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 le Coran et les classes

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Xuan
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   Posté le 18-04-2014 à 23:32:51   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

L'ouvrage de Fatna Aït Sabbah 'La femme dans l'inconscient musulman' ne concerne pas la lutte des classes mais les rapports entre hommes et femmes selon différents aspects de la culture arabe : le Coran, le discours soufi sur l'amour, les récits merveilleux, la poésie amoureuse, la littérature religieuse courtoise. Ce livre examine sous différents côtés la place de la femme dans la société islamique et mérite une lecture attentive de ce point de vue.

Un passage concerne les rapports inégalitaires d'une façon générale entre les hommes :


La Femme dans l'inconscient musulman

[...] Les moyens de vivre, les nourritures excellentes et l'abondance ne sont disponibles immédiatement que parce que Dieu en a décidé ainsi. Il a créé des valeurs d'usage qui sont immédiatement utilisables par l’être humain. Dieu a créé des «vêtements chauds», animaux « montures », il fait descendre du ciel les « boissons » et c'est lui qui fait « pousser les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes de fruits » . Il a mis à la mer la chair fraîche :

Il a créé pour vous les bestiaux. Vous en retirez des vêtements chauds, d'autres avantages encore et vous vous en nourrissez.

Ils vous semblent beaux quand vous les ramenez le soir Et quand vous partez au matin.
Ils portent vos fardeaux vers une contrée que vous n'atteindriez qu'avec peine. Votre Seigneur est bon et miséricordieux.

Il a créé pour vous les chevaux, les mulets et les ânes, pour que vous les montiez et pour l'apparat.

Il crée ce que vous ne savez pas!

C'est lui qui fait descendre du ciel l'eau qui vous sert de boisson et qui fait croître les plantes dont vous nourrissez vos troupeaux.

Grâce à elle, il fait encore pousser pour vous les céréales, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes de fruits. Il y a vraiment là un Signe pour un peuple qui réfléchit!
Il a, mis à votre service la nuit, le jour, le soleil, et la lune. Les étoiles sont soumises à son ordre. Il y a vraiment là des Signes pour un peuple qui comprend!
Ce qu'il a créé pour vous sur la terre est de couleurs variées. Il y a vraiment là un Signe Pour un peuple qui réfléchit!
C'est lui qui a mis la mer à votre service pour que vous en retiriez une chair fraîche et les joyaux dont vous vous parez.
Tu vois le vaisseau fendre les vagues avec bruit pour que vous partiez à la recherche de ses bienfaits.
Peut-être serez-vous reconnaissants (1) !


Nous sommes en présence d'une économie qui est plus une économie de cueillette qu'une économie où la production de valeurs d'usage nécessite un effort, et notamment le travail. D'où l'intérêt de savoir comment ces richesses sont distribuées, puisqu'il n'y a pas d'effort il faire pour les rendre en état d'être consommables. Sont-elles accessibles à tous? Il semble que non.

Le processus de distribution des richesses est totalement à la discrétion de Dieu et en fait se confond avec son caprice :

Les clefs des deux et de la terre lui appartiennent Il dispense et mesure ses dons à qui il veut. Il connaît parfaitement toute chose (2).
Oui, ton Seigneur dispense largement ou mesure ses dons à qui il veut (3).


Mais le caprice divin obéit lui-même à un plan précis : la création de l'inégalité entre les hommes :

C'est nous qui avons réparti entre eux leur nourrissons dans la vie de ce monde.
C'est nous qui élevons de quelques degrés certains d'entre eux au-dessus des autres afin que les premiers réduisent les autres en servitude (4).


L'inégalité entre les hommes ne s'arrête pas à la vie terrestre, elle se prolonge et se projette aussi dans la vie future.

Nous attachons son destin au cou de chaque homme,
Le Jour de la Résurrection, nous lui présenterons un livre qu'il trouvera ouvert :
Considère comment nous avons préféré quelques-uns d'entre eux aux autres. Mais il y aura des degrés élevés dans la vie future et une supériorité plus grande encore (5).


