égalité entre les êtres humains il faut exercer une contrainte sur la minorité des oppresseurs, au-delà du point d’équilibre mais sans détruire la société et durant tout le temps nécessaire au rétablissement de rapports harmonieux.

Pourquoi et dans quelles conditions avons-nous renoncé à la dictature du prolétariat ?


Démocratie et Dictature


Avec une prescience inconnue jusqu’ici chez lui, Bernard-Henry Lévy déclarait le 7 juillet « ce n’est pas la démocratie qui a gagné en Grèce » .

Qu’on se rassure, cet intelligent ne parlait pas du blocus financier de la BCE exercé sur les banques grecques et les pensions des retraités, ni de l’ingérence manifeste des aigrefins franco-allemands dans les affaires intérieures et les remaniements ministériels de la Grèce, ni de la subversion d’un gouvernement élu selon les règles du « monde libre », ni de la terreur économique et de la paupérisation des masses, ni de l’assujettissement de la Grèce dans « l’Europe Unie ».

Non Bernard-Henry Lévy parlait du référendum, précisément celui-là piétiné par les usuriers de l’Europe et contre lequel il sonnait l’hallali avec sa condescendance coutumière, parce que ce n’était pas le bon peuple qui avait refusé l’austérité - à plus de 61 % - mais le mauvais :
« La Grèce ancienne avait deux mots pour dire le peuple. Le « démos » de la démocratie, d’une part. Le « laos » de la foule, d’autre part, les Latins diront de la « turba » et de la démagogie plébiscitaire. »

La bonne démocratie, la voici :
« de quelle démocratie parle-t-on, là encore ? L’Union Européenne n’est-elle pas cet espace pacifié où l’on a peu à peu appris, justement, à remplacer cette éternelle logique du bras de fer par celle de la négociation et du compromis ? N’est-elle pas, en dépit de ses immenses défauts, ce lieu d’invention démocratique où, pour la première fois depuis des siècles, on tente de régler les différends, non par la guerre politique et le chantage, mais par l’écoute, le dialogue et la synthèse des points de vue? »

Quel talent ! Par ce but d’anthologie dans ses propres cages idéologiques, BHL nous restitue l’image en négatif de la dictature du Capital, et du néo-colonialisme dont l’Europe Unie est à la fois sujet et objet.
Et il récidive en nous démontrant par la preuve du bon et du mauvais peuple que la Démocratie et la Dictature définies dans son propre bréviaire sont des fictions et qu’en réalité elles sont duales : deux démocraties, et par conséquent deux dictatures : démocratie et dictature populaire pour les intérêts de l’immense majorité, dictature et démocratie bourgeoise pour les intérêts d’une minorité.
Mais laissons l’entarté se débarbouiller, il reviendra plus loin pour la deuxième couche.

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Un se divise en deux


Toutes choses égales par ailleurs, et en distinguant économie agricole et industrielle, la période du gouvernement révolutionnaire à l’aube de la république bourgeoise, quand le prolétariat n’était pas encore constitué en classe, montre bien comment ces questions économiques (y compris nationales) furent l’objet d’une lutte de classe très âpre qui se conclut par la Terreur Blanche et des conséquences terribles pour le peuple, après la défaite de Prairial de la Convention thermidorienne et du Comité de Salut Public.

La Gironde à droite, parti de la légalité, répugnait aux mesures révolutionnaires dont la Commune de Paris, peuplée de Montagnards et de militants sectionnaires, avait pris l'initiative. Elle représentait la bourgeoisie possédante, commerçante et industrielle, qui entendait défendre la propriété et la liberté économique contre les limitations que réclamaient les sans-culottes. Dans le domaine politique, la Gironde demeurait hostile à toutes les mesures d'exception que nécessitait le salut public ; elle avait déclenché la guerre, mais elle se refusait aux moyens nécessaires pour la gagner. Contre la concentration du pouvoir et la subordination étroite des administrations, la Gironde invoquait l'appui des autorités locales parmi lesquelles dominait la bourgeoisie modérée. Dans le domaine économique, la Gironde liée à la bourgeoisie d'affaires, se défiait du peuple, fut passionnément attachée à la liberté économique, à la libre entreprise et au libre profit, hostile à la réglementation, à la taxation, à la réquisition au cours forcé de l'assignat, mesures dont les sans culottes étaient par contre partisans. Pleins du sentiment des hiérarchies sociales qu'ils entendaient sauvegarder et fortifier, considérant le droit de propriété comme un droit naturel intangible, épousant pleinement les intérêts de la bourgeoisie propriétaire les Girondins éprouvaient devant le peuple un recul instinctif, l'estimant incapable de gouverner. Ils réservaient le monopole gouvernemental à leur classe.
[A. Soboul – histoire de la révolution française – Tome 1 – le despotisme de la liberté (1792-1795)]

Le 15 juin [1793], la section des Droits-de-1'homme demanda la taxation générale et une loi contre les accapareurs. Le 25, à la barre de la Convention, Jacques Roux présenta une pétition menaçante :
« L'acte constitutionnel va être présenté à la sanction du souverain ; y avez-vous proscrit l'agiotage? Non. Avez-vous prononcé la peine de mort contre les accapareurs? Non. Avez-vous déterminé en quoi consiste la liberté du commerce? Non. Avez-vous défendu la vente de l'argent monnayé? Non. Eh bien! Nous vous déclarons que vous n'avez pas tout fait pour le bonheur du peuple. La liberté n'est qu'un vain fantôme quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'égalité n'est qu'un vain fantôme quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La République n'est qu'un vain fantôme quand la contre-révolution s'opère de jour en jour par le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes... Prononcez donc encore une fois. Les sans-culottes avec leurs piques feront exécuter vos décrets. »
[A. Soboul – histoire de la révolution française – Tome 2 – le despotisme de la liberté (1792-1795)]]


La défaite de la Convention thermidorienne et du Comité de Salut Public aboutit à :

