Sujet :

C'est la Commune !

Xuan
   Posté le 18-03-2007 à 19:41:19   

le 18 mars c'est l'anniversaire de la Commune de Paris



"Le 17 mars 1871, Thiers et son gouvernement, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, envoient la troupe au cours de la nuit s'emparer des canons de la butte Montmartre. Ce même jour, Thiers prend soin de faire arrêter Auguste Blanqui (républicain révolutionnaire insurectionnaliste surnommé « l'Enfermé » parce qu'il avait passé plus de la moitié de sa vie dans les prisons des rois et de l'empereur) qui se reposait chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). De là, il le fait transférer en Bretagne, sous surveillance militaire, avec ordre de tirer en cas d'évasion.

Le 18 mars, à Montmartre, au matin, le peuple parisien s'oppose à la troupe venue chercher les canons, puis, rapidement, celle-ci fraternise avec lui. Un peu partout dans Paris la population s'en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et fraternise avec la troupe. Deux généraux, Claude Martin Lecomte qui avait donné ordre de tirer sur la foule et Clément Thomas (responsable de massacres en juin 1848), sont fusillés rue des Rosiers (en partie rue du Chevalier de la Barre actuelle). C'est le début de l'insurrection. Thiers gagne Versailles, environ 100 000 parisiens, surtout provenant des quartiers chics de l'ouest parisien et des fonctionnaires, l'y suivent."
[extrait de Wikipedia]

Saluons la première expérience de la dictature du prolétariat.
KGB Shpion
   Posté le 18-03-2007 à 19:49:16   

Je vous conseille, à ce propos, de voir le film (muet) soviétique "Novyy Vavilon" (la Nouvelle Babylone) (de Grigori Koznitsev) (1929) ayant comme sujet la Commune de Paris.
Une pure merveille que j'ai vue récemment.
Xuan
   Posté le 19-03-2007 à 13:25:15   

quelques réalisations de la Commune de Paris :

"La Commune va administrer Paris jusqu'au 20 mai. Son action législatrice est considérable, de nombreuses mesures sont prises et appliquées à Paris pendant les 70 jours qu'elle dura. La plupart furent abolies après la destruction de la Commune. Sont décrétées des mesures d'avant-garde que la république n'a repris que plusieurs décennies plus tard.

Le Conseil de la la Commune, commence par régler les questions qui sont à l'origine du soulèvement du 18 mars .
Le 29 mars, un décret remet les loyers non payés d'octobre 1870 à avril 1871; la vente des objets déposés au Mont-de-piété est suspendue.
Le 12 avril, les poursuites concernant les échéances non payées sont suspendues, le 16 avril un délai de trois ans est accordé pour régler les dettes et les échéances.
Le 6 mai, le dégagement gratuit des dépôts, faits au Mont-de-piété, inférieurs à 6 francs est permis.
La solidarité est également organisée.
Une pension est versée aux blessés, aux veuves (600 francs) et aux orphelins (365 francs) des gardes nationaux tués au combat (8 et 10 avril).
Le 25 avril un décret réquisitionne les logements vacants au profit des sinistrés des bombardements allemands et versaillais.
Des orphelinats sont créés avec l'aide en fourniture des familles parisiennes.
La question du ravitaillement est moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Allemands. Sauf le pain qui est taxé, les autres aliments se trouvent suffisamment grâce aux stocks accumulés après le siège, aux arrivages des terres agricoles et jardins compris entre les fortifications et les lignes allemandes. Pourtant, par sa circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale.
Des ventes publiques de pommes de terre, des boucheries municipales sont créées (22 avril) pour alléger le budget des familles (à l'époque essentiellement constitué du poste alimentation).
Des cantines municipales, des distributions de repas (comme les Marmites de Varlin) fonctionnent, des bons de pain sont distribués.

La Commune prend quelques mesures symboliques : le drapeau rouge est adopté le 28 mars, et le calendrier républicain (an 79 de la République) est de nouveau en vigueur.
La destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial, est décrétée le 12 avril et réalisée le 16 mai.
La confiscation des biens de Thiers et la destruction de son hôtel particulier à Paris sont décidées (Thiers se fera rembourser plus d'un million de francs).

La liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité Central de la garde nationale.
Les journaux anti-communards continuent donc de paraître à Paris, et se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d'ordre politiques de Thiers. Aussi dès le 5 avril Le Journal des Débats et La Liberté, jugés pro-versaillais sont interdits. Le 12 ce sera Le Moniteur Universel. La presse pro-versaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale, rappelle que la "déclaration préalable" reste en vigueur pour la presse. Dès le 18 avril la Commune menace d'interdiction les journaux qui" sont favorables aux intérêts de l'armée ennemie" et qui continuent tout de même de paraître. C'est surtout en mai que la lutte contre la presse pro-versaillaise prend de la vigueur, le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux et le 18 mai, 9 autres. Il est bien évident que la presse parisienne pro-communarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers.

La Commune doit faire face à l'absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou qui restent chez eux comme ce dernier leur ordonne. Il s'agit aussi de changer l'état d'esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire.
La Commune décide l'élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l'enseignement), le traitement maximum sera de 6 000 francs annuels (l'équivalent du salaire d'un ouvrier) (2 avril) et le cumul est interdit (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel.

Le Conseil de la Commune, issu d'un mouvement populaire, se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires .
Le 20 avril, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et affichage de la sanction dans les boutiques.
Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) et prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire: deux ateliers fonctionneront ainsi pour la fabrication d'armes (la journée de travail y est de 10 heures et l'encadrement est élu par les salariés).
Pour lutter contre une pratique patronale très répandue, la Commune interdit les amendes et retenues sur salaires dans les administrations publiques et les entreprises privées (28 avril).
Pour lutter contre le dumping salarial dans les appels d'offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum.
Les bureaux de placement de la main d'œuvre, entreprises privées très florissantes sous l'Empire, monopoles agissant bien souvent comme des "négriers", sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux (20 avril).

La plupart des professionnels de la justice ayant disparu, il faut pourvoir à tous les postes (il n'y a plus que deux notaires en activité dans Paris). Il y a beaucoup de projets mais faute de temps peu seront mis en application.
Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit.
Le mariage libre par consentement mutuel est décidé (16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes); les actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) sont gratuits.
Pour tempérer l'activité répressive de Rigault (à la Sûreté générale) il est décidé une sorte d'Habeas Corpus : les suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté, doivent avoir une instruction immédiate de leur affaire (8 avril) ; les perquisitions et les réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d'inscrire le motif de l'arrestation sur les registres d'écrous (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril).