Non seulement l'inégalité entre les hommes est une conséquence de la volonté divine, mais précisément parce qu'elle l'est, la déranger est blasphème. Remettre en question le rapport inégal, c'est déranger le dessein divin. Un maître qui essaierait de s'approcher de son esclave, de redistribuer avec lui ses richesses de façon à ce qu’il y ait davantage d'égalité est un être qui violerait la volonté divine et perturberait le plan divin :

Dieu a favorisé certains d'entre vous, plus que d'autres, dans la répartition de ses dons.
Que ceux qui ont été favorisés ne reversent pas ce qui leur a été accordé à leurs esclaves, au point que ceux-ci deviennent leurs égaux (6).


L'inégalité est loin d'être un hasard, ou un accident, elle est le plan et l'ordre, la remettre en cause est le désordre. Le croyant idéal est un homme incliné, prosterné, obéissant et respectant la volonté du puissant, la volonté de celui qui possède tout :
Ceux qui reviennent à Dieu,
ceux qui l'adorent,
ceux qui le louent,
ceux qui se livrent à des exercices de piété,
ceux qui s'inclinent,
ceux qui se prosternent,
ceux qui ordonnent ce qui est convenable,
ceux qui interdisent ce qui est blâmable,
ceux qui observent les lois de Dieu...
— Annonce la bonne nouvelle aux croyants (6) "-
Obéir au puissant, craindre le supérieur, s’incliner, se prosterner, voilà le comportement qui crée le bonheur et la satisfaction :

[i]« Nous entendons et nous obéissons! » Voilà ceux qui sont heureux!
Ceux qui obéissent à Dieu et à son Prophète, ceux qui redoutent Dieu et le craignent : voilà ceux qui sont heureux (7) !
Tu les vois, inclinés, prosternés, recherchant la grâce de Dieu et sa satisfaction On les reconnaît car on voit sur leurs fronts les traces de leurs prosternations (8)
.
Un homme heureux est un homme dont le corps est marqué par le geste de la prosternation, le geste de la soumission, l'inclination au supérieur. En fait , en se courbant, en se prosternant, en s'inclinant, l’homme ne fait que s’inscrire dans le mouvement cosmique qui est inclination, prosternation envers le possesseur:

N'as-tu pas vu?
C’est devant Dieu que se prosternent
ceux qui se trouvent dans les cieux
et ceux qui demeurent sur la terre :
le soleil, la lune, les étoiles,
les montagnes, les arbres, les animaux
et un grand nombre d'hommes (9).


Le rapport inégal est d'autant plus total et global que le supérieur n'a pas besoin de l'inférieur.
Dieu se Suffit à lui-même. Il n'a pas besoin des hommes. Ils ne peuvent rien lui donner. Ils sont castrés du pouvoir De réciprocité, fondement nécessaire du rapport d'égalité.
Dieu est celui qui se suffit à lui-même et vous êtes pauvres (10).
Ô vous, les hommes! Vous êtes des pauvres devant Dieu. Dieu est celui qui se suffit à soi-même; il est digne de louanges (11) ![/i]

La nature de l'échange entre le maître, Dieu, et le Serviteur, le croyant, est détaillée, précisée et ne souffre pas d’ambiguïté, car toute ambiguïté risque de mener à une lecture défectueuse de la volonté divine.

________________


(1) SourateXVI, «Les abeilles», versets 5 à 14.
(2) Sourate XLII, « La délibération », verset 12.
(3) Sourate XVII, « Le voyage nocturne », verset 30.
(4) Sourate XLIII, « L'ornement », verset 32.
(5) Sourate XVII, « Le voyage nocturne », v .'.13 et 21 Sourate XVI, « Les abeilles », verset 71.
(6) Sourate IX, «L'immunité», verset 112.
(7) Sourate XXIV, «La lumière», versets 51 et 52.
(8) Sourate XLVIII, « La victoire », verset 29.
(9) Sourate XXII, « Le pèlerinage », verset 18.
(10) Sourate XLVII, « Muhammad », verset 38.
(11) Sourate XXXV, « Le créateur », verset 15.




Fatna Aït Sabbah


Edité le 18-04-2014 à 23:39:07 par Xuan




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contrairement à une opinion répandue, le soleil brille aussi la nuit
Lichtenthal
Nihil Habeo, Nihil Curo
Jeune Communiste
50 messages postés
   Posté le 19-04-2014 à 00:52:52   Voir le profil de Lichtenthal (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Lichtenthal   

"Un homme heureux est un homme dont le corps est marqué par le geste de la prosternation" est-il dit ici.