L'effondrement de l’assignat et ses conséquences.
L'effondrement de l'assignat constitua la conséquence immédiate de l'abandon du maximum. La hausse des prix fut vertigineuse, la spéculation sur les denrées de première nécessité se développa de façon monstrueuse ; le papier-monnaie perdit toute valeur, le change s'effondra. L'assignat, qui était remonté à 50 % de sa valeur nominale en décembre 1793, était redescendu à 31 % en thermidor an II (juillet 1794) ; la non-observation du maximum le fit tomber à 20 % en frimaire an III (décembre 1794) ; en germinal (avril 1795), il était à 8 %, en thermidor (juillet) à 3 %. La hausse des prix condamna l'État à une inflation massive, d'autant plus que les impôts rentraient mal ou en assignats dévalués. La masse des assignats s'accrut d'émissions continues : elle atteignit dix milliards en décembre 1794, dont huit en circulation ; de pluviôse à prairial (janvier-mai 1795), sept milliards furent émis, la circulation passa à plus de onze milliards. Les paysans et les marchands refusaient les assignats, n'acceptant plus que le numéraire. Le refus de l'assignat multiplia la dépréciation : alors que de novembre 1794 à mai 1795 la circulation n'augmentait que de 42,5 %> l'assignat perdit 68 % de sa valeur, les 100 livres-papier passant de 24 à 7,5 livres numéraire.
La hausse des prix des denrées de première nécessité varia d'un département à l'autre. D'une manière générale cependant, elle fut plus importante que ne le laisserait supposer la dépréciation du papier-monnaie par rapport au numéraire. En mars-avril 1795, l'index de l'assignat était de 581, alors que l'index général des prix atteignait 758 par rapport à 1790, celui des denrées alimentaires seules 819.
La disette multiplia encore les conséquences désastreuses de la hausse des prix.

[A. Soboul – histoire de la révolution française – Tome 2 – le despotisme de la liberté (1792-1795)]


La République Universelle n’est que la définition donnée par la bourgeoisie à sa propre démocratie et à sa propre dictature. Démocratie et Dictature ne sont pas des concepts abstraits mais se divisent en deux. L’une et l’autre possèdent des caractères de classe, ceux de la classe au pouvoir. Et celle-ci l’impose dans la finance et l’économie à la classe dominée.

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La sortie de l’euro et la dictature de la classe dominante


Selon certains économistes partisans de la sortie de l’euro comme Sapir, un retour au franc (une dévaluation) dans le capitalisme maintenu pourrait s’effectuer sans dommages excessifs pour le peuple, chiffres à l’appui. Mais l’expérience historique montre qu’en cas de crise, calculs et prévisions sur les prix des marchandises de première nécessité et celles de luxe, sur les importations et les exportations, et sur la production nationale elle-même, ne valent rien face aux aléas de la lutte des classes. Les conséquences pour le peuple dépendent fondamentalement de la classe au pouvoir.

Aujourd’hui « l’Europe Unie » est la forme actuelle de notre capitalisme, celle choisie par le grand capital. Mais elle n’est qu’un épisode de son histoire.
Autant une politique "qui rompt avec le néolibéralisme est incompatible avec l’euro et la construction européenne néolibérale" , autant la sortie de l’Europe ou/et de l’euro ne signifient pas la fin du capitalisme.
On devine facilement qu’elle impliquerait d’immédiates mesures de « salut public » de rétorsion, contraignantes voire répressives sur la possession et la circulation des capitaux et des marchandises, sur la propriété de certains moyens de production, de transport, de distribution, mesures incompatibles avec le pouvoir maintenu de la bourgeoisie, mais seulement réalisables avec la prise du pouvoir par la classe ouvrière et le peuple. Un pouvoir non partagé avec les anciens exploiteurs, la dictature du prolétariat .
La rupture avec les règles européennes ne peut donc être envisagée séparément du renversement de l’Etat et de l’abolition du capitalisme.


Dans le Manifeste, Marx et Engels ébauchèrent la première phase du communisme, la société socialiste :


« Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'Etat, c'est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives
Cela ne pourra naturellement se faire, au début, que par une violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production , c'est-à-dire par des mesures qui, économiquement, paraissent insuffisantes et insoutenables, mais qui, au cours du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier. […]
Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d'une classe pour l'oppression d'une autre. Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l'ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de l'antagonisme des classes, il détruit les classes en général et, par là même, sa propre domination comme classe.
A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous »
. Le Manifeste chapitre II


Engels puis Lénine exprimèrent sous une forme claire cette «violation despotique du droit de propriété et du régime bourgeois de production » :

« Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat. »
[Londres, pour le 20e anniversaire de la Commune de Paris. 18 mars 1891.]
Friedrich ENGELS


Durant la Commune de Paris les ministres élus et révocables de cette dictature du prolétariat touchaient un salaire d’ouvrier, l’officier polonais Dombrowski en fit partie.
Cette démocratie législative et exécutive à la fois n’avait rien de comparable avec la démocratie formelle de la dictature bourgeoise, fondée sur une séparation factice des pouvoirs. Là encore démocratie et dictature s’avèrent inséparables dans le socialisme, comme elles sont inséparables dans la société capitaliste. Mais de part et d’autre elles ne servent pas les mêmes intérêts : ceux du peuple dans le socialisme, ceux des oppresseurs dans le capitalisme.


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L’enrichissement de la notion de dictature du prolétariat


Peu après les troubles de Hongrie le 27 février 1957, Mao Tsé-toung fit un important discours sur son influence en Chine, sur les mesures prises, les leçons à tirer et la politique à adopter, intitulé « de la juste solution des contradictions au sein du peuple ». Quelques extraits :


« Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent.
Pour avoir une connaissance juste de ces deux types de contradictions, il est tout d'abord nécessaire de préciser ce qu'il faut entendre par "peuple" et par "ennemis". La notion de "peuple" prend un sens différent selon les pays et selon les périodes de leur histoire.

Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes. Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste.

Comme les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple sont de nature différente, elles doivent être résolues par des méthodes différentes.