Dans l'enseignement , le personnel de l'administration centrale est réfugié à Versailles, les écoles privées congréganistes, nombreuses car favorisées par la loi Falloux de 1850, sont vidées de leurs élèves ( plus de la moitié environ des 160 000 enfants parisiens scolarisés dans le primaire) depuis le décret du 2 avril "séparant l'Eglise de l'Etat". Les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés.
Edouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l'uniformisation de la formation primaire et professionnelle.
Deux écoles professionnelles (une de garçons et une de filles) sont ouvertes.
L'enseignement est laïcisé: l'enseignement confessionnel est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe.
Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l'enseignement des filles.
Quelques municipalités d'arrondissement, celle du XX° en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l'enseignement primaire, rendent l'école gratuite et laïque.
Notons que le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aide-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Dans le domaine des cultes , la Commune rompt avec le Concordat de 1802 qui faisait du catholicisme "la religion de la majorité des Français" et des curés et évêques des fonctionnaires. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l'Église (catholique) et de l'État, la suppression du budget des cultes, la sécularisation des biens des congrégations religieuses. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames Blanches et d'Arcueil sont inquiétés ou arrêtés. Les églises de Saint-Laurent et de Notre-Dame des Victoires sont perquisitionnées. L'archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage le 2 avril. La demande d'échange avec Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement Thiers, est repoussée le 12 avril puis le 14 mai par Adolphe Thiers."
Xuan
   Posté le 20-03-2007 à 13:03:22   

La Commune et l’élection des étrangers


Les travailleurs étrangers sont nombreux à participer à la Commune : Belges, Luxembourgeois, Garibaldiens et d’autres révolutionnaires demandeurs d’asile.
Plusieurs d’entre eux occupent une place dirigeante.
Léo Frankel, juif hongrois et ouvrier bijoutier siège au Conseil général de la Commune. La commission des élections, le 30 mars 1871, valide ainsi son élection : " Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent [...], la commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l’admission du citoyen Frankel.. "
Léo Frankel est promu ministre du Travail et inspire toute l’œuvre sociale de la Commune.
Dombrowski et Wrobleski, généraux polonais, assument des commandements militaires.
Elisabeth Dmitrieff dirige l’Union des Femmes..
Xuan
   Posté le 20-03-2007 à 13:12:46   

La Commune et la libération des femmes :



[Extrait du site http://lacomune.club.fr/pages/parent.html ]:
Constituant vital de cette démocratie directe, les femmes. Elles sont sur le devant de la scène depuis le 18 mars (Louise Michel à Montmartre).
Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : " J’ai vu trois révolutions, et, pour la première fois j’ai vu les femmes s’en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette révolution est précisément la leur et qu’en la défendant, ils défendent leur propre avenir. "
Est alors créé le premier mouvement féminin de masse, l’Union des Femmes, qu’animent Elisabeth Dmitrieff, aristocrate révolutionnaire russe de 20 ans, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse.
Après des siècles de phallocratie, balayant son dernier avatar en date, le proudhonisme (adepte de la femme au foyer), dont plusieurs de ses membres pourtant se réclament, la Commune ouvre une brèche vers la libération des femmes.
Les projets d’instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise de l’Eglise, considérée comme l’âme de la contre-révolution.
Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal , et créent de nombreux ateliers autogérés.
Dans quelques quartiers les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale.
En cette époque où règne, étouffant, " l’ordre moral ", la Commune officialise l’union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale.
Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de " l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines. "
Durant la Semaine sanglante, les femmes combattent sur les barricades, à l’image de Jeanne-Marie que glorifie Arthur Rimbaud, et de Louise, l’infirmière de la Fontaine-au-Roi, à qui J. B. Clément dédie Le Temps des Cerises.
Ce rôle pionnier des Communards suscite la haine des Versaillais, qui forgent le mythe des " pétroleuses ". Et Alexandre Dumas fils, auteur de La Dame aux Camélias, ose écrire : " Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour toutes les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. "

Xuan
   Posté le 21-03-2007 à 13:30:42   

je poursuis avec quelques textes tirés de "la guerre civile en France" :


" Dans sa préface à la traduction russe des Lettres à Kugelmann, de Marx, Lénine écrivait à ce sujet:

Marx, en septembre 1870, six mois avant la Commune, avait directement averti les ouvriers français : l'insurrection sera une folie, déclara-t-il dans la fameuse Adresse de l'Internationale, Il dénonça d'avance les illusions nationalistes sur la possibilité d'un mouvement dans l'esprit de 1792...

... Mais quand les masses se soulèvent, Marx voulut marcher avec elles, s'instruire en même temps qu'elles dans la lutte, et non pas seulement donner des leçons bureaucratiques. Il comprend que toute tentative d'escompter d'avance, avec une précision parfaite, les chances de la lutte serait du charlatanisme vu du pédantisme incurable. Il met au-dessus de tout le fait que la classe ouvrière, héroïquement, avec abnégation et initiative, élabore l'histoire du monde. Marx considérait l'histoire du point de vue de ceux qui la créent sans avoir la possibilité d'escompter, infailliblement, à l'avance, les chances de succès et non du point de vue de l'intellectuel petit-bourgeois, qui vient faire de la morale : « Il aurait été facile de prévoir... on n'aurait pas dû se risquer... ».

Lénine écrit également:

Marx savait voir aussi qu'à certains moments de l'histoire, une lutte désespérée des masses même pour une cause perdue d'avance, est indispensable pour l'éducation ultérieure de ces masses elles-mêmes, pour les préparer à la lutte future. (LÉNINE, Oeuvres complètes, édit. française, tome X, page 488.)
"

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"Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels», les possédants, et, dans des circonstances d'une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, con¬sciencieusement et efficacement (et l'accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l'instruc¬tion publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l'Hôtel de Ville. "
[...]

"Le 22 mars, un cortège séditieux de messieurs « du beau monde » quitta les quartiers élégants avec dans ses rangs tous les « petits crevés » et à sa tête les familiers notoires de l'Empire, les Hockeren, les Coëtlogon, les Henry de Pène, etc. Sous le lâche prétexte d'une manifestation pacifique, mais portant en secret des armes meurtrières, cette bande se forma en ordre de marche, maltraita et désarma les sentinelles et les patrouilles de la garde nationale qu'elle rencontra sur son passage, et, débouchant de la rue de la Paix sur la place Vendôme aux cris de : « A bas le Comité central! A bas les assassins! Vive l’Assemblée nationale ! », elle tenta de forcer les postes de garde en faction et d'enlever par surprise le quartier général de la garde nationale, qu'ils protégeaient. En réponse aux coups de revolver de la bande, les sommations régulières furent faites, et, comme elles se montraient sans effet, le général de la garde nationale commanda le feu. Une seule salve dispersa, en une fuite éperdue, les stupides freluquets qui espéraient que la simple exhibition de leur « honorable société » aurait le même effet sur la révolution de Paris que les trompettes de Josué sur les murs de Jéricho. Les fuyards laissaient derrière eux deux gardes nationaux tués, neuf grièvement blessés (parmi lesquels un membre du Comité central), et tout le théâtre de leurs exploits jonché de revolvers, de poignards et de cannes-épées, qui prouvaient bien le caractère « pacifique» de leur manifestation « sans armes »."
Xuan
   Posté le 21-03-2007 à 22:41:27   

Parmi les leçons à tirer de cette expérience, celle-ci qui a trait au renversement de l'Etat bourgeois va directement à l'encontre des théories révisionnistes sur la possibilité de "prendre" tel quel l'Etat bourgeois et le faire fonctionner "au service des gens" :


[extrait de "la guerre civile en France"]:
« À l'aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : Vive la Commune! Qu'est-ce donc que la Commune, ce sphinx qui met l'entendement bourgeois à si dure épreuve ?