C'est particulièrement vrai, puisque dans de nombreux pays arabes, les dévots et les bigots revendiquent comme preuve de leur religiosité et de leur piété la marque plus sombre sur leur front, en tirant une autorité morale et sociale.

Certains vont même jusqu'à se scarifier le front pour avoir artificiellement cette trace...

On peut en voir de nombreux exemples en Egypte (pratique courante chez les frères musulmans.

En fait, cette trace est, selon les textes, censée apparaître à force d'appuyer son front contre le sol lors des prières (durant laquelle le musulman s'incline).

Hors, je connais nombre de musulmans assez âgés (mon grand-père, par exemple) qui ont prié toute leur vie et qui n'ont aucunement cette trace.

C'est pourquoi j'ai l'impression que cette histoire n'est qu'une mystification supplémentaire issue du Coran (une énième) pour permettre à quelques leaders religieux d'asseoir davantage leur puissance sociale.

Le comportement des soumis dans cette situation me rappelle fortement le "Discours de la Servitude Volontaire" de La Boétie, où certains tyrans usent de tels artifices pour tromper ceux qu'ils dominent.

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Xuan
Grand classique (ou très bavard)
18356 messages postés
   Posté le 22-04-2014 à 23:29:07   Voir le profil de Xuan (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Xuan   

Pour alimenter le sujet, un article du site de Michel Collon, que m'a transmis Gilbert Remond.
Sans faire d'amalgame, il existe des courants progressistes dans toutes les religions. Ceci dit la conception marxiste du monde est matérialiste et dialectique et s'oppose donc à la fois à l'idéalisme et à la métaphysique. Elle est athée.
Le marxisme s'oppose aux religions parce que leurs idéologues et leurs principes moraux ont servi les classes dominantes, en appelant le peuple à se soumettre à Dieu et à l'aristocratie féodale, et en préconisant la collaboration de classe par la charité chrétienne ou la zakat musulmane.

Certains religieux adoptent une position politique critique contre les classes dominantes, contre le fascisme, contre le colonialisme, et il est légitime de les soutenir.
Mais le progressisme religieux n'est pas le marxisme.

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Turquie, au nom de Marx et du Coran -

Samim Akgönül
10/02/2014



Peut-on être marxiste et musulman ? Oui, disent les membres du mouvement Anti-Kapitalist Müslümanlar (Musulmans anticapitalistes) qui voient dans l’islam l’un des piliers de leur engagement. En son nom, ils s’opposent au Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

La question est ancienne dans la chrétienté : le Christ et les apôtres possédaient-ils des biens en propre ? Dans son roman Le nom de la Rose, Umberto Eco va jusqu’à mettre en scène des moines débattant pour savoir si Jésus était propriétaire de la tunique qu’il portait au moment de sa crucifixion. Cette question peut sembler saugrenue, mais elle exprime le fossé entre deux visions d’organisation de la société : celle d’individus plus ou moins libres interagissant, et celle d’une collectivité où l’individu ne peut exister qu’en faisant partie d’un groupe. Toutes les religions, toutes les idéologies se fondent certes sur une idée de collectivité. À l’épitre aux Galates, 3:28, de Paul de Tarse :
« Il n’y a plus ni juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus Christ »
répond la sourate 7 Al-Araf, verset 158 :
Dis : « Ô hommes ! Je suis pour vous tous le Messager d’Allah, à Qui appartient la royauté des cieux et de la terre"

Les biens appartiennent à tous

Ce caractère collectif des biens de ce monde avait été peu souligné dans l’islam populaire turc. Ce dernier a été relégué au second plan depuis la fondation de la République en 1923, voire opprimé car considéré comme symbole de l’arriération. Il a été remplacé par un islam normatif centralisé et surtout nationalisé, transformé en outil de construction nationale sous contrôle strict de l’État.
Or depuis que l’islam politique est au pouvoir, et surtout depuis l’émergence d’une génération de musulmans intellectuels urbains, l’islam politique perd son caractère monolithique. Il abrite plusieurs tendances opposées. Un des exemples les plus surprenants de cette multiplicité des facettes de l’islamité politisée est l’émergence d’un groupe de jeunes musulmans qui s’opposent violemment au parti au pouvoir, le Parti pour la justice et le développement (AKP), principal représentant de l’islam politique en Turquie. Ces musulmans anticapitalistes reprochent au pouvoir islamiste d’être plus capitaliste… qu’islamiste.