Notre Etat a pour régime la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l'alliance des ouvriers et des paysans. Quelles sont les fonctions de cette dictature ? Sa première fonction est d'exercer la répression, à l'intérieur du pays, sur les classes et les éléments réactionnaires ainsi que sur les exploiteurs qui s'opposent à la révolution socialiste, sur ceux qui sapent l'édification socialiste, c'est-à-dire de résoudre les contradictions entre nous et nos ennemis à l'intérieur du pays. Par exemple, arrêter, juger et condamner certains contre-révolutionnaires et retirer, pour une certaine période, aux propriétaires fonciers et aux capitalistes bureaucratiques le droit de vote et la liberté de parole. Tout cela entre dans le champ d'application de notre dictature. Pour maintenir l'ordre dans la société et défendre les intérêts des masses populaires, il est également nécessaire d'exercer la dictature sur les voleurs, les escrocs, les assassins, les incendiaires, les bandes de voyous et autres mauvais éléments qui troublent sérieusement l'ordre public. La dictature a une deuxième fonction, celle de défendre notre pays contre les activités subversives et les agressions éventuelles des ennemis du dehors. Dans ce cas, la dictature a pour tâche de résoudre sur le plan extérieur les contradictions entre nous et nos ennemis.
...
La dictature ne s'exerce pas au sein du peuple. Le peuple ne saurait exercer la dictature sur lui-même, et une partie du peuple ne saurait opprimer l'autre.

Mais cette liberté est une liberté qui s'accompagne d'une direction, et cette démocratie une démocratie à direction centralisée, ce n'est donc pas l'anarchie. L'anarchie ne répond pas aux intérêts et aux aspirations du peuple.
Certaines personnes dans notre pays se sont réjouies des événements de Hongrie. Elles espéraient que des événements semblables se produiraient en Chine, que les gens descendraient par milliers dans la rue et se dresseraient contre le gouvernement populaire. De telles espérances sont contraires aux intérêts des masses populaires et ne sauraient trouver leur appui. En Hongrie, une partie des masses, trompée par les forces contre-révolutionnaires du dedans et du dehors, a eu le tort de recourir à la violence contre le gouvernement populaire, ce dont pâtirent l'Etat et le peuple. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les dommages causés à l'économie par quelques semaines d'émeutes. D'autres personnes dans notre pays ont pris une attitude hésitante à l'égard des événements de Hongrie, parce qu'elles ignorent l'état réel de la situation mondiale. Elles s'imaginent que sous notre régime de démocratie populaire, il y a trop peu de liberté, moins que dans le régime démocratique parlementaire d'Occident. Elles réclament le système des deux partis, tel qu'il existe en Occident, avec un parti au pouvoir et l'autre dans l'opposition. Mais ce système dit bipartite n'est qu'un moyen pour maintenir la dictature de la bourgeoisie, il ne peut en aucun cas garantir la liberté des travailleurs. En réalité, la liberté et la démocratie n'existent que dans le concret, et jamais dans l'abstrait. Dans une société où il y a lutte de classes, quand les classes exploiteuses ont la liberté d'exploiter les travailleurs, ceux-ci n'ont pas la liberté de se soustraire à l'exploitation ; quand la bourgeoisie jouit de la démocratie, il n'y a pas de démocratie pour le prolétariat et les autres travailleurs. »

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Dictature et ingérence


Mao Tsé-toung ne critique pas alors l’intervention russe en Hongrie, il n’en fut pas de même pour la Tchécoslovaquie.
Ceci nous renvoie à un autre volet de la dictature du prolétariat : l’exportation de la révolution et le principe de non ingérence.
La révolution bourgeoise de 1789 inaugura l’exportation de la révolution, parfois sans la volonté des peuples mais aussi pour payer les frais de la guerre. Ce fut le cas en Belgique, précisément à l’initiative des Girondins, et la révolution française en pâtit.

Brissot le 26 novembre 92 :
« Si nous reculons nos barrières jusqu’au Rhin, si les Pyrénées ne séparent plus que des peuples libres, notre liberté est assurée. »

Les peuples conquis devaient donc accepter la dictature révolutionnaire de la France ; l'application du décret du 15 décembre impliquait l'emploi de la force. Cette politique entraîna une désaffection rapide, mis à part une minorité révolutionnaire décidée. Ainsi en Belgique, en confisquant les biens d'Église sans ménagement, la Convention s'aliéna une partie de la population.
…le décret du 31 janvier 1793. Ce jour-là, Danton réclama l'annexion de la Belgique et formula avec netteté la politique des frontières naturelles :
« Je dis que c'est en vain qu'on veut faire craindre de donner trop d'étendue à la République. Ses limites sont marquées par la nature. Nous les atteindrons toutes des quatre coins de l'horizon : du côté du Rhin, du côté de l'Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République. »

La crise économique et sociale constitue le premier aspect de cette crise générale de la Révolution où manqua de sombrer la République au printemps de 1793. Elle durait depuis les débuts de la Convention, aggravée par la politique purement négative de la Gironde qui ne s'était attachée qu'à défendre les privilèges des classes possédantes. La Gironde avait compté sur l'exploitation des pays conquis pour résoudre la crise économique. Son calcul se révéla faux.
[A. Soboul – histoire de la révolution française – Tome 1 – le despotisme de la liberté (1792-1795)]


En 2011, au nom des « droits de l’Homme », de « l’ingérence humanitaire » et du « droit d’ingérence », les idéologues de l’impérialisme français ont justifié le bombardement de dizaines de milliers de civils libyens, pour s’en laver les mains ensuite :

« Le désastre est devant nous » . Invité ce vendredi par Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV, Bernard Kouchner fustige l’Europe dans l’affaire des tragiques naufrages de migrants en Méditerranée. Il qualifie même son attitude de « dégueulasse » .
Quand Bourdin lui rappelle que la Libye, un pays où la France est intervenue militairement en 2011, est devenue la plaque tournante du trafic de migrants, l’ancien ministre des Affaires étrangères considère aujourd’hui que « cela a été mal fait » , ajoutant: « on ne vient pas pour bombarder et puis s’en aller ensuite » .
Dans un élan de lucidité, il juge même que c’était mieux avant sous Kadhafi pour les migrants. Pourtant en mars 2011, le French Doctor avait été l’un des premiers à applaudir Sarkozy, balayant d’un revers de main les réserves de l’Union européenne sur les bombardements de la France et de la Grande-Bretagne: « C’est toujours comme ça, il y a des gens qui mettent en garde et puis il y a des gens qui avancent… »
[25 avril 2015 Camer]


Peu après, le 13 mai, notre triste sire BHL :

"c'est mieux que Kadhafi ! Quand j'entends dire Rufin qu'on a détruit l'Etat libyen, il se moque du monde. Il n'y avait pas d'état libyen. Il n’y avait pas d’état sous Kadhafi. On n'a rien détruit du tout, on a empêché un massacre et maintenant on assiste à la naissance, comme toujours douloureuse, longue, convulsive de la démocratie". .."Oui j'ai l'impression que la démocratie est en train de naître en Libye"… « ce n’est pas tout-à-fait ma faute, moi je ne suis pas un état à moi tout seul »