Les prolétaires de la capitale, disait le Comité central dans son manifeste du 18 mars, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l'heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques... Le prolétariat... a compris qu'il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d'en assurer le triomphe en s'emparant du pouvoir.


Mais la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte . […]


L'antithèse directe de l'Empire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n'exprimait guère qu'une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette république.

Paris, siège central de l'ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers. et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l'empire. Paris pouvait seulement résister parce que, du fait du siège, il s'était débarrassé de l'armée et l'avait remplacée par une garde nationale, dont la masse était constituée par des ouvriers. C'est cet état de fait qu'il s'agissait maintenant de transformer en une institution durable. Le premier décret de la Commune fut donc la suppression de l'armée permanente, et son remplacement par le peuple en armes.


La Commune fut composée des conseillers municipaux, élus au Suffrage universel dans les divers arrondissements de la ville. Ils étaient responsables et révocables à tout moment. La majorité de ses membres était naturellement des ouvriers ou des représentants reconnus de la classe ouvrière. La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois.
Au lieu de continuer d'être l'instrument du gouvernement central, la police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune, responsable et à tout instant révocable. Il en fut de même pour les fonctionnaires de toutes les autres branches de l'administration. Depuis les membres de la Commune jusqu'au bas de l'échelle, la fonction publique devait être assurée pour un salaire d'ouvrier. Les bénéfices d'usage et les indemnités de représentation des hauts dignitaires de l'État disparurent avec ces hauts dignitaires eux-mêmes. Les services publics cessèrent d'être la propriété privée des créatures du gouvernement central. Non seulement l'administration municipale, mais toute l'initiative jusqu'alors exercée par l'État fut remise aux mains de la Commune.


Une fois abolies l'armée permanente et la police, instruments du pouvoir matériel de l'ancien gouvernement, la Commune se donna pour tâche de briser l'outil spirituel de l'oppression , le pouvoir des prêtres; elle décréta la dissolution et l'expropriation de toutes les Églises dans la mesure où elles constituaient des corps possédants. Les prêtres furent renvoyés à la calme retraite de la vie privée, pour y vivre des aumônes des fidèles, à l'instar de leurs prédécesseurs, les apôtres. La totalité des établissements d'instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l'Église et de l'État. Ainsi, non seulement l'instruction était rendue accessible à tous, mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l'avaient chargée.


Les fonctionnaires de la justice furent dépouillés de cette feinte indépendance qui n'avait servi qu'à masquer leur vile soumission à tous les gouvernements successifs auxquels, tour à tour, ils avaient prêté serment de fidélité, pour le violer ensuite. Comme le reste des fonctionnaires publics, magistrats et juges devaient être élus, responsables et révocables. »


Cette expérience fondamentale peut nous faire également réfléchir sur la thèse bourgeoise de la séparation des pouvoirs gage de démocratie, de protection des droits de l'homme contre les abus, etc.
La Commune de Paris perce à jour toute l'hypocrisie de cette pseudo indépendance et résout en une fois tous ces graves problèmes de démocratie, à la manière d'Alexandre tranchant le noeud gordien.

Message édité le 22-03-2007 à 12:04:24 par Xuan
Xuan
   Posté le 21-03-2007 à 22:46:07   

Une autre leçon tirée par K. Marx concerne l'attitude des couches intermédiaires dans de telles périodes d'orage et nous apprend le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la lutte des classes.

"c'était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d'initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris - boutiquiers, commerçants, négociants - les riches capitalistes étant seuls exceptés. La Commune l'avait sauvée, en réglant sagement cette cause perpétuelle de différends à l'intérieur même de la classe moyenne : la question des créanciers et des débiteurs . Cette même partie de la classe moyenne avait participé à l'écrasement de l'insurrection ouvrière en juin 1848; et elle avait été sur l'heure sacrifiée sans cérémonie à ses créanciers par l'Assemblée constituante. Mais ce n'était pas là son seul motif pour se ranger aujourd'hui aux côtés de la classe ouvrière. Cette fraction de la classe moyenne sentait qu'il n'y avait plus qu'une alternative, la Commune ou l'empire, sous quelque nom qu'il pût reparaître. L'Empire l'avait ruinée économiquement par Bon gaspillage de la richesse publique, par l'escroquerie financière en grand, qu'il avait encouragée, par l'appui qu'il avait donné à la centralisation artificiellement accélérée du capital, et à l'expropriation corrélative d'une grande partie de cette classe. Il l'avait supprimée politiquement, il l'avait scandalisée moralement par ses orgies, il avait insulté à son voltairianisme en remettant l'éducation de ses enfants aux frères ignorantins, il avait révolté son sentiment national de Français en la précipitant tête baissée dans une guerre qui ne laissait qu'une seule compensation pour les ruines qu'elle avait faites : la disparition de l’Empire. En fait, après l'exode hors de Paris de toute la haute bohème bonapartiste et capitaliste, le vrai parti de l'ordre de la classe moyenne se montra sous la forme de l' « Union républicaine » qui s'enrôla sous les couleurs de la Commune et la défendit contre les falsifications préméditées de Thiers."

Paria
   Posté le 22-03-2007 à 09:44:43   

Merci beaucoup pour tous ces éléments Xuan
Xuan
   Posté le 22-03-2007 à 22:28:25   

Pour conclure, cette lettre de K. Marx à Kugelmann tirant les leçons fondamentales de la Commune de Paris *:

"Londres, 12 avril 1871.
Cher Kugelmann,

Nous avons reçu hier la nouvelle nullement rassurante que Lafargue (sans Laura) était pour l'instant à Paris.

Dans le dernier chapitre de mon 18 Brumaire, je remarque comme tu le verras si tu le relis que la prochaine tentative de la révolution en France devra consister non plus à faire passer la machine bureaucratique et militaire en d'autres mains, comme ce fut le cas jusqu'ici, mais à la détruire. C'est la condition première de toute révolution véritablement populaire sur le continent . C'est aussi ce qu'ont tenté nos héroïques camarades de Paris. De quelle souplesse, de quelle initiative histori¬que, de quelle facul¬té de sacrifice sont doués ces Parisiens ! Affamés et ruinés pendant six mois, par la trahison intérieure plus encore que par l'ennemi, ils se soulevèrent sous les baïonnettes prussiennes comme s'il n'y avait jamais eu de guerre entre la France et l'Allemagne , comme si l'étranger n'était pas aux portes de Paris ! L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur! S'ils succombent, seul leur caractère « bon garçon » en sera cause. Il eût fallu marcher aussitôt sur Versailles après que Vinoy d'abord, et ensuite les éléments réactionnaires de la garde nationale parisienne eurent laissé le champ libre . Par scrupule de conscience, on laissa passer le moment favorable. On ne voulut pas commencer la guerre civile, comme si ce méchant avorton de Thiers ne l'avait pas déjà commencée, en tentant de désarmer Paris. Deuxième faute : le Comité central se démit trop tôt de ses fonctions pour faire place à la Commune. Encore par un trop grand scrupule « d'honneur » ! Quoi qu'il en soit, l'insurrection actuelle de Paris, même succombant devant les loups, les cochons et les sales chiens de la vieille société, est le plus glorieux exploit de notre parti depuis l'Insurrection parisienne de juin. Que l'on compare les titans. de Paris aux esclaves du Saint Empire romain-prusso-germanique, avec ses mascarades posthumes, ses relents de caserne et d'église, de féodalité, et surtout de philistin.
À propos : La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40 000 francs en août 1859. J'ai communiqué le fait à Liebknecht pour qu'il en fasse usage.
Ton KARL MARX"


Comme on peut le remarquer, les réflexions de Marx n'ont rien perdu de leur actualité, qu'il s'agisse de la question patriotique ou de la prise du pouvoir et de la destruction de l'ancien appareil d'état. Lénine en reprenait déjà l'idée fondamentale dans "l'Etat et la Révolution" , où "la guerre civile en France" est abondamment citée .