Anti-Kapitalist Müslümanlar s’organise autour de la figure d’Ïhsan Eliaçik, un intellectuel iconoclaste qui a consacré sa vie à la nécessaire « renaissance islamique ». Devenu écrivain et éditeur après l’abandon de ses études de théologie, il a rédigé une vingtaine de livres sur l’idée d’un islam social et solidaire. Et sa maison d’édition Insa Kültürevi (« Maison culturelle de construction »), installée dans un des quartiers les plus « islamistes » d’Istanbul, Fatih, est devenue la plateforme intellectuelle de l’« islam révolutionnaire », le titre d’un des ouvrages d’Eliaçik.

Les musulmans anticapitalistes sont souvent des jeunes issus des couches populaires, politisés à l’université, familiarisés avec les idées marxistes mais qui continuent à se définir comme musulmans. La conciliation entre une appartenance marxiste et une appartenance musulmane convaincue se fait à travers un certain nombre de principes islamiques interprétés comme fondements d’une position solidaire, sociale, socialiste et surtout anticapitaliste.
Comme sources, deux piliers : le Coran et Le Capital. Par exemple, le verset 39 de la sourate An-Najm, (« l’étoile » ) : « Et en vérité, l’homme n’obtient que [le fruit] de ses efforts » est interprété comme un verset favorable aux prolétaires. Ou encore , le verset 7 de la sourate 59 Al-Hasr (l’Exode) : « les biens des habitants des cités, qu’Allah a accordés sans combat à Son Messager, appartiennent à Allah, au Messager, aux proches parents, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur en détresse, afin que cela ne circule pas parmi les seuls riches d’entre vous … est, selon les musulmans anticapitalistes, la preuve de la nécessité du partage.

Un mouvement de gauche multiculturaliste

Ce groupe ne s’oppose pas seulement au capitalisme de l’AKP. Il rejoint sur bien des points les autres mouvements politiques de la gauche socialiste et/ou libérale. Sa présence dans le mouvement de Gezi de juin 2013 avait été remarquée, surtout lorsqu’ils ont prié pendant la prière de vendredi au milieu de la « commune de Gezi » où lorsqu’ils ont organisé « des ruptures de jeûne du Monde » (Yeryüzü iftari), en pleine rue, très populaires, face au faste des ruptures de jeûne des politiques et de la haute bourgeoisie.

Les musulmans anticapitalistes sont également multiculturalistes, à l’inverse des nationalistes turcs. Ils et elles défendent une Turquie diverse, en s’appuyant sur la sourate 30 Ar-Rum (Les Romains), verset 22 :
« Et parmi Ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. »

Parallèlement, ils optent pour une solution pacifique de la question kurde, la question principale de la société turque depuis la fondation de la République.

Enfin, une particularité notable des musulmans anticapitaliste, par rapport à d’autres mouvements issus de la mouvance islamiste, est leur approche humaniste des questions de genre et de sexualité. Ils apportent notamment un soutien — certes timide et indirect — aux droits des femmes et des LGBT (Lesbiennes gay bi transexuels). Par exemple, en 2013, lors du procès des assassins d’un jeune homosexuel à Diyarbakir par son père et ses deux oncles en février 2012, les Musulmans anticapitalistes ont déclaré publiquement leur soutien, car selon le Coran « assassiner une personne est assassiner tout l’humanité » et le « système capitaliste crée des oppresseurs qui excluent toute différence, y compris les tendances sexuelles » .

Ainsi, bien que ce groupe reste marginal en nombre de militants, son attitude est loin d’être folklorique. Il s’agit d’un questionnement à la fois interne au monde musulman, mais aussi global, qui s’inscrit dans une critique sociétale dépassant largement la question religieuse.

Samim Akgönül

Historien et politologue, enseignant-chercheur à l’université de Strasbourg (département d’études turques et Institut des relations internationales) et au CNRS. Il travaille plus particulièrement sur l’histoire contemporaine, la politique, les minorités et les migrations turques. Il vient de publier The Minority Concept in the Turkish Context, Practices and Perceptions in Turkey, Greece and France , Leiden, Brill, 2013.

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