Mais on regardera avec profit la vidéo en préparant à toutes fins utiles un sac à vomi.
Là aussi, la dictature du prolétariat est aux antipodes de la dictature bourgeoise. Elle doit respecter la volonté exprimée des autres peuples, eux seuls peuvent décider de leur destin.
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Il y a quarante ans : le choix de la défaite


Le duo Yves Dimicoli - Martine Durlach signait le 5 octobre 2005 un document intitulé des moyens financiers pour une nouvelle croissance française et européenne.
« Il faut des financements émancipés de la domination des marchés financiers »
« faire reculer le rôle du marché financier dans l’activité économique en mobilisant de nouveaux financements. Ceux-ci seraient, eux, émancipés de la domination du marché et leur contenu-même inciterait à un changement progressif de l’utilisation de l’argent, par les entreprises notamment »
.
Les marchés financiers ont précédé le capitalisme industriel, l’accumulation de la plus-value et le développement de la productivité ont donné à ces marchés une ampleur gigantesque à laquelle rien n’échappe. Mais ces économistes révisionnistes inventent un capitalisme où l’Etat des monopoles industriels, commerciaux et financiers pourrait détourner une partie du cycle de la production et de la consommation, et une partie de la plus-value, contre l’intérêt des banques, des assurances et des grands actionnaires.

D’où vient l’abandon du marxisme, tant dans les sciences économiques que politiques, en particulier de la dictature du prolétariat ?
Ce ne fut en aucun cas le fruit d’un débat serein fondé sur les principes marxistes-léninistes appliqués aux conditions actuelles de notre pays, mais une débandade face à la machine de propagande de toute la bourgeoisie, socialistes et Nouvelle Gauche en tête. Une retraite désordonnée des bras cassés de l’eurocommunisme.
Notre entarté ne fut pas le dernier à brailler avec les hyènes, qui utilisaient la restauration du capitalisme en URSS à des fins anti communistes, et assimilèrent la dictature du prolétariat à la dictature terroriste ouverte du grand capital – le fascisme - sous le concept aseptisé de « totalitarisme » dénué de toute caractéristique de classe. L’opération se prolongea par tous les moyens de communication, comme la chaine Arte qui s’en fit une spécialité durant des dizaines d’années.

Le 30 juin 1975, BHL salue dans le Nouvel Observateur André Glucksmann, repenti de la Gauche Prolétarienne, pour la sortie de ‘La Cuisinière et le mangeur d'hommes, réflexions sur l'État, le marxisme et les camps de concentration’ , qui établit un parallèle entre nazisme et communisme. Une opération publicitaire est lancée avec Maurice Clavel et le Nouvel Obs, aboutissant un an plus tard à la promotion des « nouveaux philosophes ».
Le 23 octobre le Comité International des Mathématiciens bat campagne pour la libération de Léonide Plioutch.
Le PCF organise un rassemblement « pour les libertés »
Deux jours plus tard René Andrieu dénonce la répression en URSS.
Juquin rencontre le Comité International des Mathématiciens le 14 novembre.
Le 7 janvier suivant au cours d’une émission de télévision, Georges Marchais déclare qu’il est favorable à ce que la formule « Dictature du prolétariat » soit supprimée du préambule des statuts du Parti.
Durant tout le mois de janvier, sauf un papier de Balibar, immédiatement contredit, une série d’articles enfoncent le clou dans l’Humanité.
Le 13 janvier G. Marchais affirme qu’il « défend la liberté » .
Le mois suivant le 22e congrès du PCF abandonne le principe de la dictature du prolétariat. « Vive le socialisme aux couleurs de la France ! » s’écrie Marchais.


La dictature du prolétariat recule, celle de la bourgeoisie avance

La démocratie de bisounours de l’espace pacifié ou règnent l’écoute, le dialogue et la synthèse des points de vue selon BHL vola en éclat un mois après ce 22e congrès, lorsque 5000 viticulteurs désespérés, qui avaient déjà bloqué le port de Sète, affrontèrent les CRS à Montredon, au prix de deux morts.

J’oubliais le prix Nobel décerné à Andreï Sakharov le 9 octobre, que sa sœur dut aller chercher à sa place, faute de visa de sortie.
Or l’événement fut un peu obscurci par sa proximité historique avec l’attribution de cinq autres visas pour l’au-delà le 27 septembre de la même année, à Juan Paredes Manot, alias Txiki, Angel Otaegi Etxeberria, et les militants du FRAP José Luis Sánchez Bravo, Ramón García Sanz et Humberto Baena exécutés par le pouvoir franquiste.

Ceci se passait au–delà des Pyrénées où l’erreur est paraît-il tolérée.
En deçà une autre erreur judiciaire faisait quand même jurisprudence le 25 septembre.
Patrice de Charrette juge d'instruction à Béthune, inculpe et écroue Jean Chapron PDG de l’usine Huile Goudron et dérivés pour infractions à la législation du travail et homicide involontaire d’un intérimaire handicapé le 24 janvier 1975. Une campagne de presse est lancée contre « le juge rouge », les cadres de l’entreprise organisent une grande manipulation pour soutenir le patron de l’usine. La hiérarchie judiciaire laissera tomber Patrice de Charette (dans le même temps le juge Pascal est inculpé ) et Jean Chapron sera libéré.

Afin d’ôter le moindre doute sur la démocratie comparée de Franco et de Giscard à l’époque, ce dernier fait interdire le FRAP en France le 18 mars 1976, arrêter Albert Tesseyre du Comité d’action viticole, puis trois membres du PCMLF de Lorient pour reconstitution de ligue dissoute.