Enfin deux autres conditions ont manqué aux insurgés que Marx puis Lénine ne manquèrent pas de souligner :

* l'isolement dans lequel les Versaillais avaient enfermé Paris a empêché les paysans de prendre conscience de l'intérêt matériel qu'ils avaient à soutenir l'insurrection
"La Commune aurait délivré le paysan de l'impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l'avocat, l'huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l'aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet; elle aurait mis l'instruction par le maître d'école à la place de l'abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d'être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s'étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s'opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l'agriculture moderne et de la concurrence du mode de Culture capitaliste.[...]trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine."
[La guerre civile en France]
« Sur le continent de l'Europe en 1871, le prolétariat ne formait dans aucun pays la majorité du peuple. La révolution ne pouvait être « populaire » et entraîner véritablement la majorité dans le mouvement qu'en englobant et le prolétariat et la paysannerie. Le « peuple » était justement formé de ces deux classes. Celles-ci sont unies par le fait que la « machine bureaucratique et militaire de l'État » les opprime, les écrase, les exploite. Briser cette machine, la démolir, tel est véritablement l'intérêt du « peuple », de sa majorité, les ouvriers et la majorité des paysans, telle est la « condition première » de la libre alliance des paysans pauvres et des prolétaires ; et, sans cette alliance, pas de démocratie solide, pas de transformation socialiste possible. C'est vers cette alliance, on le sait, que la Commune de Paris se frayait la voie. Elle n'atteignit pas son but pour diverses raisons d'ordre intérieur et extérieur ». [LÉNINE : « L'État et la révolution »]

* Marx et Engels déclarèrent également :
" Dans la lutte contre les forces conjuguées des forces possédantes, le prolétariat, en tant que classe, ne peut jouer un rôle actif qu'en constituant un parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis politiques formés par les classes possédantes "
[La première Internationale]


* On parle généralement de la Commune de Paris, mais elle a existé également dans plusieurs villes de province. La révolution qui proclama la Commune à Lyon, le 22 mars, et la 23 mars à Marseille et à Saint-Étienne, fut très vite réprimée par le gouvernement de Thiers. En outre, la Commune fut proclamée à Toulouse, à Narbonne et dans quelques autres villes.

Message édité le 22-03-2007 à 23:16:47 par Xuan
Xuan
   Posté le 22-03-2007 à 23:21:58   

Xuan a écrit :

Pour conclure, cette lettre de K. Marx à Kugelmann tirant les leçons fondamentales de la Commune de Paris *:

"Londres, 12 avril 1871.
Cher Kugelmann,

Nous avons reçu hier la nouvelle nullement rassurante que Lafargue (sans Laura) était pour l'instant à Paris.

Dans le dernier chapitre de mon 18 Brumaire, je remarque comme tu le verras si tu le relis que la prochaine tentative de la révolution en France devra consister non plus à faire passer la machine bureaucratique et militaire en d'autres mains, comme ce fut le cas jusqu'ici, mais à la détruire. C'est la condition première de toute révolution véritablement populaire sur le continent . C'est aussi ce qu'ont tenté nos héroïques camarades de Paris. De quelle souplesse, de quelle initiative histori¬que, de quelle facul¬té de sacrifice sont doués ces Parisiens ! Affamés et ruinés pendant six mois, par la trahison intérieure plus encore que par l'ennemi, ils se soulevèrent sous les baïonnettes prussiennes comme s'il n'y avait jamais eu de guerre entre la France et l'Allemagne , comme si l'étranger n'était pas aux portes de Paris ! L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur! S'ils succombent, seul leur caractère « bon garçon » en sera cause. Il eût fallu marcher aussitôt sur Versailles après que Vinoy d'abord, et ensuite les éléments réactionnaires de la garde nationale parisienne eurent laissé le champ libre . Par scrupule de conscience, on laissa passer le moment favorable. On ne voulut pas commencer la guerre civile, comme si ce méchant avorton de Thiers ne l'avait pas déjà commencée, en tentant de désarmer Paris. Deuxième faute : le Comité central se démit trop tôt de ses fonctions pour faire place à la Commune. Encore par un trop grand scrupule « d'honneur » ! Quoi qu'il en soit, l'insurrection actuelle de Paris, même succombant devant les loups, les cochons et les sales chiens de la vieille société, est le plus glorieux exploit de notre parti depuis l'Insurrection parisienne de juin. Que l'on compare les titans. de Paris aux esclaves du Saint Empire romain-prusso-germanique, avec ses mascarades posthumes, ses relents de caserne et d'église, de féodalité, et surtout de philistin.
À propos : La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40 000 francs en août 1859. J'ai communiqué le fait à Liebknecht pour qu'il en fasse usage.
Ton KARL MARX"


Comme on peut le remarquer, les réflexions de Marx n'ont rien perdu de leur actualité, qu'il s'agisse de la question patriotique ou de la prise du pouvoir et de la destruction de l'ancien appareil d'état, ou encore de l'exercice de la dictature du prolétariat.
Lénine en reprend les idées fondamentales dans "l'Etat et la Révolution" , où "la guerre civile en France" est abondamment citée .

Enfin deux autres conditions ont manqué aux insurgés que Marx puis Lénine ne manquèrent pas de souligner :

* l'isolement dans lequel les Versaillais avaient enfermé Paris a empêché les paysans de prendre conscience de l'intérêt matériel qu'ils avaient à soutenir l'insurrection
"La Commune aurait délivré le paysan de l'impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l'avocat, l'huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l'aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet; elle aurait mis l'instruction par le maître d'école à la place de l'abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d'être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s'étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s'opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l'agriculture moderne et de la concurrence du mode de Culture capitaliste.[...]trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine."
[La guerre civile en France]
« Sur le continent de l'Europe en 1871, le prolétariat ne formait dans aucun pays la majorité du peuple. La révolution ne pouvait être « populaire » et entraîner véritablement la majorité dans le mouvement qu'en englobant et le prolétariat et la paysannerie. Le « peuple » était justement formé de ces deux classes. Celles-ci sont unies par le fait que la « machine bureaucratique et militaire de l'État » les opprime, les écrase, les exploite. Briser cette machine, la démolir, tel est véritablement l'intérêt du « peuple », de sa majorité, les ouvriers et la majorité des paysans, telle est la « condition première » de la libre alliance des paysans pauvres et des prolétaires ; et, sans cette alliance, pas de démocratie solide, pas de transformation socialiste possible. C'est vers cette alliance, on le sait, que la Commune de Paris se frayait la voie. Elle n'atteignit pas son but pour diverses raisons d'ordre intérieur et extérieur ». [LÉNINE : « L'État et la révolution »]

* Marx et Engels déclarèrent également :
" Dans la lutte contre les forces conjuguées des forces possédantes, le prolétariat, en tant que classe, ne peut jouer un rôle actif qu'en constituant un parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis politiques formés par les classes possédantes "
[La première Internationale]


* On parle généralement de la Commune de Paris, mais elle a existé également dans plusieurs villes de province. La révolution qui proclama la Commune à Lyon, le 22 mars, et la 23 mars à Marseille et à Saint-Étienne, fut très vite réprimée par le gouvernement de Thiers. En outre, la Commune fut proclamée à Toulouse, à Narbonne et dans quelques autres villes.