Sous la pression de l’intelligentsia anticommuniste et - pour s’être lui-même directement inspiré du « passage pacifique au socialisme » de Khrouchtchev- , incapable de critiquer sous un angle marxiste-léniniste la restauration du capitalisme en URSS, Georges Marchais abondait à son tour dans la confusion, en acceptant de remplacer dictature du capital et dictature du prolétariat, liberté d’expression des magnats de la presse et liberté d’expression populaire par les catégories abstraites de Dictature et de Démocratie, abandonnant la condition sine qua non de l’établissement du pouvoir socialiste en France.
Le rapport du Comité Central écrivait alors :

« Contrairement à tout ceci, la dictature évoque automatiquement les régimes fascistes de Hitler, Mussolini, Salazar et Franco, c'est à dire la négation même de la démocratie. Ce n'est pas ce que nous voulons. Quant au prolétariat, il évoque aujourd'hui le noyau ; le cœur de la classe ouvrière. Si son rôle est essentiel, il ne représente pas la totalité de celle ci, et à plus forte raison l'ensemble des travailleurs dont le pouvoir socialiste que nous envisageons sera l'émanation.
Il est donc évident que l'on ne peut qualifier de dictature du prolétariat ce que nous proposons aux travailleurs, à notre peuple. »


Renoncement non dénué d’arrières pensées électorales, mais qui fut récompensé par le coup de pied de l’âne puisque le Programme Commun devait être remisé au placard l’année suivante.

Engagez une main dans les rouleaux d’appel d’une étireuse et vous en sortirez laminé jusqu’aux orteils. Ici les arrêts d’urgence n’ont pas fonctionné, et plutôt attentifs aux évocations qu’aux principes marxistes-léninistes, les dirigeants révisionnistes ont successivement abandonné tout ce qui faisait la singularité de classe du parti communiste, son indépendance par rapport aux partis bourgeois, en obéissant aux injonctions de cette campagne médiatique :

> Ralliement à la force de frappe le 11 mai 77
> Abandon du marxisme-léninisme au 23e congrès le 13 mai 79
> Abandon du centralisme démocratique et du rôle dirigeant du PCF au 28e congrès le 29 janvier 94
> Abandon de la « lutte pour le socialisme » au 29e congrès le 21 décembre 96 remplacée par le cache-sexe pudibond « dépassement du capitalisme », escamotage de la faucille et du marteau
> Abandon officiel de la faucille et du marteau au 36e congrès le 10 février 2013
> Refondation européenne le 16 novembre 2013

Aujourd’hui Pierre Laurent hésite à dénoncer le diktat franco-allemand en Grèce, félicite François Hollande, et en vient à applaudir le courage d’un homme d’Etat qui n’a ni respecté ni défendu la volonté exprimée à sa propre demande par la majorité du peuple.

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Remettre en question le diktat idéologique bourgeois


La question de la dictature du prolétariat doit être dégagée de la mauvaise conscience imposée par les idéologues de la classe dominante, et être considérée de façon matérialiste et dialectique comme la conséquence inévitable de la dictature du capital, et non en fonction des amalgames crapuleux et des oukases hypocrites de l’intelligentsia anti communiste.

Relevons le drapeau de la dictature du prolétariat dans notre esprit.



Edité le 11-08-2015 à 23:10:04 par Xuan


Xuan
   Posté le 24-03-2016 à 18:59:20   

Gilbert Remond nous communique plusieurs textes dont celui-ci sur l'expérience de la dictature du prolétariat en URSS et un bilan tiré par la Pravda en 2014 :

"La mémoire sacrée de l’époque de l’Union soviétique devient de plus en plus un «souvenir du futur»" Vingt cinq ans après la chute de L’URSS quelque chose se retourne qui n'est pas simplement une mode kitch ou une nostalgie pour quelque chose de perdu mais une véritable force qui remonte le courant de l'histoire après avoir digéré trahisons et mauvais traitements, une conscience qui se remet a briller après avoir essuyé la dureté de la vie et la honte des souillures apportée par une classe de dirigeants corrompues et vendus aux intérêts impérialistes. Les traces de l'histoire ne s'efface pas comme une ardoise magique, les magiciens des médias n'ont pas le pouvoir de tuer le réel, la chose travail contre leurs tours car la mémoire d'un peuple "ne peut être abolie d'un coup de dé".

.Les cent ans de la révolutions d'octobre se conjuguent avec une autre date anniversaire, celle de la commune de Paris qui en avait été le phare et la référence exemplaire. Retenons la leçon de ces deux expériences. L'actualité des luttes et celle des congres qui viennent doivent nous permettre de nous appuyer sur ces événements et d'en tirer les leçons. Ces dates anniversaires sont aussi l'occasion de constater bien des choses : l'échec des stratégies électoralistes et le coût des attitudes opportunistes. La classe ouvrière a face a elle un ennemie mortel, le fascisme mais elle peut être aussi victime d'elle même si elle se laisse entrainer par les sirènes révisionnistes qui se font entendre remarquons le, a chaque fois ou la bourgeoisie parvenant a créer l'illusion universaliste, s’apprête a fomenter les plus mauvais coups qu'elle soit capable de porter pour sauver le capital et son besoin d'accumulation.

[...]


Gilbert Remond



La Pravda : Dictature du capital et dictature du prolétariat par Viktor Trouchkov
18 Mar


Viktor Trouchkov, la Pravda, 18/03/2014

Article paru il y a deux ans, en 2014, à l’occasion de l’anniversaire de la Commune de Paris
http://kprf.ru/party-live/opinion/129416.html

Le prolétariat de chaque pays a un calendrier à lui. Les dates les plus importantes en sont le 1er mai, Journée internationale des Travailleurs ; le 7 novembre, anniversaire de la première révolution prolétarienne victorieuse, la Révolution d’Octobre ; le 8 (9) mai – Jour de la Victoire sur l’Allemagne nazie, victoire de l’idée socialiste prolétarienne sur la misanthropie des forces les plus réactionnaires du grand capital…

Dans ce calendrier prolétarien, une place de choix revient à l’anniversaire de la Commune de Paris. Pendant de nombreuses années, il était célébré en Union soviétique. Peut-être que la génération d’aujourd’hui s’étonnera : quel rapport y a-t-il entre la Commune de Paris et l’histoire de l’URSS?
Le rapport le plus direct : elle a été le prototype du pouvoir soviétique, qui dans la forme a hérité des traditions de notre peuple, et pour le contenu, pour l’essence de classe était le successeur de la Commune de Paris :
les Soviets, comme le soulignaient constamment Lénine et Staline, était la dictature du prolétariat et c’est pourquoi ils sont inextricablement liés à la Commune de Paris.

Et « elle était, en fait, le gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe productive contre la classe des accapareurs; elle était enfin une forme ouverte dans laquelle pouvait se réaliser l’émancipation économique du travail » (Marx).

La dictature du capital

Elle a été décrite par Marx et Engels de façon lumineuse, profonde et émotionnelle. Et ce à différents niveaux. Voici la dictature du capital dans sa banalité quotidienne:
« Si le fabricant a besoin de couvrir de signatures une pétition pour la défense des intérêts de la bourgeoisie, il lui suffit de l’envoyer à son usine. S’il veut faire élire quelqu’un au Parlement, il envoie voter tous ses travailleurs ayant le droit de vote, et – qu’ils le veuillent ou non – ils devront voter pour les bourgeois. S’il veut obtenir une majorité lors d’une réunion publique, il lâche ses travailleurs une demi-heure plus tôt que d’habitude, leur préparant à l’avance un endroit près de la tribune, où il peut ainsi les surveiller « .
C’est ce qu’écrit Engels dans « La situation de la classe laborieuse en Angleterre. » Nous n’avons pas besoin d’aller en Angleterre pour nous assurer de l’exactitude de la description du mécanisme de la dictature du capital. Dans ces 20 dernières années en Russie, nous l’observons constamment.

Et voici une autre facette de la même dictature, qui se manifeste au niveau d’un autre pays 35 ans plus tard. Ouvrons les pages d’une étude de Karl Marx, «La guerre civile en France » .

Bien avant la Commune de Paris, le 4 Septembre 1870, les travailleurs de la capitale avaient déclaré la république, « que toute la France–selon l’auteur –avait immédiatement saluée. » Cependant, l’Hôtel de Ville avait été occupé par un «groupe d’avocats ambitieux » – ses structures étatiques dirigées par le commanditaire du grand capital, Thiers, et les forces armées par le général Trochu.
Protéger Paris encerclé par l’ennemi, a fait remarquer Marx, « ne pouvait se faire qu’en armant ses ouvriers, les constituant en force militaires active, leur enseignant l’art de la guerre au cours de la guerre elle-même. Mais armer Paris signifiait armer la révolution … Contraint de choisir entre devoir national et intérêt de la classe, le gouvernement de la Défense nationale n’a pas hésité – il s’est transformé en un gouvernement de trahison nationale … Le ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement de «défense nationale» Jules Favre a admis dans une lettre qu’ils « ne se défendaient pas contre des soldats prussiens, mais contre les travailleurs de Paris» .

Après avoir lu ces histoires, le profane s’esclaffera peut-être » Où vont-ils chercher tout ça ! » Et s’il a malgré tout honte de son incrédulité, il trouvera immédiatement une excuse: « Tout cela a été écrit il y a un long moment. C’est du passé « . Hélas, au contraire, nous le vivons aujourd’hui, et sous une forme non moins odieuse. Où? Par exemple, à l’Euromaïdan de Kiev.

Les gens qui occupent la place centrale de Kiev dictent ouvertement leur (?)volonté au pays. Mais toute chanson a son auteur. Quels sont ses nom et prénom?
Nous ne savons toujours pas à qui appartient l’usine de «cocktail Molotov», qui fournit sans à-coup l’euromaïdan. Nous ne savons pas qui donne à manger et à boire aux gens qui ont quitté leurs maisons et leurs emplois pour participer depuis novembre dernier aux «centuries d’auto-défense. » En effet, tout cela exige des ressources considérables. Mais nous savons de façon certaine que les sponsors doivent être propriétaires d’entreprises. Le Maidan a imposé à l’Ukraine une dictature ouverte du capital.

C’est une dictature de classe ici sous une forme pure, nue, car ce n’est plus un état, formé par la bourgeoisie, mais sa Majesté le capital directement, sans feuilles de vigne et intermédiaires qui exerce lui-même sa domination. L’Etat bourgeois ukrainien a essayé aussi, par inertie, de montrer les dents, cependant, resté sans oligarques pour le soutenir, il s’est rapidement effondré.

Mais le grand capital a constamment besoin d’institutions de violence, sans lesquelles il ne peut exercer sa dictature. Par conséquent, dans ces jours-là, où les oligarques ukrainiens se sont distanciés temporairement de l’état chargé de les servir, il a immédiatement utilisé son armée de réserve – les fascistes du « Secteur droit » .
Comment ne pas se rappeler de la caractérisation profonde du fascisme donnée par Staline: «Le fascisme est aujourd’hui le produit le plus en vogue chez les politiciens bourgeois belliqueux… la victoire du fascisme en Allemagne doit être considérée non seulement comme un signe de faiblesse de la classe ouvrière et le résultat de la trahison de la social-démocratie envers la classe ouvrière, qui a ouvert la voie au fascisme. Il doit être considéré comme un signe de faiblesse de la bourgeoisie, comme un signe que la bourgeoisie est devenue incapable de gouverner par les vieilles méthodes du parlementarisme et de la démocratie bourgeoise, ce qui explique pourquoi elle est forcée de recourir en politique intérieure à des méthodes terroristes de contrôle … »

En bref, la dictature du capital en Ukraine a montré son vrai visage. Et pour que personne n’ait aucun doute sur son orientation idéologique, elle a commencé à détruire les monuments à Lénine à travers le pays, puis lancé une campagne visant à interdire le Parti communiste.

Cependant, reconnaissons-le : la situation ukrainienne actuelle est extrême. En temps ordinaire, la dictature du capital est recouverte par un voile multicouche –le suffrage universel, le parlement, le gouvernement local, une presse libre et jaune, etc. etc.

Une réponse symétrique

Ce qu’est la dictature de la bourgeoisie, les citoyens de Russie, Ukraine, Lituanie, Lettonie, Estonie, Moldavie, Kazakhstan (la liste est ouverte) l’ont appris à leurs dépends. Ainsi, la fusillade des ouvriers sur la Léna en 1912, celle des manifestants à New York le 1 mai 1889, la répression de la Commune de Paris, les soulèvements des tisserands de Lyon et de Silésie en 1831, 1834, 1844 nous sont devenus plus proches… Comme est longue cette liste sanglante ! Mais le capital a manifesté et manifeste sa toute-puissance non seulement par les flots du sang des prolétaires. Il extrait des milliers de barils par jour de sueur des travailleurs, les transformant en des profits fabuleux. L’histoire de la dictature de la bourgeoisie est une longue chaîne de crimes.