Xuan
   Posté le 22-03-2007 à 23:24:27   

Pour conclure, cette lettre de K. Marx à Kugelmann tirant les leçons fondamentales de la Commune de Paris *:

"Londres, 12 avril 1871.
Cher Kugelmann,

Nous avons reçu hier la nouvelle nullement rassurante que Lafargue (sans Laura) était pour l'instant à Paris.

Dans le dernier chapitre de mon 18 Brumaire, je remarque comme tu le verras si tu le relis que la prochaine tentative de la révolution en France devra consister non plus à faire passer la machine bureaucratique et militaire en d'autres mains, comme ce fut le cas jusqu'ici, mais à la détruire. C'est la condition première de toute révolution véritablement populaire sur le continent . C'est aussi ce qu'ont tenté nos héroïques camarades de Paris. De quelle souplesse, de quelle initiative historique, de quelle faculté de sacrifice sont doués ces Parisiens ! Affamés et ruinés pendant six mois, par la trahison intérieure plus encore que par l'ennemi, ils se soulevèrent sous les baïonnettes prussiennes comme s'il n'y avait jamais eu de guerre entre la France et l'Allemagne , comme si l'étranger n'était pas aux portes de Paris ! L'histoire ne connaît pas encore d'exemple d'une pareille grandeur! S'ils succombent, seul leur caractère « bon garçon » en sera cause. Il eût fallu marcher aussitôt sur Versailles après que Vinoy d'abord, et ensuite les éléments réactionnaires de la garde nationale parisienne eurent laissé le champ libre . Par scrupule de conscience, on laissa passer le moment favorable. On ne voulut pas commencer la guerre civile, comme si ce méchant avorton de Thiers ne l'avait pas déjà commencée, en tentant de désarmer Paris. Deuxième faute : le Comité central se démit trop tôt de ses fonctions pour faire place à la Commune. Encore par un trop grand scrupule « d'honneur » ! Quoi qu'il en soit, l'insurrection actuelle de Paris, même succombant devant les loups, les cochons et les sales chiens de la vieille société, est le plus glorieux exploit de notre parti depuis l'Insurrection parisienne de juin. Que l'on compare les titans. de Paris aux esclaves du Saint Empire romain-prusso-germanique, avec ses mascarades posthumes, ses relents de caserne et d'église, de féodalité, et surtout de philistin.
À propos : La publication officielle des noms de ceux qui ont reçu directement des subsides de la cassette de Louis Bonaparte révèle que Vogt a touché 40 000 francs en août 1859. J'ai communiqué le fait à Liebknecht pour qu'il en fasse usage.
Ton KARL MARX"


Comme on peut le remarquer, les réflexions de Marx n'ont rien perdu de leur actualité, qu'il s'agisse de la question patriotique ou de la prise du pouvoir et de la destruction de l'ancien appareil d'état. Lénine en reprenait déjà l'idée fondamentale dans "l'Etat et la Révolution" , où "la guerre civile en France" est abondamment citée .

Enfin deux autres conditions ont manqué aux insurgés que Marx puis Lénine ne manquèrent pas de souligner :

* l'isolement dans lequel les Versaillais avaient enfermé Paris a empêché les paysans de prendre conscience de l'intérêt matériel qu'ils avaient à soutenir l'insurrection
"La Commune aurait délivré le paysan de l'impôt du sang, elle lui aurait donné un gouvernement à bon marché, aurait transformé ses sangsues actuelles, le notaire, l'avocat, l'huissier, et autres vampires judiciaires, en agents communaux salariés, élus par lui et devant lui responsables. Elle l'aurait affranchi de la tyrannie du garde champêtre, du gendarme et du préfet; elle aurait mis l'instruction par le maître d'école à la place de l'abêtissement par le prêtre. Et le paysan français est, par-dessus tout, homme qui sait compter. Il aurait trouvé extrêmement raisonnable que le traitement du prêtre, au lieu d'être extorqué par le libre percepteur, ne dépendit que de la manifestation des instincts religieux des paroissiens. Tels étaient les grands bienfaits immédiats dont le gouvernement de la Commune - et celui-ci seulement - apportait la perspective à la paysannerie française. Il est donc tout à fait superflu de s'étendre ici sur les problèmes concrets plus compliqués, mais vitaux, que la Commune seule était capable et en même temps obligée de résoudre en faveur du paysan : la dette hypothécaire, qui posait comme un cauchemar sur son lopin de terre, le prolétariat rural qui grandissait chaque jour et son expropriation de cette parcelle qui s'opérait à une allure de plus en plus rapide du fait du développement même de l'agriculture moderne et de la concurrence du mode de Culture capitaliste.[...]trois mois de libre communication entre le Paris de la Commune et les provinces amèneraient un soulèvement général des paysans; de là leur hâte anxieuse à établir un cordon de police autour de Paris comme pour arrêter la propagation de la peste bovine."
[La guerre civile en France]
« Sur le continent de l'Europe en 1871, le prolétariat ne formait dans aucun pays la majorité du peuple. La révolution ne pouvait être « populaire » et entraîner véritablement la majorité dans le mouvement qu'en englobant et le prolétariat et la paysannerie. Le « peuple » était justement formé de ces deux classes. Celles-ci sont unies par le fait que la « machine bureaucratique et militaire de l'État » les opprime, les écrase, les exploite. Briser cette machine, la démolir, tel est véritablement l'intérêt du « peuple », de sa majorité, les ouvriers et la majorité des paysans, telle est la « condition première » de la libre alliance des paysans pauvres et des prolétaires ; et, sans cette alliance, pas de démocratie solide, pas de transformation socialiste possible. C'est vers cette alliance, on le sait, que la Commune de Paris se frayait la voie. Elle n'atteignit pas son but pour diverses raisons d'ordre intérieur et extérieur ». [LÉNINE : « L'État et la révolution »]

* Marx et Engels déclarèrent également :
" Dans la lutte contre les forces conjuguées des forces possédantes, le prolétariat, en tant que classe, ne peut jouer un rôle actif qu'en constituant un parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis politiques formés par les classes possédantes "
[La première Internationale]
C'est la dernière leçon, toujours actuelle que nous lègue la Commune de Paris.


* On parle généralement de la Commune de Paris, mais elle a existé également dans plusieurs villes de province. La révolution qui proclama la Commune à Lyon, le 22 mars, et la 23 mars à Marseille et à Saint-Étienne, fut très vite réprimée par le gouvernement de Thiers. En outre, la Commune fut proclamée à Toulouse, à Narbonne et dans quelques autres villes.