« Ayant toujours devant ses yeux un ennemi couvert de plaies, implacable, invincible – Marx fait remarquer dans » la lutte des classes en France de 1848 à 1850 « , invincible parce que son existence est un besoin vital de la bourgeoisie, la domination bourgeoise, libérée de toutes entraves, est immédiatement transformée en terrorisme bourgeois » . C’est pourquoi dès le « Manifeste communiste » , le premier travail du communisme scientifique, ses fondateurs ont écrit: «Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les autres partis prolétariens : la formation du prolétariat en classe, le renversement de la suprématie bourgeoise, la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. »

Cette thèse clé est basée sur la compréhension par Marx des luttes de classe en France dans les années 1848-1850, quand il écrit: « Le prolétariat se rallie de plus en plus au socialisme révolutionnaire, au communisme … Ce socialisme décrète la révolution permanente, la dictature de classe du prolétariat comme une transition nécessaire vers l’abolition des distinctions de classe en général, l’abolition de tous les rapports de production sur lesquelles reposent ces différences, pour la destruction de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rapports de production, à la subversion de toutes les idées qui résultent de ces relations sociales « .

L’idée de la dictature du prolétariat a reçu un puissant développement après que la Commune de Paris l’ait incarnée (quoique pour un temps très court) dans la pratique quotidienne. Dans « La guerre civile en France, » Marx a dit: « La domination politique des producteurs ne peut coexister avec la perpétuation de l’esclavage social. La commune a donc dû servir d’instrument du renversement des fondements économiques sur lesquels reposait l’existence même des classes, et, par conséquent, la domination de classe … La commune voulait détruire la propriété de la classe qui transforme le travail de beaucoup dans la richesse de quelques-uns. Elle voulait exproprier les expropriateurs « .

Quatre ans après cette expérimentation du prolétariat, Marx, sur la base de cette expérience, a formulé dans la « Critique du programme de Gotha » , la loi la plus importante de la révolution socialiste:
« Entre la société capitaliste et la société communiste se place une période de transformation révolutionnaire de l’un dans l’autre. A cette période correspond aussi une période de transition politique, et l’Etat de cette période ne peut être rien d’autre que la dictature révolutionnaire du prolétariat. »

Sous le signe de la dictature du prolétariat

La dictature du prolétariat n’est pas un système fossilisé, mais en constante évolution. Et même ses définitions classiques sont souvent inapplicables dans une situation réelle. En 1906, après avoir étudié l’expérience de la Commune de Paris, Lénine écrivait: « Le concept scientifique de dictature ne signifie rien d’autre qu’un pouvoir illimité, sans lois, sans règles absolues, reposant directement sur la violence. Le concept de «dictature» ne signifie rien d’autre que cela. Cette définition est parfaite pour la phase initiale de la révolution, lorsque l’Etat prolétarien en est à ses débuts, quand la bourgeoisie exerce une féroce résistance idéologique, politique et économique à la classe ouvrière qui lui a arraché le pouvoir . Lénine dans « La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky » (1918) reprend cette définition dans une forme légèrement modifiée : « La dictature est un pouvoir qui s’appuie directement sur la force et sans restriction par les lois.
La dictature révolutionnaire du prolétariat est un pouvoir remporté et conservé par la violence du prolétariat sur la bourgeoisie, un pouvoir lié par aucune loi «
.

Il ne s’ensuit pas que Lénine, en principe, rejette l’existence du droit sous le socialisme. Simplement à ce stade de collision frontale avec le capital, lorsque les travailleurs ont renversé son pouvoir, la dictature du prolétariat ne peut pas être liée à des lois quelconques : les anciennes, bourgeoises, elle les a abolies et les nouvelles n’ont pas encore été créées.

Mais cela c’est le côté formel de la dictature. Et maintenant parlons de son essence. Voyons l’article « Le Grand Commencement », où est décrit » l’héroïsme des ouvriers à l’arrière . Au sujet des «samedis communistes » (Juin 1919). On peut y lire:
« Il est naturel et inévitable que dans la première période de la révolution prolétarienne, notre tâche principale et fondamentale soit de surmonter la résistance de la bourgeoisie, de remporter la victoire sur les exploiteurs, de réprimer leur conspiration (comme la « conspiration des propriétaires d’esclaves » de Piter, à laquelle tous ont participé, des Cent-Noirs et cadets aux menchéviks et les SR y compris). Mais à côté de cette tâche apparaît inévitablement – et de plus en plus – la tâche plus importante de la construction communiste positive, la création de nouvelles relations économiques, de la nouvelle société »

Deux ans après la victoire de la Révolution d’Octobre, Lénine explique quelle est la tâche stratégique de la dictature prolétarienne :
« Le socialisme est l’abolition des classes … Et les classes restent et resteront à l’époque de la dictature du prolétariat. La dictature ne sera plus nécessaire lorsque les classes disparaitront. Elles ne disparaitront pas sans la dictature du prolétariat.
Les classes sont restées, mais chacune a muté dans l’ère de la dictature du prolétariat; leurs relations ont changé. La lutte de classe ne disparaît pas sous la dictature du prolétariat, elle prend d’autres formes. »


À cet égard, il convient de noter qu’il est logique de diviser la dictature du prolétariat en périodes, en fonction de la base sociale sur laquelle elle repose.

Sur la base de l’analyse de la première révolution russe, Lénine, dans son article «philistinisme dans un environnement révolutionnaire » (1906) conclut:
« Si la révolution peut gagner, c’est seulement grâce à une alliance entre le prolétariat et la paysannerie véritablement révolutionnaire, pas opportuniste. »

Cette position méthodologique a été concrétisée lors la détermination de la base sociale de la dictature du prolétariat au cours du renversement des classes exploiteuses et de la guerre civile. Ainsi, dans le rapport au VIII Congrès du RCP (b) Lénine a dit:
« La guerre implacable contre la bourgeoisie rurale et les koulaks a mis au premier plan le problème de l’organisation du prolétariat et du semi-prolétariat de la campagne » . A ce stade, la dictature du prolétariat était basée sur une alliance de la classe ouvrière urbaine et de la population rurale pauvre. Dans le même temps la tâche était de neutraliser les paysans moyens.

Mais dès que s’est dessiné un tournant dans la guerre civile en faveur de la victoire du pouvoir soviétique, Lénine a soulevé la question de l’élargissement de la base sociale de la dictature du prolétariat:
« La prochaine étape pour le parti, qui veut créer la base solide d’une société communiste, est de résoudre correctement la question de l’attitude à adopter envers les paysans moyens. C’est notre tâche prioritaire. Nous ne pouvions pas nous y atteler véritablement, tant que n’étaient pas garanties les bases de l’existence de la République soviétique ».

Dans la même année 1919, s’adressant aux larges masses de la paysannerie dans un discours enregistré sur un disque de phonographe, Lénine annonce le passage à une deuxième étape de la dictature du prolétariat:
«Nous devons savoir et garder en mémoire et mettre en œuvre le fait que les travailleurs communistes qui se présentent dans les villages doivent absolument rechercher des relations amicales avec les paysans moyens, que le travailleur qui n’exploite pas le travail des autres est l’ami de l’ouvrier et que l’on peut et l’on doit conclure avec lui une alliance solide, sincère, reposant sur le bon vouloir des uns et des autres » .
Cette transition vers la deuxième phase de la dictature du prolétariat a eu lieu avec l’introduction de la nouvelle politique économique, dont un point important était le passage du prélèvement de l’excédent de la vente, à l’impôt en nature. La base économique de l’union de la classe ouvrière avec toute la paysannerie laborieuse devenait l’échange marchand de leur production.

L’élargissement de la base sociale de la dictature du prolétariat a contribué à renforcer la lutte avec le reste des classes exploiteuses. Dans un discours à la conférence des marxistes agrariens le 27 décembre 1929 Staline a dit: « La caractéristique du travail de notre parti dans la dernière année est que nous, en tant que parti, en tant que pouvoir soviétique:

1. a) avons lancé une offensive sur tous les fronts contre les éléments capitalistes de la campagne… Cela signifie que d’une politique de limitation des tendances exploiteuses des koulaks nous sommes passés à une politique de liquidation des koulaks en tant que classe «
. Sans cette étape, il était impossible de réaliser une composante majeure de la révolution socialiste – la collectivisation de la paysannerie.

La vie a confirmé la justesse de la ligne du Parti bolchevik consistant à élargir la base sociale de la dictature du prolétariat. En outre, ce processus peut être considéré comme l’une des lois de la construction socialiste. Néanmoins, Staline a dit: « Bien sûr, la classe ouvrière et la paysannerie collective constituent toujours deux classes différentes qui se distinguent l’une de l’autre par leur position. » Leurs différences économiques il les voyait principalement dans la nature marchande de leurs relations et le rôle important du lopin individuel dans la vie des paysans.

Les leçons de la contre-révolution

Pourquoi il ne fallait pas renoncer à la dictature de la classe ouvrière dans les dernières étapes de la construction socialiste? En théorie, cette question a été traitée à plusieurs reprises par Marx, Engels, Lénine. Ainsi, Lénine répétait après Marx:
« la dictature du prolétariat est absolument indispensable lors de la transition du capitalisme au socialisme. »
Dans un discours au III Congrès de l’Internationale communiste, il revint à cette idée:
« Tant qu’il y a des classes , tant que la bourgeoisie, renversée dans un pays, décuple ses attaques sur le socialisme à l’échelle internationale, la dictature du prolétariat demeure nécessaire. »

Il convient également de garder à l’esprit que légiférer l’élimination de la propriété privée ne signifie pas que la dictature du prolétariat soit devenue obsolète. Ce qu’a confirmé malheureusement la tragédie d’août 1991.

Mais les succès de la construction socialiste ont donné lieu à un certain triomphalisme dans le Parti et dans la société. Prenant souvent nos désirs pour des réalités, nous fermions les yeux sur le travail au noir, dans le bâtiment, le transport et chez d’autres exécuteurs privés (illégaux) de commandes individuelles qui utilisaient pour leur profit égoïste les moyens de production appartenant au public (propriété nationale ou coopérative).
Donc, l’URSS reproduisait petit à petit un système de circulation privé de marchandises. Nous enterrions nos têtes dans le sable, quand nous entendions parler de l’économie « de l’ombre », qui comprenait même des entreprises industrielles « clandestines » faisant de la production en série. Ainsi renaissait en URSS un véritable système de production privée.

Le renoncement à la dictature du prolétariat au XXIIe Congrès du PCUS fut une étape (consciemment ou inconsciemment) pour créer les conditions préalables à la restauration du capitalisme dans le pays. Sous Gorbatchev cette ligne est devenue une politique délibérée, conduisant à la contre-révolution bourgeoise.

Il est significatif que la grande majorité des travailleurs élus délégués au XXVIII Congrès du PCUS se sont prononcés résolument contre cette ligne. L’instinct de classe leur dictait la vérité de Lénine:
« La dictature du prolétariat n’est pas la fin de la lutte des classes, mais sa continuation sous de nouvelles formes. La dictature du prolétariat est la lutte de classe du prolétariat vainqueur qui a pris le pouvoir politique entre ses mains contre la bourgeoisie vaincue mais pas détruite, pas disparue, et qui n’a pas cessé sa résistance « .
En outre, les délégués-travailleurs ont exigé que le travail du Comité central dirigé par Gorbatchev soit déclaré insatisfaisant –pour opportunisme, pour non-conformité aux décisions du XXVII Congrès du PCUS.

Dans le même temps, nous devons reconnaître que cette protestation n’a été appuyée par aucune action concrète. Donc, pour la deuxième fois (la première – au moment de la Commune de Paris) en raison de l’incohérence et de l’apostasie des dirigeants et de l’indécision et de la passivité de la classe ouvrière, la contre-révolution bourgeoise a triomphé. La perspective de l’humanité de suivre la grande route du développement socialiste a été différée. Mais elle a été retardée et non annulée. Et quand les communistes d’aujourd’hui, défaits, mais pas vaincus, auront profondément assimilé les leçons de la lutte révolutionnaire russe et mondiale, le drapeau rouge de la Commune et de la Grande Révolution d’Octobre flottera à nouveau victorieux sur notre pays.

Traduction Marianne Dunlop pour histoireetsociete 18/03/2016


Edité le 24-03-2016 à 19:00:29 par Xuan