Message édité le 22-03-2007 à 23:25:16 par Xuan
KGB Shpion
   Posté le 23-03-2007 à 17:14:07   

Xuan a écrit :

« Sur le continent de l'Europe en 1871, le prolétariat ne formait dans aucun pays la majorité du peuple. La révolution ne pouvait être « populaire » et entraîner véritablement la majorité dans le mouvement qu'en englobant et le prolétariat et la paysannerie. Le « peuple » était justement formé de ces deux classes. Celles-ci sont unies par le fait que la « machine bureaucratique et militaire de l'État » les opprime, les écrase, les exploite. Briser cette machine, la démolir, tel est véritablement l'intérêt du « peuple », de sa majorité, les ouvriers et la majorité des paysans, telle est la « condition première » de la libre alliance des paysans pauvres et des prolétaires ; et, sans cette alliance, pas de démocratie solide, pas de transformation socialiste possible. C'est vers cette alliance, on le sait, que la Commune de Paris se frayait la voie. Elle n'atteignit pas son but pour diverses raisons d'ordre intérieur et extérieur ». [LÉNINE : « L'État et la révolution »]


Tiens, je ne me rappelle pas avoir lu ce passage. Tu es sûr que cela viens de l'Etat et la révolution ?
Xuan
   Posté le 24-03-2007 à 14:31:19   

En effet, j'ai eu un peu de mal à retrouver ce texte qui se trouve à la fin de la première partie du chapitre 3 :
CHAPITRE III : L'ETAT ET LA REVOLUTION. L'EXPERIENCE DE LA COMMUNE DE PARIS (1871). ANALYSE DE MARX

« 1. EN QUOI LA TENTATIVE DES COMMUNARDS EST-ELLE HEROIQUE ?
[...]
En 1871, le prolétariat ne formait la majorité du peuple dans aucun pays du continent européen. La révolution ne pouvait être "populaire" et entraîner véritablement la majorité dans le mouvement qu'en englobant et le prolétariat et la paysannerie. Le "peuple" était justement formé de ces deux classes. Celles-ci sont unies par le fait que la "machine bureaucratique et militaire de l'Etat" les opprime, les écrase, les exploite. Briser cette machine, la démolir, tel est véritablement l'intérêt du "peuple", de sa majorité, des ouvriers et de la majorité des paysans; telle est la "condition première" de la libre alliance des paysans pauvres et des prolétaires; et sans cette alliance, pas de démocratie solide, pas de transformation socialiste possible.
C'est vers cette alliance, on le sait, que la Commune de Paris se frayait la voie. Elle n'atteignit pas son but pour diverses raisons d'ordre intérieur et extérieur.
Ainsi donc, en parlant d'une "révolution véritablement populaire", et sans oublier le moins du monde les traits particuliers de la petite bourgeoisie (dont il a beaucoup et souvent parlé), Marx tenait compte avec la plus grande rigueur des véritables rapports de classes dans la plupart des Etats continentaux d'Europe en 1871. D'autre part, il constatait que la "démolition" de la machine de l'Etat est dictée par les intérêts des ouvriers et des paysans, qu'elle les unit et leur assigne une tâche commune : la suppression de ce "parasite" et son remplacement par quelque chose de nouveau. Par quoi précisément ?
2. PAR QUOI REMPLACER LA MACHINE D'ETAT DEMOLIE ?
A cette question Marx ne donnait encore, en 1847, dans le Manifeste communiste, qu'une réponse tout à fait abstraite, ou plutôt une réponse indiquant les problèmes, mais non les moyens de les résoudre. La remplacer par l'"organisation du prolétariat en classe dominante", par la "conquête de la démocratie", telle était la réponse du Manifeste communiste.
Sans verser dans l'utopie, Marx attendait de l'expérience du mouvement de masse la réponse à la question de savoir quelles formes concrètes prendrait cette organisation du prolétariat en tant que classe dominante, de quelle manière précise cette organisation se concilierait avec la plus entière, la plus conséquente "conquête de la démocratie".»

Le texte est légèrement différent de celui cité plus haut (La guerre civile en France produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay - sociologue canadien)
KGB Shpion
   Posté le 24-03-2007 à 14:42:48   

Merci, je l'ai retrouvé dans mon édition.
Je n'ai pas du être très attentif en lisant ce passage.
Xuan
   Posté le 18-03-2012 à 23:48:17   

INSTRUCTION GRATUITE




LES REPRESENTANTS DU PEUPLE

Xuan
   Posté le 18-03-2018 à 15:30:32   



Tout ça n'empêche pas Nicolas qu'la Commune n'est pas morte !

C'est la canaille eh bien j'en suis !

Quelle est la meilleure façon de célébrer la Commune de Paris, sinon de rappeler les enseignements de Lénine dans l 'Etat et la Révolution :

Kautsky en sera réduit à réaliser l'"unité" qu'il chérit avec les Scheidemann, les Plékhanov, les Vandervelde, tous unanimes à lutter pour un gouvernement "allant au-devant des besoins du prolétariat" .

Quant à nous, nous romprons avec ces renégats du socialisme et lutterons pour la destruction de toute la vieille machine d'Etat, afin que le prolétariat armé devienne lui-même le gouvernement. Ce sont "deux grandes différences" .

Kautsky restera dans l'agréable compagnie des Legien et des David, des Plékhanov, des Potressov, des Tsérétéli et des Tchernov, qui ne demandent pas mieux que de lutter pour un "déplacement du rapport de forces à l'intérieur du pouvoir d'Etat" , pour "l'acquisition de la majorité au Parlement et la transformation de ce dernier en maître du gouvernement" , but des plus nobles où tout peut être accepté par les opportunistes, où rien ne sort du cadre de la république bourgeoise parlementaire.

Quant à nous, nous romprons avec les opportunistes; et le prolétariat conscient sera tout entier avec nous dans la lutte, non pour un "déplacement du rapport de forces" , mais pour le renversement de la bourgeoisie, pour la destruction du parlementarisme bourgeois, pour une république démocratique du type de la Commune ou une République des Soviets des députés ouvriers et soldats, pour la dictature révolutionnaire du prolétariat .


______________________


"Nous avons déjà vu plus haut que la première étape dans la révolution ouvrière est la constitution" (littéralement : l'élévation) "du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie."
"Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'Etat, c'est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter au plus vite la quantité des forces productives" (Le Manifeste - pp. 31, 37 de la 7e édition allemande de 1906).

L'on trouve formulée ici l'une des idées les plus remarquables et les plus importantes du marxisme au sujet de l'Etat, celle de la "dictature du prolétariat" (comme devaient s'exprimer Marx et Engels après la Commune de Paris); nous y trouvons ensuite une définition de l'Etat, intéressante au plus haut point, et qui est également au nombre des "paroles oubliées" du marxisme : "L'Etat, c'est-à-dire le prolétariat organisé en classe dominante."

Cette définition de l'Etat n'a jamais été commentée dans la littérature de propagande et d'agitation qui prédomine dans les partis social-démocrates officiels. Bien plus : elle a été très précisément oubliée parce qu'elle est absolument inconciliable avec le réformisme; elle heurte de front les préjugés opportunistes habituels et les illusions petites-bourgeoises quant à l' "évolution pacifique de la démocratie" .
pzorba75
   Posté le 18-03-2018 à 16:22:34   

La Commune de 1871 a quand même eu un autre impact sur le monde et la société française que les agitations de mai 1968, préliminaires de la réaction européiste et libérale.
Xuan
   Posté le 19-03-2018 à 00:12:00   

C'était la première expérience de dictature du prolétariat, donc qualitativement différente.

Mai 68 n'a pas été dirigé par le prolétariat, fermement tenu à l'écart des "gauchistes" et cantonné aux "mille francs" par la direction révisionniste.
Ce mouvement révolutionnaire des masses, issu de grèves dures et de la lutte anti-impérialiste, ne visait pas la dictature du prolétariat mais d'abord le renversement de De Gaulle, avec l'espoir d'une société socialiste aux contours assez flous.

Ce mouvement était aussi traversé par de nombreux courants contre-révolutionnaires, dont la direction du parti révisionniste, mais aussi des courants gauchistes, anarchistes, et par la nouvelle gauche. Ce dernier courant s'est drapé de rouge pour entraîner la petite bourgeoisie, puis la classe ouvrière avec l'appui du PCF, dans le soutien à la social-démocratie.

Et la finalité a été exactement ce que tu dis. J'y ajouterai l'anticommunisme et la destruction du PCF.
pzorba75
   Posté le 19-03-2018 à 05:02:01   

Mai 68 avait été longuement préparé par les mouvements dits progressistes, genre cathos de gauche ex CFTC devenue CFDT et autres pacifistes (Paix au Vietnam, pour un compromis honorable avec les américains contre les forces communistes), le tout renouvelé par le soutien aux groupes dits "gauchistes", trotskistes, maoistes ou pro-chinois inclus sous le couvercle du caractère totalitaire et stalinien de l'URSS, des pays de l'Est de l'Europe et des militants communistes français qui étaient clairement les ennemis à abattre.
La direction du PCF, déjà dépassée par l'alliance avec les socialistes, a bien senti le risque mais n'était plus en mesure de réagir politiquement, les attaques des pro-chinois à la JP. Sartre (très grand bourgeois du 6eme) aux pro-USA hippies et libertaires à la Cohn-Bendit avaient fait mouche, les militants trotskistes (tous recyclés ensuite au Parti dit socialiste) pouvaient alors, tels les vautours picorer, sur le cadavre du PCF.
Xuan
   Posté le 19-03-2018 à 09:55:37   

Personne n'avait "préparé" mai 68. Ce fut un affrontement entre des étudiants anti-impérialistes et Occident qui déclencha l'occupation de la Sorbonne par les flics et l'arrestation des premiers.

Le courant catho de gauche et nouvelle gauche était effectivement ancien, probablement accentué lors de la guerre d'Algérie, où il s'opposa au colonialisme français, c'est un fait, mais déjà anti communiste. Voir l'étude sur le site des Editions Prolétariennes Deuxième gauche, réformisme et Lutte des classes pour les années 68 et suivantes.

Je me souviens de l'activité du "Comité Vietnam de Base" qui diffusait le Courrier du Vietnam dans mon Lycée. Il était animé par l'UJCML et soutenait le slogan "FNL vaincra!". Après mai 68 ses militants rejoignirent le PCMLF



C'est le PCF qui défendait le mot d'ordre pacifiste "paix au Vietnam", au point que son SO avait agressé un meeting organisé par les communistes marxistes-léninistes. Notre camarade André Druesne y reçut un coup de couteau au visage, tandis que le portrait d'Ho CHi Mnh était lacéré.

Sur le même site on lit :
"De 1964 à 1967, dans l'arène internationale, l'agression américaine au Vietnam devient le fait dominant. En février 1965, les yankees ont commencé à débarquer leurs troupes à Da-Nang; en décembre 1966, ils bombardent Hanoï odieusement et poursuivent l'escalade face à un peuple toujours plus uni du sud au nord, toujours plus déterminé à vaincre. La guerre du peuple fait merveille au Vietnam et tient en échec la première armée de ce temps; les patriotes élargissent les zones libérées au Sud et libèrent Da-Nang, super-base US, en juillet 67; le Nord tient bon sous l'acier, les bombes à billes et le napalm et soutient vigoureusement le Sud.

Jusqu'en 1964-1965, les révisionnistes soviétiques font la sourde oreille et n'envoient aucune arme au Vietnam. Mais la pression internationale est trop forte, il leur faut bien changer d'attitude sous peine d'être démasqués. Restent leurs calomnies sur le blocage des armes en Chine populaire, régulièrement démenties par les combattants vietnamiens. En France, même attitude des dirigeants du PCF. N'ont-ils pas appelé les travailleurs à respecter une minute de silence pour l'impérialiste Kennedy en novembre 1963 ?
L'indignation est grande dans notre peuple; en décembre 1966, comme en 1967, des dizaines de milliers de manifestants descendent dans la rue pour soutenir le Vietnam. Et, tandis que les révisionnistes font crier le mot d'ordre de démission "Paix au Vietnam", éclate de plus en plus fort et de plus en plus souvent : "FNL vaincra !", sous l'impulsion des marxistes-léninistes. Le 5 mai 1967, le Comité central du PCF envoie son service d'ordre attaquer militairement un meeting de solidarité au peuple vietnamien organisé par le MCF ; de nombreux camarades, dont André Druesne, ouvrier métallurgiste parisien, y sont blessés. Le portrait de Ho Chi Minh est mis en pièces par les révisionnistes."


Le PCMLF n'était ni antistalinien ni anti communiste. A l'inverse c'était le seul parti à défendre l'héritage de Staline et afficher son portrait dans sa presse, ses banderoles et ses affiches, aux côtés de Marx, Engels, Lénine et Mao Tsé toung.
En ce qui concerne les "maos" et "prochinois" divers et variés, il ne sont apparus qu'après mai 68.
C'était une tentative anarchisante et mâtinée socialo de récupérer la sympathie pour la révolution culturelle et détourner les jeunes et les ouvriers du PCMLF, lequel avait été interdit par le régime gaulliste juste après mai 68.

Naturellement les "maos" n'avaient rien de commun avec le marxisme-léninisme.
Pour cette raison ils avaient interprété la révolution culturelle comme un mouvement essentiellement libertaire anti-parti. Cette tendance avait existé en Chine mais Mao, Chou En lai et le PCC y mirent fin.
Lorsque la révolution culturelle fut critiquée par le PCC, ces "maos" reprirent pour la plupart leur fond de commerce anticommuniste et décrièrent la Chine encore plus fort que la droite. Ils entraînèrent ceux qui les suivaient dans le sillage de la social-démocratie, de concert avec les dirigeants révisos pour élite le cagoulard Mitterrand.

Il ne faut pas dédouaner les dirigeants du PCF. Ils avaient renié Staline et renoncé à la révolution prolétarienne pour lui substituer une Démocratie avancée . Leur ligne révisionniste est la principale responsable du gauchisme et de la vague anticommuniste, pour finalement s'aplatir complètement devant elle et ne même plus oser parler de socialisme.


Edité le 19-03-2018 à 09:57:06 par Xuan


pzorba75
   Posté le 20-03-2018 à 05:36:30   

"Leur ligne révisionniste est la principale responsable du gauchisme et de la vague anticommuniste"
Je trouve cette affirmation sans preuve tout à fait contestable. L'anticommunisme a toujours cherché à attaquer les militants communistes sur leur "gauche" et a soutenu tous les mouvements ultra minoritaires d'extrême gauche et particulièrement les trotskistes, toujours recyclés après leurs luttes au sein du parti socialiste, voire dans la haute administration (Education nationale en particulier au rôle si important avec les programmes d'histoire et les échanges d'étudiants, pro UE, pro USA et pro Allemagne) sans oublier dans les groupes de médias (S. July et Cohn Bendit à Europe1 - Lagardère Matra).
À postériori, l'extrême gauche est plus une division de la droite faisant deux fronts contre un parti communiste dont les moyens de lutte ont été affaiblis ses choix de l'union de la gauche, celle de ses ennemis de toujours.
Xuan
   Posté le 20-03-2018 à 20:53:11   

L'anticommunisme a toujours combattu le communisme par la gauche ou par la droite . Est-ce que la droite ou l'extrême droite, ou les socialos n'ont jamais combattu le communisme ?

Les dirigeants du PCF ont combattu eux-même le communisme par la droite, en dénonçant Staline ce dont la bourgeoisie s'est toujours félicitée, en donnant les clés à la social-démocratie, en la soutenant au point d'abandonner le combat révolutionnaire.
En 68 la grande masse de la jeunesse n'était ni gauchiste ni anti communiste mais elle aspirait sincèrement à renverser le pouvoir gaulliste et à transformer la société y compris par le socialisme.

Pourquoi les idéologues trotskistes, libéraux et anar ont-ils pu les entraîner de cette façon ?

Le slogan de l’UEC « paix au Vietnam » était clairement démobilisateur et rejeté par les militants de l’UEC eux-mêmes mais la direction révisionniste ne voulait pas en démordre pour elle « FNL vaincra ! » était un slogan « gauchiste ». Les faits ont démontré qu'il n'en était rien, contrairement aux "prédictions" de Marcuse, l'impérialisme US a bien été vaincu.

Lorsque les marxistes-léninistes disaient « Marx Engels, Lénine, Staline, Mao » les jeunes du PCF répondaient « Pif, Tifou, Tata, Hercule !» . Etaient-ils conscients de l'image enfantine et anti-communiste qu'ils renvoyaient d'eux-mêmes en comparant les plus grands dirigeants et théoriciens du mouvement communiste à des personnages de bande dessinée ?

La jeunesse étudiante rêvait d’un monde nouveau et le slogan révisionniste répondait « nous voulons des gommes et des crayons ! » .

La revendication du salaire à 1000F était tout-à-fait légitime, mais les aspirations populaires allaient bien au-delà et les dirigeants du PCF n’ont absolument pas tenu une position d’avant-garde. Ils ont refusé de lier les revendications économiques à une grève politique de masse et à une insurrection comme l’avait préconisé Thorez. Alors que l’immense majorité des étudiants et lycéens voulait soutenir les piquets de grève ils ont tout fait pour séparer les ouvriers des étudiants et des paysans, au prétexte de la présence de « gauchistes ».
Ainsi ils se sont eux-mêmes discrédité dans cette jeunesse.

Partout dans Paris des inconnus se parlaient, quelle société pour remplacer le capitalisme ? Et la direction du PCF échafaudait une martingale électorale avec les vieux briscards socialos.
Les trotskistes disaient « une seule solution la révolution ! » Evidemment c’était un mot d’ordre populaire. Le PCF répondait « une seule solution le programme commun ! »
Bilan : les trotskistes sont ce qu’ils ont mais l’expérience a montré que le programme commun a entraîné le PCF dans la fosse des Mariannes et qu’il n’y a pas d’autre solution qu’une révolution prolétarienne, même si les trotskistes ne la dirigeront jamais.


Edité le 20-03-2018 à 21:02:17 par Xuan


pzorba75
   Posté le 21-03-2018 à 04:42:39   

L'influence des "cathos dits de gauche" JOC, CFTC et CFDT dans l'agitation universitaire de mai 1968 est aussi très importante et mérite une étude approfondie. S'appuyant sur les premières fractures des pays de l'est,Tchécoslovaquie et Pologne, les cathos de gauche ont envahi le parti socialiste SFIO à l'époque, le PSU étant déjà une officine des religions du livre pour mener un assaut tout à fait cordonné avec les trotskistes et prochinois contre les militants de l'UEC et du PCF qui n'ont pas réagi et ont perdu leur influence dans le milieu de la jeunesse, comptant probablement s'en sortir en dégainant leurs vieilles gloires de la Résistance, genre Duclos en 1969. Le meilleur résultat fut en 1978, 10 ans ce n'est pas bien long, l'élection du pape polonais, le triomphe des cathos réactionnaires armés pour en découdre avec le monde soviétique et le faire tomber deux ou trois plus tard.
Finimore
   Posté le 21-03-2018 à 08:09:22   

Ce débat est tout à fait intéressant (comme d’autres aussi), mais en plus il touche des points essentiels d’une séquence et d’une période historique, qui doit être connue, comprise et analysée.

En effet, Xuan a tout à fait raison de rappeler l’ouvrage publié en 2016 (aux EP) Editions Prolétariennes Deuxième gauche, réformisme et Lutte des classes pour les années 68 et suivantes.

j’ai un petit problème avec ce que tu écris pzorba75, car il me semble que tu n’analyses pas correctement l’ensemble de cette période (en gros des années 60 à 2000, au contraire de l’ouvrage « Deuxième gauche : réformisme et lutte de classe ».
L’anticommunisme a pu se développer (n’oublions pas non plus le rôle de la CIA) grâce et avec l’aide de la direction révisionniste du PCF.
Le PCF est passé par plusieurs phases (processus) qui l’ont fait dégénérer progressivement vers un parti qui n’avait plus que des références formelles avec le communisme.
Quand mai 68 arrive les dés sont jetés le PCF ne veut pas et ne peut pas faire une analyse posant la question d’un processus révolutionnaire. Déjà à la libération, les forces opportunistes au sein du PCF empêchent que celui-ci s’assume comme parti révolutionnaire.
La scission du MCI en 1963 (rupture et éclatement) –départ de la Chine et de l’Albanie-, montre déjà la domination du révisionnisme au sein du parti (n’oublions pas non plus l’interview de Thorez justifiant le passage pacifique au socialisme en 1946 au Times).

Alors évidemment, il y a aussi l’amalgame gauchistes-maoistes-prochinois, qui est bien pratique pour éviter de parler du fond.
Ceci dit « Deuxième gauche : réformisme et lutte de classe » revient sur le sujet de Soljénitsyne, sur l’Afghanistan et la Pologne, et montre que même au sein des organisations marxistes-léninistes de l’époque (et même au sein des organisations trotskistes) il y avait débats et divergences (sur la nature anticommuniste et antisoviétique des campagnes médiatiques de soutien aux intégristes afghans ou à Solidarnosc payé par la CIA et l’église).